Pas touche à mes gamètes !

17/11/2011

Donner, quel mot magnifique ! Alors une campagne pour encourager le don, à l’approche de Noël, qui ne désire signer des deux mains ?
C’est une campagne encouragée par le gouvernement qu’organise la très officielle Agence de biomédecine. Elle est donc financée, par l’impôt. La cause semble sérieuse. Il s’agit, d’après les affiches, de « donner le bonheur d’être parents » à ceux qui n’y parviennent pas naturellement. Donner son sang, ses plaquettes, un rein — pourquoi pas ? C’est citoyen, utile, généreux. Mais offrir sa paternité ou sa maternité ? Est-ce si évident ? Quand, dans un couple, les techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) ne fonctionnent pas, parce que les cellules reproductrices de l’homme ou de la femme ne le permettent pas, la loi autorise de les remplacer par celles d’un « donneur anonyme » de gamètes (voire par un embryon).
Les hommes sont invités à livrer leur sperme dans des centres particuliers, les CECOS. Facile, dit-on : il suffit d’une masturbation. Pas très romantique tout de même, comme la suite d’ailleurs, soit l’insémination artificielle, soit la fécondation in vitro (à l’extérieur du corps), suivie du tri des embryons ainsi conçus dont certains sont détruits. Dans les deux cas l’intimité du couple demandeur est d’autant plus blessée que l’un ou l’autre est, de fait, privé de descendance. C’est le prix qu’on a cru devoir payer pour la joie d’enfanter un bébé tant désiré. Comme si la détresse légitimait toute transgression.
La campagne 2011 cible davantage les femmes, car, pour leurs gamètes, les ovocytes, c’est, affirme ses promoteurs la « pénurie marquée ». Il faut dire que le prélèvement n’a rien d’anodin : d’abord stimulation ovarienne, ensuite ponction sous anesthésie… Avec de réels risques pour la santé voire la fécondité future, souligne la gynécologue Pauline Tiberghien, qui travaille dans un centre d’AMP. Elle note qu’on prévoit de garder pour la donneuse une partie de ses précieux ovocytes, au cas où elle deviendrait infertile… Comme si procréer en laboratoire plutôt que par une relation sexuelle était anodin ! Outre l’anonymat du don de gamètes, le fait que les donneurs puissent ne pas être eux-mêmes parents la scandalise… Pour 800 couples annuellement, ce sont « des kilos de documentation » qui sont envoyés dans chaque centre d’AMP. Au point que le docteur Tiberghien s’interroge sur la motivation réelle d’une telle débauche de moyens. S’agit-il vraiment d’aider ces couples ou bien d’alimenter en matière première une industrie en pleine expansion, voire les laboratoires pharmaceutiques en quête des précieux ovocytes ?
La campagne est pourtant attrayante. Elle présente deux couples, qui se ressemblent étrangement, comme pour mieux faire passer l’idée que les gamètes sont interchangeables. Elle ne parle surtout pas de père ou de mère biologique… même si les analyses destinées à vérifier la filiation se nomment toujours « test de paternité » ou « de maternité » Mais on s’acharne à désincarner les donneurs. Nombre de couples cacheront à leur enfant qu’il fut ainsi conçu, sans l’apport biologique de l’un ou l’autre de ses parents. De tels secrets de famille s’avèrent délétères. L’enfant sent parfaitement qu’on lui dissimule quelque chose d’important. Il peut souffrir de ne pas ressembler à l’un ou l’autre de ses parents. Arrivés à l’âge adulte, des personnes ainsi conçues ont dénoncé cette privation de la moitié de leur histoire biologique. Qui est leur géniteur ou leur génitrice ? Aurait-il pu transmettre un risque de maladies héréditaires à surveiller ? Comment éviter de tomber amoureux d’un demi-frère ou d’une demi-sœur ? Avant que la loi ne limite le nombre d’enfants obtenus par donneur, 10 actuellement, on a fait n’importe quoi. D’un seul donneur parisien sont nés 4 320 enfants en 20 ans ! Encore aujourd’hui, certains « donneurs compulsifs » passeraient de centre en centre, ce qui leur permet d’engendrer 150 enfants. Objectif avoué : avoir le plus possible de descendants !
Gare donc à la fausse générosité. Les gamètes n’ont rien à voir avec d’autres organes. Quoi qu’en disent la loi et la morale officielle, elles devraient rester incessibles. Car livrer sa descendance à la manipulation est irresponsable.
Tout cet argent ne pourrait-il pas être utilisé pour prévenir et soigner vraiment l’infertilité, ici… ou ailleurs ? Pollution, sédentarisation, alimentation ; l’Occident se perd en conjectures pour comprendre pourquoi monte l’infertilité. Dans les pays émergents, on manque de soins de base : les moyens mis par les pouvoirs publics dans cette campagne rendraient leur fertilité à un nombre incalculable de couples.

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