Décodeur n°31 : Le Gouvernement et le Gender à l’école

Le décryptage d’Alliance VITA sur l’actualité de la loi Peillon : « Le Gouvernement et le Gender à l’école »

 

L’EVENEMENT

La loi « d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République » va repasser au Sénat, en seconde lecture, à partir du 24 juin prochain.

Parmi les mesures les plus symboliques, un amendement avait été voté à l’Assemblée nationale le 19 mars pour introduire « l’éducation à l’égalité de genre » dès l’école primaire. Cet amendement a ensuite été retiré au Sénat le 24 mai, le ministre Vincent Peillon craignant « un débat idéologique malsain qui déchaînera de mauvaises passions » (Voir ci-après).

En réalité, en dehors de tout débat de société approfondi, le Gouvernement a pris de multiples initiatives pour promouvoir ce qu’on appelle la théorie du Gender (ou théorie du genre) ces derniers mois : de la crèche à l’Université, en passant par la formation des enseignants, l’objectif est de changer les mentalités et de « déconstruire les stéréotypes de genre », au nom de l’égalité hommes-femmes et de la lutte contre les discriminations.

 

LE CHIFFRE

57% des Français se déclarent défavorables à ce que « la théorie du genre soit enseignée dans les établissements scolaires ». Tel est le résultat du sondage IFOP rendu public le 20 juin 2013, à la demande de l’Observatoire de la Théorie du Genre, site internet créé par le syndicat étudiant UNI.

Par ailleurs, 65% sont opposés à ce que « des membres d’associations LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transgenres) puissent être associés à l’éducation à la sexualité dans les écoles ». Il est également frappant de noter que 66% des 18-24 ans sont défavorables au principe-même de ces cours d’éducation à la sexualité (contre 49% pour l’ensemble des Français), ces jeunes portant un jugement fortement négatif sur la qualité et l’intérêt de cet enseignement tel qu’il est réalisé jusqu’à présent.

 

LES OBJECTIFS DU GOUVERNEMENT

Ces objectifs, et les mesures concrètes pour les atteindre, sont contenus dans divers documents récents. En prendre connaissance permet de mesurer la détermination du Gouvernement et l’ampleur des changements attendus pour transformer la société française en profondeur.

1)     La vision de Vincent Peillon sur le rôle de l’école

Le ministre de l’Education nationale a expliqué à plusieurs reprises le rôle fondamental qu’il entend donner à l’école républicaine, en particulier pour l’enseignement de la morale laïque et la lutte contre les déterminismes. On peut résumer sa pensée avec la fameuse phrase prononcée au cours d’une interview le 1er septembre 2012 : « Pour donner la liberté du choix, il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes,  familial, ethnique, social, intellectuel ».

Dans son livre-programme « Refondons l’école », publié en février 2013, il insiste : « Il appartient à l’école (…) de produire un individu libre, émancipé de toutes les tutelles – politiques, religieuses, familiales, sociales » (page 12) ; dans ce but, « la lutte contre les stéréotypes de genre et l’homophobie doit être menée avec force, à tous les niveaux de l’enseignement » (page 128).

2)     Le plan national contre l’homophobie, présenté le 31 octobre 2012

Présenté comme le plus vaste jamais conçu en France, le « Programme d’actions gouvernemental contre les violences et les discriminations commises à raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre » concerne pratiquement tous les domaines de la vie sociale : justice, éducation, médias, travail, santé, vieillesse, relations internationales, etc. Le chapitre 2, intitulé « S’appuyer sur la jeunesse pour faire évoluer les mentalités », détaille plus spécifiquement les actions à mener de l’école primaire à l’enseignement supérieur.

3)     Les mesures en faveur de l’égalité hommes-femmes

Au cours d’un Comité interministériel consacré aux droits des femmes, le 30 novembre 2012, le Gouvernement a présenté « des mesures fortes » pour lutter contre les stéréotypes à l’école, la violence faite aux femmes ou le temps partiel subi. Ce plan annonce « la troisième génération du droit des femmes, après le droit de vote et la loi IVG », selon l’entourage de Najat Vallaud-Belkacem.

4)     La Convention interministérielle pour l’égalité entre filles-garçons et femmes-hommes dans le système éducatif, 2013-2018.

Ce texte organise un partenariat très structuré entre les différents ministères concernés par les objectifs fixés dans les plans évoqués ci-dessus. La liste des actions à mener est impressionnante : formation initiale et continue de enseignants, évolution des manuels scolaires « pour éviter les stéréotypes sexistes », éducation à la sexualité intégrant davantage les recherches sur le genre, aides à l’orientation pour amener les jeunes filles vers les métiers d’hommes et inversement, etc.

Les principales initiatives prises ces derniers mois sur la base de ces documents sont détaillées dans les notes en annexe, consacrées à chaque niveau d’enseignement : petite enfance et crèches, école primaire, enseignement secondaire, enseignement supérieur, formation des enseignants.

 

NOTRE COUP DE COEUR

L’appel des professionnels de l’enfance : cette association, présidée par Jérôme Brunet, demande depuis sa création en 2004 que l’intérêt de l’enfant soit considéré comme prioritaire dans les choix politiques ou éducatifs. Très engagée sur la question de l’adoption des enfants dans le débat sur le mariage homosexuel, elle multiplie désormais les initiatives pour faire prendre conscience des enjeux sur l’introduction du Gender à l’école.

A mentionner également, Les « Enseignants pour l’Enfance » : cette toute nouvelle association se donne pour objectif « de fédérer un maximum de professeurs, d’instituteurs, de maîtres et de maîtresses, qui vont du primaire aux classes préparatoires, et de mobiliser toutes ces personnes pour lutter contre la théorie du genre qui va envahir les manuels scolaires ». Quelques enseignants de la région lyonnaise  se trouvent à l’origine de cette initiative à suivre.

 

NOTRE COUP DE GUEULE

Voici comment la députée PS Julie Sommaruga justifiait, le 28 février 2013 à l’Assemblée nationale, son amendement introduisant l’éducation à l’égalité de genre à l’école primaire, avec l’avis favorable du rapporteur : « Cet amendement a pour objet l’intégration dans la formation dispensée dans les écoles élémentaires d’une éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la déconstruction des stéréotypes sexués. Il s’agit de substituer à des catégories telles que le « sexe » ou la « différence sexuelle », qui renvoient à la biologie, le concept de « genre », qui montre que « les différences entre les hommes et les femmes ne sont pas fondées sur la nature, mais sont historiquement construites et socialement reproduites. »

Sur le fond (l’objectif culturel) comme sur la forme (les mots utilisés), cette déclaration permet de mesurer à quel point l’idéologie du Gender a désormais imprégné la conscience de nombreux  responsables politiques.

 

POUR ALLER PLUS LOIN :

1)    La petite enfance et les crèches

    • Le rapport de l’IGAS sur l’égalité dans les modes d’accueil de la petite enfance donne le ton : dans un document de 150 pages remis en décembre 2012, deux membres de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) se lamentent sur les « pratiques qui, sous couvert de neutralité, confortent les stéréotypes » entre les garçons et les filles de 0 à 3 ans. Ils proposent un vaste plan d’éducation à l’égalité, décliné en 5 axes et 15 recommandations. La synthèse commence ainsi : « Toutes les politiques de promotion de l’égalité butent sur un obstacle majeur, la question des systèmes de représentations qui assignent homme et femmes à des comportements sexués, dits masculins ou féminins, en quelque sorte prédéterminés. » Sur la base d’un tel présupposé idéologique,  il ne faut pas s’étonner que toutes les mesures proposées (vêtements portés, jouets utilisés, activités sportives proposées, livres de littérature enfantine…) visent à « déconstruire les stéréotypes de genre ».

 

    • La crèche Bourdarias, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) a été présentée comme un modèle dès septembre 2012 par Mme Vallaud-Belkacem et Mme Bertinotti, lors d’une visite sur place très médiatisée. Sa pédagogie « active égalitaire », où par exemple l’album Petit Ours brun est censuré comme trop sexiste,  est encouragé partout en France, notamment à Lyon, à Toulouse, etc. Les expériences se multiplient, de façon plus ou moins discrète, et parfois sans que les parents y soient réellement associés.

 

    • Sur un autre plan symbolique, Sandrine Mazetier, députée PS de Paris, a posé une question écrite au ministre de l’éducation le 18 décembre 2012, pour demander que l’appellation genrée « école maternelle » soit remplacée par un nom neutre comme « première école » ou « école élémentaire ». Le ministre n’a toujours pas répondu.

 

2)    L’école primaire

    • Le programme national contre l’homophobie, dans le chapitre sur la jeunesse, insiste tout particulièrement sur l’éducation à la sexualité. Dans sa présentation, la ministre du droit des femmes Najat Vallaud-Belkacem a précisé : « Il faut que dès le plus jeune âge, chacun comprenne qu’il existe plusieurs types d’orientation sexuelle. L’éducation à la sexualité va revenir dans les établissements scolaires, et il ne sera plus question d’éluder la question de l’homosexualité

 

    • Quant au plan égalité hommes-femmes du 3O novembre 2012, il prévoit que pour les plus jeunes, un « ABCD de l’égalité » déconstruira les stéréotypes. Une documentation pédagogique s’adressera aux élèves, de la grande section de maternelle au CM2, et à leurs enseignants. Expérimenté à la rentrée 2013 dans cinq académies (Bordeaux, Corse, Guadeloupe, Nancy-Metz, Rouen), il sera généralisé à toutes les écoles à la rentrée 2014.

 

    • La loi sur la refondation de l’école, actuellement en discussion au Parlement, est l’occasion d’un débat significatif autour de l’article 31 consacré aux missions de l’école primaire.

       

      Le 28 février 2013, à l’occasion de l’examen du texte en commission de l’éducation, la députée PS Julie Sommaruga a fait voter l’amendement suivant : « Elle [l’école primaire] assure les conditions d’une éducation à l’égalité de genre». (Voir notre Coup de gueule).

      Le Sénat a ensuite retiré cette phrase pour y substituer une version plus neutre, soutenue par le ministre Vincent Peillon pour éviter de créer de nouvelles polémiques : « Elle assure l’acquisition et la compréhension de l’exigence du respect de la personne, de ses origines et de ses différences, mais aussi de l’égalité entre les femmes et les hommes. » Cette seconde version a été finalement acceptée en seconde lecture à l’Assemblée nationale, malgré les tentatives de plusieurs députés de revenir à l’amendement initial.

 

    •  Le syndicat SNUipp-FSU, principal syndicat d’enseignants au sein de l’école primaire, a organisé le 16 mai dernier un colloque sur le thème de l’éducation contre l’homophobie. A cette occasion, il a diffusé un dossier de près de 200 pages, avec des analyses théoriques, des conseils et des fiches pratiques liées à des albums pour enfants (comme par exemple Papa porte une robe) afin d’inciter les enseignants à consacrer du temps scolaire pour « faire évoluer les mentalités ».

 

 3) L’enseignement secondaire

    • En cohérence avec le programme national contre l’homophobie, le Plan Egalité hommes-femmes du 30 novembre 2012 prévoit des actions de sensibilisation dans les collèges et les lycées, avec les associations et l’agence du service civique. Elles viseront la lutte contre le harcèlement et les violences sexistes, ainsi que l’éducation au respect et à l’égalité. L’Onisep (organisme public chargé de l’orientation des jeunes) devrait lancer cette année un site internet « Objectif égalité». Par ailleurs, la circulaire de 2003 sur l’éducation à la sexualité dans les écoles, collèges et les lycées sera actualisée, afin d’être effectivement mise en œuvre dans tous les établissements. Trois séances d’éducation à la sexualité « traiteront tant des questions d’ordre biologique que des dimensions psychologiques, sociales, éthiques et culturelles de la sexualité ». Dès octobre 2012, Vincent Peillon avait mis en place un groupe de travail sur ce thème, avec des représentants d’associations militantes dans la mouvance LGBT. 

 

    • La Ligne AZUR, ligne d’écoute pour les jeunes se posant des questions sur leur orientation ou leur identité sexuelle, fait l’objet d’une campagne publicitaire sans précédent. Vincent Peillon a écrit à tous les recteurs le 4 janvier 2013 pour leur demander de « relayer avec la plus grande énergie » cette campagne.

      Le site internet fait pourtant l’objet de critiques régulières pour sa promotion des thèses du lobby LGBT.  Il a par exemple fait la publicité d’une brochure scandaleuse (« Tomber la culotte ») vantant des pratiques sexuelles allant jusqu’au sadomasochisme lesbien. Suite à une action des réseaux sociaux, ce site a retiré la brochure, mais celle-ci continue d’être accessible sur d’autres sites dédiés aux jeunes, comme par exemple Fil Santé Jeunes. 

 

    • Dans le même esprit, une association comme SOS homophobie s’est donnée pour mission d’intervenir en milieu scolaire pour lutter contre les discriminations, c’est-à-dire lutter « contre la lesbophobie, la gayphobie, la biphobie et la transphobie ». Après des centaines d’interventions dans les collèges et les lycées, la justice a annulé  en décembre 2012 l’agrément que le ministère de l’Education nationale lui avait accordé en 2009, pour cause de partialité dans leur message. Discrètement, par un arrêté daté du 21 mai 2013, le ministère vient de lui donner à nouveau un agrément pour cinq ans…

 

    • Pour mémoire, il faut rappeler que le premier « coup de tonnerre » qui a déclenché une prise de conscience dans les milieux éducatifs concerne l’introduction du Gender dans certains manuels scolaires. De nouveaux programmes de SVT (Bulletin officiel du 30 septembre 2010, voir introduction de la page 7) pour les classes de Première L et ES, avaient été publiés par le ministre de l’Education Luc Chatel dans l’indifférence générale. Mais certains manuels scolaires, prenant appui sur une phrase du programme « Féminin/masculin », ont mis en valeur les thèses du Gender de façon si provocante que de nombreuses associations ont émis de vives protestations et demandé le retrait de ces manuels.

      Un groupe de travail parlementaire a été constitué et son animateur, le député Xavier Breton, a rédigé un rapport  d’information sur la façon dont les manuels scolaires étaient élaborés. Le rapport demande notamment que des débats soient organisés sur les programmes, en amont de leur parution.

 

4)    L’enseignement supérieur

    •  Le programme national contre l’homophobie et le plan Egalité hommes-femmes s’appliquent également à toute la population étudiante : il est notamment prévu un guide pratique pour aider les étudiants victimes d’homophobie, ou une campagne d’information pour favoriser leur accompagnement « par la médecine universitaire, le service social ou une association LGBT ».

 

    • Beaucoup d’Universités ou d’Ecoles supérieures intègrent désormais des modules de formation aux études de genre ou à certaines dimensions scientifiques ou culturelles du Gender. Sciences Po Paris a par exemple déployé le « Programme de Recherche et d’Enseignement des SAvoirs sur le Genre » (PRESAGE), qui insère une réflexion sur le genre dans l’ensemble des activités de l’école : enseignement, recherche, formation continue. Sans oublier une « Queer week » annuelle, occasion pour le lobby LGBT d’organiser avec le soutien de l’école des animations pour sensibiliser les étudiants : films pornographiques, distribution de sex-toys, atelier de travestissement, vente de contes « non sexistes » pour enfants, etc.

 

  • L’activité la plus intense – et certainement la moins connue – est menée par l’Institut Emilie du Châtelet « pour le développement et la diffusion des recherches sur les femmes, le sexe et le genre » (c’est ainsi qu’il se définit). Créé en 2006, cet organisme reçoit chaque année une subvention d’environ 1 million d’euros du Conseil régional d’Ile de France, ce qui lui permet de financer des recherches universitaires, des colloques, des manifestations, des publications. Tout au long de l’année, il diffuse les thèses du Gender dans les sphères intellectuelles, politiques et médiatiques, via les organismes les plus prestigieux de recherche et d’enseignement français (CNRS, INED, Sciences Po, EHESS, HEC, plusieurs Universités parisiennes, etc.).

    Pour donner un exemple, la thèse de doctorat 2010 intitulée « Altérités de genre : migrantes lesbiennes entre pratiques politiques, vies subversives et oppressions en Italie. Comparaison Palerme et Vérone » mérite-elle réellement d’être financée par la région Ile de France ?

 

5)    Les enseignants

    • Le programme national contre l’homophobie et le plan Egalité hommes-femmes prévoient que les futurs enseignants recevront une formation pour lutter contre les stéréotypes de genre et les discriminations liées à l’orientation sexuelle. Les personnels en poste en bénéficieront également, par le biais de la formation continue.

 

  • Au-delà des professionnels de l’éducation, de nombreuses autres catégories de personnel devront être formés : policiers, gendarmes et magistrats suivront par exemple des « sessions de formation à la lutte contre les violences homophobes ». La convocation au premier stage organisé début juin 2013 a provoqué la colère du principal syndicat de magistrat (l’USM), tellement la pression du ministère de la Justice était forte.

Recherche sur l'embryon, vote le 11 juillet

La proposition de loi visant à autoriser la recherche sur l’embryon (au lieu d’une interdiction de principe associée à des dérogations strictes) va être à nouveau examinée par l’Assemblée nationale le 11 juillet prochain.
Le Gouvernement a convoqué le Parlement en session extraordinaire à partir du 1er juillet, et l’ordre du jour détaillé vient d’être rendu public. Le président de la République démontre ainsi sa volonté d’aboutir coûte que coûte, sans véritable consultation des Français, alors que la loi bioéthique du 7 juillet 2011 prévoit expressément des états généraux avant tout changement de législation sur ce thème.
Le texte, initialement proposé par le sénateur Jacques Mézard le 1er juin 2012, a déjà été voté par le Sénat le 4 décembre 2012. Puis la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a adopté le 20 mars 2013 le texte en termes identiques (ce qui éviterait de procéder à une seconde lecture au Sénat). Contre toute attente, les députés de l’opposition sont parvenus à faire échec à l’adoption du texte en séance publique le 28 mars, dans le cadre d’une “niche parlementaire” réservée aux radicaux de gauche. Le Gouvernement s’est alors engagé à terminer l’examen de ce texte le plus rapidement possible.
Pour Alliance VITA, cette proposition de loi est inutile et dangereuse. Il est urgent de privilégier les recherches éthiques à base de cellules souches non-embryonnaires, et de décider un moratoire sur la congélation des embryons humains. Cette position a été exprimée dans un Communiqué de presse en date du 29 mars 2013. Un Décodeur du même jour fait le point de l’ensemble du processus législatif.

Société en manque d’heureux pères

En ce jour de fête des pères, j’adresse toutes mes félicitations et mes vœux de bonheur aux pères qui ont la chance d’être entourés de leurs enfants, et qui leur transmettent tout ce qu’ils ont de meilleur. Mais je pense aussi à toutes ces situations d’enfants privés de père, et de pères privés d’enfant.

Un rapport de l’INED de mai 2013 révèle qu’un cinquième des enfants de parents séparés ne voient jamais leur père. Par ailleurs, les familles monoparentales représentent 20% des familles, et 85% d’entre elles sont composées d’une femme seule. Alors où sont les pères ? D’un côté on les retrouve en haut des grues de chantier, criant leur désespoir de ne plus voir leur enfant. De l’autre, des femmes se découvrent abandonnées à l’annonce de l’arrivée d’un enfant, portant seules le désir et la responsabilité de l’accueillir dans la vie. Au milieu, ce sont des enfants qui, quand ils ont la chance de naître, restent souvent hantés par la douloureuse énigme de l’absence de leur père, comme le chante si bien Stromae dans sa chanson « Papaoutai ».

Il n’appartient à personne de juger les acteurs de ces situations, tant les blessures qui en résultent sont vives. Mais il est urgent de s’interroger sur ce qui empêche les pères de trouver leur place, et les moyens de les aider à mieux la prendre.

On invoque souvent une société de consommation qui pousse à l’individualisme et n’invite pas à sacrifier son confort pour élever un enfant. Pourtant, l’arrivée de l’enfant, si elle bouleverse une vie et en change les perspectives, constitue aussi un accomplissement pour l’homme. Il n’est qu’à voir la fierté du père tenant son premier enfant dans ses bras. Un jeune est prêt à affronter tous les bouleversements du monde s’ils sont porteurs de sens et de valeur pour lui. Or le monde contemporain ne cesse de vider la paternité de son sens. Le féminisme, dans sa lutte légitime pour l’égalité et la dignité de la femme, a commencé par priver la femme de son rôle de mère qualifié d’asservissement. Puis en voulant partager de manière identique l’exercice de la parenté, elle a privé l’homme de son rôle spécifique de père. La théorie du genre voudrait nous interdire de voir une maman attentive et câline, et un père qui incarne l’autorité et encourage. C’est le principe même de l’autorité paternelle et de sa responsabilité de protection de la mère et de l’enfant qui se trouve contesté par un Etat omniprésent, investi de l’autorité éducative et de la protection sociale.

Au final, ce sont des femmes isolées, des pères déboussolés et des enfants abandonnés que l’Etat doit prendre en charge car il ne fait plus confiance aux familles pour soutenir la cohésion sociale. Alors fêtons chaleureusement les pères, réjouissons-nous que les trois quarts des enfants français vivent encore avec leur papa et leur maman, et valorisons le rôle si précieux et irremplaçable du père dans l’éducation des enfants.

Défendons la Manif pour tous !

Après la mort, le 6 juin à Paris, d’un militant d’extrême gauche au cours d’une rixe avec des skinheads d’extrême droite, l’homme d’affaires Pierre Bergé dénonce la « responsabilité » de la Manif pour tous. Analyse de Tugdual Derville, Délégué général d’Alliance VITA et porte-parole de la Manif pour tous.
Propos recueillis par Frédéric Aimard

Comment comprenez-vous qu’on attribue aux opposants à la loi Taubira la responsabilité de la mort de Clément Méric ?

Tugdual Derville : Le procédé est évidemment indigne. Il relève d’un piège dialectique bien connu : la « mutation de responsabilité ». Pour faire perdre à un adversaire tout crédit, on lui impute la responsabilité d’un drame (catastrophe naturelle, meurtre, suicide, etc.). Certains syndicalistes attribuent ainsi au patron d’une entreprise le geste désespéré d’un salarié, sans vérifier s’il n’est pas lié à une dépression ou un drame sentimental… L’innocence de la Manif pour tous étant plus qu’évidente dans cette rixe tristement classique entre extrêmes, en marge d’une vente de vêtements qui les réunissait, il reste à analyser l’objectif et la portée d’un tel amalgame…
Nous avons vécu, cette fois en direct, les ravages de l’imprégnation émotionnelle qui a déjà abouti à déformer dans l’esprit des Français des pans entiers de leur Histoire. Deux faits indépendants sont accolés pour que la violence de l’un efface le caractère paisible de l’autre. Finira-t-on par enseigner dans quelques années que le mouvement social de 2012-2013 a fait un mort, un militant antifasciste et anti-homophobie ?

Faut-il réagir et comment ?

Il n’est pas sain de laisser un amalgame se propager sans le dénoncer. Quand BFM Télévision m’a réveillé vers 6 h 30, le matin du jeudi 6 juin, pour m’apprendre ce drame et l’accusation proférée par Pierre Bergé, j’ai accepté de « réagir » par téléphone dans leur journal de 7 h. La dialectique manipulatrice doit être contrée en trois étapes : repérer le piège, le dénoncer publiquement et revenir au réel.
Le « réel », après une rixe mortelle, conduit d’abord à présenter ses condoléances aux proches de la victime, quelle que soit sa part de responsabilité, et à dénoncer cette violence aux conséquences irréparables. Le réel, c’est aussi chercher à comprendre ce qui peut conduire un homme aussi puissant que Pierre Bergé à déraisonner. Peut-être le fait-il en toute sincérité… Je pense qu’il donne à vérifier la précieuse maxime d’Aristote : « Je perçois les choses de la façon dont je suis disposé. » Son extrême richesse ne l’empêche pas d’être inféodé à ses émotions (peurs, souffrances, colère) comme l’est un petit enfant dans sa période narcissique. Au point d’être aveuglé par son système de pensée, et de s’obstiner dans un amalgame injuste.

Quel est l’objectif du billet que vous avez diffusé sur Twitter ce jour-là (voir ci-dessous) ?

Vous connaissez la sentence « Dénigrez, dénigrez, il en restera toujours quelque chose… » ? J’ai voulu que les manifestants soient bien conscients de ce processus malsain. Il est aujourd’hui essentiel que nous soyons nombreux à défendre notre propre histoire sans nous laisser contaminer par les amalgames accusatoires.
Par le biais de la culpabilisation, on veut nous empêcher de parler, mais aussi de penser. Hier, un internaute anonyme m’a soumis à la question : « Et les jeunes qui se suicident à cause de votre homophobie, vous êtes innocents aussi ? » Il ne faut pas que la répétition de ce type d’amalgame — qui articule deux assertions accusatoires sans preuve — conduise à décourager, radicaliser ou affadir notre résistance. Les totalitarismes, dans les procès intentés à leurs dissidents, ont toujours cherché à les conduire à l’aveu, à l’auto-condamnation pour détruire leur conscience à sa racine. Or, je crois que la pensée unique essaie de nous faire subir un lavage de cerveau insidieux, en nous noyant dans ses larmes de crocodile.

Face au dénigrement… (Billet diffusé via Twitter le 6 juin 2013)

Les amis, soyons lucides : tout est fait pour pourrir l’image de notre magnifique mouvement, au moyen de procédés dialectiques manipulateurs bien référencés (amalgame, isolement, transfert d’émotion, procès d’intention, récupération historique…).

La paix du cœur, la sincère bienveillance et – n’ayons pas peur des mots – l’amour sont  insupportables à certains esprits chagrins, fiévreux et tourmentés. Sans-doute est-ce parce qu’ils souffrent. N’est-ce pas aussi parce qu’ils sentent bien que l’amour est plus fort que la haine ? Voilà une raison de plus pour ne pas renoncer à notre non-violence intérieure.

Les amis, face au dénigrement, ne laissons-pas l’esprit d’accusation ruiner notre joie d’avoir agi au service du bien commun et du plus fragile, selon la loi intime de notre conscience. Attention ! Toute dialectique manipulatrice vise un seul et même effet ultime : provoquer en nous une « conscience malheureuse » afin d’étouffer notre voix et notre esprit de résistance. Autant est-il profitable de se remettre en question face à la critique sincère et bienveillante, autant faut-il garder à l’esprit cette précieuse maxime : « Quand tu es accusé, ne convoque pas ton tribunal intérieur ! » Nous ne sommes donc aucunement responsables de la haine que nous n’éprouvons pas et de la violence que nous réprouvons.

Ne laissons personne réécrire l’histoire de notre mouvement pour le salir et nous culpabiliser. Défendons-le ! Restons-en fiers ! Et surtout poursuivons-le avec la fermeté paisible qui est notre marque irrépressible.

                                                               Tugdual Derville – 6 juin 2013