Parlement européen : vote symbolique et basculement de civilisation

24/10/2013

Ce qui vient de se passer au Parlement européen est significatif d’une évolution culturelle profonde, et il me semble important de bien saisir la portée d’un évènement dont les médias n’ont pratiquement pas parlé.

Mardi 22 octobre 2013, arrive en discussion plénière à Strasbourg une proposition de résolution préparée de longue date par la « commission des droits de la femme et de l’égalité des genres ». Le texte vise à faire la promotion, en Europe et dans le monde, des « droits sexuels et génésiques » (au passage, ces expressions révèlent que l’Europe est déjà très imprégnée du vocabulaire « Gender » qui se déploie dans les instances internationales depuis 10 ou 15 ans).

Au moment de passer au vote, cette proposition de résolution fait alors l’objet d’un débat court mais animé. Un député demande d’emblée le renvoi en commission, considérant qu’il n’y a pas de position majoritaire sur ce texte controversé. Il demande ainsi que le texte ne soit pas soumis au vote, mais qu’il soit retravaillé dans la commission compétente, ce qui prendra sans doute plusieurs mois. S’en suit plusieurs rebondissements de procédure : la présidente de séance refuse au départ de faire voter sur la motion de renvoi en commission, puis commence à faire voter un amendement, puis se ravise et fait voter sur cette motion de renvoi à main levée ; devant l’incertitude du résultat, elle  décide de procéder à un vote électronique, qui donne 351 voix pour le renvoi en commission et 319 voix contre. Le président de la commission concernée et la rapporteure du texte sont furieux, étant auparavant persuadés que leur résolution serait votée sans difficulté.

Comment expliquer ce revirement ? D’abord à cause du contenu du texte, qui traitait en majorité de sujets qui ne relèvent pas de la compétence de l’Union européenne. Au sein du Parlement européen, certaines minorités actives cherchent à obtenir des prises de position en leur faveur, qui serviront ensuite pour faire pression sur les Etats et obtenir des lois qui leur conviennent. C’est le cas de la promotion systématique de l’avortement, avec le paradoxe de la condamnation par ailleurs (résolution du 8 octobre 2013 sur le généricide : les femmes manquantes ?) des pays qui pratiquent l’avortement sélectif des fœtus féminins. C’est aussi le cas  de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes homosexuelles, question si controversée en France depuis un an : il faudrait ainsi inviter « les Etats membres à permettre également aux femmes célibataires et lesbiennes de bénéficier de traitements de fertilité et de services de procréation médicalement assistée » (§8). Autre exemple : « l’éducation sexuelle doit inclure des informations non discriminatoires et donner une image positive des personnes LGBTI, afin de soutenir et de protéger effectivement les droits des personnes LGTBI » (§53). Une majorité de parlementaires européens a valablement considéré que ce n’était pas le rôle de l’Europe d’aller dans ce sens.

Mais il y a plus, en particulier pour la France. A mon sens, cet épisode est significatif de l’évolution culturelle qui prend de l’ampleur depuis la « réforme de civilisation » de Mme Taubira. De très nombreux citoyens refusent désormais de subir passivement des évolutions sociétales qui ne leur conviennent pas. Alertés par diverses associations, ils ont appris très tardivement le contenu de la proposition de résolution. Eux qui d’habitude se contentent de soupirer ou maugréer, pensant qu’il n’y a rien à faire, se sont alors mobilisés en quelques jours, en particulier pour écrire à leurs députés et attirer leur attention sur les dangers du texte européen. Ils leur ont dit qu’ils tiendraient compte de leur position à Strasbourg, quand il s’agira de voter pour les élections du Parlement européen le 25 mai 2014. Nul doute que des députés se sont sentis confortés pour défendre leurs convictions profondes, ou pour approfondir un sujet dont ils n’avaient peut-être pas mesuré toute l’importance !

Le vrai « basculement de civilisation », il est sans doute là. Il mettra des années à s’affirmer pleinement, comme les idées de mai 1968 ont aussi mis une ou deux générations pour imprégner toute la société, en positif comme en négatif. Aujourd’hui, une majorité de Français ne se retrouve pas dans les excès condamnables d’une conception trop libérale-libertaire de la société. Mais ce qui a changé en un an, c’est qu’ils sont de plus en plus nombreux à ne plus vouloir rester passifs. Ils veulent promouvoir un « vivre ensemble » qui valorise mieux le respect dû à l’enfant, la complémentarité homme-femme, la solidité des familles, l’attention aux plus fragiles du début à la fin de vie, la solidarité effective avec les personnes isolées en précarité… ces valeurs qui donnent tout son sens au mot le plus oublié de notre devise républicaine, le mot fraternité.

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