Télépathie assistée

09/09/2014

La publication d’une expérience de « télépathie » à (grande) distance, entre l’Inde et la France, fait grand bruit. Première prometteuse ou arnaque publicitaire ?
Des chercheurs affirment avoir réussi la première transmission de cerveau à cerveau. Leur article a été publié en août par la revue scientifique Plos One. Cette fois les cobayes ne sont plus des rats comme dans une expérience réussie par des neurobiologistes américains en 2013, mais deux hommes.
Les chercheurs sont parvenus à faire voyager entre leurs cerveaux deux mots (« bonjour » et « au revoir ») sans mot dire. Cette conversation minimale a tout de même nécessité des moyens sophistiqués : un casque à électrodes pour enregistrer la pensée codée de l’émetteur indien via un premier ordinateur ; l’usage d’Internet pour la transmettre en direction de la France ; un autre ordinateur pour la décoder ; et enfin un appareil pour envoyer des signaux sous forme de bruits et de flash lumineux dans le cerveau du récepteur français.
Ce dernier a été capable de lire cette sorte de morse. De quoi mettre à ce stade d’énormes guillemets autour du mot « télépathie » – voire de contester ce terme – tant la technologie est omniprésente à tous les stades d’un échange à sens unique qui a pris plusieurs heures. Sur le web, les adeptes d’une télépathie « naturelle » à courte distance ironisent donc.
Les signataires de l’article reconnaissent  — comme il leur en est fait obligation — qu’ils sont soumis à des conflits d’intérêts : plusieurs sont liés à des entreprises concernées. Il s’agit notamment d’un fabricant espagnol de casques d’électroencéphalographie sans fil dont ils font la publicité. Mais les scientifiques affirment qu’ainsi s’ouvrent des perspectives de communication pour des patients incapables de parler, à cause d’accidents vasculaires cérébraux. Leur expérience, déjà répétée avec d’autres hommes se révèlerait efficace à 85 %.
Comme souvent avec les avancées technologiques, on glisse immédiatement de la promesse de réparer l’homme à celle de l’augmenter. Une révolution de nos modes de communication se préparerait-elle ? « Nous pensons que des interfaces directes courantes entre les ordinateurs et le cerveau humain seront possibles dans un avenir pas si éloigné, permettant une communication directe de cerveau à cerveau de façon routinière » affirment les auteurs.
Selon eux, une telle pers-pective fera naître « de nouvelles possibilités dans les relations sociales ». La spécificité de cette première tient à l’absence de mouvement chez les deux cobayes. En août 2013, une autre expérience de « télépathie » a en effet montré qu’un cerveau humain pouvait donner un ordre de mouvement à un autre : deux scientifiques américains étaient situés dans deux pièces différentes ; l’un d’eux, équipé d’un électroencéphalographe, avait donné par son cerveau au cerveau de l’autre un ordre, se traduisant par un mouvement du « propriétaire » du cerveau « récepteur » (un geste dans le cadre d’un jeu vidéo).
La logique sous-jacente de ces recherches est-elle de « mettre en réseau » les cerveaux hu-mains comme on le fait déjà avec des machines ? On sait que le lobby de la transhumanie, résolument matérialiste et athée, plaide pour la fusion homme-machine en vue d’augmenter la capacité de l’homo sapiens pour le faire évoluer en homme « augmenté ». Cela supposerait pour certains de connecter de multiples cerveaux humains dotés d’extensions de mémoire.
En 2013, une équipe de chercheurs, brésilienne cette fois, avait réussi une expérience de « télépathie » entre rats distants de plusieurs kilomètres, permettant à l’un d’entre eux d’optimiser une opération sur un levier pour obtenir de l’eau. Responsable de l’expérience, le neurobiologiste Miguel Nicolelis se réjouissait alors : « Nous avons établi une liaison fonctionnelle entre deux cerveaux. Nous avons créé un super-cerveau comprenant deux cerveaux. » Et de prévoir : « Si vous connec-tez plusieurs cerveaux d’animaux, vous pourrez probablement créer un ordinateur biologique. »
L’équipe brésilienne assurait alors ne pas envisager de tenter ce genre d’expérience sur des cer-veaux humains, mais elle espérait elle aussi faire progresser les traitements pour les personnes paralysées. Avec toutes ces découvertes, font irruption des questions bioéthiques vertigineuses, inédites et cruciales. Neuroscience sans conscience conduirait l’humanité à sa ruine.

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