GPA : un avis CDEH controversé

29/01/2015

photo cedh

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rendu un arrêt, le 27 janvier 2015, dans une affaire de GPA qui condamne en partie le gouvernement italien. Dans cet arrêt, non définitif, elle estime qu’il y a eu violation de la vie privée du couple requérant, par la justice italienne qui a ordonné l’éloignement et la mise sous tutelle de l’enfant.

Cette affaire (Paradiso et Campanelli vs Italie n o 25358/12) concerne un couple italien marié qui a eu recours à un contrat de GPA en Russie. Agés respectivement de 56 ans pour la femme et 44 ans pour l’homme lors de la naissance de l’enfant le 27 février 2011 (un petit garçon), les deux conjoints avaient décidé de recourir à la gestation pour autrui après avoir vainement fait des tentatives de fécondation in vitro. Cette pratique est strictement interdite en Italie, ainsi que le recours au don de gamète dans le cadre de la procréation artificielle.

C’est lorsque le couple a fait une demande de transcription à l’état civil de l’acte de naissance russe, qui indiquait le couple requérant comme les parents génétiques de l’enfant, que la justice italienne a pressenti une fraude. Dans le cas d’espèce, le couple italien a eu recours à un don d’ovule et une mère porteuse : il a payé la somme de 49 000 euros via les services d’une société russe Rosjurconsulting. A noter, l’avocat qui représente les requérants auprès de la CEDH travaille pour cette société.

Le 5 mai 2011, le couple a été inculpé, dans un premier temps, pour « altération d’état civil » et infraction à la loi sur l’adoption. Une demande de procédure d’adoptabilité puis une mise sous curatelle a été requise par le ministère public. Une enquête a ensuite établi que l’homme n’avait finalement aucun lien biologique avec le bébé, d’autres gamètes ayant été utilisés au cours de la procédure de fertilisation. Le 20 octobre 2011, le tribunal décida d’éloigner l’enfant des requérants : le tribunal pour mineurs avait conclu que leurs capacités affectives et éducatives pouvaient être remises en cause, étant donné ces fraudes avérées. L’enfant fut alors placé dans un foyer d’accueil, puis dans une famille d’accueil en janvier 2013.

Sans se prononcer sur la légitimité de l’interdiction de la GPA, les juges de Strasbourg ont néanmoins considéré qu’il y a eu violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme, et que les autorités avaient pris une décision extrême en retirant cet enfant qui avait déjà eu une relation de vie avec le couple, mesure habituellement réservée à des cas où l’enfant se trouve en danger : « La Cour n’est pas convaincue du caractère adéquat des éléments sur lesquels les autorités se sont appuyées pour conclure que l’enfant devait être pris en charge par les services sociaux ».

La CEDH condamne le gouvernement italien à verser 30 000 euros au couple requérant, au titre de préjudice moral et des frais juridiques engagés. Pour autant, elle ne demande pas à l’Italie de faire machine arrière en remettant l’enfant aux requérants, au nom de l’intérêt de celui-ci, qui a certainement développé des liens affectifs avec la famille qui l’accueille depuis deux ans.

A noter, au contraire de celui rendu contre la France, que cet arrêt ne concerne pas la transcription dans l’état civil de l’acte de naissance russe. La CEDH a rejeté la requête de transcription du couple italien, au motif qu’il n’avait pas épuisé toutes les voies de recours internes. Le gouvernement italien a 3 mois pour faire appel de cet arrêt.

Cette décision est inquiétante pour plusieurs raisons, notamment :

1- Elle met en lumière la dérive de l’appréciation de la « vie familiale » par la CEDH. Se présenter comme des parents, à partir d’un acte de naissance frauduleux et quelques semaines de garde de l’enfant, suffit-il à justifier une reconnaissance de « vie familiale » ?

2- L’intérêt de l’enfant est comme « mis en balance » avec l’intérêt du couple requérant, en dehors de toute référence juridique liée aux droits de l’enfant. Comment se fait-il que la Cour ne tire aucune conséquence du trafic de gamètes, de l’exploitation des femmes et de la privation de filiation pour les enfants nés de GPA, qui se cachent derrière ce cas particulier ?

Face à la majorité (5 contre 2) des juges en faveur de la décision, les juges Raimondi et Spano ont fait part de leur opinion dissidente : « La cour devrait à notre avis faire preuve de retenue, et se limiter à vérifier si l’évaluation des juges nationaux est entachée d’arbitraire (…). En outre, la position de la majorité revient, en substance, à nier la légitimité du choix de l’État de ne pas reconnaitre d’effet à la gestation pour autrui. S’il suffit de créer illégalement un lien avec l’enfant à l’étranger pour que les autorités nationales soient obligées de reconnaître l’existence d’une « vie familiale », il est évident que la liberté des États de ne pas reconnaître d’effet juridique à la gestation pour autrui, liberté pourtant reconnue par la jurisprudence de la Cour (…), est réduite à néant. »

Alliance VITA soutient, avec d’autres ONG internationales, l’appel pour la prohibition universelle de la gestation pour autrui, lancé le 20 novembre dernier à l’occasion de la Journée Internationale des droits de l’enfant : www.nomaternitytraffic.eu

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