IVG : Anesthésie générale

25/03/2015

Dans la nuit du 18 à 19 mars, les députés de la commission des Affaires sociales ont voté la suppression du délai de réflexion de 7 jours prévu avant d’avorter.

Comment expliquez-vous le vote — contre l’avis du gouvernement — de cet amendement  ?

C’est une des nombreuses mesures de l’agenda des promoteurs de l’avortement sans entrave. Dans leur logique insatiable, cette « interruption volontaire de grossesse » doit toujours être facilitée : aussi précoce mais également aussi tardive que possible, rapide voire précipitée, et sans aucun autre déterminant que « l’autonomie des femmes ». Pour banaliser l’avortement, on le traite comme un simple geste d’hygiène personnelle. Sans portée sociale et surtout éthique… Sans autre conséquence que d’éviter ou « reporter » une naissance.

Cet objectif idéologique se heurte à la réalité : avorter n’a rien d’anodin. Et c’est justement pour cela que certains s’escriment à prétendre le contraire. Un tel déni se retourne contre les femmes enceintes en difficulté en les obligeant à exprimer une décision radicale précipitée, comme si, en matière de grossesse, la question du désir se résumait à un oui ou à un non facile et définitif. Il faut noter la violence que constitue l’injonction faite à la conscience des femmes de considérer l’avortement comme éthiquement neutre. Les nouvelles attaques contre la clause de conscience des soignants s’inscrivent dans cette intention, de même que la suppression du critère de détresse, en janvier 2014 : on occulte le caractère sensible d’une décision qui scelle le sort d’une vie et retentit fortement — en toute logique — sur celle qui la prend.

Le délai de réflexion peut-il aider une femme à renoncer à l’avortement ?

Tout ce qui est irrémédiable ne doit pas être tranché d’un coup de tête, ou de cœur. La loi nous protège contre certains achats irraisonnés que nous pouvons annuler sous huit jours. C’est encore plus indispensable quand on touche au corps ! Pensons à la chirurgie esthétique : si on offre aux demandeurs d’une intervention de ce type un délai de réflexion, c’est pour les protéger contre la désillusion et le regret. Quand il s’agit de l’avenir d’un autre être humain, la panique devient une conseillère mortelle…

Exiger des femmes se découvrant enceintes qu’elles soient fortes et assurées est une maltraitance. Ce n’est pas le moindre paradoxe du prétendu féminisme que de leur interdire ainsi d’être elles-mêmes, en occultant la part d’ambivalence et de vulnérabilité psychique inhérente à toute grossesse. Pourquoi considérer l’avortement comme une fatalité pour les femmes au lieu de travailler à rendre leur environnement accueillant et protecteur ?

Les émotions suscitées par la perspectives d’une naissance sont contradictoires, avec souvent un mélange d’appréhension ou d’angoisse, et de joie, voire d’exaltation. C’est en fonction du soutien de l’entourage qu’une sensation d’insécurité ou de sécurité prendra le dessus. C’est là qu’une vraie politique de prévention manque cruellement.

Que pourrait être une politique de prévention de l’avortement ?

Il faut ouvrir des espaces d’écoute et d’information protégés de l’idéologie. C’est ce que fait Alliance VITA avec son service SOS bébé. La soif d’écoute des femmes enceintes est d’autant plus grande qu’elles sont prises à la gorge par un sentiment d’urgence. Seule l’écoute empathique peut libérer leurs forces de vie. Beaucoup de femmes se laissent glisser sur la pente de l’avortement à contrecœur, parce qu’elles sont paniquées par le bouleversement induit par une naissance qui n’était pas prévue, mais aussi parce qu’elles subissent des pressions : leur compagnon leur dit ne « pas être prêt à devenir père » ; elles craignent d’annoncer une naissance à leur employeur, s’il y a un enfant précédent « trop rapproché ». La société de la performance impose des normes d’autocontrôle et juge sévèrement les femmes qui sont« tombées enceintes » sans l’avoir planifié. 72 % des Françaises qui avortent utilisaient une méthode de contraception dite fiable… La dissociation absolue entre sexualité et procréation se révèle illusoire.

Dans ce contexte, les femmes ont besoin de temps pour s’autoriser à construire un projet alternatif à l’avortement. VITA vient de rééditer son guide Je suis enceinte qui présente toutes les aides auxquelles les femmes ont droit dans cette situation. Nous comblons ainsi une carence révélatrice : le gouvernement a renoncé, depuis 2001, à diffuser ces informations aux femmes enceintes consultant en vue d’un éventuel avortement. Il est temps de changer de paradigme en reconnaissant que la prévention de l’avortement prend tout son sens quand une grossesse non planifiée est déjà en route.

propos recueillis par Frédéric Aimard

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