Euthanasie en Belgique : la commission de contrôle en panne

21/10/2015

La Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’application de la loi sur l’euthanasie, dont le mandat est arrivé à échéance le 18 octobre 2015, n’a pu être renouvelée faute de candidats présentant toutes les conditions requises.

La composition de cette commission est définie par l’art. 6 de la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie. Sur les 16 membres, huit doivent être docteurs en médecine et quatre professeurs d’université. Ce sont les professeurs en médecine qui font défaut aujourd’hui. Car en plus de la qualification professionnelle, d’autres conditions sont requises pour respecter certains équilibres internes : la parité homme-femme, la répartition entre francophones et néerlandophones, ainsi que la diversité des opinions philosophiques ou religieuses (1).

Pourtant, dans un dossier d’analyse publié par l’Institut Européen de Bioéthique (IEB) en 2012, 10 ans après la mise en application de la loi, est souligné le fait que « malgré toutes ces précautions, l’on peut s’étonner que près de la moitié des membres effectifs de la Commission ayant le droit de vote sont membres ou collaborateurs de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), association qui milite ouvertement pour l’euthanasie et l’élargissement de ses conditions légales. »

Le nombre d’euthanasies déclarées a augmenté de 90% sur les trois dernières années connues Par ailleurs, la charge de travail est en constante augmentation : la montée en puissance du nombre de dossiers d’euthanasies peut rendre la tâche peu compatible avec une charge professionnelle. Selon les dernières statistiques, le nombre d’euthanasies déclarées a augmenté de 90% sur les trois dernières années connues, passant de 953 en 2010 à 1807 en 2013. Cette commission effectue des contrôles a posteriori, à partir des formulaires que les médecins doivent remplir après avoir réalisé l’euthanasie. Elle se base, comme elle le reconnaît elle-même, sur des critères subjectifs comme l’aspect insupportable de la souffrance ou les niveaux de souffrances psychiques. Les interprétations extensives de la loi rendent ce contrôle inopérant : jamais aucun dossier n’a été renvoyé au procureur du Roi depuis que la loi existe, ce qui crée de sérieux doutes sur la qualité de ces contrôles (2).

Des cas récents d’euthanasies ont fait l’objet de vives critiques de la part de médias nationaux et internationaux On peut s’interroger sur l’intérêt du travail de cette commission et sur les raisons du manque de candidats, alors que des cas récents d’euthanasies ont fait l’objet de vives critiques de la part de médias nationaux et internationaux. Par exemple, en juillet 2015, une jeune femme de 24 ans, pourtant en bonne santé physique, a obtenu l’autorisation d’être euthanasiée car elle souffrait de dépression. Ce cas a constitué une grave alerte dans la communauté des psychiatres et des psychologues. Une vraie question se pose : ne faut-il pas plutôt remettre en question les termes de la loi, et pas seulement la qualification des membres d’une commission de contrôle qui, visiblement, ne contrôle pas grand-chose ?

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(1) Extraits de l’article 6 de la loi du 28 mai 2002 : « Les membres de la commission sont nommés, dans le respect de la parité linguistique – chaque groupe linguistique comptant au moins trois candidats de chaque sexe – et en veillant à assurer une représentation pluraliste, par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres, sur une liste double présentée par le Sénat, pour un terme renouvelable de quatre ans ». (2) De nombreuses euthanasies restent clandestines, comme l’a mis en lumière une étude menée par des chercheurs de l’Université de Bruxelles et de celle de Gand publiée dans Social Science & Medicine en juillet 2012 : d’après cette étude, 10 ans après la mise en œuvre de la loi, 27% des euthanasies en Flandre et 42% en Wallonie ne seraient pas déclarées. Pour aller plus loin : Décodeur VITA, « L’euthanasie en Belgique », novembre 2013.

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