La fabrication artificielle de spermatozoïdes

26/02/2016

De nombreuses recherches sont menées actuellement pour pallier les problèmes croissants d’infertilité.

Des scientifiques chinois travaillent sur la création in vitro de gamètes à partir de cellules souches embryonnaires. Ils ont prolongé les recherches de biologistes japonais qui, déjà en 2011, avaient « cultivé » des spermatozoïdes de souris.

La publication dans la revue Cell Stem Cell du 25 février 2016 détaille une nouvelle étude, co-dirigée par Jiahao Sha et Qi Zhou, qui serait la première à démontrer qu’il est possible de créer des spermatozoïdes ayant des caractéristiques fécondantes de spermatozoïdes « naturels » à partir de cellules souches. Pour cela, ils ont réussi à faire entrer les cellules souches embryonnaires en étape de méiose (de division cellulaire) pour produire un gamète fonctionnel. La technique utilise des cellules souches embryonnaires de souris mises en culture dans une suspension cellulaire dérivée du testicule de souris, avec différentes hormones et adjuvants, avec pour objectif de déclencher une méiose : le but est ainsi de contraindre la cellule à se dédoubler en partageant en deux son matériel génétique, pour passer d’une cellule à 46 chromosomes à une cellule à 23 chromosomes, phénomène qui se passe de manière naturelle dans les testicules et dans les ovaires. L’étape de méiose est longue, elle dure environ un mois chez la plupart des mammifères, mais les chercheurs se sont arrêtés à un stade précédent de la spermatogénèse, celui dit de spermatide. Ainsi créés, les spermatozoïdes artificiels n’ont pas de flagelle, et ne peuvent donc pas se déplacer comme les spermatozoïdes naturels. Mais injectés dans un ovocyte, des embryons se sont développés, puis ils ont été implantés dans des souris femelles : celles-ci ont donné naissance à des souriceaux, et l’étude précise qu’eux-mêmes ont pu avoir une descendance.

La technique suscite des controverses, comme le révèle le journal scientifique Nature. Takashi Shinohara,  biologiste de la reproduction à l’Université de Kyoto au Japon, a des doutes : il note que « les scientifiques ont du mal à reproduire plusieurs fois les mêmes résultats ».

«Le fait que la cellule résultante puisse être injectée dans un ovule pour produire un animal viable est un test rigoureux», explique de son côté Allan Spradling, biologiste de la reproduction à la Carnegie Institution for Science à Baltimore, Maryland. « Mais les souris qui ont été fabriquées pourraient encore contenir des défauts ou des problèmes qui ne se manifesteront que plus tard ».

Azim Surani, biologiste du développement à l’Université de Cambridge, Royaume-Uni, conclut pour sa part que « les résultats sont encourageants », mais prévient « qu’il est difficile de savoir si les spermatides artificiels se comportent exactement comme leurs homologues naturels ».

« Cette avancée va vraiment changer la façon dont nous pensons répondre aux cas d’infertilité actuellement dans l’impossibilité d’être traitées par FIV. Cela  va vraiment révolutionner la procréation assistée, toutes les cliniques de FIV seraient susceptibles de s’y intéresser, même si, à mon avis, c’est encore très prématuré » a également déclaré le bioéthicien Terry Hassold de Washington State University.  « Il existe d’importantes différences entre la façon dont les spermatozoïdes se développent chez la souris et chez l’homme », prévient enfin Yi Zhang, généticien à la Harvard Medical School à Boston, Massachusetts, en ajoutant :  « ce n’est pas aussi simple qu’on l’espère ».

Une technique applicable à l’homme ?

Pour traiter une infertilité masculine, de façon à pouvoir concevoir des enfants, il faudrait par exemple utiliser des cellules adultes de l’homme lui-même pour les transformer en spermatozoïdes. Des scientifiques ont déjà démontré que cela était envisageable en reprogrammant des cellules de peau.

Cette technique soulève donc des questions éthiques importantes. Lors du déclenchement  artificiel d’une méiose, on ne sait pas, par exemple, si les spermatides ainsi créés présentaient des mutations, faisant alors de l’enfant à naître le propre cobaye, à vie, de la technique qui l’aurait ainsi conçu. De plus, fabriquer des gamètes à partir de cellules d’adultes laisse entrevoir la possibilité de créer un ovule à partir d’une cellule de peau d’un homme, par exemple, et ainsi de concevoir in vitro un embryon humain à partir de l’ADN de deux personnes de même sexe ou même d’une seule personne, ce qui constituerait une forme de clonage.

Et dans un tel contexte, précise Jean-Yves Nau, rien, techniquement, ne s’opposera bientôt plus à la modification du génome de ces néo-cellules sexuelles via la nouvelle technique révolutionnaire du  CRISPR-Cas9.

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