Avortement selon le sexe en Inde : Google, Yahoo et Microsoft sur le banc des accusés

13/07/2016

femme indienne enceinte

La Cour suprême d’Inde a accusé début juillet les moteurs de recherche Google, Yahoo et Microsoft de ne pas bloquer les publicités qui font la promotion des tests prénataux de sélection du sexe alors que l’Etat indien les interdit.

La Cour suprême demande au gouvernement indien et aux propriétaires des moteurs de recherche Internet de trouver des solutions techniques pour empêcher que de telles publicités surgissent à tout moment, lors de simples recherches sur Internet. La détermination du sexe avant la naissance est interdite et sanctionnée pénalement en Inde depuis 1994. En effet le gouvernement indien tente de lutter contre l’avortement sélectif des petites filles, qui demeure encore à un taux élevé dans le pays pour des raisons culturelles. Le ratio selon le sexe à la naissance atteint 112 garçons pour 100 filles, alors que le taux moyen mondial est de 101 garçons pour 100 filles. Selon le Population Research Institute (PRI), près de 13 millions d’avortements sélectifs ont été pratiqués en Inde entre 2000 et 2014.

Un rapport sur les infanticides féminins dans le monde 

Cette interpellation de la Cour suprême indienne intervient alors que l’Asian Centre for Human Rights vient de publier le 11 juillet 2016 un rapport sur les infanticides féminins dans le monde : 117 millions de filles seraient manquantes en Asie, disparitions dues à des avortements après détermination du sexe avant la naissance. On retrouve ce phénomène en Chine, au Népal, au Pakistan ou au Vietnam, ces pays ayant adopté des législations similaires à l’Inde : « Ces mesures gouvernementales n’ont pas réussi pleinement à cause de la facilité d’accès à l’échographie et de la faible application de la loi », indique le rapport.

En Inde et dans toute l’Asie du Sud, le système traditionnel de dot fait peser sur les familles une charge excessive qui leur fait préférer avoir des garçons. Le développement de la technologie d’échographie à ultrasons dans les années 80 a eu des effets dramatiques, associés à des législations sur l’avortement souvent assez extensives comme celle de l’Inde. Ainsi, la loi indienne de 1971, révisée en 2002, autorise l’avortement sans condition jusqu’à 12 semaines, et jusqu’à 20 semaines de grossesse selon une définition large : en cas de risques pour la vie de la mère, de graves atteintes pour la santé physique et mentale de la femme enceinte, en cas de viol, de risque de handicap ou d’échec de stérilisation. En Chine, le phénomène a été accru avec la politique coercitive de l’enfant unique. Avec des taux de naissance encore plus déséquilibrés qu’en Inde (115 garçons pour 100 filles),  selon les estimations du PRI,  plus 9 millions d’avortements sélectifs ont été pratiqués entre 2000 et 2014. Le Bureau national des statistiques de Chine souligne que 33,8 millions de femmes seraient manquantes en 2013.

En plus de l’avortement, les techniques de PMA et le tourisme procréatif en cause

Si les pays asiatiques tentent de lutter plus ou moins efficacement contre ce phénomène, le rapport pose la question du tourisme reproductif comme prochaine cause de l’infanticide féminin et dépasse l’Asie. « Les Etats-Unis et la Thaïlande, en particulier, deviennent des plateformes pour un tel tourisme reproductif ». En effet le rapport souligne que les techniques de procréation artificielle et la possibilité de sélection des embryons vont devenir de plus en plus une cause d’infanticide féminin. Selon l’Asian Law Institute, 80 % des diagnostics pré-implantatoires seraient effectués pour des raisons de sélection du sexe en Thaïlande.

En plus de la tragédie que représente ce phénomène en termes de vies humaines perdues et de discriminations inacceptables, ces pratiques ont des conséquences particulièrement dramatiques sur le trafic de femmes et la violence à leur encontre, ainsi que sur l’avenir des hommes qui ne trouvent plus assez de femmes pour fonder une famille.

Parmi les pays de l’Asie du Sud, seule la Corée du Sud réussit progressivement à rééquilibrer son taux. La campagne médiatique « Love your daughters » lancée dès 1991 a eu un impact décisif, associée au développement économique et des mesures appropriées telles que  la mise en place d’un système de pension pour les personnes âgées, ce qui réduit la dépendance des parents âgés vis-à-vis des fils.

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