Décodeur N°19 : Mariage et adoption homosexuels

08/02/2013

Le décryptage d’Alliance VITA sur l’actualité du projet de loi : « Mariage/Adoption pour les couples de personnes de même sexe »

 

L’EVENEMENT

Entre le lundi 4 et le vendredi 8 février, l’Assemblée nationale a poursuivi ses travaux en examinant plus de 1 000 amendements portant essentiellement sur l’article 4 du projet de loi. Cet article avait été modifié en profondeur par la commission des lois pour éviter de supprimer toutes les mentions « père et mère », ou des expressions similaires, dans le Code civil. Ce fameux « article-balai » a finalement été adopté à 2 heures du matin ce vendredi.

Il reste 10 articles et environ 1 600 amendements à discuter d’ici dimanche prochain. Le vote solennel de la loi en 1ière lecture est prévu pour mardi 12 février à 16h15.

Puis le texte voté par l’Assemblée nationale sera transmis au Sénat, pour un examen en commission des lois (qui a commencé ses auditions le 5 février) et un débat en séance publique prévu à partir du lundi 18 mars 2013.

De multiples évènements extérieurs, relayés immédiatement au sein de l’hémicycle, ont causé des rebondissements inattendus (voir § “LE RESUME DES DEBATS”). Le projet de loi n’est plus « une simple formalité » pour le gouvernement, mais un « parcours du combattant » qui provoque un débat de société majeur dans les médias et dans l’opinion publique en général.

 

 

LE CHIFFRE

61% des maires pensent que François Hollande « doit tenir compte des oppositions et doit suspendre l’examen du projet de loi pour laisser du temps au débat ». C’est le résultat d’un sondage IFOP rendu public le 7 février 2013, et réalisé à la demande de l’association Maires pour l’enfance.

Par ailleurs, 52 % des maires sont opposés au projet de loi dans son ensemble, et 64% opposés à la PMA pour les couples de femmes homosexuelles.

Enfin, 41% des maires tiendront compte de la position de leur sénateur sur ce texte, lors des élections sénatoriales de 2014.

 

 

LE RÉSUME DU DEBAT

 

a) L’article 4 a monopolisé les débats quasiment toute la semaine.

Plus de 1 400 amendements ont été déposés sur cet article, dont le passage essentiel est le suivant : « Les dispositions du présent livre [du Code civil] s’appliquent également aux parents de même sexe, lorsqu’elles font référence aux père et mère ».

Les amendements, systématiquement repoussés, visaient principalement à amener le gouvernement à répondre à la question suivante : comment faut-il comprendre, pour chacun des articles concernés du Code civil, l’expression « père et mère », quand ils s’appliqueront aux « parents » de même sexe ?

Ce travail très approfondi a mis en lumière quantité d’incohérences, de failles juridiques et de difficultés d’application pour mettre en œuvre cette « disposition interprétative ».

A titre d’exemple, quand le maire donne lecture de l’article 371-1 du Code civil pendant la célébration du mariage, que devra-t-il dire à la place de l’expression « L’autorité parentale (…) appartient au père et à la mère » ?

b) Le bouleversement des règles de transmission du nom de famille fait partie de ces conséquences imprévues qui toucheront tous les couples mariés.

En l’absence de démarche particulière, et sauf volonté contraire des parents, le principe actuel est que l’enfant prend le nom du père.

Si la loi est votée, le principe sera inversé à l’avenir : l’enfant prendra les noms de chacun des deux « parents » (de sexe différent ou de même sexe) accolés dans l’ordre alphabétique, sauf déclaration conjointe formelle des parents.

c) Plusieurs évènements de ces derniers jours ont eu un impact important sur les débats, en particulier :

 

La découverte que l’avis du Conseil d’Etat, réservé au gouvernement, contiendrait des réserves juridiques sur le fond et la forme du projet de loi (voir § « COUP DE GUEULE »). Les députés de l’opposition ont demandé avec insistance que la confidentialité de ce document soit levée, tout en s’appuyant sur certains éléments partiels diffusés dans la presse.

La divulgation d’une circulaire du ministère de la Santé, datée du 14 janvier 2013, menaçant de sanctions les gynécologues qui orientent leurs patientes vers des cliniques à l’étranger pour réaliser une PMA (procréation médicalement assistée). Cette mise en garde, très inhabituelle, prouve que la loi française n’est pas respectée, et que se développe un véritable « marché de la procréation » encouragé par des médecins et en partie remboursé par la Sécurité Sociale française.

La circulaire de Madame Taubira sur la gestation pour autrui à l’étranger (cf Décodeurs n°16 et n°17) continuant à créer la polémique sur les véritables intentions du gouvernement. Plusieurs députés UMP ont déposé mardi dernier un recours devant le Conseil d’Etat, en vue de son annulation pour « excès de pouvoir ».

En Grande-Bretagne, le vote par la Chambre des Communes (équivalent de notre Assemblée nationale) d’un projet de loi autorisant le mariage entre personnes de même sexe. L’enjeu y est cependant beaucoup moins important car, contrairement à la France, tous ceux qui se marient devant l’Eglise anglicane n’ont pas besoin d’un mariage civil préalable. Par ailleurs, les couples de même sexe peuvent déjà adopter un enfant, dans le cadre du partenariat civil existant depuis 2005.

 

 

NOTRE COUP DE COEUR

 

Cinq députés de l’opposition à mettre à l’honneur !

Ils ont été présents quasiment sans discontinuité pendant les 10 jours de débats, incluant de nombreuses séances de nuit et tout le week-end dernier :

Xavier Breton, député de l’Ain

Philippe Gosselin, député de la Manche

Marc Le Fur, député des Côtes-d’Armor

Hervé Mariton, député de la Drôme

Jean-Frédéric Poisson, député des Yvelines.

Ils ont réalisé, appuyés par quelques dizaines d’autres députés de l’opposition, un travail considérable pour défendre des milliers d’amendements basés sur quelques principes fondamentaux : maintenir le mariage fondé sur l’altérité des sexes, donner la priorité aux droits de l’enfant sur le désir des adultes, ne pas supprimer la dimension « biologique » au profit du « culturel » dans la filiation, appliquer le principe de précaution également aux enjeux humains, etc.

 

 

NOTRE COUP DE GUEULE

 

Pourquoi le gouvernement refuse-t-il de rendre public l’avis du Conseil d’Etat ?

Cet avis, rendu avant le dépôt du projet de loi le 7 novembre 2012, est censé éclairer le gouvernement sur les choix juridiques les plus appropriés. Il est confidentiel, sauf si le premier Ministre décide de le rendre public.

Visiblement, des réserves importantes ont été formulées sur la démarche choisie, qui allait soit trop loin (en ouvrant non seulement le mariage, mais aussi l’adoption, aux couples de même sexe), soit pas assez loin (en ne modifiant pas les règles de la filiation dans le code civil).

Ce texte entrainant un véritable « changement de civilisation », selon Madame Taubira elle-même, il serait légitime qu’à titre exceptionnel, la confidentialité soit levée : le Parlement et l’opinion publique ont le droit d’être informés de l’ensemble des enjeux juridiques de cette réforme essentielle.

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