CRISPR-Cas9 et myopathie de Duchenne : de nouvelles avancées prometteuses

08/01/2016

La technique génétique révolutionnaire du CRISPR-Cas9 fait parler d’elle. De nouvelles études scientifiques viennent d’être publiées.  Elles relatent des travaux qui ont été menés dans le traitement d’une pathologie très grave et malheureusement incurable à ce jour : la myopathie de Duchenne.

Cette maladie neuro-musculaire se caractérise par une grande faiblesse musculaire, et une atrophie pathologique progressive de tous les muscles du corps. Cette maladie d’origine génétique est déclenchée par des mutations d’un gène, le gène DMD codant pour une protéine essentielle au fonctionnement musculaire : la dystrophine. Ce gène de très grande taille est porté par le chromosome X.

Trois équipes de recherche indépendantes travaillant sur cette thématique ont publié en même temps dans la Revue Science leurs travaux menés sur des souris avec le CRISPR-Cas9, technique ouvrant des perspectives inédites pour corriger ces mutations. Cette technique de génie génétique permet de cibler des zones d’ADN à couper pour inhiber ou remplacer un gène défectueux. Ainsi, les trois équipes se sont attachées à couper le gène défectueux dans le tronçon d’ADN concerné. En l’absence de ce morceau d’ADN défectueux, la cellule musculaire fabrique une protéine dystrophine raccourcie mais fonctionnelle, permettant visiblement aux souris de récupérer un peu de forces.

L’une des équipes a d’abord conduit cette expérience de modification du génome sur un embryon (un œuf fécondé) de souris, créant ainsi un sujet pouvant être sain. Mais ce changement devient alors transmissible aux générations suivantes, et ces expériences ne répondent aucunement aux besoins des patients atteints de dystrophie musculaire. Cette équipe a alors ensuite travaillé à modifier le génome des cellules musculaires de la jeune souris, en utilisant un virus inoffensif porteur du système de modification de génome capable d’infecter les cellules musculaires dans tout le corps de la souris pour y déposer dans chacune ces « ciseaux » destinés à couper l’ADN. Les cellules au génome ainsi « réparées » se sont alors mises à coder une dystrophine fonctionnelle.

Les deux autres équipes ont conduit des expériences similaires, ciblant d’autres zones du gène défectueux.  Mais l’une des équipes s’est attachée à aller encore plus loin,  en utilisant un virus capable de porter l’équipement CRISPR-cas9 au cœur des cellules souches qui produisent les nouvelles cellules musculaires, pour en modifier le génome. Traiter les cellules souches musculaires d’un patient pourrait produire un résultat thérapeutique plus permanent que la correction des cellules musculaires ordinaires et matures, qui se renouvellent à un rythme rapide chez les patients atteints de dystrophie musculaire, par rapport aux personnes non atteintes par cette pathologie.

Les trois équipes ont déposé des brevets. Si une thérapie génique pour la dystrophie musculaire peut être entrevue, il reste encore un travail considérable à mener avant que des essais cliniques sur l’homme puissent commencer. Il subsiste des inconnues : on ne sait pas comment le système immunitaire humain réagirait aux composants du système de l’édition de gènes ou aux protéines de la dystrophine modifiées à laquelle il n’a pas été habitué.

Le journal Les Echos souligne  que « Sur le front de la lutte contre les maladies génétiques, l’édition du génome constitue une arme redoutable dans la main des médecins ». Cette technique de modification du génome est révolutionnaire et laisse entrevoir d’innombrables potentialités thérapeutiques, comme dans ces études. Tout dépend comment elle est utilisée.

Rappelons encore une fois que le CRISPR-Cas9 n’est pas sans poser des questions éthiques majeures, s’il est utilisé sur des embryons humains ou des cellules germinales humaines. « C’est une ligne rouge à ne pas franchir », a récemment rappelé Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA : « Ces techniques d’édition de l’ADN si elles s’appliquaient aux cellules reproductrices humaines ou à l’embryon humain donnent légitimement le vertige : nous risquons l’avènement du bébé à la carte et la modification de manière transmissible du génome humain, un patrimoine mondial de l’humanité qui mérite toutes nos précautions ».

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