La recherche sur l’embryon humain
28/10/2011

Les stocks d’embryons congelés ont été progressivement constitués à la suite de cycles de Fécondation in vitro (FIV) depuis 1994. Les embryons surnuméraires ont suscité la convoitise des chercheurs. Or, ces recherches posent des questions éthiques et nécessitent une mise en perspective avec les recherches alternatives à partir de cellules non embryonnaires, qui ont donné ces dernières années des résultats encourageants.

1. Législation actuelle en France

La loi du 6 août 2004 a autorisé le don pour la recherche d’embryons congelés surnuméraires, avec l’assentiment des parents. Jusque-là, les parents avaient la possibilité de les transférer dans l’utérus maternel, de demander leur destruction ou de les donner à un autre couple. Une dérogation en contradiction avec le principe d’interdiction de recherche sur les embryons a été introduite dans la loi pour une période de 5 ans, « pour des recherches à visée thérapeutique et sans recherche alternative possible d’efficacité comparable ».

La loi du 7 juillet 2011 a maintenu le principe d’interdiction de recherche sur l’embryon avec cependant l’élargissement des dérogations : sans limite de temps et dans un cadre plus large de recherche à visée « médicale », qui remplace la notion de « progrès thérapeutique majeur ».

L’article 41 précise ainsi les nouvelles conditions :

I.- La recherche sur l’embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches est interdite.

II. ― Par dérogation au I, la recherche est autorisée si les conditions suivantes sont réunies :

1° La pertinence scientifique du projet de recherche est établie ;

2° La recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs ;

3° Il est expressément établi qu’il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d’une recherche ne recourant pas à des embryons humains, des cellules souches embryonnaires ou des lignées de cellules souches ;

4° Le projet de recherche et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

La loi stipule que les recherches alternatives à celles sur l’embryon humain et conformes à l’éthique doivent être favorisées.

Une clause de conscience est accordée depuis la loi de 2011 aux chercheurs qui ne souhaitent pas faire de recherche sur les embryons qui conduisent à leur destruction.

La loi prévoit également un encadrement pour le recueil des cellules souches issues de sang de cordon ombilical, pour inciter son développement. Le choix retenu par la France est celui du recueil par des banques publiques allogéniques, c’est-à-dire pour une utilisation indifférenciée par les patients qui en ont besoin, sachant que le patient doit avoir une compatibilité immunitaire avec le donneur.

Dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi, soit avant le 8 juillet 2012, le gouvernement doit remettre un rapport au Parlement sur les pistes de financement, notamment public, et de promotion de la recherche en France sur les cellules souches adultes et issues du cordon ombilical ainsi que sur les cellules souches pluripotentes induites.

Chaque année, l’Agence de la biomédecine doit établir un rapport d’activité, rendu public, qu’elle adresse au Parlement, au Gouvernement et au Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour les sciences de la vie et de la santé. Ce rapport doit notamment comporter une évaluation de l’état d’avancement des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, incluant un comparatif avec les recherches concernant les cellules souches adultes, les cellules pluripotentes induites et les cellules issues du sang de cordon, du cordon ombilical et du placenta, ainsi qu’un comparatif avec la recherche internationale.

2. Quelques définitions

  • Cellules souches :

Cellules non spécialisées, ou indifférenciées, capables de se multiplier à l’identique, ou de se transformer en un ou plusieurs types cellulaires spécialisés de l’organisme : foie, peau, etc. Les cellules souches sont ainsi définies par leur potentialité de développement.

  • Cellules souches adultes :

Les cellules souches adultes sont des cellules indifférenciées présentes dans les tissus et organes adultes. Elles sont généralement multipotentes, c’est-à-dire qu’elles sont capables de donner naissance à différentes lignées cellulaires d’un tissu donné. Elles sont la base du renouvellement naturel d’un tissu et de sa réparation à la suite d’une lésion.

  • Cellules souches embryonnaires :

Les cellules souches embryonnaires sont les cellules issues des premières divisions du zygote. Elles sont totipotentes jusqu’à huit cellules : prise isolément, chacune serait capable de constituer un organisme entier. Les cellules souches embryonnaires du zygote (au-delà de 8 et en deçà de 32) sont pluripotentes et restent capables de former tous les tissus de l’organisme (mais pas un individu entier).

  • Cellules pluripotentes induites

ou iPS (de l’anglais induced pluripotent stem cells)

Ces cellules sont obtenues à partir de la reprogrammation de cellules adultes, par exemple de peau, vers un stade indifférencié. Cette découverte majeure rend possible la « régression » d’une cellule adulte déjà spécialisée vers un état de pluripotence (voire de totipotence), à l’instar des cellules souches embryonnaires.

  • Autologue et allogénique

Greffe de cellules souches autologue : les cellules provenant du patient lui sont administrées

Greffe de cellules souches allogénique : les cellules provenant d’autrui sont administrées au patient

  • Agence de la biomédecine :

Cette agence est un établissement public à caractère administratif, créé dans le cadre de la révision des lois de bioéthique du 6 août 2004. L’ABM exerce ses missions dans les domaines du prélèvement et de la greffe d’organes, de tissus et de cellules, ainsi que dans les domaines de la procréation, de l’embryologie et de la génétique humaines.

3. Quelques chiffres

Rappel : 165 591 embryons sont actuellement conservés congelés, dont 34% sans projet parental. Environ 80 programmes de recherche sont répertoriés sur le site de l’Agence de Biomédecine. A ce jour, en 2011, aucune thérapie cellulaire à partir de cellules embryonnaires n’a donné de résultats, en France et dans le monde. L’argument essentiel avancé par les chercheurs auprès du législateur pour obtenir des dérogations à l’interdiction de recherches sur l’embryon humain consiste à vouloir disposer de cellules souches en nombre illimité pour les utiliser dans le cadre de thérapies cellulaires visant à recomposer des tissus présentant des dysfonctionnements (pour maladie ou vieillesse). Le rapport de la mission d’information parlementaire de révision des lois de bioéthique souligne un obstacle majeur : le risque immunologique de rejet de la part du receveur. En réalité, on ne connaît pas le développement du système immunitaire à partir des cellules souches embryonnaires. Par ailleurs, lorsque des cellules embryonnaires sont injectées dans un organe, on observe un phénomène de cancérisation des tissus. 90 pathologies hématologiques sont actuellement traitées à partir de cellules de sang de cordon .

4. Les recherches alternatives à la recherche sur l’embryon

a) Les cellules souches adultes et, parmi elles, les cellules issues de sang de cordon et placentaire

Le Rapport de la mission d’information parlementaire de révision des lois de bioéthique (20 janvier 2010) fait état des thérapies existantes à partir des cellules de sang de cordon : « Certaines cellules souches adultes ont prouvé depuis plus de trente ans leur potentiel thérapeutique. Ainsi, les thérapies recourant aux cellules souches hématopoïétiques issues de la moelle osseuse ou du sang périphérique bénéficient à plus de 3 000 malades par an traités pour des hémopathies malignes, pour des tumeurs solides ou pour contrer les effets de chimiothérapies sur la moelle osseuse. Depuis les essais cliniques du docteur Éliane Gluckman, en 1989, on sait utiliser les cellules du sang placentaire (…) Le prélèvement de ces cellules ne présente pas de difficultés techniques. (…) D’autres indications de thérapies à partir de cellules souches issues du sang placentaire sont envisageables selon le docteur Gluckman : « (…) Le laboratoire de recherche du centre de transfusion sanguine des armées de Percy travaille sur les cellules souches mésenchymateuses afin d’améliorer la production en culture d’épiderme pour les grands brûlés. ».

b) La reprogrammation des cellules souches humaines adultes

La découverte des techniques de reprogrammation des cellules somatiques (cellules IPS – découvertes en 2007) a réorienté la recherche bien que posant encore un grand nombre de problèmes à résoudre. Cette voie est reconnue comme prometteuse par la communauté scientifique. Ce sont les équipes du Dr Yamanaka au Japon et du Dr Thompson aux Etats Unis qui ont ouvert cette voie.

5. Principales questions éthiques posées par la recherche sur l’embryon

a) La destruction des embryons

L’utilisation des embryons pour la recherche conduit à leur destruction. En effet, pour obtenir des cellules souches embryonnaires, les embryons sont disloqués et mis dans un milieu de culture synthétique.

b) Des conflits d’intérêts

La « course aux annonces » cache des conflits d’intérêts majeurs au sein de la communauté scientifique. Cette précipitation ne respecte pas les malades, qui vivent souvent des situations dramatiques, en faisant naître chez eux de faux espoirs à court terme.

A titre d’exemple, par son annonce d’octobre 2010, la firme de biotechnologie Geron Corporation semblait faire espérer une thérapie aux personnes paralysées à la suite d’une lésion de la moelle épinière, traduite par certains comme le premier patient traité avec des cellules souches embryonnaires humaines. Or, il ne s’agit en réalité que d’un essai clinique pour évaluer la tolérance du patient à des cellules dérivées de cellules souches embryonnaires.

Le même type de publicité a été fait ensuite en novembre 2010 par la société Advanced Cell Technologie pour un essai clinique concernant une pathologie oculaire.

Aucun résultat positif, même minime, n’a été obtenu à ce jour.

c) L’embryon humain comme cobaye « gratuit »

Un des intérêts mis en avant est de pouvoir tester de nouveaux médicaments (criblage pharmaceutique) ou réaliser des recherches sans passer par les tests sur les animaux qui, eux, sont onéreux et nécessitent une formation et des installations spécifiques. Par exemple, des embryons écartés lors de DPI porteurs de gènes de maladies héréditaires sont actuellement objet de recherche.

6. Les propositions d’Alliance VITA concernant la recherche sur l’embryon humain

Alliance VITA est favorable à une recherche scientifique qui concilie les progrès thérapeutiques avec le respect de l’intégrité et de la dignité humaine. Elle conteste toute recherche sur l’embryon, qui le détruit et n’est aucunement destinée à son bénéfice. Avaliser l’idée d’êtres humains exploités pour le reste de l’humanité est contraire aux Droits de l’Homme et à la démocratie.

Ses propositions sont les suivantes :

• Financer en priorité la recherche qui concilie les progrès scientifiques ou thérapeutiques avec le respect de l’intégrité et de la dignité humaine. Tout euro versé à une recherche qui ne respecte pas l’intégrité de l’embryon est contraire aux Droits de l’Homme et constitue un détournement de l’argent public ou privé nécessaire à la recherche éthique. C’est cette dernière qui doit impérativement être soutenue.

• Etablir un registre public des thérapies déjà efficientes utilisant les cellules souches non embryonnaires et créer une instance indépendante qui vérifie l’absence de conflits d’intérêts pour toute communication autour de la bioéthique et du progrès médical. La fascination de certains chercheurs pour l’embryon a trop longtemps nuit au rayonnement des résultats de la recherche éthique, y compris dans les milieux scientifiques. C’est pourquoi un effort de recensement et de communication est désormais nécessaire pour dynamiser ces recherches.

• Réétudier la législation encadrant la recherche, qui limite actuellement la recherche sur l’animal au détriment de l’embryon humain. Du fait de la pression des associations de protection de l’animal, la recherche sur les modèles animaux est sévèrement contrainte, en terme de formation et d’infrastructure, alors que la recherche sur l’embryon humain ne nécessite aucun diplôme préalable. Le rééquilibrage demandé passe par l’interdiction explicite des tests de médicaments sur les embryons.