Utiliser des femmes en état de mort cérébrale comme mères porteuses ?

GPA
09/02/2023

Anna Smajdor propose d’utiliser des femmes en état de “mort cérébrale” comme mères porteuses

La polémique est partie d’un article intitulé « Whole body gestational donation » – que l’on peut traduire par « Don gestationnel du corps entier » – publié dans la revue Theoretical Medicine and Bioethics et écrit par une professeure de l’Université d’Oslo, Anna Smajdor. Elle y étudie l’idée proposée en 2000 par un médecin israélien, Rosalie Ber. Laquelle ? Rien de moins qu’utiliser le corps des femmes en état végétatif persistant ou en état dit de « mort cérébrale » pour porter et mettre au monde des enfants… Si elles ont au préalable donné leur consentement…

Il ne s’agit aucunement d’une étude scientifique. Mais Anna Smajdor, se base sur l’historique de plusieurs situations où des femmes enceintes victimes d’un accident – cérébral, par exemple – ont pu être maintenues en état de vie artificielle, sous respiration artificielle notamment, le temps de prolonger la grossesse pour assurer la survie de l’enfant. Une grossesse a ainsi été maintenue 110 jours[1], conduisant le fœtus à atteindre l’âge de 32 semaines, permettant une naissance avec une prématurité acceptable. Situations tragiques et, évidemment, non intentionnelles. Ce qui n’est éthiquement comparable en rien avec ce qu’évoque l’auteur, par ailleurs largement controversée.

Une “alternative à la GPA”

Parmi les arguments mis en avant, on lit que ce serait une alternative à la gestation pour autrui, que « cela devrait être une option pour quiconque souhaite éviter les risques et les fardeaux de la gestation d’un fœtus dans son propre corps » … Ou encore que tout cela diffère peu du don d’organes…

L’auteur n’hésite pas à brasser des raisonnements absurdes. Par exemple, que cette situation serait éthiquement plus acceptable que la FIV-3 parents, la transplantation utérine, ou la “grossesse masculine”, moins documentés avant qu’ils ne soient pourtant testés en clinique. Et même plus acceptable car plus documentée que ne l’était la FIV classique, quand elle a démarré.

L’auteur aborde la réflexion en y ajoutant celles du statut de l’embryon et du fœtus, de la recherche sur l’embryon et de l’avortement. Elle relève, par exemple que « les motifs juridiques de l’avortement comprennent généralement les déficiences ou les maladies affectant le fœtus ». Ainsi, elle conclut qu’« avec une surveillance très étroite, il est raisonnable de penser que – si les fœtus sont gravement endommagés par des facteurs inattendus découlant d’une gestation en état de mort cérébrale – cela n’entraîne pas nécessairement la naissance de bébés gravement endommagés. Cela pourrait plutôt entraîner la fin du processus à la discrétion des parents commanditaires. (…) qui peuvent décider de l’avortement ou de la “réduction sélective” selon leurs propres souhaits, sans avoir à se soucier des effets sur la donneuse en gestation… ». Reconnaissant que « l’avortement, en particulier tardif, peut être traumatisant pour les femmes enceintes, à la fois émotionnellement et physiquement » et qu’il constitue « un problème qui rend la GPA éthiquement gênante », elle estime que « si la femme est déjà “morte”, elle ne peut pas être blessée »…

 

La femme enceinte, un « conteneur fœtal » ?

L’auteur voit aussi comme un « avantage supplémentaire par rapport aux grossesses standards que la donneuse serait sous contrôle et surveillance médicale absolue ». Elle n’hésite pas d’ailleurs à considérer la grossesse et l’accouchement physiologiques comme étant des risques pour la femme vivante qui pourraient ainsi être évités.

Seul bémol pour Anna Smajdor à ce tableau fallacieusement idyllique, un argument qu’elle présente comme féministe : le risque d’aggraver, par cette technique, l’image de la femme enceinte comme étant un « conteneur fœtal »… et un pas de plus dans l’instrumentalisation des fonctions reproductives des femmes.

Pour Alliance VITA, ces élucubrations ont peu de chances de trouver écho auprès du monde médical, mais elles nous rappellent à quel point il convient de rappeler que le regard sur la procréation, la grossesse, la maternité et la parentalité sont sans cesse à humaniser et à protéger. La culture du droit à l’enfant à tout prix, à n’importe quel prix brouille les esprits mais la grossesse ne se résumera jamais, pour la mère comme pour l’enfant, à un simple rapport contenu-contenant.

[1] Saïd, Abuhasna, Amer Al, Jundi, et votre Rahman Masood, Abdallah Dirar et Chedid Faris. 2013. A brain-dead pregnant woman with extended somatic support and successful neonatal outcome: A grand rounds case with a detailed review of literature and ethical considerations. International Journal of Critical Illness and Injury Science 3: 220-224. https://doi.org/10.4103/2229-5151.119205.

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