Recherche sur l’embryon humain et les cellules souches

Recherche sur l’embryon humain et les cellules souches

Loi de bioéthique 2021 :

Épisode 2 : La recherche sur l’embryon et les cellules souches 

Toute la législation bioéthique en France.

La question de la recherche sur l’embryon humain a commencé à émerger principalement pour des raisons liées à l’existence d’un stock d’embryons dit « surnuméraires ». Ces embryons surnuméraires ont été conçus dans le cadre de protocoles d’assistance médicale à la procréation (PMA), et (aban)donnés par les couples dont ils sont issus.

Nous parlons ici d’une recherche bien particulière, puisqu’elle implique un être humain au commencement de sa vie. Considérer l’embryon humain comme un matériau de recherche comme un autre pose ainsi de graves questions éthiques.

I. Chronologie des lois encadrant la recherche sur l’embryon

 

Le droit encadrant cette recherche n’a cessé d’évoluer à chaque révision de la loi bioéthique.

  • 1994 : Interdiction totale de la recherche sur l’embryon
  • 2004 : Interdiction avec dérogations pour 5 ans et sous conditions
  • 2011 : Interdiction avec dérogations sans limite de temps et sous conditions
  • 2013 : Suppression du principe d’interdiction
  • 2021 : Assouplissement de nombreux critères

Les premières lois de bioéthique de 1994 avaient logiquement introduit l’interdiction de toute recherche sur l’embryon humain. Cette règle avait été affirmée pour tirer toutes les conséquences de l’article 16 du Code civil qui dispose que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».

Au fond, cette interdiction consacrait la reconnaissance de l’embryon comme appartenant à l’humanité, ce qui commande déjà de ne pas le considérer comme un matériau d’expérimentation mais également de lui reconnaitre une destinée humaine. Et donc, d’être appelé à vivre et à mourir comme le sont tous les êtres humains. C’est ce qui a conduit le législateur à prévoir que les embryons ne puissent être conçus in vitro que dans l’optique d’être implantés dans l’utérus maternel (dans le cadre de parcours de PMA).

Le devenir de l’embryon issu d’un couple qui ne souhaitait plus l’accueillir se résumait donc à deux options : vivre (être donné à un autre couple) et à défaut d’accueil, à mourir (sa conservation était arrêtée).

C’est aussi la raison pour laquelle il est interdit de créer des embryons pour la recherche.

L’humanité de l’embryon a été réaffirmée par le législateur dans les lois bioéthiques de 2004 et 2011 même si l’interdiction de la recherche souffrait déjà d’exceptions à titre dérogatoire et temporaire. Depuis 2013, ce principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon a été supprimé. Enfin, en 2021, la loi bioéthique a considérablement réduit la protection due à l’embryon humain en facilitant sa mise à disposition et son instrumentalisation.

Actuellement en France, environ 80 équipes de chercheurs sont autorisées à mener ces recherches. Une vingtaine de recherches déclarées sont menées sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh), et 8 recherches ont été autorisées sur l’embryon humain. (Parmi ces 8, seules 2 seraient postérieures à la loi de 2021.)

II. Définitions et différents types de recherches

 

recherche sur l embryon humain pma

On peut donc aujourd’hui distinguer dans ce cadre juridique plusieurs types de recherches :

  • La recherche sur l’embryon humain lui-même
  • La recherche sur les cellules souches embryonnaires, issues de l’embryon
  • Et la recherche sur les cellules souches « induites » dites IPS.

Précisons ces différentes catégories :

  • L’embryon humain est toujours issu d’un cycle de PMA. Les embryons peuvent être mis à disposition de la recherche dans 2 cas : soit parce qu’ils ne font plus l’objet d’un « projet parental », selon la formule consacrée, soit parce qu’à l’issue d’un tri embryonnaire (après un diagnostic préimplantatoire), il a été décidé de ne pas les implanter.
  • Les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh). Ce sont des cellules directement issues de l’embryon et prélevées à un stade très précoce de son développement. Ces cellules suscitent l’intérêt des chercheurs et des industriels car elles sont dotées de la capacité de se multiplier à l’infini et également de se spécialiser en la plupart des types de cellules de l’organisme (c’est ce qu’on appelle la pluripotence).

Lorsqu’un embryon humain est l’objet de recherche ou de prélèvement de cellules dans le cadre de la recherche, il est obligatoirement détruit.

  • Les cellules IPS : Cellules souches pluripotentes induites. Ce sont des cellules souches induites artificiellement à partir de cellules adultes différenciées, dans lesquelles sont introduites quatre gènes de pluripotence. Cette manipulation – on parle de « reprogrammation » – leur redonne l’habilité à se différencier en n’importe quel type de cellules et à se multiplier indéfiniment. Toutes les cellules adultes qui prolifèrent peuvent être utilisées pour générer des cellules iPS. Sont particulièrement utilisées les cellules du sang, de peau.

III. Cadre spécifique de la recherche sur l’embryon humain

 

A. La recherche est soumise à une autorisation de l’Agence de la biomédecine.
B. Conditions dites « scientifiques » :
  • Loi 2021 : « la pertinence scientifique doit être établie ». Ce critère est peu précis, et régulièrement assoupli. Sans être scientifiquement nécessaires, les recherches ne doivent pas être fantaisistes.
  • Loi 2021 : exigence d’une « Finalité médicale ou vise à l’amélioration de la connaissance de la biologique humaine ».

Ce critère n’a eu de cesse d’être assoupli au fil des ans.

modèle d'embryonEn 2004, la recherche devait permettre des « progrès thérapeutiques majeurs ». (Ne pouvant être atteints par des méthodes alternatives) ; en 2011, la loi demandait seulement à la recherche de permettre des « progrès médicaux majeurs » (assouplissement pour faciliter la recherche fondamentale).

En 2013, la recherche sur l’embryon devait avoir une simple « finalité médicale ». Désormais, cela peut être simplement le fait de viser l’amélioration de la connaissance de la biologie humaine, ce qui est extrêmement vaste et ne permet pas de garantir le respect de critères éthiques.

 

  • 2021 : la loi demande simplement qu’« en l’état des connaissances scientifiques, la recherche ne peut être menée sans recourir à des embryons ».

Lorsque le régime dérogatoire a ouvert la recherche sur l’embryon, elle était conditionnée à la démonstration de l’absence de méthode alternative d’efficacité comparable. Ce critère a été depuis assoupli. Déjà en 2013, la loi avait supprimé la fin de la faveur pour les méthodes alternatives.

C. Dispositions particulières :
  • Il est mis fin à leur développement in vitro au plus tard le quatorzième jour de développement.
  • La conception d’embryons n’est possible que dans le cadre d’une AMP (assistance médicale à la procréation ou PMA). Il n’est pas autorisé de concevoir des embryons dans l’unique objectif de les donner à la recherche.
  • Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation. Ils sont détruits.
  • Gratuité : les embryons sont cédés sans contrepartie financière. L’obtention d’embryons à titre onéreux est interdite.
  • Consentement (du couple, membre survivant ou femme).

Il doit être réitéré dans les 3 mois et est révocable tant qu’aucune recherche n’a eu lieu. Depuis la loi 2021 : l’information sur les autres possibilités ouvertes par la loi ne sont plus obligatoires (don à un couple, arrêt de la conservation…)

  • Anonymat : aucune information susceptible de permettre l’identification du couple à l’origine des embryons ne peut être communiquée au responsable de la recherche.
  • L’article précisant que « La création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite » a été supprimé par la loi de 2021.

Pour les embryons transgéniques (génétiquement modifiés), cet article a été remplacé par : « La conception in vitro d’embryon humain par fusion de gamètes ou la constitution par clonage d’embryon humain à des fins de recherche est interdite ». (L.2151-2 et Art.18 convention d’Oviedo). La rédaction a donc changé. Les mots « par fusion de gamètes » (ce qui correspond tout simplement au phénomène naturel de fécondation, entre un ovocyte et un spermatozoïde) ont été introduits.

Dès lors, les « embryons » créés par d’autres voies ne sont pas concernés par cet interdit. Cette ouverture vise notamment à ne pas empêcher la recherche sur les « modèles embryonnaires ».

Pour les « chimères » (mélange d’embryons humains et d’autres espèces). La loi de 2021 énonce que : « La modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces est interdite ». L’inverse n’est donc plus interdit : il est possible d’intégrer des cellules humaines (notamment embryonnaires, mais aussi IPS) à des embryons d’autres espèces.

IV. Cadre spécifique de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh)

 

La recherche est soumise à une déclaration à l’Agence de la biomédecine.

Le directeur général de l’ABM peut s’opposer à cette déclaration.

A. Dispositions particulières
  • Les CSEh doivent dériver d’embryons issus d’un protocole de recherche autorisé ou de CSEh ayant fait l’objet d’autorisation d’importation.
  • Les gamètes obtenus par CSEh (c’est-à-dire, transformation de la CSEh en ovocytes ou en spermatozoïde) ne peuvent en aucun cas servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou recueilli par don.
  • Cas particulier. Si le protocole demandé a pour objet la différentiation de CSEh en gamètes, l’obtention de modèles de développement embryonnaire ou encore l’insertion de CSEh dans un embryon animal dans le but d’un transfert chez l’animal, le directeur général de l’ABM peut s’y opposer, après avis public du Conseil d’orientation de l’ABM. A défaut d’opposition du directeur général de l’agence, la réalisation du protocole de recherche peut débuter.
 
B. Conditions dites « scientifiques »
  • La « pertinence scientifique doit être établie »
  • La recherche doit s’inscrire dans une « Finalité médicale ou amélioration de la connaissance de la biologie humaine ». Ce critère extrêmement vaste n’est donc pas très restrictif.

 

Clause de conscience :

Que cela concerne la recherche ou l’exploitation de l’embryon ou des cellules embryonnaires : « Aucun chercheur, aucun ingénieur, technicien ou auxiliaire de recherche quel qu’il soit, aucun médecin ou auxiliaire médical n’est tenu de participer à quelque titre que ce soit aux recherches sur des embryons humains ou sur des cellules souches embryonnaires autorisées en application de l’article L2151-5 ».

V. Cadre spécifique de la recherche sur les cellules IPS Cellules pluripotentes induites

Si le protocole demandé a pour objet la différentiation en gamètes, l’obtention de modèles de développement embryonnaire ou l’insertion dans un embryon animal dans le but d’un transfert chez l’animal, ces recherches spécifiques sont soumises à déclaration auprès de l’ABM.

Les cellules IPS, qui n’impliquent pas de sacrifier des embryons humains pour être mises au point, ont souvent été présentées comme une alternative possible à l’utilisation des cellules embryonnaires. En réalité, ces deux types de cellules ne sont pas identiques, en particulier car les cellules IPS gardent une « trace » des changements intervenus pendant la reprogrammation. Ainsi, lorsque des protocoles sont engagés avec des cellules IPS, bien souvent ces protocoles induisent l’utilisation de CSEh, celles-ci étant reconnues comme étant la « norme » à laquelle comparer les résultats.

Les chercheurs parlent des CSEh comme de « gold standard ». Parmi les enjeux éthiques inhérentes aux cellules IPS, il y a celle du consentement de la personne dont sont issues ces cellules, en particulier sur les usages futurs qui pourraient être attribuées à ces cellules particulières, attendu que leur différentiation en gamètes ou leur insertion dans un embryon animal (chimères) n’ont pas été interdit par la loi bioéthique.

VI. Que deviennent les embryons dits « surnuméraires » ?

 

Les deux membres du couple ou la femme non mariée dont des embryons sont conservés sont consultés chaque année pour savoir s’ils maintiennent leur “projet parental”. S’ils confirment par écrit le maintien de leur projet parental, la conservation de leurs embryons est poursuivie. S’ils n’ont plus de “projet parental”, les deux membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir (délai de réflexion de trois mois) :

  • A ce que le ou les embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme ;
  • A ce que le ou les embryons fassent l’objet d’une recherche ;
  • A ce que les cellules dérivées à partir de ces embryons entrent dans une préparation de thérapie cellulaire ou un médicament de thérapie innovante à des fins exclusivement thérapeutiques ;
  • A ce qu’il soit mis fin à leur développement in vitro, (fin de la cryoconservation) ce qui conduit à leur destruction.

L’absence de révocation du consentement dans ce délai de 3 mois vaut confirmation. Pour la recherche ou la dérivation de cellules en préparation de thérapie cellulaire, le consentement est révocable tant qu’il n’y a pas eu d’intervention sur l’embryon. Il est mis fin à leur développement in vitro et donc à leur destruction :

  • En l’absence de réponse depuis au moins cinq ans, à compter du jour où ce consentement a été confirmé ;
  • En cas de désaccord des membres du couple ;
  • En cas de décès de l’un ou des deux membres du couple, en l’absence des consentements pour qu’ils soient accueillis par d’autres ou donnés à la recherche.
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Projet de loi fin de vie : ouverture d’un guichet pour le suicide assisté et l’euthanasie

Projet de loi fin de vie : ouverture d’un guichet pour le suicide assisté et l’euthanasie

Projet de loi fin de vie : ouverture d’un guichet pour le suicide assisté et l’euthanasie

 

Le projet de loi fin de vie a été transmis au Conseil d’Etat pour examen, avant présentation au Conseil des ministres le 10 avril.

Un projet “ficelé” depuis des mois

Une version datée d’octobre 2023 avait déjà circulé. Alliance VITA, par son Porte-Parole en avait proposé un décryptage. A l’époque, de nombreuses associations de soignants en avait dénoncé les termes. La version circulant aujourd’hui reprend toutes les caractéristiques de la précédente en y ajoutant le critère de souffrance psychologique :

  • L’ « aide à mourir » serait exécutée sous forme de suicide assisté ou d’euthanasie si le patient ne peut physiquement se l’administrer lui-même y compris par un proche.
  • Un seul médecin décide au final si la demande du patient est conforme aux critères d’éligibilité.
  • Le pronostic vital doit être engagé à court ou moyen terme sans définition du terme.
  • Le temps de décision est relativement court : en moins de 3 semaines, la décision peut être actée.
  • Les proches et les familles n’ont pas de rôle dans le processus mis en place.
  • La clause de conscience prévue n’inclut pas les pharmaciens qui devront préparer et transmettre la substance létale, ni les Institutions hébergeant les malades.
  • Le contrôle ne sera qu’a posteriori.

Cette quasi absence de modifications depuis octobre interroge sur les motifs du délai pour l’annonce officielle, faite par Emmanuel Macron dans une interview le 10 mars. D’autant plus que le projet de loi ne comporte pas d’objectif contraignant pour la partie soins palliatifs renommés soins d’accompagnement.

Le contenu du projet

  • Exposé des motifs

L’exposé des motifs s’efforce de placer ce projet dans la continuité des lois précédentes : accès aux soins palliatifs, refus de l’obstination déraisonnable, possibilité d’arrêter ou de refuser un traitement, sédation profonde et continue jusqu’au décès en cas de pronostic vital engagé à court terme…

Le mot de dignité, qui n’est jamais défini, est repris plusieurs fois dans l’exposé. A la lecture du texte, on comprend que cette dignité désigne en fait le sentiment subjectif du patient, et non une dignité intrinsèque à toute personne humaine. Un premier glissement sémantique lourd de conséquences.

Avec ce projet, la rupture est consommée avec la recherche d’une “voie française” pour la fin de vie. Enoncée en 2005, cette voie refusait l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie. Dans son discours aux membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie en avril 2023, Emmanuel Macron parlait de “tracer un nouveau jalon vers ce modèle français de la fin de vie”. Le processus mis en place est en fait d’importation étrangère.

Le projet fait état d’une « demande sociétale » : « celle de pouvoir décider de sa mort ». Pourtant, à notre connaissance, aucun sondage, ni la Convention citoyenne n’a posé la question de cette façon directe « Voulez-vous décider de votre mort ? ». Le CCNE, invoqué dans le projet de loi, a indiqué dans son avis controversé sur la question (avis 139)

« La sollicitation d’une aide active à mourir traduit en particulier la peur de mal vieillir : de subir l’isolement, la solitude, l’invalidité, la dépendance ou l’absence d’accès à des soins palliatifs. Enfin, les demandes de mort peuvent aussi être l’expression d’un profond syndrome anxiodépressif (qu’il faut évaluer et traiter) dans une situation où les pertes de fonctions et d’autonomie se succèdent, engendrant une perte de l’estime de soi. Ces peurs peuvent expliquer une volonté d’évolution législative en faveur d’une autorisation de l’aide active à mourir ».

Peut-on parler de volonté libre et éclairée, de décision, dans un tel contexte ?

Et si le suicide est considéré comme une ultime liberté », comme le sous-entend l’exposé des motifs voire « un droit », pour quelle raison en feraiton la prévention ?

  • Le premier volet du projet est consacré « aux soins d’accompagnement et aux droits des malades ».

Les premiers articles entendent redéfinir ces soins comme une approche plus large que les soins palliatifs. La « notion de soins palliatifs » est intégrée dans « celle plus englobante de soins d’accompagnement ». Le projet prétend que ces soins comprennent des « soins de support » (accompagnement psychologique, nutritionnel…), des « soins de confort » (massage, musicothérapie…), cet accompagnement devenant une « démarche palliative initiée précocement y compris à domicile et régulièrement réévaluée pour améliorer la qualité de vie du patient jusqu’à la mort ».

Cette définition est pourtant très exactement celle des soins palliatifs selon l’OMS !

Son site précise que : « Les soins palliatifs sont une approche pour améliorer la qualité de vie des patients (adultes et enfants) et de leur famille, confrontés aux problèmes liés à des maladies potentiellement mortelles. Ils préviennent et soulagent les souffrances grâce à la reconnaissance précoce, l’évaluation correcte et le traitement de la douleur et des autres problèmes, qu’ils soient d’ordre physique, psychosocial ou spirituel. ».

La réalité de terrain semble méconnue dans ce projet de loi. La musicothérapie est pratiquée dans des unités de soins palliatifs, ainsi que l’accompagnement psychologique. Le philosophe Jacques Ricot rappelle dans un article ancien que la première unité de soins palliatifs en France, ouverte en 1987, comprend une psychologue dans son équipe. La violoncelliste Claire Oppert a écrit un beau témoignage sur la musicothérapie pour les personnes en fin de vie. Rien de nouveau, donc, contrairement à ce qui est communiqué.

Une nouvelle appellation enrichit le lexique sanitaire sous le vocable de « maisons d’accompagnement », structures intermédiaires destinées à recevoir des patients pour cette prise en charge globale.

Aucune assurance de moyens n’est donnée dans le projet au volet « soins ». Les « maisons d’accompagnement » seront sous une contrainte budgétaire de financement (dite ONDAM) qui régit déjà un système de santé en crise.

Le projet de loi introduit un droit de visite des patients hospitalisés et des résidents d’établissements médico-sociaux. Réclamé après les restrictions importantes pendant la crise sanitaire, ce droit « devra toutefois être concilié avec les contraintes organisationnelles du service ».

  • La deuxième partie du projet de loi détaille le processus de « l’aide à mourir ».

Celle-ci consiste en l’auto-administration de la substance létale par le patient, ou son administration par un soignant ou un proche si la personne est dans l’incapacité physique de le faire.

Des conditions d’apparence stricte sont mentionnées :

La personne doit être majeure, capable d’exprimer une volonté libre et éclairée, souffrant d’une affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou moyen terme et présentant des souffrances physiques ou psychologiques réfractaires ou insupportables liées à cette affection.

Dans l’interview du 10 mars dans laquelle le président de la République dévoilait les grandes lignes du projet de loi, il y précisait que ce serait « à une équipe médicale de décider, collégialement et en transparence, quelle suite elle donne à cette demande. »

Dans le texte transmis au Conseil d’Etat, un seul médecin sera décisionnaire. Le médecin consulté recueille l’avis d’un médecin qui ne connait pas la personne, spécialiste de la pathologie dont souffre le patient et d’un professionnel de santé paramédicale.

Ces avis ne constituent aucunement une « décision collégiale ». Le processus retenu consacre ainsi une toute-puissance médicale. On peut craindre que se crée une filière puisque le patient pourra choisir le médecin à qui il adressera sa demande. Aucun lien avec le médecin traitant n’est exigé. Dans ce même échange avec les journalistes de La Croix et de Libération, Emmanuel Macron affirmait aussi que « les membres de la famille qui peuvent avoir intérêt à agir pourront faire recours à la demande ». Aucune information ou consultation des proches ou de la famille n’est pourtant prévue dans le processus.

Le délai de mise en œuvre est relativement court : le médecin consulté a 15 jours pour répondre au patient, puis le patient a 2 jours pour confirmer sa volonté.

Enfin, pour ce prétendu « modèle français » dont la Ministre en charge Catherine Vautrin, a précisé que ce n’est « ni euthanasie, ni suicide assisté » alors qu’il s’agit en réalité de légaliser les deux, le projet de loi modifiera le code des assurances et le code de la mutualité qui excluent le cas de suicide pour l’assurance décès lors de la première année d’un contrat…

« Les frontières de mon langage sont les frontières de mon monde », selon le philosophe Ludgig Wittgenstein. On comprend ainsi l’importance accordé par ce projet de loi à utiliser son propre langage, manipulant de nouvelles définitions sur des réalités existantes.

Le monde dessiné par ce projet de loi est résolument individualiste. Il constitue un véritable basculement en levant l’interdit de tuer et il consacre une toute puissance médicale dont les plus vulnérables seraient les premières victimes.

 

décryptage projet de loi fin de vie

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Derrière la demande d’en finir

Derrière la demande d’en finir

Derrière la demande d’en finir

 

Qu’y a-t-il derrière la demande d’en finir ?  Comment y répondre de la façon la plus humaine possible ?

Caroline Roux, Université de la vie 2024 “Parier sur la vie, est-ce raisonnable ?” – Soirée 3 : La vie, à son achèvement.

 

A partir de l’expérience d’écoute du service SOS Fin de vie et de l’apport d’études récentes, il en ressort que l’adoption d’une attitude d’écoute face à ces demandes permet de créer un espace de discussion à même de favoriser l’interaction avec le patient au lieu de répondre par une solution irréversible que serait l’euthanasie ou le suicide assisté.

Trois attitudes sont clés pour accompagner un « mieux-être » en fin de vie :  

  • Repérer les besoins sous-jacents à l’expression de vouloir mourir. Ils peuvent être multiples – douleurs mal soulagées, souffrances sociales, psychologiques, spirituelles ou encore existentielles…
  • Etablir la personne dans ses capacités d’autonomie encore possible.
  • Apprivoiser l’incertitude qui entoure l’approche de la mort, un temps vierge qui laisse encore la place à l’imprévisible et à la part de mystère propre à chacun.

Dans les pays qui ont légalisé ces pratiques, la mort provoquée tend à être intériorisée comme une nouvelle norme.  Aujourd’hui des psychiatres et des psychologues disent leur inquiétude de la perspective d’une légalisation du suicide assisté en France et le risque que cela représente pour la prévention du suicide.

Parier sur la vie jusqu’au bout par l’accompagnement, en soulageant le mieux possible, sans s’acharner, demeure encore la voie la plus digne de notre humanité.

 

derrière la demande d'en finir caroline roux

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Journée mondiale de la trisomie 21 : des personnes à célébrer !

Journée mondiale de la trisomie 21 : des personnes à célébrer !

Journée mondiale de la trisomie 21 : des personnes à célébrer !

 

En 2011, l’Assemblée Générale de l’ONU a proclamé le 21 mars comme Journée Mondiale de la Trisomie 21.

Dans sa proclamation, l’Assemblée se disait “consciente que la dignité inhérente, la valeur intrinsèque et les contributions précieuses des personnes atteintes de déficience mentale favorisent le bien-être et la diversité des communautés auxquelles elles appartiennent, et qu’il importe qu’elles soient autonomes et indépendantes, notamment libres de faire leurs propres choix“.

Dans son site, l’ONU rappelle que “la trisomie 21 (ou syndrome de Down) est un arrangement chromosomique naturel qui a toujours fait partie de la condition humaine, qui existe dans toutes les régions du monde et qui a généralement des conséquences différentes sur le style d’apprentissage, les caractéristiques physiques ou la santé.

Un bon accès aux soins de santé, aux programmes d’intervention précoce et à une éducation ouverte à tous, ainsi que des travaux de recherche appropriés, sont indispensables à la croissance et au développement de l’individu“.

Cette journée a pour vocation de sensibiliser la population à la situation des personnes atteintes de cette anomalie chromosomique.

 

Situation en France pour les personnes porteuses de Trisomie 21

Comme le note l’ONU, la trisomie 21 fait partie de la condition humaine. Une étude publiée dans le journal des neurosciences estime qu’une figurine grecque datant du néolithique représente une personne atteinte de cette pathologie.

La HAS a écrit dans une note dédiée que cette pathologie concerne « environ 1 grossesse sur 400 ». L’ONU dans sa page dédiée à la journée cite une prévalence « comprise entre 1 sur 1 000 et 1 sur 1 100 naissances vivantes à travers le monde ». Il nait en France environ 500 enfants avec une trisomie 21, soit un peu plus d’une naissance (1.3) sur 2000. Le dépistage prénatal très systématique pratiqué en France explique probablement cet écart avec la moyenne mondiale. Il y aurait entre 40000 et 50000 personnes vivant en France qui portent cette pathologie.

La Fondation Jérôme Lejeune, qui se consacre à l’accueil et au soin des personnes atteintes de ces pathologies, rappelle que « ces dernières années, l’espérance de vie de ces personnes a bien augmenté et se rapproche de celle de la population générale ». De nouvelles pistes thérapeutiques sont apparues.

 

Des personnes à célébrer

Cette journée est l’occasion de célébrer chaque personne atteinte de cette pathologie.

Depuis plusieurs années, des efforts pour les intégrer pleinement dans la société ont porté des fruits. En Espagne, à Valence, Mar Galceran est devenue la première personne élue député à la chambre régionale. Agée de 45 ans, et élue sur la liste du Partido Popular (PP) elle a affirmé à la presse que « C’est une façon de faire tomber les barrières face à une société avec ses préjugés ». Elle a demandé que la société ne « regarde pas les déficiences mais les personnes ».

En France, Eléonore Laloux, conseillère municipale à Arras, est ambassadrice pour la poupée Barbie « atteinte de trisomie 21 ». Dans une vidéo, un étudiant syrien a parlé de sa relation avec son père atteint de cette pathologie. Cité dans le Figaro, cet étudiant a dit de son père que : «pendant mes études, il a été mon plus grand soutien, aussi bien économiquement que psychologiquement pendant mes études, et pour tout cela je lui en suis très reconnaissant».

Cette journée mondiale est l’occasion de souhaiter que chaque enfant atteint de trisomie 21 soit accueilli par sa famille, et respecté et entouré par toute la société.

 

journée mondiale de la trisomie 21

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Infections sexuellement transmissibles : une hausse troublante

Infections sexuellement transmissibles : une hausse troublante

Infection sexuellement transmissible : une hausse troublante

Les cas d’infections sexuellement transmissibles (IST) sont en hausse en Europe, selon un rapport publié par le Centre Européen de Prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Cette Agence créée en 2005 et basée à Stockholm a récemment publié des chiffres détaillés au niveau européen sur l’année 2022. Ces rapports sont une partie de sa mission de surveillance annuelle des infections, avec la publication d’environ 65 rapports disponibles sur son site.

 

Comment sont classées les IST ?

Selon le site de l’Assurance Maladie, les IST, autrefois plus souvent désignées par le sigle MST (maladies sexuellement transmissibles) sont “des infections pouvant être transmises lors des relations sexuelles” et “il en existe plus d’une trentaine”.

Toujours selon cette source, les IST les plus fréquentes sont d’origine infectieuse diverses :

  • des maladies sexuellement transmissibles bactériennes. Les plus connues sont la syphilis, la gonorrhée, la chlamydiose et l’infection à mycoplasmes, qui, lorsqu’elles sont diagnostiquées, peuvent être guéries ;
  • des maladies virales : l’hépatite B, l’herpès génital, le VIH et le papillomavirus humain (VPH) responsable de plusieurs cancers selon l’OMS. Ces infections peuvent être difficiles ou impossibles à guérir, selon le type de virus.
  • des maladies sexuellement transmissibles parasitaires comme la trichomonase traitée par des médicaments antiparasitaires.

Que constate le rapport européen ?

Dans son résumé, l’ECDC note que le nombre de cas rapportés a augmenté de façon significative comparé à l’année précédente : +48% pour les gonorrhées, +34% pour la syphilis, +16% pour la chlamydiose. L’Agence s’inquiète aussi de la hausse des cas de syphilis transmise de la mère au bébé. Pour les cas de syphilis, cela représente 35391 cas reportés en 2022.

Dans le détail, pour la syphilis, une infection emblématique, les données indiquent que les hommes sont 8 fois plus touchés que les femmes, la catégorie 25-34 ans étant la plus représentée. Dans 74% des cas, le rapport note que la syphilis touche les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (dit HSH). Cependant, pour la première fois en 10 ans, il y a aussi une augmentation notable des cas chez les hommes et femmes hétérosexuels.

Le Directeur Général a publié un communiqué appelant à un renforcement de la lutte contre ces infections. « S’attaquer à l’augmentation substantielle des cas d’IST exige une attention urgente et des efforts concertés. Le dépistage, le traitement et la prévention sont au cœur de toute stratégie à long terme. Nous devons donner la priorité à l’éducation en matière de santé sexuelle, élargir l’accès aux services de dépistage et de traitement, et lutter contre la stigmatisation associée aux IST ».

Une problématique globale

Une étude publiée par l’Université de Cambridge en 2019 notait déjà la résurgence de ces infections que l’on pensait être reléguée dans le passé, à partir des années 2000, et après des tendances à la baisse dans les années 80 et 90. Les auteurs, dont certains travaillaient à l’ECDC, écrivaient que

« Depuis les années 2000, les taux de syphilis ont de nouveau augmenté dans les pays développés, les taux augmentant plus rapidement chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH), mais augmentant également dans d’autres groupes de population. L’interaction avec la co-infection par le VIH, les changements dans le comportement sexuel suite à l’élargissement de la disponibilité d’un traitement antirétroviral efficace contre le VIH, l’évolution des moyens et de la facilité de trouver des partenaires sexuels grâce à Internet et aux applications mobiles de rencontres ont accru la complexité de l’épidémiologie, et particulièrement de son contrôle ».

En 2022, c’était 2.5 millions de cas de clamydiose, gonorrhées et syphilis comptabilisés aux Etats Unis. L’an dernier, les autorités sanitaires américaines (le CDC) lançaient une alerte sur les cas de nouveaux-nés touchés par la syphilis. Plus de 3700 cas étaient répertoriés en 2022, dix fois plus qu’en 2012 (335 cas). Le rapport alerte aussi sur la disparité des situations, les bébés d’origine afro-américaines, hispaniques, et indiennes étant beaucoup plus touchés. La Directrice Médicale du CDC s’est exprimée en ces termes : « la crise de la syphilis congénitale aux États-Unis a explosé à un rythme qui fend le cœur ».

On croyait ces infections d’un temps révolu. Il semble que Charles Baudelaire est mort de la syphilis. Guy de Maupassant, également. Un historien spécialiste du XIX° siècle, Alain Corbin, a pu ainsi déclarer que « l’angoisse de la syphilis hante la littérature ». Les mesures prophylactiques prônées par les autorités : usage du préservatif, notification aux partenaires comme le souhaite la Haute Autorité à la Santé (HAS ) seront-elles suffisantes ?

A l’heure de la mondialisation et des applications de rencontre qui mettent facilement en contact des personnes qui ne se connaissent pas, une stratégie plus globale semble nécessaire, intégrant les comportements au-delà d’une approche purement prophylactique souvent trop privilégiée par les autorités sanitaires.

infections sexuellement transmissibles  une hausse troublante

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Inquiétude et opposition face au projet de loi fin de vie

Inquiétude et opposition face au projet de loi fin de vie

Inquiétude et opposants au projet de loi fin de vie

Dimanche 10 mars, le président de la République dévoilait les contours du projet de loi fin de vie et l’ouverture d’une aide à mourir, vaine euphémisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Nombreuses sont les voix qui se sont fait entendre pour marquer leur inquiétude et leur opposition face à un tel projet.

Plusieurs personnalités ont immédiatement partagé leurs craintes comme la psychologue Marie de Hennezel qui dans une adresse au président de la République dans Ouest France se fait la porte-parole « Des personnes de 80 à 100 ans, fragilisées bien que souvent encore autonomes, qui perçoivent le danger d’une loi qui établira un continuum entre les soins de fin de vie et l’euthanasie. »

Elle rappelle l’urgence « de couvrir le territoire de structures de soins palliatifs, maintenant et pas d’ici dix ans » et s’interroge « Qui fera désormais confiance à son médecin ? Comment ferez-vous pour restaurer cette confiance, pour protéger les plus vulnérables de notre société ? » D’autres encore ont pointé le basculement qu’entraine la levée de l’interdit de tuer comme le philosophe Pierre Manent, ou encore l’inéluctabilité des dérives comme le sociologue Jean-Pierre Le Goff.

Les soignants réunis au sein du collectif sur la fin de vie ont exprimé leur consternation et leur colère dans un communiqué de presse. Alors qu’ils seraient en première ligne pour appliquer la loi si elle était votée, ils déplorent n’avoir jamais été associés à l’élaboration du texte. Ils pointent également le caractère « ultra-permissif » du modèle envisagé : « le dispositif décrit emprunte à toutes les dérives constatées à travers le monde. Aucun pays n’envisage l’administration de la substance létale par un proche. »

Très inquiets de la confusion sur le sens du soin, ils le sont aussi des annonces dérisoires sur l’accompagnement de la fin de vie et en particulier s’agissant du budget affecté aux soins palliatifs. Pour eux, ce projet « va à l’encontre des valeurs du soin et du modèle de non abandon qui fondent [notre] modèle français d’accompagnement de la fin de vie ».

Les représentants des religions ont aussi exprimé leur inquiétude face au projet de loi. Au micro de France Inter, l’évêque de Nanterre Matthieu Rougé a rejeté une réforme qui promeut à la fois l’euthanasie et le suicide assisté, indiquant qu’« on ne peut pas parler de fraternité quand on répond à la souffrance par la mort ».

Pour le président de la Conférence des évêques de France, Monseigneur de Moulins-Beaufort, « Appeler “loi de fraternité” un texte qui ouvre le suicide assisté et l’euthanasie est une tromperie ». Pour lui, « Ce qui est annoncé ne conduit pas notre pays vers plus de vie, mais vers la mort comme solution à la vie. […] les Français n’envisageraient pas de la même manière la fin de vie si les soins palliatifs étaient chez nous une réalité pour tous partout, comme le voulait la loi dès 1999. Ces derniers temps, non seulement rien n’a été fait pour apporter des soins palliatifs là où il n’y en a pas, mais les moyens de plusieurs services existants ont été réduits encore. C’est cela la vérité. »

Le recteur de la Grande Mosquée de Paris Chems-eddine Hafiz a pour sa part, jugé qu’ « une aide à mourir ne peut pas être “une loi de la fraternité”, quelles que soient les conditions et les circonstances». Et pour Sadek Beloucif, membre du Forum de l’islam de France (Forif), ce projet marque « un véritable changement de paradigme ». Idem pour le président de l’Union bouddhiste de France, Antony Boussemart, qui a regretté auprès de l’AFP que « la boîte de Pandore (soit) ouverte »

Pour le président de la Fédération protestante de France (FPF), Christian Krieger, si « L’aide à mourir n’est ni une euthanasie ni un suicide assisté, car la demande de la personne n’est pas automatiquement satisfaite. », il regrette en revanche l’inversion de l’ordre des priorités entre « la possibilité du don de la mort » [qui] apparaît comme première ; le développement d’une culture palliative comme seconde, voire secondaire !»

Seul le grand rabbin de France, Haïm Korsia, s’est dit rassuré, estimant que ce projet de loi « n’ouvrira pas de nouveau droit ».

Le flou sémantique entretenu par le président autour de l’ « aide à mourir » qui selon lui ne serait ni euthanasie ni suicide assisté, a été largement critiqué aussi bien par ceux qui s’opposent à un tel projet que par ceux qui le réclament. Le professeur Régis Aubry, membre du Comité consultatif national d’éthique et co-initiateur de la « stratégie décennale » qui a inspiré le chapitre du projet de loi consacré à ces soins et favorable à une évolution du cadre légal, considère « que la formule n’est pas claire et qu’il s’agit d’un euphémisme. »

Sur France Culture, le 11 mars, l’ancien député et co-auteur de la loi Claeys-Leonetti de 2016, Jean Leonetti, juge que les termes de cette future loi sont « flous », car Emmanuel Macron « dit que ce n’est ni l’euthanasie, ni le suicide assisté, mais un peu des deux ». « Quand on est flou, il y a une difficulté à l’application des lois qui ne sont pas extrêmement claires », a-t-il aussi soutenu. Dans un entretien au magazine Valeurs actuelles, François Braun, ancien ministre de la Santé, regrette l’euphémisation : « Je crois qu’on ne peut effectivement pas se cacher derrière la sémantique. On parle de mort. Quelles que soient les circonvolutions, à la fin, il s’agira de donner ou non la mort. »

Enfin il n’est pas inutile de se pencher sur les critiques formulées par les partisans de l’évolution du cadre législatif et de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Certains remettent déjà en cause un cadre jugé trop strict. Martine Lombard, professeure de droit public à l’université Panthéon-Assas, considère que le texte ne va pas assez loin notamment en ce qui concerne le critère de pronostic vital engagé à moyen terme : « Les médecins auront du mal à attester précisément d’une espérance de vie. Le risque, c’est que seuls les malades de cancer en phase terminale soient concernés. »

L’ADMD (association pour le droit de mourir dans la dignité) par la voix de son président, partage sa crainte et brandit l’argument de l’exil à l’étranger pour ceux dont l’état ne correspondrait pas au cadre. L’association déplore aussi que les personnes atteintes de « maladies dégénératives, de type Alzheimer » soit exclues des critères et que les personnes éligibles n’aient pas la « liberté de choix absolue » sur la manière de mettre fin à leurs jours.

Certains regrettent encore que les mineurs soient exclus de l’ « aide à mourir ». Pour la cardiologue Véronique Fournier, présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPV) de 2016 à 2020, « il faut pouvoir faire entrer tous les gens qui ont le même niveau de souffrance et qui ne peuvent pas trouver un apaisement d’une autre façon. Il y a un moment où nous voudrions pouvoir choisir de partir parce qu’il est temps. »

Où l’on voit que les verrous fixés par le président de la République ne tarderont guère à sauter. La boite de Pandore est ouverte.

 

Retrouvez nos articles sur les débats sur la fin de vie en France.

 
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[CP] – Projet fin de vie : la fraternité abandonnée

[CP] – Projet fin de vie : la fraternité abandonnée

COMMUNIQUE DE PRESSE – 11 mars 2024

Projet fin de vie : la fraternité abandonnée

À l’heure où le système de santé français connaît de graves difficultés, annoncer l’accès à une prétendue “aide à mourir”, paravent de l’euthanasie et du suicide assisté, en invoquant la fraternité est aussi indécent que préoccupant.

Au fond, soins palliatifs et euthanasie ou suicide assisté sont incompatibles car leurs logiques sont radicalement différentes. Les exemples des pays qui ont légalisé ces pratiques nous montrent qu’il n’est pas possible de tenir un tout éthique et effectif pour les patients en conjuguant deux approches diamétralement opposées. Au Canada, seulement 30 à 50% des Canadiens ont accès à une forme de soins palliatifs de qualité, et très peu, seulement environ 15%, ont accès à des soins palliatifs spécialisés pour traiter des problèmes plus complexes.

Quant aux critères d’éligibilité à cette « aide à mourir », ils sont déjà contestés et nul doute qu’ils seraient balayés devant les revendications de ceux qui s’estimeront discriminés et qui demanderont leur élargissement. Une fois encore partout où l’interdit de tuer a été levé, le cadre initialement fixé à titre exceptionnel a dérivé.

Pour Alliance VITA, la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté derrière l’expression hypocrite d’« aide à mourir » signerait l’abandon des plus fragiles et le renoncement à l’une des valeurs fondatrices de notre société, la fraternité. C’est pourquoi l’association, forte de son réseau de volontaires présents sur tout le territoire, mènera des actions de sensibilisation locales et nationales pour promouvoir des soins palliatifs de qualité pour tous ceux qui en ont besoin et un engagement contre la « mort sociale » par abandon de nos concitoyens fragilisés par la maladie, le grand âge ou le handicap. C’est la seule option vraiment consensuelle ; c’est la seule digne de l’humanité.

 

projet fin de vie : la fraternité abandonnée

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Où en est-on dans la législation bioéthique en France ?

Où en est-on dans la législation bioéthique en France ?

Où en est-on dans la législation bioéthique en France ?

La dernière loi de bioéthique a été votée le 02 août 2021. Elle s’inscrit dans une chronologie législative remontant à 1994, date de la première loi de bioéthique. La loi de 2021 comporte 7 grands chapitres (des « Titres »), que l’on peut regrouper en 5 grands axes :

I. L’ASSISTANCE MÉDICALE A LA PROCRÉATION (AMP) :

Les débats autour de l’accès à l’AMP dénommé couramment PMA (Procréation Médicalement Assistée) pour les femmes seules ou des femmes vivant ensemble ont été l’angle le plus médiatique. Autour de la PMA, la loi a abordé aussi les questions de filiation, la question de la conservation des gamètes et des embryons et du droit d’accès aux origines pour les enfants issus de cette technique.

loi de bioéthique 2021 : l’assistance médicale à la procréation (amp)

II. LA RECHERCHE SUR L’EMBRYON HUMAIN : 

La loi comporte de nombreuses disposition pour la recherche sur l’embryon humain et les cellules souches.

recherche sur l'embryons loi bioéthique 2021

III. LA GÉNÉTIQUE :

La loi traite de l’information génétique, des tests, des diagnostics et de la recherche génomique.

génétique loi bioéthique 2021

IV. LE DON D’ORGANE, DE TISSUS, DE CELLULE HUMAINE.

don d'organes loi bioéthique 2021

V. DIVERSES DISPOSITIONS : 

Cette loi aborde aussi les traitements des enfants « présentant une variation du développement génital ». Enfin, d’autres dispositions ont modifié l’IMG (Interruption Médicale de Grossesse) et le périmètre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE).

loi bioéthique 2021

 

Avant de rentrer dans les détails de chaque partie, 4 remarques peuvent éclairer l’état d’esprit qui gouverne ce texte

1. Cette loi votée en 2021 accentue la priorité donnée à la technique au service de désirs individuels : par exemple ceux des chercheurs désirant conduire des expériences sur des embryons humains, ou ceux des personnes désirant un enfant. Avoir un enfant dans ces conditions est davantage considéré comme un “droit reproductif” attaché à une personne à titre individuel. C’est une rupture notable alors que la procréation a été depuis les origines humaines, pour des raisons biologiques évidentes et non culturelles, une capacité inhérente aux seuls couples femme-homme.

Cette dégradation continue du droit de la bioéthique formalise davantage un “droit à l’enfant” ou un “droit à la rechercheau détriment d’une approche centrée sur le respect de la vie humaine dès son commencement, et sur le refus de la réification (c’est-à-dire le fait de traiter l’humain comme une chose).

2. Si les désirs et les revendications individuels sont un motif de changer la loi, quel peut être le facteur modérateur à des demandes potentiellement infinies ? En réalité, les limites sont variables. Les lois de bioéthique s’adaptent en fonction du consensus social ou de groupes de pression et d’un équilibre précaire entre différentes demandes ou opinions. Une norme sociale, changeante, sert de garde-fou, conduisant à douter d’une réelle capacité du législateur à tenir un cadre protecteur pour l’humain.

3. Le texte voté inscrit toujours plus la loi de bioéthique dans une logique d’adaptation aux nouvelles et vertigineuses capacités techniques. Cette logique se formule comme une « loi » dite « de Gabor », un physicien hongrois Prix Nobel en 1971 : ce qui est techniquement possible sera nécessairement réalisé. Le mot « loi » se comprend ici comme une forme de fatalité : il ne serait pas possible de faire autrement que de s’adapter aux avancées technologiques et d’accepter pour la société toutes formes de techniques dès qu’elles sont opérationnelles.

4. Cette acceptation de toute technique peut aller de pair avec l’opinion, voire la croyance, que toute découverte, toute technique est un progrès, au sens d’une avancée positive souhaitable pour la société.

Chronologie de la législation bioéthique en France

La loi de 2021 fait suite à d’autres textes traitant des sujets bioéthiques. Le mot « bioéthique » lui-même a une histoire. Apparu au début des années 1970, il est contemporain des progrès médicaux et de l’essor de la technique sur le vivant (bio-technologies) appliquée à l’humain. Une série d’étapes marquantes est disponible sur un site public ici.

  • Février 1983 : Création du CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé).
  • 1994 : Première loi de bioéthique.
  • 2004 : Deuxième loi incluant un mécanisme de révision.
  • 2011 : Troisième loi de bioéthique qui prévoit que tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevées par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux. Elle prévoit aussi un nouvel examen d’ensemble par le Parlement dans un délai maximal de 7 ans après son entrée en vigueur.
  • 2013 : Modification majeure de la loi concernant le cadre de la recherche sur l’embryon est déjà intervenue, par le biais d’une niche parlementaire, en l’absence d’états généraux et des prérequis obligatoires pour une révision de cet ordre.
  • 2018 : Les états généraux sont organisés en vue de la révision aboutissant à la loi de 2021.
  • 2021 : Dernière loi de bioéthique.

1er épisode : L’assistance médicale à la procréation (AMP)

🔎 Lire l’article

I. La technique de PMA disponible sans indication médicale

L’abandon de l’indication médicale d’infertilité constatée pour l’utilisation des techniques de procréation médicale est une modification majeure de la loi. Le recours à l’AMP est simplement conditionné à l’existence d’un « projet parental ».

Médiatisée comme la “PMA pour toutes”, la loi autorise et organise un accès aux techniques de procréation médicale aux femmes, seules ou en couple. L’article L2141-2 du code de santé publique stipule désormais que « L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation ».

Dans cette rédaction, l’accent est mis sur le « projet parental », mettant la volonté individuelle ou du couple au cœur du processus. La rédaction en vigueur depuis 2011 et qui a donc été abrogée stipulait que : « L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué ».

L’extension de la PMA avec tiers donneur pour des femmes seules ou à deux a pour effet indéniable la suppression du père et de la lignée paternelle.

Un décret paru en septembre 2021 fixe les conditions d’âge pour cet accès :

  • Le prélèvement d’ovocytes peut être réalisé chez la femme jusqu’à son quarante-troisième anniversaire ;
  • Le recueil de spermatozoïdes peut être réalisé chez l’homme jusqu’à son soixantième anniversaire

Dans le cas d’une PMA pour un couple, la loi maintient le consentement préalable de chaque membre du couple avant le recours aux techniques de procréation. « Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l’insémination artificielle ou au transfert des embryons ».

La loi a également supprimé l’interdiction d’une PMA avec double don de gamètes, quand un couple bénéficie à la fois d’un don d’ovocytes et de spermatozoïdes. Dans la version précédente de la loi, un couple ne pouvait avoir recours à ce double don. Il s’agissait de maintenir autant que possible un lien génétique entre l’enfant et au moins un de ses parents. En cas de double infertilité, le couple pouvait demander à bénéficier d’un don d’embryon.

 

II. L’autoconservation des gamètes sans indication médicale est également instituée.

Selon l’Agence de Biomédecine (ABM) dans sa brochure sur le sujet, « L’objectif de l’autoconservation des gamètes est de les avoir à disposition si, plus tard, un projet d’enfant devait nécessiter une AMP (Assistance Médicale à la Procréation) ». L’ABM souligne également le rôle de la volonté individuelle : « L’indication n’est pas d’ordre médical mais résulte d’un choix de la personne. C’est la nouveauté introduite par la loi de bioéthique de 2021 ».

Le même décret de septembre 2021 a fixé des conditions d’âge pour cette autoconservation :

  • Le prélèvement d’ovocytes peut être réalisé chez la femme à compter du vingt-neuvième jusqu’à son trente-septième anniversaire ;
  • Le recueil de spermatozoïdes peut être réalisé chez l’homme à compter du vingt-neuvième jusqu’à son quarante-cinquième anniversaire

Les gamètes recueillis sont conservés dans des centres autorisés pour cette activité.

La loi prévoit que chaque année, la personne qui a procédé à cette conservation doit indiquer si elle souhaite :

  • Les conserver,
  • Les utiliser en vue d’une AMP,
  • En faire don à des personnes en attente d’un don de gamètes,
  • En faire don à la recherche scientifique,
  • Mettre fin à leur conservation.

Il est important de noter que pour une autoconservation de spermatozoïdes, l’homme peut consentir à ce qu’une partie des spermatozoïdes recueillis soit donné. En l’absence de réponse aux relances pendant 10 ans consécutifs, les gamètes sont détruits. En cas de décès, la conservation est arrêtée, sauf consentement du vivant de la personne au don ou à la recherche. Si les actes liés au recueil ou au prélèvement des gamètes sont pris en charge par l’Assurance Maladie, l’autoconservation est facturée 40.5 euros par an.

L’importation et l’exportation de gamètes ou de tissus germinaux issus du corps humain sont soumises à une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine. Elles sont exclusivement destinées à permettre la poursuite « d’un projet parental » par la voie d’une assistance médicale à l’exclusion de toute finalité commerciale.

La question de l’exportation, jointe à celle de la destruction en cas de décès, a soulevé des cas complexes de jurisprudence récemment.

 

III. L’impact sur la filiation

Avant la loi de 2021, les techniques d’assistance médicale à la procréation tendaient à imiter la procréation naturelle, afin de garantir à l’enfant que sa filiation soit cohérente au regard des exigences de la biologie pour la procréation (une mère et un père). Pour accéder à une PMA avec donneur, le couple demandeur devait produire leur consentement devant le juge ou le notaire. Cette démarche de consentement souligne la difficulté de ce type d’engendrement pour s’assurer que l’enfant ainsi conçu sera accueilli et élevé par un père et une mère pour pallier le manque existentiel d’un des parents biologiques.

L’accès ouvert aux femmes seules ou vivant en couple impacte nécessairement ce modèle. La filiation devient principalement basée sur la volonté, consacrée par l’existence d’un « projet parental », et non plus un lien ou une réalité biologique.

  1. Dans le cadre d’un couple femme-homme, les règles relatives à l’établissement de la filiation ne sont pas modifiées. La filiation maternelle est établie à l’égard de la femme qui a accouché de l’enfant. S’ils sont mariés, la filiation paternelle s’établit par la présomption de paternité. S’ils ne sont pas mariés, elle s’établit par la reconnaissance volontaire.
  2. Dans le cas d’une femme seule, le recours à l’AMP implique un tiers donneur de sperme. La filiation de l’enfant est établie à l’égard de la femme qui accouche et qui est reconnue comme la mère. Si la femme seule se marie ultérieurement avec un homme, celui-ci pourra procéder à une demande d’adoption de l’enfant. Idem si elle se marie avec une femme.
  3. Dans le cas de deux femmes, mariées, pacsées ou non : le recours à l’AMP implique un tiers donneur de sperme. La filiation établit automatiquement comme mère la femme qui accouche. Une reconnaissance conjointe anticipée notariée pour l’autre femme permet d’établir la filiation.

En cas de non-remise de la reconnaissance conjointe anticipée notariée lors de la déclaration de naissance, la seconde femme ne sera mentionnée comme mère à l’état civil qu’à la demande du procureur de la République, et seule la femme qui a accouché aura l’autorité parentale sur l’enfant. L’Assemblée nationale n’a pas retenu la proposition du Sénat d’une reconnaissance par la voie déjà disponible de l’adoption. Aujourd’hui, des actes de naissance mentionnent donc deux femmes comme étant mères d’un enfant.

 

IV. L’anonymat du donneur et la question des origines

La loi comporte également un volet concernant l’accès aux origines pour les enfants conçus à partir d’un don de gamètes. Elle met fin à l’anonymat du donneur, principe consacré dans la première loi de bioéthique de 1994 et inscrit à l’article 16-8 du code civil. Cet anonymat portait sur l’identité et des données dites « non identifiantes ». Celles-ci sont définies dans le code de Santé publique :

  1. Leur âge au moment du don
  2. Leur état général tel qu’ils le décrivent au moment du don, dans ses dimensions d’état général perçu, d’état psychologique et d’activité physique ;
  3. Leurs caractéristiques physiques, comprenant uniquement la taille et le poids au moment du don, la coloration cutanée, l’aspect naturel des cheveux et des yeux ;
  4. Leur situation familiale et professionnelle, comprenant uniquement le statut marital, le nombre d’enfants, le niveau d’études et la catégorie socio-professionnelle ;
  5. Leur pays de naissance ;
  6. Les motivations de leur don, rédigées par leurs soins.

Cet anonymat était requis à l’époque comme un corollaire de la gratuité du don, et considéré comme une condition pour le développement des techniques de PMA. A l’épreuve du temps, cet anonymat n’a pas résisté à la recherche des origines par des enfants conçus par ces techniques, une fois qu’ils sont devenus adultes. Cette recherche met au jour un paradoxe intrinsèque à la PMA.

D’un côté, les liens biologique et génétique sont passés sous silence dans la « fiction juridique » (un terme employé par les juristes) de la filiation de l’enfant conçu par une PMA. D’un autre côté, l’importance pour l’enfant de connaître ses origines, l’importance de l’hérédité biologique ne peut être niée, au-delà des questions médicales. Une lignée génétique, c’est également une histoire familiale.

Par ailleurs, le droit à connaître ses origines « dans la mesure du possible » est reconnu à l’enfant par l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations-Unies, une convention ratifiée par la France.

Comme le précise le site du ministère de la Santé : « À partir du 1er septembre 2022, les personnes qui souhaitent procéder à un don de gamètes ou proposer leurs embryons devront consentir expressément à la communication de leur identité et de leurs données non-identifiantes. En cas de refus, ces personnes ne pourront procéder au don. Le consentement sera recueilli par le médecin du centre de dons et conservé par ce centre. Dès l’utilisation du don, il ne sera plus révocable.

Pour les personnes majeures nées de dons effectués avant le 1er septembre 2022, le droit d’accès dépendra du consentement du donneur à la communication de son identité et de ses données non-identifiantes, qui n’était pas une condition préalable au don jusqu’à présent.

 

V. La filiation des enfants nés par Gestation Par Autrui à l’étranger

La Gestation Par Autrui (GPA) reste interdite dans son principe en France, par une loi de 1994 relative au respect du corps humain. Un article du code civil établit que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». La loi sur la bioéthique de 2021 et les débats qui l’ont accompagnée n’ont pas remis en cause cette interdiction.

Des Français choisissent malgré tout d’avoir recours à cette pratique – qui instrumentalise le corps des femmes et fait de l’enfant un objet de contrat, séparé à la naissance de celle en qui sa vie a pris corps – à l’étranger, dans certains pays où cette pratique est tolérée. C’est ainsi que des demandes de transcription d’actes de naissance sont arrivées sur notre sol. Ces commanditaires de GPA ont contraint le droit français à évoluer ces dernières années.

La Cour de cassation en était venue à autoriser la transcription intégrale de l’acte de naissance d’un enfant issu d’une GPA réalisée à l’étranger dès lors que les faits déclarés dans l’acte étaient conformes au droit étranger. C’est-à-dire : à déclarer comme mère la femme commanditaire de la GPA, qui n’a pas porté et accouché de l’enfant, et à effacer de l’acte de naissance la mère qui a réellement porté et accouché de l’enfant en question.

Les revendications des commanditaires sont allées jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme. Celle-ci avait condamné la France qui n’avait pas fait appel, signant là une absence de volonté politique de lutter réellement contre la GPA.

Mais lors de la dernière révision de la loi bioéthique, ce sujet a fait l’objet d’un amendement qui est venu casser et unifier la jurisprudence. Le code civil est complété pour préciser que la reconnaissance de la filiation à l’étranger soit “appréciée au regard de la loi française”, qui interdit toujours les conventions de mère porteuse (Code civil 16-7) et qui, hormis les exceptions qu’elle détermine, attache la filiation maternelle à l’accouchement et ne permet pas, en dehors de l’adoption, l’établissement d’une double filiation paternelle.

 

VI. Techniques restées interdites

Malgré des demandes et des amendements proposés pendant l’examen de la loi, certaines techniques sont restées interdites :

  • La PMA post-mortem (après le décès de l’un ou des deux membres du couple, pour lesquels des gamètes ou des embryons sont cryoconservés),
  • La méthode dite ROPA (« Réception de l’ovocyte par le partenaire ») où un ovocyte de l’une est prélevé, fécondé in vitro par un tiers donneur avant d’être implanté dans l’utérus de l’autre femme.

2e épisode : La recherche sur l’embryon humain

🔎 Lire l’article

La question de la recherche sur l’embryon humain a commencé à émerger principalement pour des raisons liées à l’existence d’un stock d’embryons dit « surnuméraires ». Ces embryons surnuméraires ont été conçus dans le cadre de protocoles d’assistance médicale à la procréation (PMA), et (aban)donnés par les couples dont ils sont issus.

Nous parlons ici d’une recherche bien particulière, puisqu’elle implique un être humain au commencement de sa vie. Considérer l’embryon humain comme un matériau de recherche comme un autre pose ainsi de graves questions éthiques.

 

I. Chronologie des lois encadrant la recherche sur l’embryon

Le droit encadrant cette recherche n’a cessé d’évoluer à chaque révision de la loi bioéthique.

  • 1994 : Interdiction totale de la recherche sur l’embryon
  • 2004 : Interdiction avec dérogations pour 5 ans et sous conditions
  • 2011 : Interdiction avec dérogations sans limite de temps et sous conditions
  • 2013 : Suppression du principe d’interdiction
  • 2021 : Assouplissement de nombreux critères

Les premières lois de bioéthique de 1994 avaient logiquement introduit l’interdiction de toute recherche sur l’embryon humain. Cette règle avait été affirmée pour tirer toutes les conséquences de l’article 16 du Code civil qui dispose que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».

Au fond, cette interdiction consacrait la reconnaissance de l’embryon comme appartenant à l’humanité, ce qui commande déjà de ne pas le considérer comme un matériau d’expérimentation mais également de lui reconnaitre une destinée humaine. Et donc, d’être appelé à vivre et à mourir comme le sont tous les êtres humains. C’est ce qui a conduit le législateur à prévoir que les embryons ne puissent être conçus in vitro que dans l’optique d’être implantés dans l’utérus maternel (dans le cadre de parcours de PMA).

Le devenir de l’embryon issu d’un couple qui ne souhaitait plus l’accueillir se résumait donc à deux options : vivre (être donné à un autre couple) et à défaut d’accueil, à mourir (sa conservation était arrêtée).

C’est aussi la raison pour laquelle il est interdit de créer des embryons pour la recherche.

L’humanité de l’embryon a été réaffirmée par le législateur dans les lois bioéthiques de 2004 et 2011 même si l’interdiction de la recherche souffrait déjà d’exceptions à titre dérogatoire et temporaire. Depuis 2013, ce principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon a été supprimé. Enfin, en 2021, la loi bioéthique a considérablement réduit la protection due à l’embryon humain en facilitant sa mise à disposition et son instrumentalisation.

Actuellement en France, environ 80 équipes de chercheurs sont autorisées à mener ces recherches. Une vingtaine de recherches déclarées sont menées sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh), et 8 recherches ont été autorisées sur l’embryon humain. (Parmi ces 8, seules 2 seraient postérieures à la loi de 2021.)

 

II. Définitions et différents types de recherches

On peut donc aujourd’hui distinguer dans ce cadre juridique plusieurs types de recherches :

  • La recherche sur l’embryon humain lui-même
  • La recherche sur les cellules souches embryonnaires, issues de l’embryon
  • Et la recherche sur les cellules souches « induites » dites IPS.

Précisons ces différentes catégories :

  • L’EMBRYON HUMAIN est toujours issu d’un cycle de PMA. Les embryons peuvent être mis à disposition de la recherche dans 2 cas : soit parce qu’ils ne font plus l’objet d’un « projet parental », selon la formule consacrée, soit parce qu’à l’issue d’un tri embryonnaire (après un diagnostic préimplantatoire), il a été décidé de ne pas les implanter.
  • LES CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES HUMAINES (CSEh). Ce sont des cellules directement issues de l’embryon et prélevées à un stade très précoce de son développement. Ces cellules suscitent l’intérêt des chercheurs et des industriels car elles sont dotées de la capacité de se multiplier à l’infini et également de se spécialiser en la plupart des types de cellules de l’organisme (c’est ce qu’on appelle la pluripotence).

Lorsqu’un embryon humain est l’objet de recherche ou de prélèvement de cellules dans le cadre de la recherche, il est obligatoirement détruit.

  • LES CELLULES IPS : CELLULES SOUCHES PLURIPOTENTES INDUITES. Ce sont des cellules souches induites artificiellement à partir de cellules adultes différenciées, dans lesquelles sont introduites quatre gènes de pluripotence. Cette manipulation – on parle de « reprogrammation » – leur redonne l’habilité à se différencier en n’importe quel type de cellules et à se multiplier indéfiniment. Toutes les cellules adultes qui prolifèrent peuvent être utilisées pour générer des cellules iPS. Sont particulièrement utilisées les cellules du sang, de peau.

 

III. Cadre spécifique de la recherche sur l’embryon humain

A. La recherche est soumise à une autorisation de l’Agence de la biomédecine.
B. Conditions dites « scientifiques » :
  • Loi 2021 : « la pertinence scientifique doit être établie ». Ce critère est peu précis, et régulièrement assoupli. Sans être scientifiquement nécessaires, les recherches ne doivent pas être fantaisistes.
  • Loi 2021 : exigence d’une « Finalité médicale ou vise à l’amélioration de la connaissance de la biologique humaine ».

Ce critère n’a eu de cesse d’être assoupli au fil des ans.

En 2004, la recherche devait permettre des « progrès thérapeutiques majeurs ». (Ne pouvant être atteints par des méthodes alternatives) ; en 2011, la loi demandait seulement à la recherche de permettre des « progrès médicaux majeurs » (assouplissement pour faciliter la recherche fondamentale).

En 2013, la recherche sur l’embryon devait avoir une simple « finalité médicale ». Désormais, cela peut être simplement le fait de viser l’amélioration de la connaissance de la biologie humaine, ce qui est extrêmement vaste et ne permet pas de garantir le respect de critères éthiques.

  • 2021 : la loi demande simplement qu’« en l’état des connaissances scientifiques, la recherche ne peut être menée sans recourir à des embryons ».

Lorsque le régime dérogatoire a ouvert la recherche sur l’embryon, elle était conditionnée à la démonstration de l’absence de méthode alternative d’efficacité comparable. Ce critère a été depuis assoupli. Déjà en 2013, la loi avait supprimé la fin de la faveur pour les méthodes alternatives.

C. Dispositions particulières :
  • Il est mis fin à leur développement in vitro au plus tard le quatorzième jour de développement.
  • La conception d’embryons n’est possible que dans le cadre d’une AMP (assistance médicale à la procréation ou PMA). Il n’est pas autorisé de concevoir des embryons dans l’unique objectif de les donner à la recherche.
  • Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation. Ils sont détruits.
  • Gratuité : les embryons sont cédés sans contrepartie financière. L’obtention d’embryons à titre onéreux est interdite.
  • Consentement (du couple, membre survivant ou femme).

Il doit être réitéré dans les 3 mois et est révocable tant qu’aucune recherche n’a eu lieu. Depuis la loi 2021 : l’information sur les autres possibilités ouvertes par la loi ne sont plus obligatoires (don à un couple, arrêt de la conservation…)

  • Anonymat : aucune information susceptible de permettre l’identification du couple à l’origine des embryons ne peut être communiquée au responsable de la recherche.
  • L’article précisant que « La création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite » a été supprimé par la loi de 2021.

Pour les embryons transgéniques (génétiquement modifiés), cet article a été remplacé par : « La conception in vitro d’embryon humain par fusion de gamètes ou la constitution par clonage d’embryon humain à des fins de recherche est interdite ». (L.2151-2 et Art.18 convention d’Oviedo). La rédaction a donc changé. Les mots « par fusion de gamètes » (ce qui correspond tout simplement au phénomène naturel de fécondation, entre un ovocyte et un spermatozoïde) ont été introduits.

Dès lors, les « embryons » créés par d’autres voies ne sont pas concernés par cet interdit. Cette ouverture vise notamment à ne pas empêcher la recherche sur les « modèles embryonnaires ».

Pour les « chimères » (mélange d’embryons humains et d’autres espèces). La loi de 2021 énonce que : « La modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces est interdite ». L’inverse n’est donc plus interdit : il est possible d’intégrer des cellules humaines (notamment embryonnaires, mais aussi IPS) à des embryons d’autres espèces.

 

IV. Cadre spécifique de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh)

La recherche est soumise à une déclaration à l’Agence de la biomédecine.

Le directeur général de l’ABM peut s’opposer à cette déclaration.

A. Dispositions particulières
  • Les CSEh doivent dériver d’embryons issus d’un protocole de recherche autorisé ou de CSEh ayant fait l’objet d’autorisation d’importation.
  • Les gamètes obtenus par CSEh (c’est-à-dire, transformation de la CSEh en ovocytes ou en spermatozoïde) ne peuvent en aucun cas servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou recueilli par don.
  • Cas particulier. Si le protocole demandé a pour objet la différentiation de CSEh en gamètes, l’obtention de modèles de développement embryonnaire ou encore l’insertion de CSEh dans un embryon animal dans le but d’un transfert chez l’animal, le directeur général de l’ABM peut s’y opposer, après avis public du Conseil d’orientation de l’ABM. A défaut d’opposition du directeur général de l’agence, la réalisation du protocole de recherche peut débuter.
B. Conditions dites « scientifiques »
  • La « pertinence scientifique doit être établie »
  • La recherche doit s’inscrire dans une « Finalité médicale ou amélioration de la connaissance de la biologie humaine ». Ce critère extrêmement vaste n’est donc pas très restrictif.

 

Clause de conscience :

Que cela concerne la recherche ou l’exploitation de l’embryon ou des cellules embryonnaires : « Aucun chercheur, aucun ingénieur, technicien ou auxiliaire de recherche quel qu’il soit, aucun médecin ou auxiliaire médical n’est tenu de participer à quelque titre que ce soit aux recherches sur des embryons humains ou sur des cellules souches embryonnaires autorisées en application de l’article L2151-5 ».

 

V. Cadre spécifique de la recherche sur les cellules IPS Cellules pluripotentes induites

Si le protocole demandé a pour objet la différentiation en gamètes, l’obtention de modèles de développement embryonnaire ou l’insertion dans un embryon animal dans le but d’un transfert chez l’animal, ces recherches spécifiques sont soumises à déclaration auprès de l’ABM.

Les cellules IPS, qui n’impliquent pas de sacrifier des embryons humains pour être mises au point, ont souvent été présentées comme une alternative possible à l’utilisation des cellules embryonnaires. En réalité, ces deux types de cellules ne sont pas identiques, en particulier car les cellules IPS gardent une « trace » des changements intervenus pendant la reprogrammation. Ainsi, lorsque des protocoles sont engagés avec des cellules IPS, bien souvent ces protocoles induisent l’utilisation de CSEh, celles-ci étant reconnues comme étant la « norme » à laquelle comparer les résultats.

Les chercheurs parlent des CSEh comme de « gold standard ». Parmi les enjeux éthiques inhérentes aux cellules IPS, il y a celle du consentement de la personne dont sont issues ces cellules, en particulier sur les usages futurs qui pourraient être attribuées à ces cellules particulières, attendu que leur différentiation en gamètes ou leur insertion dans un embryon animal (chimères) n’ont pas été interdit par la loi bioéthique.

 

VI. Que deviennent les embryons dits « surnuméraires » ?

Les deux membres du couple ou la femme non mariée dont des embryons sont conservés sont consultés chaque année pour savoir s’ils maintiennent leur “projet parental”. S’ils confirment par écrit le maintien de leur projet parental, la conservation de leurs embryons est poursuivie. S’ils n’ont plus de “projet parental”, les deux membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir (délai de réflexion de trois mois) :

  • A ce que le ou les embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme ;
  • A ce que le ou les embryons fassent l’objet d’une recherche ;
  • A ce que les cellules dérivées à partir de ces embryons entrent dans une préparation de thérapie cellulaire ou un médicament de thérapie innovante à des fins exclusivement thérapeutiques ;
  • A ce qu’il soit mis fin à leur développement in vitro, (fin de la cryoconservation) ce qui conduit à leur destruction.

L’absence de révocation du consentement dans ce délai de 3 mois vaut confirmation. Pour la recherche ou la dérivation de cellules en préparation de thérapie cellulaire, le consentement est révocable tant qu’il n’y a pas eu d’intervention sur l’embryon. Il est mis fin à leur développement in vitro et donc à leur destruction :

  • En l’absence de réponse depuis au moins cinq ans, à compter du jour où ce consentement a été confirmé ;
  • En cas de désaccord des membres du couple ;
  • En cas de décès de l’un ou des deux membres du couple, en l’absence des consentements pour qu’ils soient accueillis par d’autres ou donnés à la recherche.
où en est-on dans la législation bioéthique en france ?

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Loi de bioéthique 2021 : L’assistance médicale à la procréation (AMP)

Loi de bioéthique 2021 : L’assistance médicale à la procréation (AMP)

Loi de bioéthique 2021 :

Épisode 1 : L’assistance médicale à la procréation (AMP)

I. La technique de PMA disponible sans indication médicale

L’abandon de l’indication médicale d’infertilité constatée pour l’utilisation des techniques de procréation médicale est une modification majeure de la loi. Le recours à l’AMP est simplement conditionné à l’existence d’un « projet parental ».

Médiatisée comme la “PMA pour toutes“, la loi autorise et organise un accès aux techniques de procréation médicale aux femmes, seules ou en couple. L’article L2141-2 du code de santé publique stipule désormais que « L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation ».

Dans cette rédaction, l’accent est mis sur le « projet parental », mettant la volonté individuelle ou du couple au cœur du processus. La rédaction en vigueur depuis 2011 et qui a donc été abrogée stipulait que : « L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué ».

L’extension de la PMA avec tiers donneur pour des femmes seules ou à deux a pour effet indéniable la suppression du père et de la lignée paternelle.

Un décret paru en septembre 2021 fixe les conditions d’âge pour cet accès :

  • Le prélèvement d’ovocytes peut être réalisé chez la femme jusqu’à son quarante-troisième anniversaire ;
  • Le recueil de spermatozoïdes peut être réalisé chez l’homme jusqu’à son soixantième anniversaire

Dans le cas d’une PMA pour un couple, la loi maintient le consentement préalable de chaque membre du couple avant le recours aux techniques de procréation. « Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l’insémination artificielle ou au transfert des embryons ».

La loi a également supprimé l’interdiction d’une PMA avec double don de gamètes, quand un couple bénéficie à la fois d’un don d’ovocytes et de spermatozoïdes. Dans la version précédente de la loi, un couple ne pouvait avoir recours à ce double don. Il s’agissait de maintenir autant que possible un lien génétique entre l’enfant et au moins un de ses parents. En cas de double infertilité, le couple pouvait demander à bénéficier d’un don d’embryon.

II. L’autoconservation des gamètes sans indication médicale est également instituée

autoconservation des ovocytes : la réalité en faceSelon l’Agence de Biomédecine (ABM) dans sa brochure sur le sujet, « L’objectif de l’autoconservation des gamètes est de les avoir à disposition si, plus tard, un projet d’enfant devait nécessiter une AMP (Assistance Médicale à la Procréation) ». L’ABM souligne également le rôle de la volonté individuelle : « L’indication n’est pas d’ordre médical mais résulte d’un choix de la personne. C’est la nouveauté introduite par la loi de bioéthique de 2021 ».

Le même décret de septembre 2021 a fixé des conditions d’âge pour cette autoconservation :

  • Le prélèvement d’ovocytes peut être réalisé chez la femme à compter du vingt-neuvième jusqu’à son trente-septième anniversaire ;
  • Le recueil de spermatozoïdes peut être réalisé chez l’homme à compter du vingt-neuvième jusqu’à son quarante-cinquième anniversaire

Les gamètes recueillis sont conservés dans des centres autorisés pour cette activité.

La loi prévoit que chaque année, la personne qui a procédé à cette conservation doit indiquer si elle souhaite :

  • Les conserver,
  • Les utiliser en vue d’une AMP,
  • En faire don à des personnes en attente d’un don de gamètes,
  • En faire don à la recherche scientifique,
  • Mettre fin à leur conservation.

Il est important de noter que pour une autoconservation de spermatozoïdes, l’homme peut consentir à ce qu’une partie des spermatozoïdes recueillis soit donné. En l’absence de réponse aux relances pendant 10 ans consécutifs, les gamètes sont détruits. En cas de décès, la conservation est arrêtée, sauf consentement du vivant de la personne au don ou à la recherche. Si les actes liés au recueil ou au prélèvement des gamètes sont pris en charge par l’Assurance Maladie, l’autoconservation est facturée 40.5 euros par an.

L’importation et l’exportation de gamètes ou de tissus germinaux issus du corps humain sont soumises à une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine. Elles sont exclusivement destinées à permettre la poursuite « d’un projet parental » par la voie d’une assistance médicale à l’exclusion de toute finalité commerciale.

La question de l’exportation, jointe à celle de la destruction en cas de décès, a soulevé des cas complexes de jurisprudence récemment.

III. L’impact sur la filiation

filiation.jpgAvant la loi de 2021, les techniques d’assistance médicale à la procréation tendaient à imiter la procréation naturelle, afin de garantir à l’enfant que sa filiation soit cohérente au regard des exigences de la biologie pour la procréation (une mère et un père). Pour accéder à une PMA avec donneur, le couple demandeur devait produire leur consentement devant le juge ou le notaire. Cette démarche de consentement souligne la difficulté de ce type d’engendrement pour s’assurer que l’enfant ainsi conçu sera accueilli et élevé par un père et une mère pour pallier le manque existentiel d’un des parents biologiques.

L’accès ouvert aux femmes seules ou vivant en couple impacte nécessairement ce modèle. La filiation devient principalement basée sur la volonté, consacrée par l’existence d’un « projet parental », et non plus un lien ou une réalité biologique.

  1. Dans le cadre d’un couple femme-homme, les règles relatives à l’établissement de la filiation ne sont pas modifiées. La filiation maternelle est établie à l’égard de la femme qui a accouché de l’enfant. S’ils sont mariés, la filiation paternelle s’établit par la présomption de paternité. S’ils ne sont pas mariés, elle s’établit par la reconnaissance volontaire.
  2. Dans le cas d’une femme seule, le recours à l’AMP implique un tiers donneur de sperme. La filiation de l’enfant est établie à l’égard de la femme qui accouche et qui est reconnue comme la mère. Si la femme seule se marie ultérieurement avec un homme, celui-ci pourra procéder à une demande d’adoption de l’enfant. Idem si elle se marie avec une femme.
  3. Dans le cas de deux femmes, mariées, pacsées ou non : le recours à l’AMP implique un tiers donneur de sperme. La filiation établit automatiquement comme mère la femme qui accouche. Une reconnaissance conjointe anticipée notariée pour l’autre femme permet d’établir la filiation.

En cas de non-remise de la reconnaissance conjointe anticipée notariée lors de la déclaration de naissance, la seconde femme ne sera mentionnée comme mère à l’état civil qu’à la demande du procureur de la République, et seule la femme qui a accouché aura l’autorité parentale sur l’enfant. L’Assemblée nationale n’a pas retenu la proposition du Sénat d’une reconnaissance par la voie déjà disponible de l’adoption. Aujourd’hui, des actes de naissance mentionnent donc deux femmes comme étant mères d’un enfant.

IV. L’anonymat du donneur et la question des origines

pma : réserve du conseil constitutionnel sur les informations du tiers donneurLa loi comporte également un volet concernant l’accès aux origines pour les enfants conçus à partir d’un don de gamètes. Elle met fin à l’anonymat du donneur, principe consacré dans la première loi de bioéthique de 1994 et inscrit à l’article 16-8 du code civil. Cet anonymat portait sur l’identité et des données dites « non identifiantes ». Celles-ci sont définies dans le code de Santé publique :

  1. Leur âge au moment du don
  2. Leur état général tel qu’ils le décrivent au moment du don, dans ses dimensions d’état général perçu, d’état psychologique et d’activité physique ;
  3. Leurs caractéristiques physiques, comprenant uniquement la taille et le poids au moment du don, la coloration cutanée, l’aspect naturel des cheveux et des yeux ;
  4. Leur situation familiale et professionnelle, comprenant uniquement le statut marital, le nombre d’enfants, le niveau d’études et la catégorie socio-professionnelle ;
  5. Leur pays de naissance ;
  6. Les motivations de leur don, rédigées par leurs soins.

Cet anonymat était requis à l’époque comme un corollaire de la gratuité du don, et considéré comme une condition pour le développement des techniques de PMA. A l’épreuve du temps, cet anonymat n’a pas résisté à la recherche des origines par des enfants conçus par ces techniques, une fois qu’ils sont devenus adultes. Cette recherche met au jour un paradoxe intrinsèque à la PMA.

D’un côté, les liens biologique et génétique sont passés sous silence dans la « fiction juridique » (un terme employé par les juristes) de la filiation de l’enfant conçu par une PMA. D’un autre côté, l’importance pour l’enfant de connaître ses origines, l’importance de l’hérédité biologique ne peut être niée, au-delà des questions médicales. Une lignée génétique, c’est également une histoire familiale.

Par ailleurs, le droit à connaître ses origines « dans la mesure du possible » est reconnu à l’enfant par l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations-Unies, une convention ratifiée par la France.

Comme le précise le site du ministère de la Santé : « À partir du 1er septembre 2022, les personnes qui souhaitent procéder à un don de gamètes ou proposer leurs embryons devront consentir expressément à la communication de leur identité et de leurs données non-identifiantes. En cas de refus, ces personnes ne pourront procéder au don. Le consentement sera recueilli par le médecin du centre de dons et conservé par ce centre. Dès l’utilisation du don, il ne sera plus révocable.

Pour les personnes majeures nées de dons effectués avant le 1er septembre 2022, le droit d’accès dépendra du consentement du donneur à la communication de son identité et de ses données non-identifiantes, qui n’était pas une condition préalable au don jusqu’à présent.

V. La filiation des enfants nés par Gestation Par Autrui à l’étranger

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La Gestation Par Autrui (GPA) reste interdite dans son principe en France, par une loi de 1994 relative au respect du corps humain. Un article du code civil établit que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». La loi sur la bioéthique de 2021 et les débats qui l’ont accompagnée n’ont pas remis en cause cette interdiction.

Des Français choisissent malgré tout d’avoir recours à cette pratique – qui instrumentalise le corps des femmes et fait de l’enfant un objet de contrat, séparé à la naissance de celle en qui sa vie a pris corps – à l’étranger, dans certains pays où cette pratique est tolérée. C’est ainsi que des demandes de transcription d’actes de naissance sont arrivées sur notre sol. Ces commanditaires de GPA ont contraint le droit français à évoluer ces dernières années.

La Cour de cassation en était venue à autoriser la transcription intégrale de l’acte de naissance d’un enfant issu d’une GPA réalisée à l’étranger dès lors que les faits déclarés dans l’acte étaient conformes au droit étranger. C’est-à-dire : à déclarer comme mère la femme commanditaire de la GPA, qui n’a pas porté et accouché de l’enfant, et à effacer de l’acte de naissance la mère qui a réellement porté et accouché de l’enfant en question.

Les revendications des commanditaires sont allées jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme. Celle-ci avait condamné la France qui n’avait pas fait appel, signant là une absence de volonté politique de lutter réellement contre la GPA.

Mais lors de la dernière révision de la loi bioéthique, ce sujet a fait l’objet d’un amendement qui est venu casser et unifier la jurisprudence. Le code civil est complété pour préciser que la reconnaissance de la filiation à l’étranger soit “appréciée au regard de la loi française”, qui interdit toujours les conventions de mère porteuse (Code civil 16-7) et qui, hormis les exceptions qu’elle détermine, attache la filiation maternelle à l’accouchement et ne permet pas, en dehors de l’adoption, l’établissement d’une double filiation paternelle.

VI. Techniques restées interdites

 

Malgré des demandes et des amendements proposés pendant l’examen de la loi, certaines techniques sont restées interdites :

  • la PMA post-mortem (après le décès de l’un ou des deux membres du couple, pour lesquels des gamètes ou des embryons sont cryoconservés),
  • la méthode dite ROPA (« Réception de l’ovocyte par le partenaire ») où un ovocyte de l’une est prélevé, fécondé in vitro par un tiers donneur avant d’être implanté dans l’utérus de l’autre femme.
loi de bioéthique 2021 : l’assistance médicale à la procréation (amp)

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Recommandations pour accompagner les femmes enceintes vulnérables

Recommandations pour accompagner les femmes enceintes vulnérables

Recommandations pour accompagner les femmes enceintes vulnérables

La Haute Autorité de Santé (HAS) vient de publier des recommandations de bonnes pratiques pour repérer et accompagner les femmes enceintes vulnérables pendant et après leur grossesse.

Ce travail a été effectué dans le cadre de la politique des 1000 premiers jours pour mieux accompagner le moment de la grossesse et de l’accouchement ainsi que le suivi dans la durée de la santé de l’enfant et de sa mère.

Au terme d’un rapport approfondi, la HAS publie six fiches pratiques pour favoriser une bonne coordination des professionnels médicaux et sociaux dans le cas de 6 situations particulières :

 

Dans un communiqué, la HAS explicite le rôle de ces fiches qui ont pour but de développer « les modalités du dépistage et de l’organisation du parcours de soins en fonction de chacune de ces situations ».

Un bémol cependant sur l’accompagnement des mineures enceintes : parmi les propositions, la fiche prescrit d’informer la mineure sur le droit à l’IVG et la possibilité d’accoucher sous le secret, alors que ce n’est pas le cas pour les autres situations. Il faudrait veiller à ce que cela ne se traduise pas en une incitation si la jeune souhaite malgré les difficultés poursuivre sa grossesse.

Focus sur les femmes victimes de violences conjugales

 

En France sur les 201 000 femmes victimes de violences domestiques chaque année, 40% de ces violences démarrent dès la première grossesse. Ces situations peuvent conduire à l’avortement alors que des femmes souhaiteraient l’éviter. Dans sa fiche dédiée, la HAS souligne que « Les femmes victimes de violence ont un risque plus élevé de grossesses non désirées et d’IVG répétées ». Une étude avait montré en 2013 que peu de médecins posaient la question des violences lors des consultations d’avortement.

La HAS propose de faire un repérage systématique pour toutes les femmes en consultation pré et post natale pour les orienter vers un parcours de soins adapté pendant leur grossesse qui leur assure une sécurité physique, une protection juridique et une prise en charge coordonnée vers des unités de soins dédiées aux femmes victimes de violence et des professionnels experts (psychologues, assistantes sociales etc. ).

 

Pour Alliance VITA qui accompagne des femmes enceintes confrontées à des situations de précarité et de solitude, cette attention particulière des pouvoirs publics est bienvenue en espérant que les moyens soient à la hauteur des ambitions. La Haute autorité insiste « sur l’importance de mobiliser les moyens organisationnels, humains et financiers nécessaires au déploiement de ces recommandations » dans un contexte de tension du système de santé.

recommandations pour accompagner les femmes enceintes vulnérables
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