PMA : l’accès aux origines, quelle réalité ?

PMA : l’accès aux origines, quelle réalité ?

Si la loi de bioéthique du 2 août 2021 a autorisé partiellement l’accès à leurs origines aux enfants nés par une assistance médicale à la procréation (PMA) avec tiers donneur, ce n’est qu’en … 2043 que les enfants qui en feront la demande pourront avoir systématiquement accès à l’identité du donneur.

Que dit exactement la nouvelle loi de bioéthique ?

La personne qui, à sa majorité, souhaite accéder aux données non identifiantes relatives au tiers donneur ou à son identité doit s’adresser à la Commission d’accès des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs (CAPADD). Opérationnelle depuis le 1er septembre 2022, elle dépend du ministère de la Santé. Elle est chargée de faire droit à ces demandes et de récupérer ces données auprès de l’Agence de la biomédecine.

La CAPADD est également chargée, d’une part de recueillir l’accord des tiers donneurs qui n’étaient pas soumis à ces dispositions et qui souhaitent donner leur identité et d’autre part de contacter les tiers donneurs si un enfant né avant ce nouveau régime souhaite connaître l’identité de son donneur.

On estime que 70 000 enfant seraient nés de PMA avec tiers donneurs depuis 1973.

Dans sa seconde mission, la CAPADD a reçu en un an 440 demandes d’accès aux données identifiantes et/ou d’identité dont 434 demandes recevables de la part d’enfants majeurs nés avant la levée de l’anonymat du don de gamètes, selon le premier rapport d’activité annuel publié le 31 août 2023.

Elle a pu identifier 101 donneurs dont 23 qui sont décédés. 19 ont accepté de dévoiler leur identité.  Elle a aussi reçu 435 consentements spontanés de donneurs ayant donné avant la loi.

La longue quête de certains enfants

La récente décision de la Cour européenne des droits de l’homme atteste du long combat de certains enfants dans la quête de leurs origines. Deux recours avaient été introduits en 2016 et 2017 par deux  trentenaires  qui reprochaient à l’Etat de cacher les informations sur leurs donneurs.

La Cour vient malgré tout de valider la conformité de l’anonymat du don de gamètes tel qu’il avait été légalisé par la France avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Parmi les arguments avancés par le gouvernement français pour justifier l’anonymat, « Il renvoie, s’agissant de l’intérêt de l’enfant, aux écritures du rapporteur initial du projet de loi de bioéthique de 1994 selon lesquelles l’anonymat est la « moins mauvaise solution », sa levée risquant de « créer une névrose de choix d’identité » alors que « l’identité biologique » n’a pas à l’emporter sur celle « résultant de la parenté sociale ». C’est donc en prenant en compte l’intérêt de l’enfant que l’option de l’anonymat aurait été retenue par le législateur. »

Sauf que pour les jeunes devenus adultes, la réalité s’avère différente. L’ECLJ qui est intervenu comme tiers dans cette affaire a plaidé en ce sens en soutenant que les requérants étaient pourtant « victimes d’une discrimination en raison de leur naissance du fait de l’ignorance de leur identité biologique ou de leurs antécédents familiaux médicaux ».

Tout en déboutant les requérants, l’arrêt de la CEDH commente ce qui a orienté la nouvelle position française vers la levée de l’anonymat : « L’étude d’impact effectuée lors de la présentation du dernier projet de loi de bioéthique souligne la nécessité de légiférer car « la société a évolué depuis les premières lois bioéthiques » et parce que la France « est un des rares pays à avoir opté pour un principe absolu d’anonymat du donneur à l’égard du couple infertile et de l’enfant ». (…) Elle relève par ailleurs que « les recherches de sociologues et de psychologues ont montré que l’application radicale du principe d’anonymat édicté en 1994 comporte des effets préjudiciables sur l’enfant, essentiellement parce que ce dernier est privé d’une dimension de son histoire qui le concerne pourtant intimement ».

 

C’est dire si toute législation autour de la PMA est sensible.

Comment a-t-on pu croire que des enfants seraient indifférents à être délibérément interdit d’accès à leurs origines ?  Pour autant les évolutions françaises laissent les enfants dans une forme d’impasse alors que la même loi a étendu l’accès à la PMA avec tiers donneurs aux femmes seules ou en couple. Les demandes ont décuplé en deux ans.

 

Une injustice persistante pour les enfants

 

Connaître l’identité d’un donneur ne donne pas l’obligation de relation avec lui comme cela avait été développé lors des débats de la loi de bioéthique. D’une façon générale, l’apport de gamètes extérieurs dans le processus de procréation cause une injustice à l’enfant. Ce dernier pourra avoir accès à la connaissance de ses origines à sa majorité quoique de façon réduite mais sera toujours privé de sa filiation biologique puisque son auteur n’a pas vocation à être son père et que le droit interdit même qu’il le soit.

Cela contredit  l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant qui reconnait leur droit de connaître leurs parents et d’être élevé par eux, dans la mesure du possible.

La Cour des comptes pointe les carences de l’Etat dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissantes

La Cour des comptes pointe les carences de l’Etat dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissantes

Dans un rapport récent, la Cour des comptes s’est penchée sur la situation de personnes porteuses de handicap vieillissantes. De plus en plus nombreuses, ces personnes ne bénéficient souvent pas d’un accompagnement adapté à leurs besoins et peuvent subir des ruptures de parcours. La Cour des comptes pointe un défaut d’anticipation de l’évolution démographique et un déficit de pilotage des politiques publiques de soutien au handicap.

Alors que le gouvernement a annoncé la présentation d’une feuille de route pour adapter la société au vieillissement le mois prochain, la Cour des comptes s’est intéressée à la situation particulière des personnes en situation de handicap vieillissantes, dans un rapport publié le 13 septembre 2023. « Une personne en situation de handicap est considérée comme vieillissante si elle a été affectée par ce handicap, quelle qu’en soit la nature ou la cause, avant de ressentir les premiers effets du vieillissement. »

 

La Cour des comptes tire une première conclusion : les besoins d’accompagnement des personnes porteuses de handicap vieillissantes ne sont que partiellement satisfaits. Aujourd’hui, 60 % des demandes d’accompagnement à domicile par un service dédié échouent. Les places dans les établissements spécialisés sont également insuffisantes, puisque seules 65 % des demandes aboutissent. La Cour des Comptes relève que plus les personnes avancent en âge, moins elles ont une chance d’obtenir une place. Pour les personnes de plus de 45 ans, la probabilité d’obtenir une place n’est plus que de 33%, une chance sur trois. De plus, il existe de très fortes disparités territoriales en matière d’offre en établissements et services médico-sociaux. Dans les départements les moins équipés, les personnes n’ont pas d’autre solution que d’être transférées ailleurs. La Belgique accueille ainsi 7 000 adultes français en situation de handicap dans des structures d’hébergement spécialisées.

 

Des ruptures de parcours

 

Dans son rapport, la Cour des comptes s’est particulièrement intéressée aux ruptures de parcours que peuvent connaître les personnes porteuses d’un handicap en vieillissant. Cela concerne d’abord les personnes vivant à domicile, soit l’immense majorité. La Cour estime que « près de 9 personnes en situation de handicap sur 10 vieillissent à domicile. » Or, leur maintien à domicile suppose souvent une adaptation du logement, qui peut s’avérer coûteuse. Ensuite, il dépend  bien souvent de la présence d’une aide humaine. Ainsi, selon le rapport, « les aidants jouent un rôle essentiel dans le maintien à domicile. Ils réalisent un travail non rémunéré estimé à 500 000 emplois en équivalent temps plein. » Ces aidants, fortement mis à contribution, ont souvent besoin des services d’aides professionnelles régulières qui « constituent une condition pour une intervention dans la durée de l’aidant ».

Néanmoins, le vieillissement parallèle des aidants place les personnes porteuses de handicap dans une situation fragile. Par manque d’anticipation, les proches sont conduits à rechercher en urgence une place dans une institution pour la personne handicapée, alors que l’accès dans un établissement spécialisé est rare au-delà d’un certain âge. Bien souvent, la seule solution proposée, une entrée en EHPAD, est celle dont les proches voulaient le moins.

Le rapport s’intéresse également à la situation des personnes travaillant en ESAT. Le passage à la retraite constitue pour eux une double rupture, dans la mesure où « l’Esat est un lieu de travail et de socialisation où se tissent des liens amicaux et affectifs durables. » Pour ceux qui vivaient en foyer d’hébergement,  le passage à la retraite les contraint également à quitter leur logement. La Cour relève que dans la plupart des cas, ces travailleurs ne trouvent pas de solution adaptée lorsqu’ils arrivent à l’âge de la retraite.

Pour les personnes vivant dans des établissements spécialisés, l’avancée en âge peut parfois conduire à un changement de résidence, car les établissements ne disposent pas toujours des moyens suffisants pour leur permettre de vieillir en leur sein.

La situation délicate des personnes atteintes d’un handicap psychique ou neurologique lourd

 

Le rapport de la Cour des Comptes relève les insuffisances particulièrement criantes dans l’accompagnement des personnes porteuses d’un handicap psychique, soit deux millions de personnes. Le rapport relève que ces personnes « sont nombreuses à se retrouver en situation de grande précarité. »

Si le nombre de lits en psychiatrie a fortement diminué, « le développement de l’offre médico-sociale spécialisée dans le handicap psychique […] n’a pas suivi le même rythme. » Ainsi, faute de place en structure médico-sociale adaptée, des personnes occupent durablement des lits dans des services hospitaliers de psychiatrie. Pour les patients de plus de 60 ans, certains peuvent être accueillis en Ehpad. Pour d’autres, le transfert vers la Belgique apparaît parfois la seule solution. Ainsi, en 2020, 35 % des adultes français accueillis en Wallonie présentaient un handicap psychique.

La situation est également préoccupante pour les personnes présentant un handicap neurologique lourd, à la suite d’un AVC, par exemple. Bien souvent, les places dans les services de soins médicaux et de réadaptation spécialisés sont insuffisantes.

Des Ehpad insuffisamment outillés pour les personnes porteuses de handicap

 

Si les Ehpad sont la principale structure d’accueil des personnes en situation de handicap, leur budget n’est souvent pas adapté à leurs besoins spécifiques. En effet, le budget « dépendance » qui leur est alloué dépend d’une grille d’évaluation, la « grille Aggir », qui n’est pas adaptée à l’évaluation des besoins des personnes avec des troubles psychiques ou une déficience intellectuelle.

 

En cause, le défaut d’anticipation et de pilotage des politiques publiques

 

Selon le rapport, les situations critiques relevées « tiennent notamment au défaut d’anticipation des pouvoirs publics. »

Le rapport rappelle les différents travaux réalisés depuis 2006, date de la publication du rapport d’information Blanc-Berthod-Wurmser, qui s’intéressait déjà au défi posé par la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes. Les préconisations de ces différents travaux n’ont pas été prises en compte.  Le rapport note également qu’en l’absence de directives nationales, « les ARS ont dû élaborer leur propre stratégie, sans moyens spécifiques ». Cela a conduit à de forte disparités selon les départements.

Le rapport déplore une politique du handicap « construite par adoption de plans successifs » sans une analyse fine des besoins, à la fois par manque de données et du fait de leur « sous-utilisation ».

Un milliard d’euros pour développer le soutien à domicile

 

Afin de pouvoir répondre aux aspirations des personnes en situation de handicap, le rapport préconise d’augmenter substantiellement l’offre d’accompagnement à domicile. Ainsi, pour satisfaire la demande actuelle de services à domicile, le rapport estime qu’il faudrait mettre sur la table plus d’un milliard d’euros. Cette politique permettrait aux personnes de rester plus longtemps chez elles, allègerait la pression sur les établissements, et contribuerait ainsi à une amélioration notable pour toutes les personnes porteuses d’un handicap.

Exportation de gamètes et d’embryon, PMA post mortem  : la CEDH rend un arrêt

Exportation de gamètes et d’embryon, PMA post mortem : la CEDH rend un arrêt

La CEDH (Cour Européenne des droits de l’homme) a rendu un arrêt sur le sujet sensible de la PMA post mortem et l’exportation de gamètes ou d’embryons.

Les faits

Deux femmes, récemment veuves, ont introduit un recours auprès de la CEDH concernant l’interdiction en France de la PMA post-mortem, et con corollaire : le refus d’exporter des gamètes ou des embryons congelés en France vers un pays qui pratique ce type de PMA.

La « PMA post-mortem » (après la mort)  signifie le fait de pratiquer une aide médicale à la procréation après le décès de l’un des membres du couple.

 

Dès la première loi de bioéthique, la PMA post mortem a été écartée par le législateur. Le code de santé publique prévoyait que ” l’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination“. Lors de la dernière loi de bioéthique, ce sujet avait été l’objet de nombreux débats. L’avis du gouvernement, maintenant l’interdiction, avait été suivi finalement, et l’interdiction est donc maintenue en France. Quelques rares pays, notamment des pays frontaliers comme la Belgique et l’Espagne l’autorisent.

 

Dans les deux requêtes examinées par la CEDH, une femme demandait le transfert de ses embryons congelés, conçus avec le sperme du père, décédé depuis, l’autre femme, voulait le transfert du sperme congelé de son conjoint, également décédé.

Dans les deux cas, les Centres conservateurs ont refusé l’exportation. Le code de Santé publique, article L2141-18 stipule que ” l’importation et l’exportation de gamètes ou de tissus germinaux issus du corps humain sont soumises à une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine“. Et par ailleurs, “ il est mis fin à la conservation des gamètes ou des tissus germinaux en cas de décès de la personne“. Les tribunaux, jusqu’au Conseil d’Etat, ont confirmé ce refus d’exportation que les requérantes contestaient, d’où leur recours auprès de la CEDH pour violation de l’article 8 de la Convention (droit au respect de la vie privée et familiale). Le Conseil d’Etat, dans ces deux affaires, a considéré entre autre que l’exportation demandée visait simplement à contourner l’interdiction française de la PMA post mortem, les deux femmes n’ayant aucun lien avec l’Espagne.

 

Les arguments dans le débat sur la PMA post mortem

Les derniers débats parlementaires sur la question ont reflété les arguments “pour” ou “contre” sur ce sujet.

Pour les partisans de l’autorisation, sur le principe, seule la femme peut et doit décider de ce qu’elle veut faire. Dans cette optique, la procréation est un droit individuel sans considération de la réalité biologique qui implique toujours un homme et une femme. Après l’autorisation donnée en 2021 de la PMA pour les femmes seules, il serait, selon ses partisans, contradictoire d’autoriser une femme veuve à faire une PMA avec du sperme de donneur anonyme tout en lui interdisant d’utiliser celui de son conjoint décédé.

Pour ceux qui restent opposés à la PMA post mortem, le décès du père biologique marque la fin de tout “projet parental” du couple. Par ailleurs, dans son rapport remis en 2018 au moment du projet de révision des lois de bioéthique, le Conseil d’Etat a signalé d’autres difficultés. Le fait d’être élevé par un parent seul est “une vulnérabilité en soi”. Le fait de “naître dans un contexte de deuil est une situation qui pourrait marquer le « récit identitaire » de l’enfant nécessairement impacté par le deuil de son père“. Troisièmement, “dans un tel contexte, il peut également être difficile de créer les conditions d’une décision apaisée de la part de la mère, celle‐ci pouvant être à la fois influencée par des pressions familiales et par l’impact d’un deuil très récent“. Enfin, sur le plan juridique, autoriser la PMA post mortem nécessite “d’aménager le droit de la filiation et le droit des successions afin d’intégrer pleinement l’enfant à la lignée du défunt“. En effet, les embryons et des gamètes conservés ne sont pas “des sujets de droit“.

 

Décision de la CEDH

A l’unanimité, la Cour a “dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention“. Dans son raisonnement, la Cour a estimé que l’ingérence dans la vie privée avait bien eu lieu et que cette ingérence était légitime. D’une part, l’interdiction de la PMA post mortem était prévue dans la loi, et donc connue des requérantes. D’autre part, cette ingérence répond “ aux buts légitimes de la « protection des droits et libertés d’autrui » et de « la protection de la morale », autrui dans ce cas étant l’intérêt de l’enfant à naître.

Par ailleurs, la CEDH ” note que cette interdiction relève d’un choix politique remontant à la première loi bioéthique de 1994 et qui a été constamment réitéré à l’occasion des révisions périodiques de celle-ci et, récemment, en 2021, dans le cadre de débats législatifs approfondis. Elle constate que le processus législatif a abouti au maintien du statu quo, compte tenu des enjeux éthiques spécifiques liés à la procréation post mortem. Elle rappelle que lorsque des questions de politique générale sont en jeu, sur lesquelles de profondes divergences peuvent raisonnablement exister dans un État démocratique, il y a lieu d’accorder une importance particulière au rôle du décideur national. Il en va d’autant plus ainsi lorsque, comme en l’espèce, il s’agit d’une question de société.”

Cependant, la CEDH a ajouté que “malgré l’ample marge d’appréciation dont bénéficient les États en matière de bioéthique, le cadre juridique mis en place par ces États doit être cohérent“. Implicitement, elle vient donc questionner la cohérence du dispositif actuel suite à la légalisation de la PMA pour femmes seules.

Un ajout critiqué par une des sept juges de l’affaire, qui estime ” quil outrepasse notre rôle de juges dans le cas d’espèce et que, de manière confuse et embrouillée il contribue à indiquer à l’État français quelque chose qui va au-delà de cette affaire, sans aucune nécessité pour la Cour de se substituer au législateur“.

 

Plus fondamentalement, les dispositifs techniques de la PMA ancrent davantage les gamètes et les embryons concernés dans un statut de marchandises, exportables ou non selon les législations ou la décision de juges.

Pour Alliance VITA, l’intérêt supérieur d’un enfant ne peut être d’être délibérément conçu déjà orphelin.

Ces demandes de PMA mortem illustrent que la norme “de droit à l’enfant” est enclenchée depuis des années, alimenté par une logique où « l’offre crée la demande ». Ce désir de PMA post mortem n’existe que parce que la technique le permet. Celle-ci vient nourrir une vision de toute-puissance, dont l’horizon est de supprimer le temps et la mort.

Journée mondiale de lutte contre la maladie d’Alzheimer

Journée mondiale de lutte contre la maladie d’Alzheimer

La Journée Mondiale de lutte contre la maladie d’Alzheimer a lieu le 21 septembre. C’est l’occasion de se pencher sur le défi majeur posé par cette maladie pour le système de santé et la société dans son ensemble. Dans une société qui valorise la performance et l’utilité, quelle place pour les personnes atteintes d’Alzheimer ?

 

La maladie d’Alzheimer, un enjeu de santé publique 

La maladie d’Alzheimer est la forme la plus courante des maladies neurodégénératives en France, c’est-à-dire des « maladies chroniques progressives qui touchent le système nerveux central » (Santé publique France). Environ 1,2 million de personnes en sont atteintes en France et ce nombre pourrait aller jusqu’à 1,8 million en 2050. 15% des plus de 80 ans sont touchés par cette maladie identifiée par la Fondation de France comme la première cause de dépendance lourde de la personne âgée.

Si la maladie d’Alzheimer est souvent associée à la perte de mémoire, elle touche d’autres zones du cerveau au fil de son évolution, compliquant la capacité à communiquer, à réaliser plusieurs choses en même temps ou les actes de la vie quotidienne. C’est pourquoi la présence d’un aidant familial ou professionnel aux côtés de la personne malade est généralement nécessaire.

Le lancement, le 5 septembre, de concertations visant à une “stratégie Maladies neurodégénératives 2024-2028”, est salué par les structures et associations consacrées à la maladie d’Alzheimer. Toutefois, la responsable du suivi des politiques publiques à France Alzheimer s’inquiète de l’absence de financement qui ne répond pas à l’objectif affiché de considérer les maladies neurodégénératives comme un en jeu de service public.

Prévention, dépistages précoces, renforcement de formation et de la recherche, soutien aux aidants

Outre les recommandations relatives au dépistage précoce, ces associations plaident également pour développer la prévention, et en particulier celle liée à l’activité physique adaptée.  Une mission flash menée par deux députées militait quant à elle pour une meilleure formation des soignants et pour le renforcement de la recherche et listait une série de mesures pour soutenir les aidants.

L’essentiel de l’aide repose en effet sur les proches et les familles qui ont besoin d’être soutenus. Or on sait combien les interactions sont essentielles pour les personnes souffrant de cette maladie.

 

Changer de regard : Alzheimer, un enjeu majeur de solidarité

La maladie d’Alzheimer est une maladie qui stigmatise les personnes atteintes, voire leur entourage. L’image dominante des malades tend à les exclure en effet de la vie sociale : comme s’ils étaient déjà morts, ou seulement caractérisés par leur incompétence et par leur absence.

Selon France Alzheimer, lutter contre la maladie d’Alzheimer doit passer par le changement de regard de la société, en valorisant les actions des personnes malades. Elle met à l’honneur les témoignages de malades dont le diagnostic a été précoce et qui prennent la parole ainsi : « J’ai des difficultés pour certaines choses. Il y aura des modifications dans nos relations et j’ai ou je vais avoir besoin de votre compréhension. Mais surtout, respectez-moi, ne me mettez pas de côté. Je suis toujours moi. Ne gâchons pas le présent. »

 

Interrogé par Alliance VITAle gériatre Victor Larger, auteur de « Est-ce que je nous perds quand je me perds ? Vivre avec Alzheimer » (Balland, 2020) confirme que :

« Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer expriment souvent, au moins au début, le sentiment de n’être plus bon à rien, de ne servir à rien.  Derrière cette question « à quoi je sers ? », est posée la question « quel sens ma vie a-t-elle ? » et, plus largement « quel sens cela a-t-il ? ». La question du sens des choses et des circonstances suscite chez le malade un mélange de perplexité et d’angoisse à l’origine des troubles du comportement qui, souvent, le submergent. Le malade fait l’expérience de l’inutilité absolue, de l’insensé et de la vacuité. Lui, qui perd progressivement tout ce qui fait la superbe de l’homme, pousse à l’extrême la question du « quel sens ma vie a-telle ? » qui nous tient tous. C’est pourquoi on peut dire qu’il nous représente tous dans notre quête et ce d’une manière aiguë, exemplaire. Pour l’observateur deux attitudes sont possibles. La plus courante est celle qui nous fait souvent passer à côté de notre vie : croire que le malade est vide de cette richesse qu’est son intelligence. Qu’il n’a rien à voir avec nous. Que nous n’avons rien en commun, peut-être même pas l’humanité. L’autre attitude est celle de l’interrogation : « où en suis-je, moi ? » Comment puis-je participer à la peine de cette personne, moi qui suis si souvent tenté de distraire mon esprit et mon cœur de cette quête fondamentale de l’existence. Finalement, à quoi je sers en face de celui-ci ? De cette interrogation ou non de l’observateur dépend le choix de son action. Soit on abandonne le malade à lui-même, perdu dans son abime de solitude et d’angoisse. Soit on s’interroge soi-même sur le sens de sa position envers le patient et on le rejoint dans son expérience qui est aussi la nôtre. Ainsi deux attitudes sont possibles : l’indifférence voire le rejet conduisant à l’abandon du malade à lui-même ou l’attention portée à l’autre maintenant ainsi la relation. »

Ne pas enfermer la personne dans la maladie, cultiver les bons moments, intégrer un groupe de parole pour les aidants… Autant de facteurs qui contribuent à la lutte contre cette maladie.

Cette écologie relationnelle encore à construire pourrait bien être menacée par la légalisation d’une « aide active à mourir », quelle qu’en soit la forme, suicide assisté ou euthanasie. Comment en effet conjuguer la revendication de l’autonomie et l’accueil de la vulnérabilité et la solidarité envers les plus fragiles en particulier les personnes touchées par la maladie d’Alzheimer ?

Pour aller plus loin :

Grand témoin – Docteur Victor Larger – Université de la vie « Quelle dignité ? Mieux la comprendre, mieux la défendre ». 2021.

Journée Mondiale Alzheimer 2021 : Le lien social à l’honneur.

Allemagne : Les médecins demandent plus de moyens pour la prévention du suicide

Allemagne : Les médecins demandent plus de moyens pour la prévention du suicide

A l’occasion de la journée mondiale de prévention du suicide, l’Ordre des médecins allemands, le Bundesärtzkammer, a salué la résolution sur la prévention du suicide votée le 6 juillet à une grosse majorité par le Bundestag, après que les députés allemands ont rejeté deux textes pour encadrer le suicide assisté. L’Ordre des médecins demande que la politique de prévention du suicide soit dotée de moyens financiers suffisants.

 

Le 6 juillet dernier, deux propositions de loi transpartisanes étaient examinées au Bundestag pour donner un cadre légal au suicide assisté. En effet, depuis la décision de la Cour constitutionnelle du 26 février 2020 qui avait retoqué une loi de 2015 interdisant l’organisation commerciale du suicide assisté, celui-ci est pratiqué par des associations sans qu’il y ait de cadre légal. Selon les chiffres des principales associations qui fournissent aujourd’hui des services d’assistance au suicide assisté en Allemagne, elles auraient aidé près de 350 personnes à mourir en 2021. Les médecins utilisent des médicaments sédatifs tels que le midazolam, par exemple.

Les deux propositions de lois examinées le 6 juillet tentaient d’apporter un cadre légal à cette pratique en fixant des conditions. L’une des propositions de loi, émanant des députés Lars Castellucci, du parti social-démocrate (SPD), et de Ansgar Heveling, du parti chrétien-démocrate (CDU), prévoyait que l’assistance au suicide reste interdite mais que des exceptions soient créées pour des personnes majeures après deux entretiens obligatoires, avec un délai minimal de trois mois entre les deux entretiens. L’autre proposition de loi, portée notamment par la députée libérale Katrin Helling-Plahr et la députée écologiste Renate Künast, moins restrictive, ouvrait un droit au suicide assisté pour des personnes majeures et autorisait les médecins à prescrire un médicament létal entre trois et douze semaines après un entretien obligatoire.

Les associations d’assistance au suicide étaient opposées à ces deux propositions de loi car elles ne souhaitent pas que l’assistance au suicide soit encadrée, arguant que le cadre légal actuel serait suffisamment « clair », et  rejettent l’idée d’un entretien obligatoire.

De leur côté, les acteurs engagés dans la prévention du suicide ont exprimé des réserves sur l’instauration de centres de conseil agréés pour recevoir les candidats au suicide en entretien. Selon eux, il faudrait plutôt financer durablement et fédérer les structures régionales déjà existantes, ainsi que les services d’écoute téléphoniques et en ligne. La seconde proposition de loi a été particulièrement critiquée par ces spécialistes de la prévention car le délai minimum de trois semaines envisagé est bien trop court pour surmonter une crise suicidaire en étant accompagné.

Ces deux propositions de lois ont finalement été rejetées. En revanche, les députés du Bundestag ont adopté à une écrasante majorité de 688 voix (une seule voix contre) une résolution pour renforcer la prévention du suicide. Cette résolution demande au gouvernement de présenter un projet de loi et une stratégie de prévention du suicide avant le 30 juin 2024. Une ligne téléphonique nationale unique devra être mise en place pour les personnes ayant des idées suicidaires et leurs proches.

Dans son récent communiqué, l’Ordre des médecins salue cette initiative. Il salue également l’annonce faite par le Ministère de la Santé d’avoir déjà commencé à travailler à une stratégie nationale. Maintenant, selon eux, il ne faudrait pas que la prévention du suicide reste un concept. « Les propositions expérimentées et les structures ne doivent pas être abandonnées pour des raisons financières et une agence nationale d’information et de coordination pour la prévention du suicide ne doit pas échouer à cause du financement ». Selon le Dr Stefan Schumacher, responsable d’un service d’écoute téléphonique, les personnes qui vivent une crise suicidaire n’ont actuellement pas toujours suffisamment rapidement accès à un service d’écoute téléphonique ou en ligne, par manque de capacité. Il convient donc d’augmenter leur accessibilité par une coordination au niveau national. De son côté, Claudia Bausewein, présidente de la Société allemande de soins palliatifs, regrette les inégalités d’accès aux soins palliatifs et une information très variable selon les maladies. « Le pas vers le suicide assisté semble parfois plus petit » a-t-elle mis en garde.

Comme on le voit, les échecs des tentatives d’encadrement légal du suicide assisté en Allemagne illustrent bien l’impossibilité à concilier encadrement du suicide assisté et politique de prévention du suicide. Une politique cohérente de prévention du suicide ne souffre aucune exception.

Rappel à la loi au Québec face à la forte hausse des euthanasies

Rappel à la loi au Québec face à la forte hausse des euthanasies

La Commission sur les soins fin de vie a enjoint les médecins du Québec pratiquant l’euthanasie dénommée « aide médicale à mourir » (AMM), à suivre la loi avec plus de rigueur.

En effet la croissance exponentielle des euthanasies dans cette province canadienne soulève de sérieuses questions. Le dernier rapport annuel sur l’AMM au Canada pour 2021 révèle un taux global de croissance du nombre d’euthanasies de 32,4 % pour atteindre le chiffre de 3,3 % des décès soit 10 064 cas. Pour le Québec qui a légalisé l’euthanasie dès 2015, cela représente 5,5 % des décès,  dépassant la Belgique et les Pays-Bas qui se sont dotés d’une loi depuis 21 ans. Cette proportion devrait atteindre 7% en 2023.

Cet avertissement intervient également dans le contexte d’évolutions de la loi au niveau fédéral et au Québec qui a un régime législatif particulier. En 2023, le Québec a voté une extension fortement controversée de la loi  : des personnes handicapées dont le pronostic vital n’est pas engagé sont désormais éligibles à l’euthanasie. D’autre part, dès le 7 décembre prochain, l’ensemble des maisons de soins palliatifs seront tenues de pratiquer des euthanasies à la demande.

Radio Canada souligne que la Commission relève plusieurs infractions à la loi : des pratiques d’euthanasies non conformes ou « administrées à la limite des conditions imposées », ou encore le manque de rigueur sur l’avis d’un second médecin et le « magasinage » autrement dit le fait de se retourner vers des médecins peu regardants. Elle rappelle également que le vieillissement n’est pas une maladie incurable et ne justifie pas l’AMM.

Un éditorialiste du Washington post soulignait le 13 septembre dernier que « Plus la pratique se développe, plus le risque d’erreurs ou d’abus augmente, dans un contexte où l’erreur ou la faute ont des conséquences irréversibles ».

Pour le réseau citoyen Vivre dans la Dignité « Il faut aussi savoir que ces rappels se déroulent alors que la situation est probablement plus grave que celle décrite par la Commission sur les soins de fin de vie qui refuse d’y voir pour l’instant des dérives. »

En effet une étude scientifique parue en août dernier intitulée Les réalités de l’aide médicale à mourir au Canada en août 2023, alerte sur les graves lacunes du dispositif d’euthanasie. Les auteurs concluent que « Le régime canadien d’aide médicale à mourir ne dispose pas des mesures de protection, de la collecte de données et de la surveillance nécessaires pour protéger les Canadiens contre les décès prématurés. »

Dans ces conditions, il est douteux qu’un simple rappel à la loi permette de stopper les infractions observées.

La baisse des naissances se poursuit en France

La baisse des naissances se poursuit en France

L’INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques) a précisé qu’il s’agit du treizième mois consécutif de baisse par rapport au même mois de l’année précédente. La moyenne mensuelle de naissances s’établit à 59100 et “en cumul sur les sept premiers mois de l’année, on compte près de 30 000 naissances de moins en 2023 qu’en 2022, soit une baisse de 7,0 %“. La chute en juillet marque par ailleurs une “première”. Depuis 1994, le nombre de naissances par jour n’avait jamais été inférieur à 2000. En 2023 il est tombé à 1907. A l’exception de la Guyane, tous les autres départements affichent une baisse et l’Institut ne voit pas d’écart notable entre les régions.

La tendance pour les naissances depuis 2014 est clairement à la baisse : 816,000 naissances en 2014 contre 723,000 en 2022. Hormis un léger rebond en 2021, effet de rattrapage sur une chute plus nette en 2020 liée à la crise sanitaire, la baisse est continue chaque année. Conséquence arithmétique de cette chute : le solde naturel, à savoir l’écart entre le nombre de naissances et le nombre de décès se rapproche de zéro.

Quels facteurs pour expliquer cette baisse des naissances?

Selon des analystes, la baisse des naissances en 2023 est d’autant plus notable que le nombre de mariages a rebondi fortement en 2021 puis en 2022 après la chute de 2020 en raison de la pandémie. Les facteurs qui influencent le choix d’avoir un enfant sont multiples et tous les démographes ne s’accordent pas sur ce sujet. Ils peuvent citer la confiance dans l’avenir, la perte de pouvoir d’achat par l’inflation, l’existence ou non de structures d’accueil pour les très jeunes enfants afin que les parents puissent mener une carrière professionnelle. La confiance dans l’Etat pour garantir un soutien efficace et pérenne pour leur vie familiale est également citée. Un sondage mené par l’IFOP en 2019 pour les AFC (Associations Familiales Catholiques) montrait que la dégradation de la politique familiale à partir de 2014 avait un impact. En effet, 33% des personnes âgées de moins de 50 ans déclaraient que cette dégradation les avait amenées à renoncer à avoir un enfant supplémentaire, et 29% les avait amenées à différer le projet d’avoir un enfant supplémentaire.

Le site “Vie publique”, rattaché aux services de la Première Ministre, souligne que la France reste dans le peloton de tête pour la fécondité en Europe, tout en étant en dessous du seuil de renouvellement des générations, fixé à 2.1. “La politique d’aide aux familles, par son caractère multiforme allant de la politique fiscale de quotient familial aux aides directes sous forme d’allocations familiales ou au financement de modes de garde, contribue dans son ensemble au maintien en France, depuis plusieurs années, d’un taux de fécondité certes en baisse mais parmi les plus forts des pays européens“.

La baisse de la fécondité est-elle durable ?

Cette multiplicité des facteurs ne facilite pas la compréhension fine de ce phénomène de baisse des naissances. Or l’évolution de cet indice est cruciale pour les projections démographiques, l’autre facteur naturel étant l’évolution du taux de mortalité. Une analyse des projections de l’ONU publiées en 2022 soulignait déjà l’impact des hypothèses sur le taux de fécondité. Une étude datant de 2020 et publiée dans la revue The Lancet donne quelques éléments pour apprécier cet impact.

Dans le modèle de l’ONU dont les projections de population mondiale sont largement relayées, le taux de fécondité est une variable dont la tendance revient vers 1.75 à long terme (l’horizon des projections est l’année 2100). Pourtant, des pays aussi divers que la Corée du Sud, la Grèce, la Thaïlande et le Canada ont un taux de fécondité très bas depuis de nombreuses années. Par exemple, en Grèce, l’indice de fécondité évolue entre 1.3 et 1.5 depuis le début du XXI° siècle. On a constaté également une absence de rebond de la natalité en Chine, malgré des incitations de politique publique initiées depuis 2021.

Dans l’étude citée plus haut, les auteurs modélisent ce taux par pays avec simplement deux facteurs explicatifs : l’accès au contrôle des naissances et la durée en année des études des femmes. Leur modèle prévoit un indice de fécondité tendant vers 1.66 à comparer au chiffre de 1.75 selon les prévisions de l’ONU. Cet écart semble minime. Cependant, un écart de 0.1 de l’indice modifie la projection de population mondiale de 500 millions à l’horizon 2100. Par ailleurs, les auteurs notent que d’autres facteurs que ceux qu’ils ont choisis influent sur l’indice de fécondité : facteurs économiques et culturels, dont la place et l’accueil faits aux enfants dans la société.

Comme Alliance VITA le soulignait au moment des élections présidentielles, le désir d’enfant reste plus élevé en France (autour de 2.4 enfants par couple) que le niveau actuel de l’indice de fécondité (1.83) ne le suggère. La politique familiale est un élément de solidarité intergénérationnelle et les pouvoirs publics devraient s’en saisir compte tenu de la baisse continue des naissances en France.

Le fiasco choquant d’une euthanasie en Belgique

Le fiasco choquant d’une euthanasie en Belgique

Le media Sudinfo a révélé le 6 septembre 2023 qu’une belge trentenaire atteinte d’un cancer avait été étouffée par deux infirmières à l’aide d’un coussin suite à une euthanasie qui aurait raté.

 

La jeune femme âgée de 36 ans était atteinte d’un cancer et avait appris en décembre 2021, que selon les médecins il ne lui restait qu’un an à vivre.

Alors que son état se dégradait, elle a demandé une euthanasie. Cette dernière a été pratiquée le 29 mars 2022. L’acte a eu lieu en présence d’un médecin et de deux infirmières qui accompagnaient la patiente depuis plusieurs mois. Le produit injecté ne produisant pas l’effet mortel escompté en raison d’un sous-dosage, l’équipe médicale a étouffé la femme avec un coussin.  C’est ce qu’a révélé l’autopsie mais aussi une des infirmières présentes qui se serait confiée à un tiers.

A juste titre des voix s’élèvent en Belgique et à l’étranger pour dénoncer un acte barbare.  Cela doit nous interroger cependant sur la gravité de l’intention euthanasique qui a pu conduire des personnes a priori bienveillantes à un tel acharnement.

Qu’est-ce qui a été exactement pratiqué ? L’enquête le révélera dans quelques temps puisque le compagnon d’Alexina et sa fille de 15 ans ont déposé plainte au parquet de Liège.

Le mobile avancé pour cette demande d’euthanasie était d’apaiser les souffrances. D’après l’équipe médicale, l’euthanasie représentait l’unique solution. Quid de proposition de soins palliatifs plutôt qu’une solution aussi expéditive ?

Au-delà de l’aspect sordide et dramatique de cette affaire, la manière dont les médias rapportent les faits est pour le moins surprenante.

Elle semble révélatrice d’une confusion qui s’est insinuée dans la pratique belge entre produits sédatifs et euthanasie. Les mots sédation et euthanasie sont utilisés indifféremment. Comme si la sédation normalement prévue dans l’intention de soulager la douleur, injectée à forte dose, se présentait comme une euthanasie déguisée.

Cela n’est pas sans rappeler ce qui a été dénoncé aux Pays-Bas. Dans le 3ème rapport quinquennal (2012-2016) d’évaluation de la loi néerlandaise, publié en juillet 2017, l’étude des certificats de décès montre que les « sédations profondes et continues jusqu’au décès » sont passées de 8,2% des décès en 2005 à 18% en 2015.

3 questions au Pr Ducrocq sur les défis de la SLA

3 questions au Pr Ducrocq sur les défis de la SLA

Le professeur Xavier Ducrocq est neurologue et exerce depuis près de 40 ans en milieu hospitalier. De par sa spécialité, il accompagne des patients atteints de SLA (ou maladie de Charcot) en phase diagnostic, en suivi des phases de la maladie et assure le lien avec les équipes spécialisées ou de soins palliatifs.

1. Quelles sont les manifestations de la SLA (sclérose latérale amyotrophique) ou maladie de Charcot ?

La SLA réalise une paralysie musculaire généralisée, rapidement progressive, d’évolution fatale en 2 à 3 ans en moyenne. Elle est due à une dégénérescence des neurones moteurs de la moelle épinière et de la partie basse du cerveau, (le bulbe rachidien.) La paralysie débute le plus souvent dans les membres inférieurs, puis atteint en quelques mois les membres supérieurs.

Elle touche l’ensemble de la musculature, y compris respiratoire. Lorsqu’elle atteint le bulbe, elle affecte la déglutition et la phonation entrainant des difficultés croissantes puis la perte de la capacité de mâcher, d’avaler, de parler.

Certaines formes, rares, évoluent beaucoup plus lentement. Il existe des cas extrêmes comme celui du physicien Stephen Hawking qui a vécu 56 ans avec cette maladie, ce qui nous montre aussi qu’elle n’atteint pas les capacités intellectuelles. Certaines formes vont toutefois se compliquer de démence frontale.

On estime qu’environ 8 000 personnes sont affectées par la SLA. Comparée à d’autres maladies dites neurodégénératives, elle est 10 à 15 fois moins fréquente que la maladie de Parkinson, elle-même beaucoup moins fréquente que la maladie d’Alzheimer.

 

2. Comment est organisée la prise en charge ?

Il n’existe pas de marqueur spécifique de la maladie. Le diagnostic repose sur la clinique, la rapidité d’évolution, et l’électromyogramme qui analyse le fonctionnement des nerfs et les muscles. Le fait que l’on n’ait pas de marqueur est frustrant. L’incertitude ne permet pas d’agir avec la même aisance que lorsqu’on est certain d’un diagnostic.  Il n’existe pas actuellement de traitement curatif.

Les principaux axes de recherche consistent à essayer de comprendre l’origine du processus de dégénérescence dont on ignore toujours la cause.

Des centres experts SLA ont été créés pour essayer de mieux coordonner les soins, la prise en charge respiratoire et les autres symptômes. Il en existe une vingtaine en France mais certains peuvent être éloignés du lieu de vie des personnes qui au fil du temps ont de plus en plus de difficultés à se déplacer.

D’autre part, le centre sert à bien accompagner ponctuellement mais pas sur le long terme. A un certain stade, la prise en charge peut se faire dans un hôpital de proximité et ultimement par une structure de soins palliatifs. Ce sont des patients à accompagner jusqu’au bout et plus on avance dans la maladie, plus l’accompagnement nécessite davantage d’intervenants pour vraiment s’adapter aux patients. Or bien souvent la Médecine s’exerce dans la vitesse et la rentabilité. Cette maladie vient percuter la logique de rentabilité économique et les problèmes d’effectifs soignants.

Il s’agit d’une médecine humble où le médecin doit de se mettre à l’écoute du patient pour s’adapter à ses besoins. Le médecin peut être force de proposition, mais toujours dans un souci d’ajustement, ce qui est délicat.  Cette maladie soulève toutes les questions éthiques de fin de vie notamment celle de l’acharnement thérapeutique : la pose d’une gastrostomie*, une assistance respiratoire plus ou moins invasive sont-elles raisonnables ? La réponse n’est jamais absolument exacte.

Pour les soignants, il est délicat d’anticiper les étapes (l’insuffisance respiratoire ou les problèmes de déglutition ) qui vont immanquablement intervenir à un moment ou un autre sans nuire à la vie présente du patient.

D’où l’importance de la prise en charge palliative. La culture palliative, née en cancérologie, s’est petit à petit diffusée dans les services traitant les maladies neurologiques. Si l’insuffisance respiratoire d’un patient qui a une SLA n’est pas différente en soi de celle d’un insuffisant respiratoire après bronchite chronique, il existe malgré tout une spécificité de la SLA : le patient ne communique pas aussi facilement que les autres ; il est beaucoup plus dépendant physiquement parce qu’il est totalement paralysé.

Les soins sont beaucoup plus lourds : c’est pourquoi les services de soins palliatifs et les neurologues collaborent pour bien accompagner ces malades. Ce travail ensemble permet de s’ajuster au patient avec la meilleure connaissance possible de sa pathologie. Les soins palliatifs peuvent répondre à tout ce dont un patient atteint de SLA en fin de vie peut avoir besoin.

3. Pourquoi cette maladie est-elle aujourd’hui stigmatisée et utilisée pour revendiquer l’euthanasie ? 

C’est une maladie incurable, d’évolution assez rapide.  La paralysie progressive entraine la perte de toutes les capacités physiques. On devient totalement dépendant, vulnérable ; la communication elle-même peut devenir extrêmement compliquée.

Mais il y a de nombreuses maladies aussi difficiles qui ne sont pas stigmatisées comme celle-là. Peut-être parce que le patient avec une SLA garde toutes ses facultés intellectuelles dans l’immense majorité des cas. Se voir diminuer ainsi est douloureux, pour le patient comme pour les proches.

Mais je suis surpris que cette maladie soit utilisée pour justifier l’euthanasie.  Si la fin de vie d’un patient atteint de SLA est souvent marquée par l’insuffisance respiratoire, les grands insuffisants respiratoires, confrontés à des questions similaires, sont bien plus nombreux, sans pour autant qu’on les stigmatise de la même façon.

Le problème d’une loi qui définirait la SLA comme éligible à l’euthanasie ou au suicide assisté, c’est d’en faire une espèce de prêt-à-porter, de modèle dans lequel il faudrait entrer. Ce qui serait forcément réducteur, chaque situation étant unique. Cela pourrait beaucoup réduire les possibilités de dialogue et d’approche du patient. La légalisation risque de créer une sorte d’obligation pour le patient. Les patients s’adaptent si on leur donne le cadre et les moyens pour le faire. Un patient atteint de SLA me disait : « je ne voulais pas que mes filles me voient comme ça, diminué, comme je suis. » Et dans le même temps, quelques minutes après, il allait aussi me dire : « On est dans un autre rapport. On est plus proches, on s’est dit des choses qu’on ne s’était pas dites auparavant. » Lorsque son état respiratoire s’est dégradé, il a réitéré sa demande de sédation terminale. Mais il voulait attendre l’anniversaire de sa fille. On a donc attendu l’anniversaire de sa fille et quelques jours avant, il est mort de lui-même sans qu’on n’ait rien fait de particulier. En service de soins palliatifs depuis plusieurs mois, il recevait quotidiennement les visites de son épouse et de ses filles.

L’histoire de ce patient est éloquente. Quand il raisonne, il veut l’euthanasie, puis il veut la sédation. Et quand il revient au réel, ce n’est pas le moment, il y a toujours autre chose à faire du début de la maladie jusqu’à la fin. Son ambivalence est permanente.

C’est un phénomène bien connu déjà depuis longtemps et en particulier par les services de soins palliatifs. C’est vrai quelles que soient les maladies terminales. Cette ambivalence en fin de vie est tout à fait classique, respectable et salutaire même. Le tout, c’est de pouvoir l’entendre. Or si on légalise l’euthanasie ou le suicide assisté, on va priver ces patients de cette liberté de parole. Certains n’oseront plus l’évoquer par peur du passage à l’acte, par peur des conséquences. Alors qu’aujourd’hui ils ont cet espace de liberté de pouvoir dire ce qui les habite et c’est un appel à l’écoute, au dialogue.

Pour ce patient, derrière sa revendication d’euthanasie, il y avait le souhait de parler simplement, de dire ce qui le faisait souffrir et que ce soit entendu.

Après 40 ans d’exercice de la médecine, et de la neurologie en particulier, je fais encore le constat aujourd’hui de la capacité des personnes à s’adapter à la nouvelle condition que crée la maladie, même la plus handicapante. Au fond de chacun je constate que des ressources vont être mobilisées pour donner un autre sens à sa vie et souvent moins superficiel qu’auparavant.

 *Procédé qui permet d’administrer directement des nutriments dans l’estomac lorsqu’une alimentation par la bouche est impossible.

Pour aller plus loin : Etude sur les enjeux de la loi Leonetti pour les patients atteints de SLA

Prévention du suicide : le dispositif VigilanS mesure son efficacité

Prévention du suicide : le dispositif VigilanS mesure son efficacité

Santé Publique France vient de publier une étude mesurant l’efficacité d’un dispositif de prévention du suicide. A l’occasion de la journée mondiale de prévention du suicide, la publication des résultats montre les bénéfices d’un dispositif de recontact.

 

Qu’est-ce que le dispositif VigilanS ?

Créé en 2015 dans la région Hauts de France, et étendu aux autres régions par la suite, ce dispositif organise un réseau de recontact et d’alerte, par des professionnels de santé, autour d’une personne ayant fait une tentative de suicide.

L’observatoire national du suicide a publié des données chiffrées sur les comportements suicidaires. Environ 9200 personnes se suicident par an, et les tentatives de suicide entrainent 100,000 hospitalisations et environ 200,000 passages aux urgences. Par ailleurs, 75% des récidives ont lieu dans les 6 mois après une tentative. La survenue d’une tentative de suicide multiplie par 20 le risque d’une autre tentative dans l’année qui suit, et par 4 le risque de suicide ultérieur. Le risque de récidive est donc très important après une tentative de suicide.

Pour une personne sortant d’une hospitalisation pour une tentative de suicide, le dispositif comporte plusieurs outils :

  1. La proposition et la remise, si elle l’accepte, d’une carte ressource avec un numéro vert gratuit, pour un contact permanent en cas de mal-être ou de problème.
  2.  Si la personne a fait plusieurs tentatives, un contact par téléphone dans les 10 à 20 jours qui suivent sa sortie d’hôpital, et l’envoi d’une carte personnalisée ou d’un SMS tous les mois durant quatre mois.
  3. Au bout de 6 mois, la personne est contactée pour une évaluation téléphonique détaillée et la décision ou non de reconduite du dispositif.

 

Quels sont les résultats de l’évaluation du dispositif ?

L’évaluation de VigilanS a porté sur les données des 6 premières régions d’expérimentation sur la période 2015-2017. L’étude s’intéresse à environ 23,000 personnes ayant fait une tentative de suicide, la moitié ayant intégré le dispositif et l’autre moitié non.

Les chiffres montrent une nette différence. Santé publique France note que : “Dans le premier groupe, 3 214 réitérations suicidaires ont été identifiées contre 5 014 pour les patients non exposés. Ces résultats montrent une diminution de 38 % du risque de réitération suicidaire (passage aux urgences ou hospitalisation pour tentative de suicide ou décès par suicide) dans les 12 mois suivant leur tentative de suicide chez les patients VigilanS. L’efficacité du dispositif est observée quel que soit le sexe ou s’il s’agit de la première tentative de suicide de la personne ou non.”

Cette forte diminution du risque de récidive est une bonne nouvelle en soi.

Santé Publique France ajoute également un élément économique : “L’évaluation médico-économique a montré que 1 € investi dans le dispositif VigilanS permettrait d’économiser 2 € de coût de santé. En moyenne, 248 € de coûts de santé seraient ainsi économisés pour chaque patient inclus dans VigilanS.”. Rapportée à l’ensemble des personnes de l’étude, par exemple, l’économie se monterait à 2.85 M€.

 

La prévention du suicide reste un enjeu majeur en France

D’après les données disponibles, le nombre de suicides serait à la baisse tendancielle en France (plus de 12000 suicides en France au milieu des années 80). D’après un rapport de l’OMS en 2019, la France se classait 75° sur 183 pays pour son taux de suicide. Celui-ci -12.3 pour 100,000 habitants en 2017- reste au-dessus de la moyenne des pays européens. Ce taux est nettement plus élevé chez les hommes que chez les femmes et augmente avec l’âge.

 

Les bénéfices du dispositif VigilanS pour préserver des vies soulignent l’importance du lien relationnel, ainsi que le besoin d’une prise en charge adéquate par le système de santé. Alors que les débats sur la fin de vie se poursuivent, ces éléments, la relation humaine et la qualité des soins, devraient être le cœur d’une amélioration de la prise en charge de la fin de vie, et non la légalisation d’une mort administrée qu’elle qu’en soit la forme. Plusieurs articles de psychiatres ont récemment alerté sur le basculement que représenterait une légalisation du suicide assisté alors que la prévention est un objectif majeur.

 

Pour aller plus loin : L’effet Werther ou la contagion suicidaire