GPA en Allemagne, double langage

12/01/2015

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Par une décision de justice rendue le 10 décembre 2014, la Cour fédérale de justice allemande ((Bundesgerichtshof, BGH) vient de reconnaître « deux pères » à un enfant né par Gestation Pour Autrui (GPA).

Ce couple homosexuel de Berlin avait conclu un contrat en août 2010 avec une mère porteuse américaine, conduisant à la naissance d’un enfant en Californie en mai 2011, conçu par un don d’ovule fécondé in vitro par les gamètes de l’un des deux hommes du couple. Le père biologique avait reconnu l’enfant au consulat allemand de San Francisco et un tribunal californien avait désigné les deux hommes comme parents de l’enfant sur son acte de naissance. Rentré à Berlin dès la naissance, cet enfant vit depuis avec les deux hommes.

Le couple avait depuis lors tenté de faire reconnaître le deuxième homme comme deuxième parent légal de l’enfant, par la transcription de l’acte de naissance des États-Unis dans le registre de naissance (état civil) allemand, jusqu’alors sans succès auprès des autorités, car en Allemagne la GPA et le don d’ovules ne sont pas autorisés. De plus, en droit allemand, la femme ayant accouché devrait être le parent légal de l’enfant.

Contre toute attente, la Cour fédérale de justice vient d’accéder à leur demande, faisant fi des lois nationales interdisant la GPA. Plusieurs arguments ont motivé sa décision. D’abord, la mère porteuse n’étant pas reconnue comme parent légal dans le pays de naissance, elle ne pouvait l’être en Allemagne. La mère porteuse ne présente aucun lien génétique avec l’enfant. L’un des hommes est le père biologique. La BGH (page 17, § 42) précise que le droit de l’enfant au respect de sa vie privée (tel que définie à l’article 8.1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ) constitue un des fondements du statut des parents. Enfin, la BGH a cité la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) et son arrêt Mennesson du 26 juin 2014 demandant à l’Etat français de donner un état civil aux enfants nés à l’étranger par GPA, précisant encore que ce droit au respect implique la possibilité pour l’enfant de créer un lien parent-enfant, relation faisant partie de l’identité de l’enfant.

La BGH a donc statué que la décision prise par le tribunal de Californie d’attribuer la « paternité » légale aux deux hommes ne pouvait pas être remise en cause par un tribunal étranger, et a donc conclu que ces deux hommes sont les deux parents légaux de cet enfant, ce qui constitue « une première » en Allemagne.

L’Allemagne entre à la suite de la France dans cette situation paradoxale de double langage, qui interdit une pratique contraire à la dignité humaine mais en valide ses effets en la cautionnant à l’étranger.  Elle va même beaucoup plus loin : accorder la nationalité est une chose, même si cela ruine l’aspect dissuasif du recours à la GPA ; par contre, attribuer la « paternité » légale à deux hommes constitue une atteinte grave aux droits de l’enfant, puisque cette décision aboutit à nier totalement toute maternité.  Or une loi qui n’est plus dissuasive n’est plus protectrice.

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