Bébés CRISPR : Les inquiétudes se confirment

06/12/2019
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L’affaire des premiers bébés génétiquement modifiés par CRISPR-Cas9, nés en novembre 2018, ne cesse de se compléter d’informations alarmantes. Cette expérimentation a abouti à la naissance de deux fillettes, véritables cobayes de la technique qui les a créées.

Lors de son annonce, qui avait suscité une réprobation mondiale, le scientifique à l’origine de cette grave transgression, He Jiankui, expliquait avoir franchi cette ligne rouge car il poursuivait l’hypothèse de « rendre ces bébés résistants au VIH », en désactivant un gène, le gène CCR5. Ce gène code, notamment, pour un récepteur placé sur des cellules du système immunitaire (les lymphocytes). Or, le virus VIH utilise justement ce récepteur pour pénétrer ces cellules et les infecter.

Peu après, des voix se sont élevées pour dénoncer ce qui semble être les réelles intentions de cet apprenti-sorcier. Il souhaitait expérimenter l’impact de cette modification sur les facultés cognitives, car ce même gène CCR5 pourrait être impliqué dans les facultés d’apprentissage, ce qui n’est qu’une supposition.

Rapidement, et face au tollé mondial suscité, les revues scientifiques avaient refusé de publier l’étude, car le scientifique avait enfreint des règles éthiques et déontologiques. Si bien que ce document a été tenu relativement secret. Mais il semblerait que JAMA (Journal of the American Medical Association) soit actuellement en train de l’étudier, et l’aurait confié à de nombreux experts, y compris à George Church de la Harvard Medical School. Mais est-ce aux revues scientifiques de faire « la police » des transgressions éthiques ? Des experts ont demandé à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de se pencher sur ce grave problème. L’OMS a créé un groupe d’experts et élaboré l’idée d’une hotline pour signaler toute tentative de fabrication de bébés génétiquement modifiés.

Une journaliste de la MIT Technology Review a pu se procurer le document d’origine et l’a transmis à quelques experts. Leurs conclusions, présentées en 12 points, sont accablantes. Les questions soulevées sont multiples. Elles concernent, par exemple, la liberté et le consentement éclairé des parents ; n’ont-ils pas été contraints, tenus dans l’ignorance des enjeux, manipulés ? Mais aussi les données tenues secrètes, comme les noms des personnes impliquées (spécialistes de la fécondation in vitro, obstétriciens) ne sont pas mentionnés. Pourquoi ? Etaient-ils au courant de ce qu’ils faisaient ? Et bien entendu, ces experts dénoncent les nombreux biais scientifiques, une fraude à la réglementation de la procréation assistée etc.

Le document de He Jiankui démontrait déjà que ces embryons génétiquement modifiés étaient des « mosaïques », c’est-à-dire que d’autres mutations que celles ayant motivé l’expérience se sont produites à d’autres endroits du génome, de manière différente d’une cellule embryonnaire à l’autre, ce qui rend les conséquences imprévisibles.

Ces enfants, nés de bricolages procréatifs, sont pris en otage de leur mode de conception, et en payent le prix. Il est urgent de mettre un coup d’arrêt mondial à ces transgressions, qui ne sont même plus des essais sur l’homme, mais des essais d’homme.

En ouvrant la voie à la création d’embryons transgéniques pour la recherche, la loi bioéthique française alimenterait cette transgression. Il est encore temps pour les sénateurs, qui examineront cette loi en janvier 2020, de revenir sur cette mesure.

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