IVG : PPL n°23 visant à renforcer le « droit à l’avortement »
07/01/2021
ppl avortement

Le 20 janvier prochain, le Sénat examinera la proposition de loi n°23 visant à renforcer le « droit à l’avortement », adoptée en 1ère lecture par l’Assemblée nationale, à l’initiative de Mme Albane GAILLOT, députée, et du groupe Ecologie Démocratie Solidarité.

Prétendant que l’accès à l’IVG serait, aujourd’hui, de plus en plus difficile, le texte prévoit l’allongement des délais légaux d’accès à l’IVG de douze à quatorze semaines et la suppression de la clause de consciences des professionnels de santé.
Convaincue que la nécessité est plus que jamais à la prévention de l’avortement, Alliance VITA analyse ici les dernières évolutions de l’avortement en France et formule des propositions.

 

I – Le nombre d’IVG au niveau le plus élevé

« Interruptions volontaires de grossesse : une hausse confirmée en 2019 » titre le n° 1163 (septembre 2020) des Etudes et Résultats de la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques du Ministère de la Santé.
En 2019, 232 200 interruptions volontaires de grossesse (IVG) ont été réalisées en France (contre 224 300 en 2018), dont 217 500 concernent des femmes résidant en métropole.
Le taux de recours à l’IVG est à son niveau le plus élevé depuis 1990, soit 16,1 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans. Il atteint 15,6 IVG en métropole et 28,2 dans les départements et régions d’outre-mer (DROM), alors que le nombre des naissances est en déclin depuis 2014.

Si les plus forts taux d’avortement demeurent dans la tranche des 20 – 29 ans (27,9), l’étude note que les femmes trentenaires ont davantage recours à l’IVG depuis les années 2010. À l’inverse, le taux de recours diminue chez les femmes de moins de 20 ans : chez les jeunes filles de 15-17 ans, il est passé de 10,5 pour 1000 en 2010 à 5,7 en 2019, chez les 18-19 ans, de 22,2 à 16,7 IVG sur la même période

Les écarts régionaux perdurent, les taux de recours allant du simple au triple selon les régions. En métropole, ils varient de 11,8 IVG pour 1 000 femmes en Pays de la Loire à 22,9 IVG en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Plus élevés dans les DROM, ils dépassent 39 pour 1 000 en Guadeloupe et en Guyane.

En 2019, la part des avortements médicamenteux atteint 70%.
61 500 IVG ont été réalisées hors d’une structure hospitalière, « à domicile », soit 25,4 % du total des IVG.

Pour la première fois, les données sur l’IVG ont été appariées avec des données fiscales pour l’année 2016, démontrant ainsi une corrélation nette entre niveau de vie et IVG : il en ressort que les femmes aux revenus les plus faibles y ont davantage recours. « Ces écarts ne s’expliquent pas uniquement par des différences d’âge ou de statut matrimonial de ces groupes de femmes, puisqu’à groupe d’âge et situation conjugale donnés, les femmes dont le niveau de vie est classé parmi les 10 % les moins élevés ont une probabilité de recourir à l’IVG dans l’année supérieure de 40 % à celle des femmes ayant un niveau de vie médian ».

Le nombre élevé des IVG pratiquées, en augmentation d’une année sur l’autre, démontre que l’accès à l’avortement n’est pas entravé. Par contre, l’avortement peut s’avérer un marqueur d’inégalité sociale qui doit alerter les pouvoirs publics.

 

II – Confinement et crise sanitaire, prétexte pour modifier la loi

Cela n’a pas empêché les partisans d’une libéralisation totale de l’avortement de prendre prétexte du confinement pour tenter de modifier la loi, au détriment de la protection des femmes.

Lors de la discussion en séance au Sénat du projet de loi Urgence Covid-19, le 19 mars dernier, la sénatrice Laurence Rossignol avait défendu un amendement prévoyant d’allonger de deux semaines le délai légal pour avoir recours à une IVG, faisant valoir que le confinement risquait d’entraver et retarder les demandes d’avortement. Pourtant, l’avortement avait été classé parmi les soins d’urgence.
L’amendement avait été rejeté, le Gouvernement, ainsi que la Commission des lois du Sénat, ayant émis des avis défavorables.

De nouveau, lors des questions au gouvernement du 1er avril, la sénatrice s’est appuyée sur une tribune parue dans le Monde la veille, signée par une centaine de professionnels de l’avortement qui revendiquaient des mesures pour faciliter l’IVG :
• un allongement des délais pour la pratique de l’IVG médicamenteuse à domicile de 5 à 7 semaines de grossesse ;
• la dispense du délai de 48 heures pour les mineures entre la consultation psychologique préalable obligatoire et le consentement écrit pour l’IVG, en proposant que l’avortement soit pratiqué dans la foulée de la première consultation ;
• un allongement des délais légaux de 12 à 14 semaines de grossesse pour les femmes qui seraient hors délai, du fait de difficultés liées au confinement.

En réponse à la question, le ministre de la Santé, Olivier Véran a parlé d’ « une réduction inquiétante du recours à l’IVG », a dit examiner les aspects techniques pour l’allongement de délai des IVG médicamenteuses à domicile et affirmé que la question des IVG hors délai pourrait être évaluée à la fin du confinement, si cela se justifiait.

Interrogée sur France Inter dans la matinale du 1er avril, une des cosignataires de la tribune reconnaissait que des collègues gynécologues leur avaient reproché de vouloir profiter de la situation pour faire passer des revendications, ce dont elle s’est défendue.

 

III – L’arrêté du 14 avril 2020 : allongement des délais des IVG médicamenteuses à domicile

En écho aux recommandations du collège des gynécologues, le ministre de la Santé préconisa donc d’encourager les IVG médicamenteuses, tout en « garantissant le libre choix des femmes » sur la méthode d’avortement.

Pour rappel, les IVG médicamenteuses sont pratiquées jusqu’à 5 semaines de grossesse à domicile et 7 semaines en établissement hospitalier. Au-delà de ces délais, l’avortement chirurgical est pratiqué.

Saisie le 7 avril par le ministre de la Santé, la Haute Autorité de Santé (HAS) a rendu son avis le 9 avril. Pour expliquer ses « réponses rapides », la HAS a indiqué qu’« il est impératif dans la situation épidémique actuelle de garantir une réponse aux demandes d’IVG, dans des conditions ne conduisant pas à dépasser les délais légaux d’IVG, tout en limitant les expositions des patientes et des professionnels au COVID-19, et en ménageant les ressources des établissements de santé ».
Le document précise que ces « réponses rapides » s’appliquent uniquement à la période d’urgence sanitaire liée à l’épidémie.

  • La HAS propose un protocole médicamenteux spécifique au-delà de 8 SA, notamment de doubler les doses de misoprostol, non recommandées et hors AMM (autorisation de mise sur le marché) jusque-là.
  • La femme doit se trouver à moins d’une heure de l’établissement de santé référent auquel elle pourra s’adresser en cas de complications, notamment d’hémorragie (jusqu’à 5% de risque selon la fiche BUM (HAS 2018). D’autre part, les douleurs sont plus importantes. Il est préconisé de ne pas rester seule à domicile.

Par arrêté du 14 avril 2020, le délai d’accès à l’IVG médicamenteuse à domicile a été allongé de 2 semaines, passant de 5 à 7 semaines de grossesse (ce qui correspond à un allongement de 7 à 9 semaines d’aménorrhée (SA)), pendant la crise sanitaire du Coronavirus.

L’arrêté précise que les consultations obligatoires d’IVG peuvent se faire par téléconsultation, sans préciser comment la confirmation écrite de la femme pour l’avortement est obtenue, ni comment la proposition de soutien et d’écoute peut être envisagée, selon les conditions prévues par la loi. De plus, par dérogation, les produits de l’IVG (l’association de deux produits mifepristone et misoprostol) pris à 36 ou 48 heures d’intervalle seront fournis directement à la femme en pharmacie, alors que ces produits sont délivrés, dans les conditions actuelles, uniquement par un médecin ou une sage-femme.

 

Analyse d’Alliance Vita :

« C’est une mesure grave qui peut avoir des conséquences sanitaires et psychologiques importantes pour les femmes. Promouvoir ainsi l’IVG médicamenteuse à domicile a une incidence sur la précipitation de la décision, et peut laisser entendre que c’est la solution privilégiée, tout en laissant les femmes dans une grande solitude dans cette période de crise sanitaire. De plus, il est connu que ces avortements pratiqués plus tardivement induisent un risque sanitaire supplémentaire et nécessitent un suivi précis sachant que les douleurs sont plus importantes à des âges gestationnels plus avancés, avec des saignements plus abondants, et des risques hémorragiques augmentés. Inciter à “avorter confinée” et mobiliser les soignants pour ce type d’acte en urgence, est-ce vraiment la priorité, est-ce respecter les femmes ? ».

 

IV – Le rapport de la Délégation aux droits des femmes (16 septembre 2020) : vers un démembrement total de l’encadrement à l’avortement

Après le rapport du Haut Conseil à l’Egalité (29 avril 2020), intitulé « Garantir l’accès à l’IVG à toutes les femmes » qui prenait prétexte de la durée du confinement pour préconiser de modifier l’encadrement de l’avortement, la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale vient de formuler 25 recommandations parmi lesquelles :

  • l’allongement du délai durant lequel l’IVG chirurgicale peut être pratiquée en le portant à 14 semaines de grossesse au lieu de 12 ;
  • la suppression de la clause de conscience spécifique des professionnels de santé en matière d’IVG ;
  • la modification de l’article L.2213-1 du code de la Santé publique pour ce qui concerne l’accès à l’IMG pour des raisons psychosociales ;
  • la pérennisation de l’allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville de 5 à 7 semaines de grossesse.

 

Deux propositions doivent être ici, plus particulièrement, examinées :

1) IMG et détresse psychosociale : la fuite en avant législative

Dès le mois d’avril, le ministre avait cependant dit étudier, selon les réelles demandes à la fin du confinement, la proposition de qualification d’IMG pour « détresse psychosociale » sans en préciser la définition, autorisant à avorter jusqu’au terme de la grossesse si la pandémie a retardé l’IVG.

Sans attendre la moindre évaluation, le Gouvernement – qui s’en est remis à « la sagesse » des députés – a laissé adopter à la sauvette en pleine nuit (du 31 juillet au 1er août 2020) à la fin de l’examen du projet de loi bioéthique une disposition qui fait exploser l’encadrement de l’avortement en ajoutant le critère flou de « détresse psychosociale » pour recourir à l’interruption médicale de grossesse (IMG), jusqu’au terme de la grossesse.

La condition des femmes enceintes faisant face à une détresse mérite toute l’attention de la société.
Une détresse doit toujours être écoutée.
Prétendre évaluer les détresses « psychosociales » est un facteur important de pression sur les femmes en situation de vulnérabilité. Le regard extérieur posé sur les situations personnelles peut avoir un impact déterminant sur la poursuite ou non d’une grossesse, spécialement quand des perspectives d’accompagnement et de soutien ne sont pas offertes. Quelles catégories de détresse devraient être jugées comme conduisant de facto à avorter et à ne pouvoir être éligible à la solidarité ?
Des femmes sans domicile fixe, migrantes ou victimes de violence conjugale ou encore faisant face à des difficultés psychiques devraient-elles être catégorisées comme devant forcément avorter ?

Sous-estimer les conséquences sur les femmes d’avortements sous contrainte « psychosociale » serait irresponsable. Des femmes avouent leur déchirement d’avorter de leur enfant à naître en pleine santé à cause de leur situation matérielle, affective ou psychique. Cela doit nous interroger collectivement sur les réelles solidarités à exercer plutôt que de renvoyer à certaines femmes qu’elles seraient en incapacité de devenir mères.
La réponse à une détresse, c’est d’en combattre les causes, et de la soulager.
L’IVG ne devrait jamais s’imposer comme une solution de fatalité. C’est en réalité discriminatoire et culpabilisant, d’une grande violence pour les femmes. Or en regard de cette disposition, aucune alternative ou soutien spécifique n’a été proposé.

2) La pérennisation de l’allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville, de 5 à 7 semaines

Déjà hautement contestable, cette disposition ne saurait être pérennisée. En effet, elle met en danger la santé physique et psychologique des femmes du fait de l’augmentation de la douleur et de la détresse psychologique entrainée par l’allongement du délai.

L’IVG médicamenteuse est souvent difficile à vivre car la femme est confrontée seule à la douleur et l’expulsion du fœtus. Les anti-douleurs prescrits soulagent plus ou moins cette douleur alors que l’isolement ajoute à la détresse psychologique. Une étude de l’Inserm publiée en 2016 souligne que « 27% des femmes ayant réalisé une IVG médicamenteuse ont ressenti des douleurs très intenses au 3ème jour de l’IVG. 83% des femmes affirment avoir pris des antidouleurs lors des cinq jours du traitement¹. Plus d’1 femme sur 4 a également déclaré avoir été inquiète des saignements provoqués par la prise des médicaments ».

 

V – Faut-il de nouveau légiférer ?

Depuis 1975, le législateur n’a cessé d’intervenir pour étendre la loi.

  • 1975 : loi dite « Veil » : pour 5 ans à titre expérimental
    o IVG pour « détresse » (jusqu’à 10 semaines de grossesse)
    o IMG si la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou s’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité (sans délai jusqu’à la naissance)
  • 1979 : Reconduction de la loi de 1975 sans limite de temps
    o Abandon de la promesse de mise en place de commissions d’aides à la maternité
  • 1982 : loi instaurant le remboursement de l’IVG par la Sécurité Sociale,
  • 1993 : loi dite « Neiertz » instaurant un «délit d’entrave à l’IVG »,
  • 2001 : loi dite «Aubry» :
    o extension du délai légal de l’IVG qui passe de 10 à 12 semaines de grossesse,
    o suppression de l’entretien préalable obligatoire, sauf pour les mineures,
    o suppression de l’autorisation parentale pour les mineures,
    o suppression du droit à l’objection de conscience pour les chefs de service,
    o IVG médicamenteuse (par RU 486) autorisée “à domicile” par des médecins de ville agréés,
    o autorisation de la publicité pour l’avortement
  • 2007 : Autorisation de la prescription de l’IVG médicamenteuse ”à domicile” aux centres de santé et aux centres de planification ou d’éducation familiales (CPEF) agréés.
  • 2012 : Hausse de 50% des “forfaits IVG” payés aux établissements de santé,
  • 2013 : Remboursement de l’IVG à 100% par la Sécurité sociale,
  • 2014 : Loi sur l’égalité femmes-hommes :
    o Suppression de la notion de détresse pour l’IVG
    o Délit d’entrave à l’IVG élargi à l’accès à l’information
    o Résolution à l’Assemblée nationale pour réaffirmer le “droit fondamental à l’IVG”
  • 2015 : Loi « Santé » :
    o Suppression du délai de réflexion d’une semaine pour l’IVG,
    o Autorisation de la pratique des IVG médicamenteuses par les sages-femmes,
    o Autorisation donnée aux Centres de santé de pratiquer des IVG chirurgicales,
    o Création de plans d’action régionaux pour l’accès à l’IVG.

Les révisions successives de la loi sur l’avortement n’ont conduit à aucune évaluation, ni étude épidémiologiques sur les causes et les conséquences de l’IVG, pourtant considérée comme un acte qui n’est pas anodin. On devrait pourtant s’interroger sur le taux français d’IVG qui est plus que le double de celui de l’Allemagne.
D’autre part, aucun le bilan de ce qui s’est passé en matière d’IVG pendant le confinement n’a été dressé.

 

VI – La proposition de loi n° 23 visant à renforcer le droit l’avortement

Ce texte, aggravé lors de son adoption par l’Assemblée nationale, contient deux dispositions contestables :

1) L’allongement des délais légaux d’accès à l’IVG de 12 à 14 semaines

Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, on peut lire « qu’aucun argument médical ou scientifique ne justifie de s’opposer à l’allongement des délais ». En réalité, sur un plan médical, l’opération est rendue plus complexe, compte tenu de la plus grande taille du fœtus.

Quelle est la justification d’une telle disposition ?

Des femmes dépasseraient le délai légal et seraient alors contraintes d’aller avorter à l’étranger, nous dit-on. Leur nombre se situerait entre 3 000 et 5 000 femmes par an… C’est le même chiffre qui avait été avancé lors de l’allongement des délais en 2001. Les pays receveurs – Belgique et Espagne, en particulier – ne confirment pas ces chiffres. Selon les données consignées dans le dernier rapport de la Délégation aux droits des femmes, les estimations variaient de 80 à 1000 Françaises venant subir une IVG hors délai en Espagne et de 810 Françaises s’étant rendues aux Pays-Bas en 2018.

Nous ne disposons aujourd’hui d’aucune analyse fiable ni sur les chiffres ni sur les raisons pour lesquelles un certain nombre de femmes iraient à l’étranger. Ces données pourraient éclairer sur les carences éventuelles des politiques publiques et les politiques de prévention à conduire.

2) La suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG

D’après les auteurs de la proposition de loi, il y aurait une « double clause de conscience », une spécifique à l’IVG et l’autre de nature générale. Les deux clauses auraient la même portée et concerneraient tout le personnel soignant. Et donc il y aurait une clause de trop (celle de l’article L2212-8 du code la santé publique), qu’il faudrait supprimer pour ne pas « stigmatiser » l’IVG par rapport aux autres actes médicaux.

Cet argument est fallacieux pour au moins quatre raisons :

La clause générale existait avant la loi de 1975 sur l’avortement. Si donc le législateur a cru bon d’en introduire une spécifique à l’occasion du vote de cette loi, c’est bien qu’il fallait une protection supplémentaire pour le médecin, compte tenu de la portée de l’acte en cause. Refuser de supprimer une vie n’est pas la même chose que de refuser de prendre en charge un patient qui se présente, ou refuser de prescrire certains traitements médicaux.

2° La clause générale du médecin est de portée plus restreinte. Celle-ci commence par le principe suivant : « Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. » Ce principe limite le pouvoir d’appréciation du médecin dans au moins deux circonstances citées dans le texte, « le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité ». Ce cadre juridique est de fait plus restrictif et plus contraignant pour le médecin que l’affirmation solennelle selon laquelle « un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse ».

La clause générale n’est pas de nature législative, mais réglementaire. La différence est fondamentale. Une loi apporte une garantie de liberté bien meilleure qu’un décret ministériel. Une loi ne peut être modifiée que par une autre loi discutée au Parlement, avec des débats, des amendements, des votes, une censure possible du Conseil constitutionnel, etc. Un décret peut être modifié du jour au lendemain par le gouvernement, sans contrainte particulière auprès de l’opinion publique ou des élus. Si on supprime la clause de conscience de l’article L2212-8 du code de la santé publique, de nature législative, il ne restera plus que celle de l’article R.4127-47, de nature réglementaire, donc beaucoup moins protectrice.

4° La clause générale n’existe pas pour tous les autres personnels soignants. Certes, une clause générale similaire à celle du médecin existe pour des sages-femmes (article R.4127-328 du code de la santé publique), et pour la profession d’infirmier (article R.4312-12 du même code). Mais ces clauses générales, de nature réglementaire, comportent les mêmes limites et conditions que la clause du médecin (voir analyses dans le 2° et le 3°). Par ailleurs, il existe d’autres professions qui pourraient être amenées à participer, de près ou de loin, à la réalisation d’une IVG, comme par exemple celle d’aide-soignant. Or la clause spécifique IVG dispose clairement que « Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse. »

On ne peut, en effet, forcer un professionnel à agir en contradiction formelle avec sa conscience. Il s’agit d’un droit fondamental des soignants qui sont tenus d’agir en responsabilité et de manière éclairée.

Supprimer cette clause reviendrait à transformer les professionnels de santé en prestataires de service, ce qui remettrait en cause la spécificité de ces professions, à l’encontre de la déontologie médicale. De nombreux professionnels seraient alors insécurisés. Interdire la liberté de conscience, c’est la porte ouverte à des discriminations contraignant certains à abandonner leur métier. Autant dire qu’il s’agit d’une atteinte à la liberté d’expression et de pensée contraire aux droits de l’Homme.

 

VII – Pour une vraie prévention de l’avortement

L’urgence est à la protection des femmes contre toutes violences, spécialement celles que constituent les pressions – souvent masculines, mais aussi sociales – pour les femmes les plus vulnérables qui les poussent trop souvent à avorter à contrecœur.
Un sondage, publié en 2016, a révélé que 89% des Français jugent que l’avortement laisse des traces psychologiques difficiles à vivre pour les femmes et 72% estiment que la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l’interruption volontaire de grossesse.

C’est pourquoi Alliance VITA demande :

  • de ne pas légiférer,
  • la conduite d’une étude épidémiologique sur les 20 dernières années, qui analyse les causes, les conditions et les conséquences de l’avortement,
  • un véritable débat sur l’avortement, ses causes et ses conséquences,
  • la mise en place d’une véritable politique de prévention de l’avortement assortie de la délivrance d’une information plus équilibrée aux femmes confrontées à une grossesse inattendue, notamment sur les aides et droits spécifiques aux femmes enceintes.