Les Pays-Bas sont historiquement le premier pays en Europe à avoir dépénalisé l’euthanasie et le suicide assisté, par une loi de 2001. Le nombre de personnes euthanasiées n’a cessé de croître chaque année, dans le cadre d’une évolution culturelle préoccupante, notamment pour les plus fragiles de la société.
La présente note dresse un bilan approfondi de la situation actuelle, avec les données statistiques et la législation applicable, ou en cours de discussion pour élargir son champ d’application. Elle examine les principales dérives éthiques constatées, avec une interprétation de plus en plus laxiste des organes de contrôle, au point que même l’ONU s’en est préoccupé.
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I – LA SYNTHÈSE
L’euthanasie est légale aux Pays-Bas depuis maintenant plus de vingt ans, par une loi du 12 avril 2001 entrée en application le 1er avril 2002. Les Pays-Bas sont historiquement le premier pays en Europe à avoir autorisé cette pratique. Depuis cette légalisation, le nombre d’euthanasies pratiquées a plus que triplé. Les chiffres présentés chaque année par les comités régionaux d’examen de l’euthanasie montrent également une augmentation du nombre de dérives, et une interprétation toujours plus large des conditions requises par la loi de 2001.
Si les conditions strictes établies par la loi n’ont pas évolué stricto-sensu, leur interprétation très extensive donne lieu en effet à des situations de plus en plus discutables : euthanasie de personnes atteintes de troubles psychiatriques, de personnes démentes, de personnes très âgées ou encore de personnes souffrant de plusieurs pathologies, mais ne respectant pas les conditions initiales requises par la loi. D’autres voix se font entendre, et notamment de la part de certains médecins regrettant une banalisation de l’euthanasie.
Alors que les dérives sont dénoncées par certains, d’autres souhaitent élargir les conditions d’accès et de pratique de l’euthanasie. Des pressions fortes s’exercent pour que le Parlement autorise le suicide assisté des personnes de plus de 70 ans qui en feraient la demande, en n’invoquant pas d’autre mobile que l’âge et la « fatigue de vivre ».
Les divers projets et propositions de loi déposés ces dernières années n’ont pas encore abouti. Cet élargissement reste à l’agenda de plusieurs formations politiques. En avril 2021, l’organisation ‘Coöperatie Laatste Wil’ a assigné l’État néerlandais en justice afin de le sommer de permettre le suicide assisté sans motif médical particulier, au nom du droit à l’autodétermination.
II – LES DONNÉES STATISTIQUES
Les données présentées ci-dessous proviennent du rapport annuel des comités régionaux de l’examen de l’euthanasie (Regionale Toetsingcommissies Euthanasie, RTE). Ces chiffres ne prennent pas en compte les euthanasies clandestines et les sédations palliatives cachant en réalité des euthanasies[1].
En 2003, première année complète d’application de la loi, on a recensé 1 815 euthanasies. Ce nombre est passé à 4 188 en 2012 et à 6 361 en 2019. Le nombre d’euthanasies a donc plus que triplé en vingt ans.
Sur l’année 2019, les Pays-Bas ont comptabilisé 17 euthanasies par jour, sur une population de 17,3 millions d’habitants. Cela représente 4,2 % de l’ensemble des décès de l’année.
80 % de ces euthanasies ont été pratiquées sur des patients souffrant de maladies telles qu’un cancer, une pathologie du système nerveux, une pathologie cardiovasculaire ou pulmonaire. Les autres euthanasies sont liées à des polypathologies (13%), des infirmités liées au grand âge (3%), ou encore à des troubles psychiatriques (1%) et démences (3%).
80% des personnes ont été euthanasiées chez elles et, dans 83% des cas, par le médecin de famille.
Le graphique ci-dessous présente l’évolution du nombre d’euthanasies et de suicides assistés ayant été réalisés depuis 2002.
III – LA LÉGISLATION
IV – UNE MULTIPLICATION DES DÉRIVES CONSTATÉES
Si la loi n’a pas formellement évolué depuis 2001, l’interprétation de celle-ci a laissé libre cours à des pratiques de plus en plus permissives. La loi prévoit des conditions relativement strictes, mais la pratique tend à élargir l’interprétation de celles-ci pour rendre l’euthanasie plus accessible.
V – UN CERTAIN LAXISME DES ORGANES DE CONTROLE
Si la loi n’a pas formellement évolué depuis 2001, l’interprétation de celle-ci s’avère extensive.
VI – LE MAL-ETRE D’UNE PARTIE DU CORPS MEDICAL
VII – LES CRITIQUES D’OBSERVATEURS ETRANGERS
ANNEXE
Les évolutions du cadre légal avant la loi de 2001
1973 : une première décision judiciaire enfreint la loi, un médecin n’est condamné qu’à une peine symbolique pour avoir pratiqué une euthanasie sur sa mère. D’autres jugements similaires suivent.
27 novembre 1984 : la Cour Suprême des Pays-Bas introduit dans la jurisprudence la notion de « force majeure », qu’un médecin peut invoquer lorsqu’il a eu recours à une euthanasie mais qu’il a agi en conscience et dans le respect de l’éthique médicale.
1988 : proposition de loi prévoyant une modification du Code pénal, pour dépénaliser les actes d’euthanasie ou de suicides assistés. Elle aboutit en 1989 sur un accord selon lequel il faut créer une commission nationale d’enquête.
1er novembre 1990 : une procédure est instaurée pour réglementer la déclaration des médecins en cas d’euthanasie.
8 novembre 1991 : le gouvernement fait une proposition au Parlement néerlandais pour dépénaliser « de fait » (et non « en droit ») l’euthanasie. Il ne s’agit pas de légaliser l’euthanasie, mais de légaliser la possibilité de déclaration de décès par euthanasie. Implicitement, le projet de loi reconnaît que l’euthanasie peut être un acte médical légitime.
9 février 1993 : cette proposition de loi est acceptée par le Parlement et entre en vigueur.
Fin des années 90 : débats parlementaires pour dépénaliser « en droit » l’euthanasie et le suicide assisté, aboutissant à la loi du 12 avril 2001.