Greffe d’utérus : une technique à haut risque éthique et médical

28/10/2022

Dans le cadre d’un protocole encore expérimental, une deuxième greffe d’utérus vient d’être réalisée en France à l’hôpital Foch de Suresnes. La patiente était porteuse du syndrome de Rokitansky (MRKH), c’est-à-dire qu’elle est née sans utérus, ce qui rend impossible toute grossesse. Il s’agit d’une greffe d’une très grande technicité, qui a mobilisé trois équipes de chirurgiens pendant 18 heures.

« Greffer un utérus est délicat en raison de la position anatomique particulièrement profonde de l’organe, qui le rend peu accessible. En outre, les vaisseaux à manipuler sont très fins », a souligné le chirurgien dans un entretien. Il précise par ailleurs qu’il est préférable d’avoir une donneuse vivante (les grossesses avec un utérus prélevé sur une femme décédée ont moins de chances de succès) apparentée et que des tests de compatibilité immunologique sont bien sûr pratiqués. Le greffon que la jeune femme a reçu est celui de sa sœur. Le processus pour son conjoint et pour elle se poursuivra obligatoirement par l’assistance médicale à la procréation. Des embryons ont été conçus in vitro et congelés préalablement à cette délicate intervention. Des tentatives d’implantation auront lieu d’ici quelques mois. En cas de grossesse, un suivi médical très étroit sera nécessaire, tant ce type de grossesse peut présenter des risques, pour la femme comme pour le bébé.

La première greffe réalisée en France en 2019 s’est déroulée sur une femme atteinte du même syndrome. Elle avait reçu en transplantation l’utérus de sa mère. La jeune greffée avait donné naissance à un enfant en février 2021 et attend actuellement son deuxième bébé. Environ 80 greffes de ce type ont déjà eu lieu dans le monde. La première a eu lieu il y a une dizaine d’années, le premier enfant né après cette chirurgie très particulière a vu le jour en 2014 en Suède.

Une étude menée sur les cinq dernières années, dans trois centres hospitaliers du Texas, de l’Ohio et de Pennsylvanie, a été publiée en septembre dans Jama Surgery. Sur 33 patientes transplantées, un quart avait dû se faire retirer le greffon rapidement car la greffe échouait. Les autres portaient encore le greffon un an plus tard. Au final, 19 d’entre elles ont pu donner naissance à au moins un bébé. Dans cette étude, les enfants sont rapportés comme étant en bonne santé. D’après le médecin en charge de cette étude, le taux de fausse couche ne semblerait pas plus élevé. Mais le risque de prééclampsie (hypertension artérielle qui peut mettre en péril la vie de la mère et de l’enfant) le serait, notamment en raison des traitements immunosuppresseurs nécessaires pour éviter le rejet du greffon ou du risque d’anomalie rénale lié au syndrome de MRKH. Les grossesses sont très suivies. Quant à la naissance, elle doit avoir lieu par obligatoirement par césarienne et la plupart du temps précocement, notamment en raison de ce risque de prééclampsie. L’utérus greffé est destiné à être retiré en même temps que la césarienne, ou plus tard, si la césarienne se passe bien, que la patiente est en bonne santé et envisage un autre enfant.

Les greffes d’utérus peuvent concerner les femmes nées sans utérus, celles ayant dû subir une hystérectomie à la suite d’un cancer ou d’une hémorragie de la délivrance, par exemple.

Ces greffes sont controversées d’un point de vue éthique et médical en raison des complications évoquées. Le risque peut être vital alors même que la greffe, elle, ne l’est pas.

En Inde, un chirurgien envisage ce type d’expérimentation sur des hommes. Des expérimentations risquées, hors de tout cadre éthique et principe de précaution qui devraient alerter la communauté scientifique et médicale internationale.

 

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