Dans le cadre du débat sur la fin de vie et alors que la convention citoyenne se penchera sur la question à partir du 9 décembre, deux sondages ont été publiés permettant de mesurer l’opinion des français et la réalité de terrain.
Sondage IFOP/ADMD sur les perceptions des français.
Dans le prolongement des nombreux sondages commandités régulièrement par l’ADMD, le dernier mené par l’IFOP, intitulé « le regard des français sur la fin de vie » est une photographie instantanée de l’opinion générale de la population à partir d’un échantillonnage statistique représentatif. Concernant les attentes par rapport à la convention citoyenne menée sous l’égide du CESE, 78% des français « encouragent un changement avec la légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté ». 22% encouragent le maintien de la légalisation actuelle. Il faut noter que les pourcentages diffèrent entre hommes et femmes : 72% des hommes et 84% des femmes se prononcent pour l’option de légalisation. Les jeunes sont moins enclins (74%) que les personnes au-dessus de 35 ans : 80% de soutien. Le sondage interroge également le niveau de confiance des français envers un médecin qui se dirait favorable à l’euthanasie. A cette question de portée générale, les français font « tout à fait » (29%) ou « plutôt » (50%) confiance. Cette donnée peut être rapprochée du niveau général d’estime que les français accordent aux médecins. Ainsi, dans un sondage publié fin 2020 pendant la crise de la Covid, 92% des français faisaient confiance aux médecins. Dans le débat actuel, il ressort également du sondage que les français perçoivent l’euthanasie ou le suicide assisté comme des soins de fin de vie. Le sondage ne pose pas la question de l’euthanasie en termes de priorité pour les français. Un sondage récent de l’IPSOS pour la Fondation Jean Jaurès n’a pas mesuré ce point, mais les trois priorités citées restent le pouvoir d’achat, la protection de l’environnement et l’avenir du système social.
L’enquête de la SFAP auprès des acteurs de la fin de vie.
Face à ces perceptions, une autre approche est proposée par la SFAP (Société Française d’Accompagnement et de Soins palliatifs). Dans une enquête menée par OpinionWay et publiée dans Marianne, la SFAP a recueilli les avis et les analyses d’un échantillon d’acteurs de la fin de vie. Au total, 1009 acteurs de soins (médecins, Infirmières Diplômée d’Etat, psychologues…) et 326 bénévoles ont répondu à un questionnaire disponible de fin août à mi-septembre. Le détail de ce « sondage OpinionWay pour la SFAP » est disponible sur internet. 52% des personnes sondées sont membres de la SFAP, les autres non, ce qui permet d’avoir une base plus large d’avis.
Plusieurs lignes fortes en ressortent.
Sur la question préalable de la connaissance du cadre législatif actuel, les acteurs des soins de fin de vie connaissent de façon précise (74%) ou dans les grandes lignes (25%) le cadre actuel de la loi Claeys-Leonetti. 87% des médecins le connaissent ainsi de façon précise, une donnée à la fois pertinente et rassurante. Il aurait été intéressant pour le sondage IFOP/ADMD de savoir ce que les Français en général en connaissent avant de leur demander de s’exprimer sur des souhaits d’évolutions. Le sondage OpinionWay montre également que les pourcentages sont très proches pour les bénévoles. Connaisseurs du cadre législatif actuel, les acteurs de soins en sont satisfaits à 90%, 61% « tout à fait » et 29% « plutôt ».
Abordant ensuite la question d’une évolution législative, le constat global est un avis défavorable de ces experts de la fin de vie sur « une loi instaurant une mort intentionnellement provoquée ». 85% des acteurs de soins et 82% des bénévoles y sont défavorables. Ils sont dans la même proportion à considérer que « donner la mort intentionnellement provoquée ne peut pas être considérée comme un soin« . Une ligne de conduite que la SFAP, avec 9 autres associations, a répété à l’occasion de la publication de l’avis du CCNE.
Le questionnaire comporte une série de questions sur des modalités envisageables en cas de légalisation d’une forme de mort administrée. 30% ne souhaitent pas ou ne savent pas répondre. 26% privilégieraient une mise à disposition d’une substance létale aux personnes qui le demandent, sur le « modèle » de la législation de l’Etat de l’Oregon. 2% envisageraient une euthanasie administrée par un soignant.
Enfin, tous les acteurs de soins et les bénévoles estiment qu’un changement de loi auraient des impacts importants parmi les équipes de soins palliatifs : tensions et division (75%), risque de démission (70%) sont les deux risques les plus cités. 34% des acteurs de soin pourraient être conduits à quitter leur poste actuel. Dans le contexte d’un système de santé très fragilisé, cette réponse est significative et mérite réflexion pour les pouvoirs publics.
Changer de perspective.
Ainsi, pour les professionnels comme pour les bénévoles engagés dans le soin et l’accompagnement des personnes en fin de vie, le regard sur la loi actuelle et les impacts d’une évolution est radicalement différent de la perception de la population. Leur expertise et leur expérience méritent d’être écoutées et prises en compte dans les débats actuels.
Un regard « de loin » et « à froid » sur la fin de vie peut changer au contact de la réalité de la maladie. Un témoignage poignant publié dans le Figaro récemment l’atteste. Atteint de SLA (Sclérose Latérale Amyotrophique), ce patient envisageait auparavant l’euthanasie qu’il voit maintenant comme une « décision radicale et trop rapide« . Pris en charge et accompagné au centre Jeanne Garnier, il témoigne avoir changé de perspective : « chaque jour n’est pas une fête, mais chaque instant a sa valeur« .