La clause de conscience pour les pharmaciens

21/07/2016

pharmacienUn projet de refonte du code de déontologie des pharmaciens suscite depuis quelques jours une polémique inattendue sur la nécessité ou non d’introduire une clause de conscience dans ce code.

Cette refonte est actuellement mise en œuvre par le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP). Le code de déontologie, qui s’impose à tous les pharmaciens, recense les devoirs et les interdictions généraux auxquels cette profession est soumise, ainsi que des dispositions spécifiques par métier. Le premier code de déontologie des pharmaciens a vu le jour en 1953. Il a été modifié en 1995. Cet ensemble de règles et de devoirs professionnels est préparé par le CNOP conformément à l’article L. 4235-1 du Code de la santé publique (CSP). Il participe à la sécurité des actes professionnels dans l’intérêt des patients, et constitue aussi une base de confiance pour le public. Pour la présidente du CNOP, Isabelle Adenot, ce code de déontologie est le « plus précieux patrimoine fédérateur, une force quand le pharmacien a des doutes ou des incertitudes ».

Fin 2015 l’Ordre des pharmaciens a estimé que « face aux évolutions de la profession et de la société, il s’avère nécessaire de procéder à des adaptations » de ce texte. Dans le processus officiel, c’est à l’Ordre de préparer un projet de nouveau code de déontologie, qui est ensuite validé par le Gouvernement puis édicté sous la forme d’un décret en Conseil d’Etat, après avis de l’Autorité de la concurrence. Les dispositions de ce code sont alors introduites dans le Code de la santé publique (articles R4235-1 et suivants).

Pour la rédaction de ce projet de nouveau code, grâce à un questionnaire en ligne, l’Ordre avait lancé en décembre 2015 une concertation auprès des 75 000 pharmaciens inscrits au tableau de l’Ordre. Cette consultation avait mis en lumière de nombreuses demandes des pharmaciens, dont celle de mettre en place une clause de conscience. Un autre groupe de travail a été parallèlement créé pour consulter les étudiants, internes et organismes qui représentent la profession.

 

85% des pharmaciens souhaitent que soit mise en place une clause de conscience

Les résultats de cette concertation ont révélé que 85% des 3395 pharmaciens ayant répondu au questionnaire souhaitaient que soit mise en place une clause de conscience au bénéfice du pharmacien. Cette forte majorité a été observée quel que soit l’âge de l’interviewé ou son secteur d’appartenance (titulaire ou adjoint, en métropole ou outre-mer, dans la distribution, l’industrie, la biologie ou les établissements de santé).

Projet d’un nouveau code de déontologie

Suite à cette consultation et au travail mené par l’Ordre, un « Projet de nouveau code de déontologie et autres dispositions à insérer dans le code de la santé publique » a donc été rédigé. Le Conseil en a délibéré le 4 juillet 2016, l’adoptant dans sa totalité à l’exception de l’article concernant la clause de conscience, une majorité significative n’ayant pu se dégager.

L’article sur la clause de conscience, dans cette première version, est ainsi rédigé : « Sans préjudice du droit des patients à l’accès ou à la continuité des soins, le pharmacien peut refuser d’effectuer un acte pharmaceutique susceptible d’attenter à la vie humaine. Il doit alors informer le patient et tout mettre en œuvre pour s’assurer que celui-ci sera pris en charge sans délai par un autre pharmacien. Si tel n’est pas le cas, le pharmacien est tenu d’accomplir l’acte pharmaceutique ».

L’ensemble des pharmaciens a reçu le 12 juillet un courrier de l’Ordre invitant à se prononcer pour ou contre cet article, via l’extranet du site de l’Ordre. Très rapidement, cette initiative a suscité des critiques sur les réseaux sociaux et le lancementd’une pétition adressée à la présidente du Conseil national de l’Ordre et intitulée « Nous refusons la clause de conscience pour le pharmacien ». Cette pétition émane d’un « Collectif de pharmaciens contre la clause de conscience » créé pour l’évènement, et ne possédant ni site internet, ni porte-parole, et dont les membres se décrivent comme des « twittos signataires », en majorité anonymes ou sous pseudonymes.

La ministre des Droits des Femmes, Laurence Rossignol, a publié le 19 juillet un communiqué de presse, dans lequel elle s’étonne de cette consultation lancée par l’Ordre des pharmaciens, affirmant de façon surprenante que si elle « était suivie d’effet, elle ouvrirait clairement la possibilité pour des pharmaciens de refuser de délivrer la contraception d’urgence (pilule du lendemain), la pilule, le stérilet ou même le préservatif ».

En réponse à la ministre, la présidente du CNOP a rappelé le même jour que « les débats qui se sont déroulés au sein de l’Ordre sur cet article n’ont jamais porté sur la contraception mais sur la fin de vie, situation souvent très délicate à gérer par les pharmaciens de ville et d’hôpital ». Elle précise que « ces propos non documentés de la Ministre sont consternants à ce niveau de responsabilité de l’Etat et créent un climat de désinformation très préjudiciable pour les patients et le public ».

 

Pour aller plus loin :

Communiqué de presse d’Alliance VITA du 21 juillet

Notexpert  Les clauses de conscience reconnues en France

Restez informé de nos dernières actualités

Articles récents