Infertilité masculine et enjeux environnementaux

17/06/2022

La chute de la fertilité masculine est un phénomène identifié depuis une trentaine d’années. Dans le Rapport sur les causes de l’infertilité [1]remis à l’ancien ministre de la santé, Olivier Véran en février 2022, une méta-analyse publiée en 2017 dans Human Reproduction Update est mentionnée. D’après elle, on constate un déclin de plus de 50 % de la concentration moyenne de spermatozoïdes chez les hommes des pays industrialisés en quarante ans (entre 1973 et 2011). En 2019, une enquête – publiée dans la revue Urology – a été menée sur 120 000 hommes espagnols et américains ayant consulté un centre d’assistance médicale à la procréation. Elle montre que le nombre d’hommes ayant moins de 15 millions de spermatozoïdes mobiles par millilitre (moyenne considérée comme normale par l’OMS, seuil en dessous duquel on parle d’oligospermie) a augmenté entre 2002 et 2017, passant de 1 sur 8 à 1 sur 5 en seulement quinze ans. Une étude française de 2018 va dans le même sens que ces constats internationaux. Elle déplore une baisse significative et continue de la concentration spermatique entre 1989 et 2005, avec une baisse annuelle de 1.9% environ.

Plusieurs causes sont pointées du doigt, parmi elles : les facteurs environnementaux. Des chercheurs de Londres et Copenhague ont publié ce 9 juin 2022 dans Environment International une étude qui part de ce postulat d’un lien entre fertilité masculine et substances polluantes du quotidien.  Ses auteurs émettent l’hypothèse que les problèmes d’infertilité (qualité du sperme, insuffisance ovocytaire, augmentation du taux de cancer des testicules…) sont en partie liés à l’augmentation de l’exposition humaine à certains produits chimiques. Ils ont sélectionné une trentaine de molécules déjà suspectes d’avoir un impact sur la qualité du sperme et pour lesquelles la littérature donne des informations sur leur niveau acceptable d’exposition. Ensuite, sur une centaine d’hommes volontaires, ils ont cherché la présence de ces substances dans différents prélèvements, comme les urines.

« Nous avons ensuite rapporté l’exposition estimée de la population pour chaque substance au niveau auquel des effets ne se produisent plus », explique M. Kortenkamp de l’université Brunel de Londres au Journal Le Monde. « Ce que nous montrons est que l’exposition combinée à ce grand nombre de produits excède largement ce seuil de sécurité. Nous parlons d’une exposition médiane qui excède d’un facteur 20 l’exposition acceptable. Les individus de notre échantillon les plus exposés sont jusqu’à 100 fois au-delà de ce seuil. C’est considérable ».

L’étude conclut que les expositions tolérables à des substances associées à des détériorations de la qualité du sperme sont largement dépassées. Les bisphénols, les dioxines polychlorées, les phtalates et les analgésiques seraient à l’origine de ces risques. Cette analyse a un caractère prédictif et pourrait être vérifiée dans des études épidémiologiques adéquates sur la qualité du sperme, précisent les auteurs dans leur article.

En France, les résultats de l’étude Esteban (étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition et, plus particulièrement, de son volet relatif à la biosurveillance humaine), publiés en septembre 2019 par Santé publique France, montrent une imprégnation généralisée du sang et des fluides corporels humains pour six familles de polluants, présents dans les produits de consommation courante, parmi eux également, les bisphénols et les phtalates.

Mais l’identification d’un lien de cause à effet entre l’action d’une molécule incriminée et ses effets néfastes précis reste complexe.

Outre les conséquences en termes de baisse de fertilité, les auteurs de la méta-analyse de 2017 rappellent que la qualité du sperme peut être un indicateur global de santé publique. En effet aujourd’hui, trois larges études font le lien entre une mauvaise qualité du sperme et une augmentation de la mortalité et de la morbidité chez les hommes, toutes causes confondues[2].

En France, 3,3 millions de personnes sont directement concernées par la question de l’infertilité. Plus de 15% des couples en âge de procréer consultent pour une difficulté à concevoir. Les chiffres sont inquiétants et n’ont de cesse de s’aggraver. Selon les études menées sur 195 pays, la fréquence de l’infertilité a augmenté de 0,29% par an pour les hommes et de 0,37% par an pour les femmes sur les 20 dernières années.

Il s’agit donc d’un défi majeur, tant au niveau individuel pour ceux qui la subissent qu’au niveau collectif. Cette question, à la fois intime et sociale, devrait être placée au cœur des grands défis politiques contemporains.

[1]Réparer et Mettre le lien vers ce FA car sur le site le lien ne fonctionne pas :  Infertilité : un rapport axé sur la prévention et la recherche

[2] Rapport sur les causes de l’infertilité – 1.4.1.3

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