Le décret sur la levée de l’anonymat du don de gamètes ne résout pas l’impasse de la PMA avec tiers donneur

31/08/2022

A compter de ce 1er septembre 2022, date où prend effet cette mesure de la loi bioéthique de 2021, les enfants qui naitront par procréation artificielle (FIV ou insémination) avec tiers donneur pourront, à leur majorité, demander la levée de l’anonymat de l’homme ou de la femme à l’origine du don de sperme ou d’ovule, et donc à l’origine de leur vie.

 

Pourquoi la loi a-t-elle changé ?

 

Le recours au don de gamètes, pratiqué depuis les années 70, a été légalisé en France par la première loi de bioéthique en 1994. Cette technique a été autorisée malgré les graves questions éthiques qu’elle soulève et les risques encourus en invoquant la souffrance et le désir des couples, dans un cadre qui se voulait strict : pour des raisons thérapeutiques (infertilité médicalement constatée), avec pour modèle la procréation naturelle : un homme et une femme, vivants, en âge de procréer. Ces conditions ont volé en éclat avec la loi de 2021 qui supprime légalement toute référence paternelle à certains enfants.

 

Une génération après, ce sont des enfants devenus majeurs qui ont témoigné de la souffrance d’être délibérément privés d’origine.  Ils sont un certain nombre à avoir entrepris des recherches, à avoir créé et à s’être regroupés en association, à avoir témoigné et revendiqué une évolution de la loi.

 

Progressivement leurs voix ont trouvé un écho le 12 avril 2019,  l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a même adopté une recommandation préconisant de lever l’anonymat des donneurs de gamètes, estimant qu’il était contraire aux droits de l’enfant.

 

L’expérience de l’adoption, qui permet de donner une famille à des enfants qui en sont privés, montre déjà combien la séparation d’un enfant de ses parents peut être une épreuve pour lui comme pour ses parents. Provoquer intentionnellement cette rupture se révèle être une grave atteinte à l’identité des enfants.

 

Connaitre ses origines – son père et sa mère – est un réel besoin. C’est la réalité de ce besoin qui a abouti à ce que la loi change. Pourtant, la loi n’a pas remis en question le fondement du problème, mais juste ses conséquences.

 

Par ailleurs, les tests génétiques prédisent la fin de l’anonymat total. Les immenses banques de données génétiques ont déjà permis à de nombreuses personnes nées de dons de retrouver leur géniteur, des demi-frères ou sœurs, grâce à des tests ADN en vente libre à l’étranger, par Internet.

 

Ce qui change au 1er septembre 2022

 

Les personnes qui souhaitent désormais donner leurs gamètes (spermatozoïdes et ovocytes) ou leurs embryons congelés doivent accepter que leur identité (nom, prénom, date et lieu de naissance) ainsi que d’autres données non identifiantes (âge, état général au moment du don, situation familiale et professionnelle, caractéristiques physiques, motivations les ayant conduites à avoir donné) puissent être révélées aux enfants issus de ces dons quand ils auront atteint leur majorité, si ceux-ci en font la demande. Cette levée de l’anonymat ne signifie pas pour autant que les enfants majeurs pourront entrer en contact avec leur père ou leur mère biologique qui demeureront libres d’accepter ou pas une relation. Elle ne modifie pas non plus la filiation fondée sur l’intention établie par la loi de 1994.

 

Pour encadrer ces demandes de levée d’anonymat et ce suivi, une commission a été créée : la Commission d’accès des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs (CAPADD) dont la composition a été publiée ce 29 août 2022. Placée auprès du ministre chargé de la santé, elle est présidée par un magistrat. Ses membres sont des représentants des ministères de la justice, des affaires sociales et de la santé, ou issus du monde associatif, notamment des associations d’enfants nés de dons anonymes (Origines, PMAnonyme), ou encore de l’Association des Parents Gays et Lesbiens.

 

Pour les dons effectués avant le 1er septembre 2022

 

Les dons antérieurs au 1er septembre 2022 resteront anonymes. Néanmoins, les donneurs concernés qui le souhaitent peuvent transmettre rétroactivement à la commission leur identité et leurs informations non identifiantes, et accepter qu’elles soient révélées si un ou des enfants nés de leur don en fait la demande.

 

Les personnes nées d’une PMA avant cette modification de la loi peuvent aussi saisir la commission afin qu’elle contacte leur donneur pour savoir s’il consent à la transmission de ses informations personnelles. S’il refuse, son identité ne sera pas transmise et ses éventuels gamètes congelés restants seront détruits à une date fixée par décret. Mais son anonymat, s’il reste maintenu par l’administration, pourrait être remis en question si des tests génétiques sont entrepris.

 

Ce changement dans les conditions d’accès aux origines est révélateur : le réel revient toujours s’imposer à nous. Le lien biologique ne peut être balayé comme s’il ne comptait pour rien. La loi bioéthique a évolué pour limiter les conséquences pour les enfants nés de dons mais n’a pas remis en cause le fondement du problème. Par ailleurs, le besoin de connaitre ses origines ne débute pas à la majorité, c’est dès la petite enfance que peuvent commencer les questionnements existentiels des enfants. La loi bioéthique, dans son encadrement des conditions d’accès à la procréation artificielle, promeut de plus en plus une forme de droit à l’enfant. Ce faisant, elle organise des atteintes aux droits de l’enfant, notamment ceux protégés par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) qui stipule « le droit de l’enfant, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d’être élevé par eux. »

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