Remise du rapport Chauvin, une stratégie pour développer et décloisonner les soins palliatifs

15/12/2023

Remise du rapport Chauvin, une stratégie pour développer et décloisonner les soins palliatifs

 

Le 8 décembre 2023, Franck Chauvin, à la tête depuis le mois de juin de « l’instance de réflexion » sur les soins palliatifs, a remis à la ministre Agnès Firmin Le Bodo son rapport, intitulé « Vers un modèle français des soins d’accompagnement ». Ce rapport propose une stratégie décennale pour les soins palliatifs et présente 15 mesures phares, avec l’ambition de dessiner « un modèle français des soins d’accompagnement. »

 

Une nouvelle notion : les « soins d’accompagnement »

Ce rapport commence par introduire la notion de « soins d’accompagnement », définis comme « l’ensemble des soins participant à la prise en charge globale de la personne malade et de son entourage, réalisés par une équipe pluridisciplinaire, afin de préserver sa qualité de vie et son bien-être. » Ces soins d’accompagnement comprennent les soins palliatifs, que les rapporteurs réduisent à des « soins médicaux qui visent à anticiper, prévenir et traiter les souffrances, notamment au stade de la fin de vie.», et « englobent aussi plus largement toutes les mesures et réponses apportées aux besoins de la personne , qu’ils soient médicaux ou non médicaux, de nature physique, psychique ou sociale, et à ceux de ses proches aidants. »

Pourtant, la définition des soins palliatifs donnée par l’Organisation mondiale de la santé ne se limite pas au traitement de la douleur mais inclut déjà les problèmes « d’ordre physique, psychosocial ou spirituel ». Selon cette définition, « les soins palliatifs sont une approche pour améliorer la qualité de vie des patients (adultes et enfants) et de leur famille. » L’entourage est donc bien pris en compte dans les soins palliatifs qui constituent déjà une approche globale de la personne et de ses proches.

Des objectifs pour les dix ans à venir

Ce rapport se présente comme une stratégie. Il n’y a donc pas d’état des lieux ou d’analyse de la situation actuelle. En revanche, le rapport présente quelques grandes tendances qui doivent être prises en compte pour l’élaboration de cette stratégie :

  • Une diminution de la densité médicale (nombre de médecins) dans les prochaines années
  • Les difficultés de recrutement de personnel dans les EHPAD
  • Les innovations technologiques, sociales et organisationnelles
  • La transition écologique
  • La dégradation des finances publiques.

Ce rapport affiche une valeur de « soutenabilité » par rapport à la situation financière du système de santé. Il invite à questionner la pertinence des prises en charge actuelles pour trouver d’autres solutions, en s’appuyant notamment sur la société civile et les établissements médico-sociaux.

Ce rapport détaille des mesures et propose des indicateurs chiffrés pour évaluer la réalisation de ces mesures dans les cinq ans ou dix ans à venir. Toutefois, cette stratégie se limite à donner des objectifs car elle n’évalue par les coûts des mesures proposées ni ne détaille les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre. Néanmoins, le rapport précise que la dépense publique actuelle en faveur des soins palliatifs (1,5 Md€ en 2021) « ne représente qu’un montant très faible des dépenses d’assurance maladie (0,65%). »

Une stratégie dans la continuité des précédents plans

Si l’ambition de cette stratégie décennale est « de proposer un changement de paradigme », en réalité, la plupart des mesures proposées s’inscrivent dans la continuité des politiques publiques menées jusqu’à présent et notamment du plan de développement des soins palliatifs 2021-2024 : favoriser le maintien à domicile, généraliser l’accès aux soins palliatifs dans les EHPAD, développer le bénévolat, soutenir les aidants, développer la formation.

Néanmoins, le rapport propose quelques idées nouvelles :

  • Créer un plan personnalisé de soins d’accompagnement pour accompagner les personnes affectées par une pathologie à un haut degré de prévisibilité et celles pour lesquelles les chances de rémission sont élevées. Pour ces personnes, un temps d’échange avec un professionnel de santé, médecin ou infirmier, serait systématiquement proposé afin de mettre en place ce plan personnalisé, dès l’annonce du diagnostic.
  • Créer des organisations territoriales qui rassemblent « l’ensemble des acteurs locaux intervenant dans les domaines sanitaire, médico-social et social, les collectivités territoriales, les citoyens, les associations de bénévoles, les professionnels de santé libéraux de premier recours, l’assurance maladie, les structures de prise en charge de la douleur. » L’animation opérationnelle de ces organisations territoriales serait assurée au niveau régional par les ARS ainsi que par les cellules d’animation régionales de soins palliatifs dont le cadre a récemment été fixé par l’instruction ministérielle n° DGOS/R4/2022/252 du 30 novembre 2022.
  • Créer des « maisons d’accompagnement », rattachées au secteur médico-social, proposant des soins palliatifs, mais faiblement médicalisées, pour des patients en fin de vie dont l’état médical est stabilisé, mais qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas terminer leur vie à domicile. L’objectif annoncé est de créer 100 maisons d’accompagnement d’ici dix ans.
  • Créer des « collectifs d’entraide », inspirés des « communautés compatissantes » au Canada. Ces collectifs formés « d’individus engagés qui œuvrent ensemble » seraient suscités par les collectivités territoriales. Néanmoins, si le rapport s’appuie sur un exemple canadien, il faut préciser que de telles initiatives s’appuyant sur le voisinage existent déjà en France, comme le mentionne le rapport de la Cour des comptes sur les soins palliatifs de juillet 2023. Le projet « visitatio – voisins et soins » propose une prise en charge palliative qui s’appuie sur la société civile (voisins, amis).
  • Dépasser le tabou autour de la mort et de la fin de vie par l’éducation à la santé à la santé, à la citoyenneté et aux solidarités. Il s’agirait de sensibiliser les jeunes à la question de la fin de vie et « en faire des citoyens engagés sur la question ».
  • Développer le bénévolat par la création d’un « congé d’action d’intérêt public de 120h/an sans perte de rémunération ».

Ainsi, ce rapport développe une vision des soins palliatifs qui mobiliserait tous les acteurs concernés, y compris la société civile et la jeunesse, afin de sortir d’une vision exclusivement médicale des soins palliatifs. Il propose des solutions pour faire face aux défis démographiques et médicaux à venir.

A la suite de la remise de ces préconisations, le gouvernement doit annoncer sa stratégie décennale en janvier, selon un entretien accordé au Figaro par Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée charge de l’Organisation territoriale et des Professions de santé. Selon elle, « la trajectoire financière sera inscrite dans la stratégie. » La question des moyens alloués à cette stratégie sera effectivement une question cruciale, alors qu’aucun moyen supplémentaire pour les soins palliatifs n’a été prévu dans le projet de financement de la sécurité sociale pour le 2024 (PLFSS).

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