Formation bioéthique : 4 questions à Tugdual Derville sur la 14ème Université de la vie

14/12/2018

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Pourquoi ce titre « La vie, à quel prix ? » ?

 

La question du prix de la vie permet d’entrer au cœur des enjeux bioéthiques actuels, à la fois pour la France – où l’on débat de loi bioéthique – et dans la planète entière. En principe, la vie humaine n’a pas de prix. Elle a une telle valeur qu’on la dit « inaliénable ». Mais dans la réalité, chaque époque transgresse cet interdit avec sa propre mentalité et son propre niveau technique. D’où des débats éthiques qui se succèdent dans l’histoire : expérimentations médicales sur des détenus, têtes « mises à prix » des criminels recherchés, peine de mort, esclavage, armement nucléaire ou chimique, bombes à fragmentation et mines, sans oublier la prostitution et les conditions de travail proches de la servitude (dans les mines, par des enfants) etc. La vie humaine des faibles risque toujours d’être traitée en variable d’ajustement au profit des forts. Aujourd’hui, c’est l’usage des biotechnologies qui remet en cause la non-marchandisation du corps, soit en dévalorisant certaines vies, soit en les « marchandisant », selon la loi de l’offre et de la demande. C’est indigne de l’humanité. Je pense notamment à l’instrumentalisation de l’embryon et à la gestation par autrui.

 

Comment s’articulent ces quatre soirées ?

 

Nos titres forment un quatrain d’interrogations : La vie à tout prix ? La vie sous condition ? La vie accueillie ? La vie sous pression ?Les deux premiers titres se répondent, soulignant notre « paradoxe de la procréation » : d’un côté on « fabrique » la vie, « à tout prix » – c’est l’acharnement procréatif – ; de l’autre on la trie et on jette, à l’état embryonnaire ou fœtal – c’est l’eugénisme. Des vies sont donc considérées comme sans valeur, indignes d’être vécues. Cet eugénisme « démocratique » est un « secret de famille » traumatisant pour les sociétés occidentales. A l’autre bout de la vie, acharnement thérapeutique et exclusion des personnes devenues dépendantes, par l’isolement voire l’euthanasie, expriment le même paradoxe : l’ambivalence de notre culture de toute-puissance face à la vie fragile. La troisième séquence plaide pour une « bioéthique élargie » intégrant les conditions d’accueil de la vie, à la fois à ses débuts et quand elle est proche de sa fin. La vie ne peut pas s’épanouir sans une « enceinte » protectrice toujours à renforcer : d’où le nécessaire investissement dans la famille, la solidarité, la culture du soin. La dernière séquence est plus prospective : la valeur de la vie humaine tient aussi à la définition que nous donnons de l’humanité, prise en tenaille entre les animaux et les robots. Là aussi, les évolutions techniques tendent à monétiser ou dévaloriser l’être humain, ce qui revient au même.

 

Quelles innovations par rapport aux précédentes éditions ?

 

Pour la première fois, c’est à partir d’un vrai théâtre que le direct sera réalisé depuis Paris et diffusé dans plus de 150 villes, principalement en France mais aussi dans 13 autres pays, parfois en différé, notamment en raison du décalage horaire. C’est un record pour nous. Et nous avons investi dans de notables améliorations techniques pour que chaque participant bénéficie d’images encore plus professionnelles. Le programme est – comme chaque année – totalement renouvelé. Notre panel d’experts et de grands-témoins a été considérablement renouvelé. Chaque soirée sera clôturée par un exercice de bravoure que Blanche Streb, qui coordonne notre Université de la vie, a nommé « Le prix de la fraternité ». A titre personnel, je me réjouis beaucoup du discours inédit que doit tenir, sur la vulnérabilité, Michaël Lonsdale. Nous attendons de sa part quelque chose de très fort. L’an dernier c’est notre ami Philippe Pozzo di Borgo, qui a inspiré le héros du film Intouchables, qui nous avait délivré son précieux message sur le temps. La fragilité est toujours au cœur de nos sessions. Le général Marescaux viendra par exemple nous parler de l’aide aux personnes enfermées dans la prostitution. Et nous aurons d’autres très beaux témoins !  En « local » aussi, car nombre de nos équipes organisatrices invitent aussi des témoins et experts locaux, en clôture de chaque soirée. Enfin, nos documents d’accompagnement sont également améliorés, avec notamment, sur le livret du participant un quizz de vérification des connaissances. C’est aussi une première.

 

Qu’attendez-vous de votre Université de la vie dans le débat bioéthique ?

 

Notre premier objectif est de répondre aux besoins de nos participants. La soif de nos contemporains de « comprendre pour agir » explique le nombre exceptionnel d’inscrits depuis plusieurs années. Que nous puissions rassembler, physiquement, plus de 6000 personnes quatre semaines de suite dans 150 salles, avec à la fois un fort taux de fidélisation et un fort taux de renouvellement, fait de notre Université de la vie un des tout premiers évènements bioéthiques. Je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit de comparable dans notre pays, de la part d’une organisation associative ou politique. Bien sûr, ces dizaines de milliers de personnes sensibilisées par ces sessions depuis qu’elles existent comptent ensuite dans le débat. L’an dernier, nous avions pour ainsi dire « lancé les Etats généraux de la bioéthique ». Le gouvernement a tenté d’ignorer cette dynamique, préférant écouter des revendications à la fois très transgressives et très minoritaires… Dans le contexte politique actuel, il serait indécent que le Parlement vote une réforme mobilisant des fonds de l’assurance maladie pour financer un nouveau glissement des repères bioéthiques (avec la PMA sans père et sans problème d’infertilité), alors que chacun s’accorde à dire que le politique est attendu sur les vraies priorités des Français. Mobiliser les consciences sur ce point est aussi notre objectif.

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