Infertilité : un rapport axé sur la prévention et la recherche

11/03/2022

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Le groupe de travail sur l’infertilité, mis en place en octobre dernier vient de rendre un rapport assorti de recommandations pour une politique volontariste de prévention.

Ce rapport s’inscrit dans le contexte de la loi bioéthique dans la mise en place d’un plan de lutte contre l’infertilité.

Les auteurs du rapport, le Professeur Samir Hamamah et Salomé Berlioux, ont tenté de répondre après quatre mois d’enquête à la lettre de mission du ministre de la Santé, Olivier Véran et du secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et des Familles, Adrien Taquet. Le cahier des charges concernait la réalisation d’un état des lieux des causes de l’infertilité (et non pas des traitements). Le groupe était invité à recommander les actions et priorités pour lutter contre ces causes en abordant notamment les déterminants environnementaux, génétiques, physiopathologiques, ou encore de diagnostic de l’infertilité.

Prévention et alerte sur les limites de l’assistance médicale à la procréation

En amont des recours à l’Assistance médicale à la procréation (AMP), le rapport fait le constat que  «  les actions de prévention de l’infertilité sont aujourd’hui quasi inexistantes en France ». Cette situation est d’autant plus critique que les auteurs dénoncent « le stéréotype trompeur d’une grossesse possible à tout âge, grâce au recours à l’AMP » et insistent sur la nécessité d’informer le public des limites de son efficacité, s’aggravant à mesure que l’âge avance :  Ils constatent que « Le public accorde une confiance excessive à l’AMP pour contrebalancer les effets adverses de l’âge (…)et que bon nombre de couples demeureront sans enfant au terme de ce long parcours de soins ».

Le recul de l’âge de la maternité : cause majeure des consultations.

3,3 millions de personnes seraient touchées par l’infertilité. Comme dans les autres pays industrialisés, la cause majeure de la hausse de l’infertilité est due au recul de l’âge de la maternité. Chez les femmes de 34 ans et plus, on observe un recours plus important aux traitements de l’infertilité, « progressant de 24% en dix ans[1] ».

Une série de mesures proposées cible donc une meilleure information des jeunes publics sur le déclin de la fertilité avec l’âge. Ces mesures avaient été recommandées par le CCNE comme par Alliance VITA durant les débats bioéthiques.

Clairement, cette approche dépasse les situations individuelles et revêt une dimension sociale et politique. En effet plusieurs facteurs sociaux sont impliqués dans ce recul de l’âge de la maternité : allongement de la durée des études, progression de l’emploi féminin, diffusion de la contraception et de l’IVG, épineuse question du choix – métier, partenaire, environnement- conciliation travail et vie familiale, stabilité professionnelle et affective autant d’éléments mis en lumière par les auteurs. « les femmes attendent de trouver celui (…)  avec qui concevoir un enfant, et doivent également attendre que leur compagnon soit prêt à s’engager ».

L’attitude parfois dissuasive des employeurs, de l’entourage et du conjoint joue également, tout  comme la présence de politiques familiales plus ou moins favorables: « la société considère que la maternité n’est pas compatible avec un emploi, au moins dans les premières années de l’enfant ».

Toutes ces conditions retardent la décision de procréer, augmentent les risques d’infertilité liés à l’âge et repoussent la découverte d’une possible infertilité.

Le rapport préconise « à l’instar des pays d’Europe du Nord, une société qui facilite la vie des jeunes parents, en développant des politiques publiques garantes d’un équilibre familial et professionnel, de manière à permettre aux femmes et aux hommes d’avoir des enfants lorsque la fécondité féminine est optimale : garde d’enfants accessible, employeurs bienveillants, aides pour les  couples et femmes jeunes qui veulent avoir des enfants et une carrière professionnelle, garantie du maintien de la progression de carrière et du salaire en cas de maternité, implication des partenaires masculins. »

Pour Alliance VITA, ce phénomène rejoint les situations de nombreuses grossesses imprévues qui se terminent par des avortements. Le plus fort taux d’avortement est le fait de jeunes femmes entre 25 et 29 ans. Des politiques publiques qui permettent d’avoir des enfants quand on est plus jeune sans pour autant être incitatrices ou culpabilisantes pourraient également prévenir ces situations.

Subsistent cependant certains paradoxes. Tout en affichant l’intention de réduire le recours à l’AMP, le rapport mentionne que « seul le don d’ovocytes fournis par une autre femme peut aboutir à une grossesse et une naissance vivante ». Aucune mention n’est faite des questions éthiques liées à ce recours à un tiers donneur et des dangers de ce type de don pour les femmes au-delà de 40 ans avec des risques d’hypertension et de pré-éclampsie. De même les auteurs précisent qu’une politique de prévention efficace permettrait « d’éviter la saturation des centres d’AMP » à cause de l’accroissement des demandes dues aux nouvelles dispositions de la loi bioéthique :  instauration d’un droit à l’autoconservation des gamètes et élargissement de l’accès à la PMA avec tiers donneur aux femmes seuls ou en couple de femmes.

Focus sur les causes environnementales et les modes de vie

Le rapport passe en revue les causes d’infertilité en insistant sur celles d’origine environnementales et l’exposition aux perturbateurs endocriniens qui affectent la fertilité des femmes et des hommes, avec une possible transmission à leur descendance. Les incidences sont particulièrement marquées sur la fertilité masculine : en moins de 40 ans (1973-2011), la concentration de spermatozoïdes dans le sperme a diminué de plus de 50% chez les hommes occidentaux. Mais d’autres expositions sont aussi en cause : chaleur –  pollution – substances reprotoxiques, tabac, cannabis etc. ainsi que les modes de vie (obésité, troubles de l’alimentation, sédentarité).

Enfin il est essentiel de repérer les causes médicales souvent mal identifiées ou inexpliquées.

En plus de la prévention par l’information, les auteurs préconisent de renforcer la formation des professionnels de santé, de mieux identifier et diagnostiquer les causes de l’infertilité et de mettre en place une stratégie nationale de recherche globale et coordonnée. Le manque de moyen et de coordination avait déjà été souligné dans un rapport rendu à la suite de la dernière révision de la loi bioéthique de 2011.

C’est pourquoi le rapport développe plusieurs recommandations sur la recherche, particulièrement en engageant des thèmes prioritaires visant « à améliorer des connaissances scientifiques sur la physiopathologie de l’infertilité, la qualité embryonnaire et la qualité des gamètes, les échecs d’implantation et la réceptivité endométriale, la mesure de l’infertilité, ses déterminants environnementaux, la compréhension de ses mécanismes génétiques ».

Si l’objectif de recherche est louable, il faut rester vigilant sur l’utilisation éventuelle d’embryons humains. Rien n’est proposé en revanche sur les recherches de traitement qui permettrait de soigner réellement l’infertilité et de redonner aux couples leur autonomie procréative.

Ce rapport a cependant le mérite de livrer un état des lieux exhaustif, de présenter des pistes de prévention qui réduiraient les situations d’infertilité. Il conclut sur la nécessité de faire de la lutte contre l’infertilité une priorité nationale, avec une meilleure coordination entre les différents acteurs et une approche interministérielle.

Plusieurs préconisations rejoignent l’urgence de lutter contre l’infertilité sur laquelle alerte Alliance VITA dans le cadre de la campagne présidentielle.

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