Le marché de la procréation : un salon qui en dit long

01/09/2023

Le marché de la procréation : un salon qui en dit long

 

Pour la 4ème année consécutive se tiendra ces 2 et 3 septembre à Paris le « salon de la fertilité et de la parentalité ». Renommé cette année avec les mots anglais « Wish for a Baby », ce salon qui s’appelait jusqu’alors « désir d’enfant » suscite depuis sa création la polémique, puisqu’il a déjà permis à des exposants, notamment des entreprises étrangères, de faire la promotion et de proposer des « prestations » interdites en France et moralement contestables, comme la gestation pour autrui.

Bien qu’il propose des conférences qui semblent intéressantes et équilibrées sur des problématiques douloureuses comme l’endométriose ou les moyens de préserver la fertilité, ce salon qui se targue sur son site de n’être qu’un « événement purement informatif et non commercial » donne malgré tout un aperçu tristement parlant de quatre réalités modernes.

D’abord, celle que la procréation humaine constitue et alimente un marché (in)humain, mondial et colossal. Les exposants et les conférenciers viennent de République Tchèque, Ukraine, Espagne, Etats-Unis, Pays-Bas, Danemark, Royaume Uni et aussi de France, bien sûr.

Ensuite, que depuis plusieurs décennies, et surtout depuis l’apparition de la fécondation in vitro et de la main-mise de la technique sur l’embryon et les gamètes, les biotechnologies n’ont eu de cesse de transformer le regard porté sur la procréation humaine : la vie reçue mue en vie fabriquée, contrôlée, passée au crible des tests génétiques…

Mais aussi, que, de plus en plus, le désir d’enfant est en mutation. Ce désir génère une exigence et se formule désormais comme un « droit ».

Enfin, ce droit tend à s’individualiser, comme si la procréation était devenue un attribut personnel, une capacité personnelle, individuelle, et non plus la seule fonction humaine parmi toutes qui se vit à deux, dans l’altérité sexuelle.

Il y a ainsi Cryos International, la banque de sperme danoise qui “exporte” dans le monde entier, qui viendra expliquer « comment ça fonctionne ». Amnios In Vitro Project, société espagnole qui propose la « méthode ROPA » pour couples de femmes, aussi appelée “maternité partagée”, qui consiste à inséminer l’ovocyte d’une femme avec un donneur de sperme, puis à implanter l’embryon dans l’utérus de sa partenaire…

Une pratique interdite en France. Vida Fertility Institute, une chaine de clinique de procréation, expliquera la manière dont on peut obtenir un ovocyte en Espagne. Quant à la société « IVF Couriers », elle viendra expliquer comment se passe le transport international d’embryons, ovocytes et gamètes… ce qui n’est pas sans rappeler la sordide mais brillante enquête de la journaliste Louise Audibert menée en 2020.

Autre information notable, la banalisation de l‘eugénisme technologique est également au rendez-vous. Les kits « FIV avec don d’ovocytes ou double don avec Diagnostic Génétique Pré-implantatoire sur les embryons obtenus » seront présentés par plusieurs conférenciers et exposants étrangers. Comme Tree of Life, une chaine de société californienne, qui donnera un enseignement sur « les innovations en matière de planification familiale : une plongée approfondie dans la FIV, le test génétique préimplantatoire et le don d’ovocytes »…

Nous voyons bien que nous sommes dans l’ère de la fabrique et de la marchandisation du vivant. L’embryon humain, les ovules, les spermatozoïdes sont devenus des produits marchands. La procréation artificielle sert des desseins plus larges que la seule réponse à une infertilité affectant un couple homme-femme, en âge de procréer. Elle sert une nouvelle économie, pétrie de valeurs libérales du libre choix et de l’individu tout puissant.

C’est un système dans lequel les personnes, acheteurs, ressources ou produits, deviennent elles-mêmes les moyens asservis à cette « économie de la vie ».

Ce salon en dit long sur les enjeux et les défis qui entourent la protection de la dignité de la procréation. Nous voyons bien à quel point il devient urgent de penser l’humain, de sortir de la fascination de la technique ou de la logique de marché.

 

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