PJL Fin de vie : réactions hostiles au texte de la commission spéciale

23/05/2024

PJL Fin de vie : réactions hostiles au texte de la commission spéciale

 

Le texte de loi sur la fin de vie n’en finit pas de faire des remous. Son examen en Commission spéciale la semaine dernière a déjà été le théâtre de nombre d’aggravations et de réactions hostiles de tous bords.

« Je m’inquiétais des dérives possibles après l’adoption du projet de loi fin de vie. Elles sont arrivées dès la commission. Je me demandais si j’allais voter Pour ou m’abstenir. En l’état actuel des choses, je me demande si je m’abstiens ou si je vote Contre. Débats et votes en séance aideront. (…) Si le texte reste tel quel à l’issue des débats en séance, qu’adviendra-t-il des porteurs de handicap lourd ? Ou de maladies invalidantes et pour l’instant irréversibles ? »

Le socialiste Dominique Potier, défavorable au projet de loi, dénonce « une pensée unique soi-disant progressiste ». Pour lui, « la gauche devrait être du côté du solidarisme et défendre le caractère non négociable de la protection de la vie humaine. Là, on ouvre la voie à une logique libérale et comptable, sur le plan symbolique comme économique ».

Outre cet élu lorrain, d’autres personnalités de gauche se montrent très opposées : André Chassaigne (président du groupe Gauche Démocrate et Républicaine -parti communiste), Cécile Untermaier (PS), d’Elisa Belluco (EELV), Soumya Bourouaha (PC) et Pierre Dharréville (PC).

Ce dernier, député du groupe Gauche démocrate et républicaine, a pris une « position politique, de gauche, communiste » a-t-il précisé en commission, expliquant que : « la loi qui nous est proposée est une rupture éthique. Je ne crois pas que cette nouvelle possibilité d’abréger la vie constitue un soin, un progrès social et pas davantage un progrès fraternel. (…) La question sera désormais posée : à partir de quand une vie ne vaut plus d’être vécue ?

C’est un basculement qui a une dimension anthropologique vertigineuse. Et elle sera posée à toutes et tous, renvoyant chacun a son propre choix, à sa propre solitude. Je ne pense pas que ce vous proposez soit une solution. Je crois à l’égale dignité des personnes humaines, quelle que soit leur situation de santé. Je ne crois pas à l’absolue liberté qui présiderait à la décision, a fortiori dans un moment de vulnérabilité. C’est une fiction. Méfions-nous du culte de la bien portance, de la performance, de la productivité qui structurent notre société ».

« J’avais engagé une large consultation avec mes électeurs qui a réaffirmé ma conviction de ne pas voir le cadre de la loi évoluer. On s’honorerait à appliquer pleinement la loi qui existe déjà. Actuellement, un tiers des départements n’ont pas d’unité de soins palliatifs ».

Le député Renaissance Benoît Mournet, opposé à ce projet de loi depuis le début, estime que « ce texte est une rupture anthropologique, un saut vers l’inconnu. Même si l’accès reste pour l’instant restrictif, les verrous risquent de sauter les uns après les autres ». Il s’inquiète que l’ « aide à mourir » soit un « palliatif aux soins palliatifs ».

« Les garde-fous proposés par le gouvernement étaient nécessaires, mais certains ont déjà sauté au cours de l’examen en commission, comme l’ouverture à toutes les pathologies, le délai de réflexion, etc. », déplore la députée MoDem Maud Gatel. Elle confie qu’«en tant qu’élue parisienne très attachée aux droits, j’étais pour. Mais ce que j’ai vu et entendu m’a fait changer d’avis. » 

Désormais, elle est persuadée que « cette aide active à mourir aura des conséquences sur les plus fragiles, les plus précaires, les personnes en situation de handicap. C’est un sujet de bien portant. »

Même Catherine Vautrin, ministre de la Santé, et Agnès Firmin Le Bodo, députée Horizons et présidente de commission, ont semblé dépassées par l’incendie qu’elles ont allumé et jugent plusieurs nouvelles dispositions « inacceptables », notamment la suppression du critère du pronostic vital engagé à court ou moyen terme.

En Commission spéciale, des députés ont défendu leurs positions, éclairages et amendements pour limiter les dégâts déjà annoncés par ce projet de loi.

Pour le député LR Yannick Neuder, cardiologue,

« Ce projet de loi fin de vie, qui nous avait été vendu par le gouvernement comme équilibré, ne tient plus debout et a ouvert de nombreuses boîtes de Pandore : critères, collégialité, tutelle ou curatelle, intervention des tiers, partenariat avec les soignants sur fond d’étude d’impact douteuse ! Plus personne ne sait où nous allons et c’est grave ! ».

Pour la députée Emmanuelle Ménard, non affiliée, « une société qui veut faire cohabiter le suicide assisté, l’euthanasie et les soins palliatifs est une société malade. Car il y a un réel antagonisme entre une société pour qui la réponse à la souffrance est de chercher à supprimer la souffrance et une société pour qui la réponse est de chercher à supprimer la personne qui souffre ».

Pour Patrick Hetzel (LR): «le texte sorti de commission est la porte ouverte à toutes les dérives Je n’ai jamais vu quelque chose d’aussi contraire aux règles éthiques ». Pour Annie Genevard (LR), « au terme de l’examen du texte en commission, de nombreuses lignes rouges ont été franchies, bouleversant ainsi la déontologie du soin et la vulnérabilité du patient. Le verrou majeur du pronostic vital engagé a disparu. Inquiète, j’attends beaucoup du débat en séance ».

Pour Christophe Bentz (RN), « le Gouvernement a échoué sur le développement des soins palliatifs. Le projet de loi sur le suicide assisté et l’euthanasie ne peut pas être la réponse à la souffrance des patients en fin de vie. C’est une barrière de civilisation à ne pas franchir ! »

Du côté de la société civile, d’autres voix montent.

Comme celle des militants « antivalidistes », notamment celle du collectif handi-féministe Les Dévalideuses qui confient sur Mediapart :

« Nous craignons que les personnes minorisées, précaires, éloignées du soin, soient les premières à demander l’Aide Médicale à Mourir. Ce qui devrait être un progrès social, pourrait alors s’avérer être un projet d’éradication des plus vulnérables ».  

Dans cet article, les auteurs rappellent que les personnes handicapées n’ont déjà pas toujours les moyens de vivre dignement. Et que « le taux de pauvreté des personnes handicapées atteint presque 20 % (donnée 2019 du ministère des Solidarités), un niveau très supérieur à celui des personnes valides (12,8 %) ». Au total, près de 840 000 personnes handicapées sont pauvres, estime l’Observatoire des inégalités.

« Militer pour la mort, et pour la mise à mort médicale en disant à ces mêmes soignants que c’est un acte de soin ou de vie, ça a quelque chose de morbide. (…) La militance pour l’euthanasie me semble l’abandon de la révolte contre toutes les souffrances réellement évitables, les souffrances sociales, la précarité, la solitude, le refus des étrangers et des autres, le mépris des vieux et des handicapés au profit d’une solution pour les souffrances qui ne seraient pas évitables : la maladie et la mort. »

Remarquée aussi, l’annonce de Jeanne-Françoise Hutin, fondatrice de la maison de l’Europe de Rennes, de rendre sa légion d’honneur si la loi fin de vie passait : « mon devoir de conscience, c’est d’attirer l’attention des parlementaires ».

Le texte arrive en séance plénière à l’Assemblée le 27 mai, les dates de l’examen au Sénat ne sont pas encore connues. Mais Bruno Retailleau, sénateur de la Vendée et président du groupe LR au Sénat prévient déjà : « ce n’est plus un texte de consensus, c’est un texte qui va mettre en insécurité tous les malades et vulnérables ».

Toujours très actives, 21 organisations soignantes ont publié ce 20 mai un communiqué commun intitulé : « Projet de loi sur la fin de vie, la boîte de Pandore est ouverte ».

Avec l’aggravation du texte par la Commission spéciale : « ce projet de loi constitue un point de rupture majeur, car il remet en question dans la loi le devoir fondamental de l’humanité de ne pas provoquer la mort, même à la demande de la personne. (..) Il reste à espérer que les députés, réunis en séance publique à partir du 27 mai, (…) reviennent sur des dispositions qui feraient porter de lourdes menaces sur les malades, les personnes en situation de handicap et les personnes âgées et constitueraient un bouleversement majeur de la société française ».

 

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