Pays-Bas : l’euthanasie s’étend

Les Pays-Bas poursuivent leur course vers l’eugénisme, en toute bonne conscience. Ce n’est pas la première fois que des malades souffrant de la maladie d’Alzheimer sont euthanasiées en Hollande, comme en Belgique. Mais, jusqu’à présent, c’étaient des personnes au stade de début de la maladie qui étaient mises à mort sur leur demande.

Alors, pourquoi le puissant lobby de l’euthanasie néerlandais s’est-il réjoui la semaine dernière ? Parce qu’une femme de 64 ans qui souffrait d’une phase avancée de démence a été euthanasiée en mars dernier. Et les différentes commissions en charge de la surveillance de l’euthanasie n’y ont finalement rien trouvé à redire.

Certes, alors qu’elle était encore en pleine conscience, elle avait signé des directives anticipées disant qu’elle ne voulait pas vivre dans une situation de dépendance. Le fait nouveau, c’est que cette personne, en phase avancée d’une démence, était incapable de consentir. Voilà qui nous rappellera les euthanasies de Bayonne par le Dr Bonnemaison. Ou celles de Christine Malèvre, l’infirmière tueuse en série dans les années 80.

En absolutisant un désir exprimé préalablement, dont on sait pourtant combien il peut être ambivalent, on en vient à nier la liberté tout en prétendant, avec hypocrisie, la respecter.

Au Pays-Bas comme en France, les lobbies de l’euthanasie se réjouissent donc, révélant ainsi leurs intentions : le désir de mort une fois exprimé doit être exécuté.

Les Pays-Bas ont été le premier pays au monde à avoir institutionnalisé la piqûre létale, le 1er avril 2002. La législation hollandaise a évidemment prévu des critères de précaution, des commissions de surveillance etc … Le système de contrôle a donc considéré cette euthanasie comme parfaitement licite, malgré l’impossibilité à acquiescer.

Cette affaire éclaire cruement les options politiques hollandaises, dans un contexte de vieillissement de la population, d’augmentation préoccupante du nombre de personnes âgées dépendantes, de grave crise économique, de difficultés à adapter le système de soins aux besoins, de fragilisation des familles etc…

Une vigoureuse campagne d’information au Pays-Bas vise à convaincre l’opinion que l’euthanasie est une bonne option en particulier pour les personnes âgées dépendantes. Et que l’écriture de directives anticipées est un moyen de protéger sa famille et la société.

Le message que la société néerlandaise envoie donc aux malades, à leurs familles, aux soignants, c’est que la démence justifie la mort. Autrement dit, que la vie des personnes ne disposant pas de toutes leurs capacités intellectuelles ne mérite pas d’être vécue.

Face à cette dérive, et malgré les difficultés qui sont souvent immenses, il nous faut réaffirmer que la vie des personnes âgées, fussent-elles dépendantes, ne peut pas être une variable d’ajustement aux contraintes économiques.

Toute personne, même souffrant d’une déficience, d’un handicap, acquis ou congénital, mérite d’être aimée et soutenue. Nos sociétés doivent rester solidaires des plus fragiles. Sinon, elles iront à leur perte.

Terre surpeuplée d'immortels ?

L’annonce du rajeunissement des cellules de centenaires par des chercheurs français relance deux fantasmes antagonistes : l’immortalité… et la surpopulation. Cela n’est pas (totalement) étonnant : le rajeunissement, c’est tout de même un très vieux rêve ! Mais nos chercheurs sont-ils vraiment en passe de mettre au point un élixir de jouvence ?
A ce stade, malgré l’enthousiasme légitime que suscitent des travaux confirmant que les progrès médicaux sont possibles sans détruire d’embryons, n’extrapolons pas. Une thérapie qui nous permettrait de rester jeunes n’est aucunement d’actualité.
Sans céder au fantasme de l’immortalité, il reste probable que la recherche en médecine régénérative nous permette de vivre plus longtemps. Des travaux sur les cellules souches de sang de cordon ont déjà permis d’aboutir à des thérapies.
Surgit alors la question de la surpopulation. Etant donné le mal que certains se donnent pour limiter les naissances, nous pouvons imaginer leur terreur face à un allongement de la durée de vie. A quoi bon faire naître moins d’enfants si nous vivons plus longtemps ?
L’idée de limiter la natalité parce que nos enfants seraient un poids est profondément choquante. Au lieu de se réjouir de la richesse de la vie humaine, voilà qu’elle devient un coût. Mais que nous puissions suspecter certaines personnes de vivre trop longtemps, cela me terrifie davantage encore.
Après les attaques répétées contre le trop grand nombre de naissances, la prochaine cible sera-t-elle le vieil âge ? Verra-t-on bientôt des campagnes “antivieux” dans les médias contre ceux qui ont le toupet de ne pas mourir, sur les modèles des campagnes “anti-natalité” aux Etats-Unis ? (Campagnes anti natalité aux USA) “Mémé, tu es bien gentille, mais nous sommes déjà 7 milliards !”
Nous devrons bien un jour reconnaître que notre monde souffre davantage de l’égoïsme que de la surpopulation.
Bien sûr, il faudra revoir nos façons de penser, nos modes de vie. Le vieillissement de la population imposera de changer, mais c’est un défi à relever. Nous ne pourrons pas le relever en nous attaquant à l’homme : il est davantage la solution que le problème !
 
 

Cour Européenne et embryon

On ne pourra pas déposer de brevet sur l’embryon humain et les cellules souches issues de ces embryons. Un jugement de la Cour européenne de justice publié cette semaine, qui sera contraignant à l’égard des 27 états membres, bannit en effet la brevetabilité des technologies de recherches qui s’appuient sur les cellules souches, elles-mêmes obtenues au moyen de la destruction d’embryons humains.

C’est un brevet qui a conduit l’association Greenpeace à poursuivre l’Allemagne. Un brevet accordé à un chercheur nommé Oliver Brüstle sur des cellules obtenues à partir de lignées de cellules souches embryonnaires, lignées qui ont été elles-mêmes obtenues au moyen de la destruction d’un embryon humain.

La Cour européenne de justice a donc reconnu la nullité du brevet du Pr Brüstle car elle a estimé que la destruction d’un embryon humain nécessaire dans le processus de production des cellules précurseurs neurales pour lesquelles il avait déposé ce brevet ne respectait pas la dignité humaine de cet embryon.

L’objectif thérapeutique annoncé par le Pr Brüstle, à savoir le traitement hypothétique de maladies neurodégénératives n’a heureusement pas justifié, aux yeux de la Cour, une relativisation de la dignité de l’être humain.

Les seules techniques brevetables, et qui donc pourraient faire l’objet d’une utilisation commerciale, seraient les techniques qui viseraient à soigner l’embryon humain. Le corps humain, quant à lui, n’est pas une invention des chercheurs, et encore moins une invention brevetable.

Dans notre contexte français, l’engagement de Greenpeace pour le respect de la dignité de la vie humaine dès son commencement peut surprendre. En effet, à la lecture de leur projet politique pour 2012 ; les verts français sont sur une tout autre ligne : ils veulent promouvoir avortement et contraception, mariage et adoption homosexuels, idéologie du genre et euthanasie. On n’est pas vraiment habitués à les retrouver sur le terrain de la défense des plus fragiles.

Mais, en Allemagne la société est beaucoup plus soucieuse de se garder de toute forme d’eugénisme et de toute relativisation de la vie humaine. Pour des raisons historiques évidentes. Ce qui expliquerait l’attitude de Greenpeace Allemagne.

Quelles pourraient être les conséquences de cet arrêt de la cour européenne de justice ? Elles pourraient bien ne pas se limiter uniquement à la question des brevets. En effet, la cour reconnaît la notion (évidente scientifiquement) qu’il y a embryon digne de respect dès la fécondation.

Cette reconnaissance pourrait-elle nous conduire vers une protection juridique européenne de toute vie humaine ? Et vers un questionnement de l’avortement et de la fécondation in vitro ? C’est l’analyse que font certains juristes, peut-être trop optimistes, de l’arrêt récemment rendu. Parmi les conséquences probables, on pourrait en tout cas espérer une remise en cause des recherches qui détruisent l’embryon.

La COMECE, commission de l’épiscopat de la communauté européenne, c’est félicitée de « l’interprétation juridique claire de la notion d’embryon humain ». Elle a exprimé le souhait que la recherche soit réorientée vers des pistes qui soient pleinement respectueuses de la dignité de toute personne humaine.

L’euthanasie aux Pays-Bas

L’euthanasie aux Pays-Bas

L’euthanasie aux Pays-Bas

 

1. La législation actuelle

  • L’euthanasie est devenue légale en 2001 par la loi dite « de contrôle d’interruption de la vie sur demande et l’aide au suicide », et a été mise en application à partir du 1er avril 2002. Les Pays Bas sont le premier pays à avoir autorisé cette pratique.
  • Sans dépénaliser l’euthanasie à proprement parler, la législation néerlandaise l’encadre. En effet, l’incitation au suicide, l’euthanasie et l’aide au suicide demeurent juridiquement des infractions pénales. Mais la loi introduit une excuse exonératoire de responsabilité pénale au profit du médecin qui respecte cinq « critères de minutie »[1] :
  1. La demande du patient doit être volontaire et mûrement réfléchie. Le consentement du patient qui n’est plus en état de l’exprimer peut être pris en compte, s’il a préalablement établi une déclaration écrite en ce sens et est âgé d’au moins 16 ans.
  2. Les souffrances du patient sont insupportables et sans perspective d’amélioration.
  3. Le patient doit avoir été pleinement informé de sa situation et des perspectives qui sont les siennes.
  4. Le médecin et le patient sont parvenus conjointement à la conclusion qu’il n’existe pas d’autre solution raisonnable.
  5. Un autre médecin indépendant doit avoir été consulté et doit avoir donné par écrit son avis sur les critères de minutie. Dans l’hypothèse où la demande d’euthanasie est formulée par un patient souffrant de troubles mentaux, deux médecins indépendants doivent avoir été consultés dont au moins un psychiatre.
  • La loi s’applique également aux mineurs : la loi prévoit que le médecin peut accepter la demande d’un mineur, à condition que ses parents  soient associés à sa prise de décision (lorsque le mineur a entre seize et dix-huit ans) ou donnent leur accord (lorsqu’il a entre douze et seize ans). Par ailleurs, depuis 2005, un protocole appelé “protocole de Groeningen” énumère les conditions et les étapes à suivre dans le cadre des décisions de fin de vie de jeunes enfants, essentiellement des nouveau-nés.

2. Bilan constaté

D’après les rapports des commissions régionales de suivi de l’euthanasie, le nombre de cas officiels a fortement progressé depuis l’entrée en vigueur de la loi : 1800 en 2003, 2.120 en 2007, 2. 331 en 2008 (+10%), 2.636 cas en 2009 (+13%). Cela représente une augmentation de 46 % en six ans, avec une accélération les deux dernières années. La plupart des procédures ont eu lieu au domicile du patient (2.117).

3. Les dérives constatées

 

A) Une interpellation du Comité des Droits de l’homme de l’ONU

 

En juillet 2009, le Comité des Droits de l’homme de l’ONU s’est inquiété du nombre élevé de cas d’euthanasies et de suicides assistés. Il a demandé instamment aux Pays Bas de réviser sa législation pour se mettre en conformité avec les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966. Deux sujets ont été abordés en particulier :

  • Le nombre important d’euthanasies et de suicides assistés, et sa progression chaque année ;
  • Certaines modalités posent question : le fait d’autoriser un médecin à mettre fin à la vie d’un patient sans recourir à l’avis d’un juge, et le fait que le deuxième avis médical requis puisse être obtenu au travers d’une ligne téléphonique d’urgence. [2]

 

B) Des euthanasies clandestines persistantes 

 

Courant 2008, des députés français se sont rendus aux Pays-Bas dans le cadre de l’évaluation de la loi fin de vie de 2004. Le Rapport d’information de novembre 2008[3] relève que le taux de signalement des cas d’euthanasie est en constante augmentation depuis 2002; cela n’empêche pas un fort taux d’euthanasies clandestines, estimé par le Ministère de la Santé néerlandais à 20%, et donc pose la question de la transparence de cette législation.

 

C) Un manque de respect et de contrôle des procédures

Par ailleurs, l’application de cette loi présente plusieurs caractéristiques qui interrogent les parlementaires français :

  • « les critères d’évaluation du degré de la souffrance du patient sont flous, l’existence même d’un contrôle a posteriori faisant porter la vérification plus sur le respect de la procédure que sur la réalité des motifs médicaux ;
  • l’appréciation du médecin est subjective et la méconnaissance de la loi n’est pas sanctionnée ;
  • il y a quelque paradoxe à revendiquer haut et fort un droit à l’autonomie de la personne et à s’en remettre avec cette réglementation à la décision du médecin, cette législation consacrant de fait le pouvoir médical [4]».

 

L’analyse se poursuit : jusqu’à présent, « aucune poursuite pénale n’a été exercée à l’encontre d’un médecin sur les fondements des articles 293 (euthanasie) et 294 (aide au suicide assisté) du code pénal. 24 cas litigieux ont été transmis par les commissions de contrôle au Collège des procureurs généraux en 6 ans. Dans la plupart des cas les médecins concernés ont été invités à s’entretenir avec le Procureur de la Reine pour un simple rappel à l’ordre, le parquet, semble-t-il, n’ayant pas été saisi de deux avis de violation de la loi par le même médecin [5]».

D) Des personnes âgées s’exilent 

 

Enfin, le Rapport alerte sur le fait que « l’Ordre des médecins allemands fait état de l’installation croissante de personnes âgées néerlandaises en Allemagne, notamment dans le Land voisin de Rhénanie du Nord-Westphalie. S’y sont ouverts des établissements pour personnes âgées accueillant des Néerlandais. C’est le cas notamment à Bocholt. Ces personnes craignent en effet que leur entourage ne profite de leur vulnérabilité pour abréger leur vie. N’ayant plus totalement confiance dans les praticiens hollandais, soit elles s’adressent à des médecins allemands, soit elles s’installent en Allemagne. De telles réactions dont la presse allemande s’est fait l’écho démontrent que les pratiques médicales hollandaises sont mal vécues par une partie de la population [6]».

 

E) Des euthanasies sur des personnes ne remplissant pas les conditions

 

Le rapport 2009 des commissions régionales de contrôle néerlandaises fait état de 12 cas d’euthanasie pratiquée pour des maladies neurologiques, dont des personnes démarrant la maladie d’Alzheimer.

 

F) Soins palliatifs sous-estimés

 

En décembre 2009, Madame Els Borst, Ministre de la Santé des Pays Bas en 2001, responsable de la loi légalisant l’euthanasie, s’est confiée dans un ouvrage d’entretiens[7] avec  Anne-Mei The, anthropologue et juriste : pour elle, la légalisation de l’euthanasie est intervenue « beaucoup trop tôt ». Elle pense que les pouvoirs publics n’ont pas prêté l’attention nécessaire aux soins palliatifs et à l’accompagnement des mourants. « Aux Pays Bas, nous avons d’abord écouté la demande politique et sociétale en faveur de l’euthanasie. Evidemment, ce n’était pas dans le bon ordre. »

Elle met en cause notamment la « pression sociale » venant des médecins, qui cherchaient à soulager leurs patients de leurs souffrances sans avoir à réaliser des « bricolages » illégaux.

 

G) Une “fuite en avant” avec de nouvelles extensions envisagées

 

Une proposition de loi a été déposée en 2010 pour autoriser le suicide assisté aux personnes de plus de 70 ans qui en feraient la demande, quel que soit leur état de santé.

 

 

 

Janvier 2011

 


[1]Rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation de la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, Assemblée Nationale, Jean Leonetti, Tome 1,page 131.
[2] Human Rights Committee , 15 July 2009.
[3] Rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation de la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, Assemblée Nationale, Jean Leonetti, p 131 à 136.
[4]Rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation de la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005, op. cit.

[5]Rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation de la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005, op. cit.

 

[6]Rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation de la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005, op. cit.
[7] Ceux qui donnent la délivrance à côté de Dieu, Entretiens Els Borst, Anne-Mei The.