L'homme, priorité politique

Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA et l’un des porte-parole de La Manif pour tous, analyse la réussite des grandes marches parisiennes et bordelaises du dimanche 5 octobre 2014.
Quelles conclusions tirez-vous du succès indéniable des manifestations du 5 octobre ?
Tugdual Derville : La question de fond que nous posions depuis octobre 2012 est désormais placée au centre du débat politique, et pour longtemps. C’est un immense résultat. Nous avons mis la France devant le choix anthropologique qui constitue l’enjeu de société majeur de notre temps : au-delà de la loi Taubira et de ses conséquences que nous contestons toujours, il s’agit de savoir si la procréation humaine doit obéir aux lois d’un marché ultralibéral mondialisé, ou si l’intérêt de l’enfant nécessite la préservation de la famille, écosystème de base de toute société, et de l’enfant contre toute marchandisation.
Grâce à la ténacité paisible de nos manifestants, ce débat est enfin reconnu comme sérieux au sein de chaque grande famille politique. Ces derniers temps, plusieurs prises de position et appels au gouvernement émanant de la gauche, de mouvements féministes et même d’écologistes comme José Bové, ont finalement légitimé notre dénonciation de la marchandisation du corps.
Et le Premier ministre a lui-même validé notre démarche lorsqu’il a cru nous démobiliser en effectuant sa volte-face anti-GPA dans La Croix du vendredi 3 octobre.
 
Comment analysez-vous le fait qu’une micro contre-manifestation ait réussi à s’inviter dans les médias jusqu’à vous conduire à débattre en direct avec son initiateur ?
Ceux qui veulent nous marginaliser ont beau jeu de s’engouffrer dans la moindre contre-initiative, aussi microscopique soit-elle. Nous avons ainsi subi une prétendue « pétition » bidonnée sur Internet (car on peut la signer des dizaines de fois avec un automate informatique, sans même laisser son nom), sans oublier un opportun sondage aux questions biaisées, pour laisser entendre que les Français nous seraient majoritairement hostiles. Tout cela, c’est le bouillonnement superficiel de l’actualité, qui peut agacer. Mais le courant de fond est bien là. Les éditorialistes politiques le reconnaissent aujourd’hui.
Aucun parti, aucun syndicat, aucun autre mouvement n’a jamais réussi à organiser sur trois années civiles six immenses défilés pacifiques, chacun d’ampleur historique. L’immense mouvement social déjà foisonnant, né de la résistance à la loi Taubira, est désormais installé dans le paysage politique français. C’est à mes yeux le point de départ de l’alternative culturelle que nous préparons, avec des échéances à court, moyen et long terme… sur lesquelles nous devons peser.
 
Vous assumez donc une posture politique ?
Oui. Et qui fait réellement preuve de sens politique, au sens noble du terme. Sans doute notre constance, notre cohérence et notre altruisme tranchent-ils avec la versatilité égotique qui marque les joutes partisanes. Au fil des années, la parole de nombre des chefs de partis s’est décrédibilisée. Ces paroles ne résonnent qu’à court terme parce qu’elles ne sont pas fondées sur des convictions.
Le revirement opéré à l’avant-veille de notre mobilisation par Manuel Valls, décriant soudain la GPA avec nos propres mots, m’a presque fait mal pour ceux auxquels il avait dit pratiquement le contraire, en 2011, en promettant une « GPA à la française ». C’était dans le magazine Têtu. Comme si les fondamentaux anthropologiques pouvaient tour à tour s’effacer et réapparaître. Comme si, à l’heure des réseaux sociaux, on pouvait encore se permettre de tenir des doubles langages, pour s’adapter à chaque niche électorale. Tout cela sans articuler la parole et les actes. La confiance — les économistes l’ont maintes fois répété — naît de la stabilité des règles et de leur cohérence.
En adoptant comme principe politique l’inconstance et l’ambiguïté, pour ratisser large, les leaders se servent à très court terme, mais désenchantent la société, faute de vision.
 
Pensez-vous que votre mouvement social offre réellement cette vision dont la France a besoin ?
Je crois même qu’avec ce qui se passe en France naît un nouvel espoir dans le monde. Les mouvements de nombreux pays, constatant le réveil de ce que je nomme « l’âme de la France », nous le disent. Les tribus gauloises — et j’embrasse par cette expression l’accumulation des identités particulières qui forgent notre nation aujourd’hui — apparaissaient comme désordonnées, au regard du centralisme démocratique qui ne veut voir qu’une tête. En réalité, ce foisonnement est le signe d’une créativité, d’une générosité, d’un courage et d’un esprit de rébellion propres à notre nation.
Quand le pouvoir bascule dans la toute-puissance, quand il s’arroge le droit de transgresser des lois fondamentales, un vent de révolte se lève toujours dans notre pays. La contestation fait partie de nos gènes.
On taxe parfois les Français d’arrogance… C’est le revers d’une médaille qui a une face autrement plus féconde : nous ne sommes pas prêts à laisser l’Histoire se faire sans nous. Nous ne nous couchons pas devant ce que d’autres croient inexorable, par exemple le marché mondialisé de la procréation. Les valeurs qui nous tiennent à cœur, nous osons concevoir qu’elles ont une portée universelle. C’est un atout contre le relativisme bioéthique.
 
Pourtant, c’est bien une tout autre culture – bel et bien française – que la loi Taubira a consacrée ?
Notre mouvement social naît sur des ruines culturelles, celles issues de la déconstruction systématique de la famille. Mais l’idéologie individualo-collectiviste sombre par elle-même dans sa vacuité et ses contradictions. On le voit bien quand une Cour européenne, qui se dit des droits de l’homme, est incapable de prendre position contre la gestation par autrui, qui n’est rien d’autre qu’un nouvel esclavage assorti d’une maltraitance originelle infligée à l’enfant.
Quand nous disons qu’une nouvelle culture est à construire, nous assumons simplement que c’est un travail approfondi, multiforme, touchant à tous les domaines d’activité, impactant à terme le politique. D’où l’ambition de l’écologie humaine à changer la société, de bas en haut.
Nous nous inscrivons donc dans le long terme, même si l’instabilité du temps présent nous oblige à une vigilance de tous les instants.

Protéger l’enfant de toute maltraitance

À la veille des manifestations nationales du 5 octobre 2014, Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA et porte-parole de La Manif pour tous, fait le point sur les raisons de cette nouvelle mobilisation.

Pensez-vous qu’il soit encore utile de se mobiliser alors que les précédentes manifestations, pourtant immenses, n’ont pas dissuadé le gouvernement ?

Tugdual Derville : Plus que jamais. Les masques sont tombés : deux décisions de justice viennent de donner raison à toutes nos mises en garde. Ce gouvernement est en train de livrer la famille aux promoteurs de sa déconstruction. Il désire ardemment que notre mouvement social s’éteigne. Ce n’est pas le moment d’abandonner.

Beaucoup de Français viennent de prendre conscience que la véritable logique de la loi Taubira nourrit le marché mondial de la procréation, un marché où l’enfant est traité comme une marchandise, un objet qu’on peut acquérir quels qu’en soient les moyens. J’invite donc chacun de ceux qui sont attachés aux droits des enfants à nous rejoindre le 5 octobre à Paris ou Bordeaux. Ces Manifs pour tous sont plus que légitimes, elles sont indispensables.

 

Pourtant le gouvernement confirme son refus de la PMA homosexuelle et de la GPA…

Il l’avait laissé croire le 3 février 2014 au lendemain de nos dernières grandes manifestations en renonçant à son projet de loi famille, mais la donne a changé depuis quelques semaines. Être paisible et non-violent — comme je continue de le revendiquer — ne signifie aucunement qu’on doive faire preuve de naïveté.

Le grand retour des dérives que nous dénoncions est attesté par deux faits indéniables la même semaine. Le 22 septembre, La Cour de cassation a validé l’adoption de centaines d’enfants par les compagnes des femmes qui se sont permis de transgresser à l’étranger nos lois bioéthiques, en y achetant du sperme pour une insémination artificielle avec donneur anonyme. Cette pratique ampute l’enfant de la moitié de son patrimoine généalogique ; elle lui vole son père et lui interdit toute perspective de bénéficier d’une paternité ; elle l’arrache également à une partie de sa culture d’origine… comme s’il était légitime de concevoir un être humain « hors-sol » ; enfin, elle le force à cautionner un système familial artificiel où l’amour reçu de deux femmes sert d’alibi à une grave maltraitance originelle : priver délibérément un enfant de père. Voilà pour la PMA.

Quant à la GPA, en laissant passer la date butoir du 26 septembre, le gouvernement a renoncé à faire appel de la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) qui l’enjoint de donner un état civil aux enfants conçus par GPA à l’étranger puis « importés » en France. Il cautionne donc cette pratique de façon hypocrite – quoi qu’en dise Mme Rossignol. Comme de nombreuses voix de gauche, y compris des députés de la majorité, nous avions demandé que la France résiste. Car ces pratiques de GPA sont simplement indignes. Elles s’apparentent à des trafics d’enfants et à la traite des femmes, réduites en productrices de bébés à vendre.

 

Madame Rossignol a annoncé des mesures contre la GPA…

Il suffit de lire la circulaire Taubira… Tant qu’on ne pénalise pas le détournement de la PMA et toute pratique de GPA comme des « maltraitances originelles » infligées aux enfants, où que ce soit, les paroles ministérielles ne seront pas dissuasives. Ne nous laissons pas enfumer : dès l’annonce de l’arrêt de la Cour de cassation, les militants de la prétendue « homoparentalité », comme l’avocate Caroline Mécary, ont pavoisé ; Erwann Binet, rapporteur de la loi Taubira à l’Assemblée nationale, a expliqué en substance que l’adoption « homoparentale » en France d’enfants conçus par PMA à l’étranger était bien conforme à l’intention des auteurs de la loi Taubira. Le Syndicat de la magistrature a quant à lui produit un tweet presque surréaliste : « PMA, la balle est maintenant dans le camp du législateur : repenser la filiation et la famille en ouvrant la PMA à toutes les femmes. »

Le mot « repenser » appartient au vocabulaire des déconstructeurs — ou démolisseurs — de la famille. Ils n’ont de cesse de contester l’altérité sexuelle à la source de tout engendrement. Tout est fait pour dénigrer l’écosytème de base père/mère/enfant. L’ancien porte-parole de l’APGL et de la LGBT au moment de la loi Taubira, Mathieu Nocent, s’est encore réjoui le 15 septembre sur twitter en utilisant le mot clé « pluriparentalité » d’une première ainsi décrite : « Au Brésil, un enfant a officiellement un père et deux mères. » à la lecture de l’article on découvre que la grossesse avait été « planifiée par les trois parents » et que l’enfant a, pour le moment, « six grands-parents ». Ce sont ces dérives qu’il nous faut stopper, en France, pays jusqu’ici protecteur de l’être humain contre toute marchandisation.

Alliance VITA s’était engagée pour la prohibition mondiale du clonage quand cette technique de procréation était en débat, et ce type de clonage est désormais banni ; nous demandons aujourd’hui que la GPA fasse l’objet d’une interdiction mondiale. C’est à la France de porter ses valeurs éthiques contre les dérives ultra-libérales qui font du bébé un objet de transaction.

 

Que répondez-vous à ceux qui pensent qu’il est temps que les choses s’apaisent ou aux manifestants qui pourraient être lassés de descendre dans la rue « pour rien » ?

Relisons comment les abus de pouvoir ont été combattus au travers des âges… L’Histoire nous a monté que la lutte contre l’injustice nécessite persévérance et courage. C’est toujours à partir de communautés de pensée « conscientisées » que sont nés les grands mouvements de foule qui ont su résister à la toute-puissance.

Nous devons tout simplement changer le cours de l’Histoire, et nous allons réussir, le moment venu, car nous sommes du côté des faibles. Si la ténacité est dans les gènes de notre mouvement, c’est parce qu’il n’a rien de catégoriel. Il est enraciné dans l’altruisme, fondé sur une conception de la société qui demande à la loi de protéger le plus faible du plus fort, et non l’inverse. Les leaders politiques qui ne croient qu’à la lutte des classes ou aux conflits d’intérêts n’ont toujours pas compris la puissance de ce qui s’est levé.

 

Est-ce le cas de Nicolas Sarkozy dans ses réponses à propos de l’avenir de la loi Taubira ?

Pour lui donner sa chance, je dirai que Nicolas Sarkozy a voulu être gentil en attestant que notre mouvement « de braves gens » avait été piétiné par le pouvoir actuel… Il a dit « humilié ». Mais justement, je ne suis pas très à l’aise avec sa façon de présenter ce débat comme un affrontement entre des personnes (« les familles et les homosexuels », pour reprendre une autre de ses expressions) sans dire un seul mot de l’enfant. Rien sur le fond donc, et rien surtout sur ses intentions. Certains diront que c’est habile. Je retiens le flou.

Pire, en affirmant d’emblée que ce sujet n’est pas prioritaire pour les Français et que, s’il redevenait président, il éviterait, lui-même, de provoquer un affrontement sociétal en sens inverse, l’ancien président semble s’inscrire dans une coutume de son camp dès qu’il revient au pouvoir : ne rien toucher. La gauche libertaire n’a pas ce genre de scrupule. Or, à quoi bon combattre les lois transgressives, si l’on est incapable de les effacer ?

Dans les jours suivant ce premier entretien, des ténors appuyant le retour de l’ancien président ont soutenu publiquement deux options contradictoires sur la loi Taubira : notamment Laurent Wauquiez, pour son abrogation, et Nathalie Kosciusko-Morizet et Christian Estrosi, pour son maintien.

Entend-on nous ramasser en tas en ratissant large ? Cela nous dégoûterait plutôt d’une politique coupée des convictions. Nous disons pour notre part à tous ceux qui estiment que la transmission des repères anthropologiques aux générations futures est une urgence et une priorité : descendons nombreux dans la rue dimanche 5 octobre !

Nous montrerons aux politiques de tous bords, et d’abord au futur gouvernant, que nous voulons des paroles claires et des actes en conformité avec ces paroles. Et je précise aussi que manifester de nombreuses fois contre une première grave injustice et contre d’autres injustices qui en découlent, tant que ces injustices perdurent, ce n’est pas faire preuve de « radicalisation », encore moins d’obsession, mais simplement de constance dans les engagements.

Il en faut pour promouvoir une société humaine digne de ce nom, qui protège la famille contre toute idéologie et l’enfant contre toute maltraitance.

 

Propos recueillis par Frédéric AIMARD

Mortelle « Vox Populi »

Tugdual Derville commente la médiatisation de la fin de vie du petit Titouan au CHU de Poitiers.
Propos recueillis par Frédéric Aimard.
Comment expliquez-vous que les parents de Titouan se soient mis à accuser l’équipe médicale qui prenait soin de leur enfant ?
C’est tristement classique. Des parents voient naître le 31 août, près de quatre mois avant le terme, un bébé de 900 grammes. Les voilà plongés dans un drame. On réanime le grand prématuré, comme c’est la règle en France, parce que cela permet de sauver de nombreuses vies (à ce terme 40 % de ces bébés survivront sans séquelles, et d’autres avec un handicap plus ou moins lourd). Les médecins ont beau expliquer ce qu’ils font, dire l’incertitude du pronostic, ces parents qui souffrent sont en état de choc, de sidération.
Doivent-ils croire ce qu’on leur dit ? L’équipe médicale a l’expérience et la technique. Elle s’attache à ajuster ses procédures mais ne peut exprimer que des éventualités, tant en matière de survie que du risque de séquelles. La plasticité du cerveau humain interdit les prédictions : chaque prématuré évolue d’une façon qui lui est propre. Les mots hémorragie cérébrale, risque d’hémiplégie, etc., tournent donc dans la tête des parents. Le temps qui s’écoule leur paraît insupportable.
La colère est un exutoire naturel dans l’épreuve. Les médecins, devenus boucs-émissaires, sont accusés d’acharnement… Tout soignant sait bien que l’angoisse des proches peut basculer en défiance puis en accusations souvent maladroites et injustes. La colère est une phase du travail de deuil que les personnes engagées dans les relations d’aide ont appris à endurer. Mais ces conflits sont le plus souvent transitoires et ne sont pas tous médiatisées, heureusement.
 
Vous avez vous-même été interviewé en direct sur Europe1 …
Nous sommes en présence d’un cas typique d’emballement médiatique lié à l’émotion. Les parents souffrants ont-ils trouvé une oreille attentive chez un « conseiller » qui les a décidés à médiatiser leur colère ? Certains médias raffolent de l’émotion, des larmes, des tensions. Et s’en font les portevoix. Nous avons donc subi un épisode de télé-réalité particulièrement malsain. Car les « acteurs » de ce drame étaient dans l’impossibilité, pour les uns — les parents accusateurs — de s’exprimer de façon rationnelle, et pour les autres — les soignants accusés — de se défendre. Et le peuple a ardemment désiré la mort d’un être fragile.
 
Vous défendez donc les médecins ?
Je n’accuse pas les malheureux parents qui semblaient si dépassés ! Le lien parents enfant est douloureux quand un bébé est en couveuse… Mais je crois en effet que l’équipe médicale du CHU de Poitiers, et son chef de service, le professeur Pierre, ont agi avec professionnalisme, mesure et dignité.
Ce service est réputé pour son travail d’équipe dans l’accueil des grands prématurés. Il a fait appel — comme souvent — à une expertise extérieure. Tout l’enjeu est de concilier l’interdit du meurtre — grâce auquel on donne aux grands prématurés une chance de vivre — et le refus de l’acharnement thérapeutique, tout en dialoguant avec la famille.
Le professeur Pierre a pris soin de préciser que ce n’était ni la demande des parents ni sa médiatisation qui avait provoqué la fin de vie du petit bébé, le 19 septembre. La respiration autonome n’était plus envisageable et la réanimation était donc devenue inutile ou disproportionnée. Il reste que le déséquilibre entre l’écho donné à la colère irrationnelle des parents et le silence sur le travail discret des soignants interroge.
 
C’est la dictature de l’émotion !
En effet. Est-ce la vox populi qui doit décider du sort d’un être humain ? Comme la justice, la médecine a besoin de sérénité pour ne pas tomber dans l’arbitraire. Assimiler le handicap à une vie « foutue », comme je l’ai entendu d’un auditeur d’Europe1, c’est d’une grande violence pour les personnes handicapées. Prétendre qu’il appartient aux parents de décider de la vie ou de la mort de leur enfant selon son état de santé, c’est aussi faire peser sur eux une responsabilité inhumaine. On finit par envoyer le message à tout parent frappé par l’épreuve du handicap de naissance : « C’est de votre faute, vous l’avez voulu, à vous d’assumer ! » Les rendre responsables, c’est une régression obscurantiste
C’est ainsi que monte la pression pour l’euthanasie néonatale. On y bascule dès que ce n’est plus le critère des soins proportionnés ou pas, mais celui de la perspective d’un handicap qui détermine le sort d’un nouveau-né. Des voix s’élèvent d’ailleurs pour « compléter » ainsi l’IMG par l’euthanasie néonatale.
Pourquoi pas un mouvement inverse ? En France, il ne naît presque plus de bébés atteints de spina bifida, tellement le tri anténatal est « efficace ». Aux États-Unis, on a commencé à opérer avec succès les fœtus dépistés in utero. Le véritable progrès médical et scientifique est là.
 
Pour aller plus loin :

Télépathie assistée

La publication d’une expérience de « télépathie » à (grande) distance, entre l’Inde et la France, fait grand bruit. Première prometteuse ou arnaque publicitaire ?
Des chercheurs affirment avoir réussi la première transmission de cerveau à cerveau. Leur article a été publié en août par la revue scientifique Plos One. Cette fois les cobayes ne sont plus des rats comme dans une expérience réussie par des neurobiologistes américains en 2013, mais deux hommes. (suite…)

GPA : le défi éthique de la France

Dimanche 13 juillet, une soixantaine de personnalités, parmi lesquelles l’ancien président de la Commission européenne Jacques Delors, l’ancien premier ministre socialiste Lionel Jospin et Yvette Roudy, ministre des droits des femmes sous François Mitterrand, pressent le président François Hollande de s’opposer publiquement à l’admission des contrats de mère porteuse, dans une tribune publiée par le journal Libération.

Réagissant à la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), les signataires de cette tribune appellent la France à ne pas « succomber à ce qui est un triomphe de l’industrie de l’enfantement sur commande » :

“Si la France plie, si les filiations des enfants issus de contrats de mères porteuses faites à l’étranger sont inscrites à l’état civil français, alors le marché des bébés devient de fait efficace. Le contrat de mère porteuse fait à l’étranger sera aussi efficace que s’il était licite.”

Tugdual Derville, Délégué général d’Alliance VITA, revient sur l’affaire Menneson et Labassée, objet de la condamnation de la France par la CEDH, décryptant le paradoxe juridique de cette affaire qui tente d’opposer le droit à l’éthique.

Imposer à un enfant une « maternité éclatée », le faire concevoir par un contrat qui le privera de sa mère biologique puis le coupera de mère gestatrice, recourir à un tel procédé à l’étranger parce que la loi française l’interdit pour des raisons éthiques liées à l’intérêt de l’enfant et à la dignité des femmes…puis faire condamner son pays pour atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant » ! C’est la prouesse à laquelle sont parvenus le 26 juin 2014 les couples Menneson et Labassée, au terme d’une guérilla judiciaire de quatorze ans.

Deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont en effet débouté la France pour son refus de transcrire dans son état civil les actes de naissance d’enfants nés aux États-Unis d’une gestation par autrui (GPA). Motif : cette disposition porte atteinte à leur identité. Ces décisions n’obligent pas la France à légaliser la GPA, mais lui demandent de reconnaître les conséquences de cet acte réalisé à l’étranger sur le plan de la filiation et de l’état civil.

De quoi réveiller les ardeurs de ceux qui exigent la légalisation de la GPA comme solution pour les hommes homosexuels. Visant une féministe emblématique de la « gauche morale », Pierre Bergé a produit un tweet triomphant : « Sylviane Agacinski perd pied. La cour européenne a tranché et la PMA comme la GPA seront bientôt légales en France. Qu’on le veuille ou non. »

La question de la souveraineté de la France en matière de bioéthique est bien posée. Le 6 avril 2011, la Cour de cassation avait en effet jugé contraire à l’ordre public la décision de reconnaissance de la GPA à l’étranger, car comportant « des dispositions heurtant des principes essentiels du droit français ». Les enfants enjeux de cet imbroglio ont été « importés » en France après être nés aux États-Unis par mères porteuses, avec don d’ovocytes mais utilisation du sperme du couple demandeur. S’ils ont été doublement privés de mère (génitrice et gestatrice) au terme d’une transaction, c’est bien leur père biologique qui les élève en France. Et c’est sur ce lien que s’est appuyé la CEDH à la demande des plaignants.

Ces derniers avaient joué sur la technique du fait accompli en faisant arriver les enfants en France avant de passer à la technique victimaire pour nourrir leur harcèlement judiciaire : « Pendant près de 14 ans c’est comme si l’État français n’avait cessé de me dire que je n’étais pas la mère de mes filles » clame aujourd’hui Sylvie Menesson. Celle qui a sciemment escamoté deux autres femmes pour jouer ce rôle s’accroche à une formule choc. à l’entendre, les deux enfants seraient des « fantômes de la République ».

Justice paradoxale : des couples qui ont privé des enfants de toute leur filiation biologique maternelle sont donc parvenus à faire valoir l’intérêt de ces mêmes enfants au nom de la filiation biologique paternelle. La CEDH a ordonné à la France de verser aux couples requérants de substantiels dommages et intérêts (15 000 euros pour les époux Mennesson).

Pour eux aux moins, la République est bonne mère : Laurence Rossignol, secrétaire d’État à la Famille, dit ne pas vouloir faire appel. Pourtant le code pénal français punit de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende « la substitution volontaire, la simulation ou dissimulation ayant entraîné une atteinte à l’état civil d’un enfant ». Son article 227-12 réprime la provocation à l’abandon, l’entremise en vue d’adoption et, depuis la loi bioéthique du 29 juillet 1994 « le fait de s’entremettre entre une personne ou un couple désireux d’accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre ».

Ces arrêts interviennent alors qu’un recours a été déposé par un groupe de juristes auprès du Conseil d’État contre la circulaire Taubira du 25 janvier 2013. Contesté dès son origine par la Manif pour tous, ce document invite les procureurs et greffiers à délivrer un certificat de nationalité française aux enfants, dès lors que le lien de filiation avec un Français résulte d’un acte d’état civil étranger probant.

Le Conseil d’État avait en son temps soutenu la résistance hexagonale à la GPA en indiquant que la France n’avait pas à s’aligner sur le « moinsdisant éthique »

Pendant ce temps, aux États-Unis, pays de l’ultralibéralisme appliqué à l’être humain, c’est la mise à prix, sur Internet, de centaines d’enfants par leurs parents adoptifs désireux de les abandonner qui défraie la chronique. Prix de revente affiché pour l’un d’eux, âgé de 10 ans : 3 500 dollars. Hors taxes, mais frais d’agence compris