Durer, c'est capital

Faut-il admirer un feu de paille éphémère qui embrase le ciel ou le feu qui sait couver sous la cendre, résister à l’orage et se ranimer, tenace, quand on le croit mort ?
En matière d’amour comme pour un mouvement social, nous savons combien ce qui est gagnant est ce qui sait tenir au-delà de l’épreuve. Ce rapprochement n’a rien d’anodin car l’amour est notre cause. Le pouvoir en place sait tout cela. C’est la raison pour laquelle il a tout fait pour éteindre notre flamme, nous faire taire et nous décourager. C’est aussi la preuve qu’il nous craint.
Que craint-il ? Aucunement l’insurrection qu’il a voulu provoquer, pas plus que l’intégrisme ou l’extrémisme dont il est si prompt à nous accuser. Il craint notre mesure, nos arguments et notre paisible détermination.
Sa représentation de la société ne connait que les rapports de force catégoriels : que nous ne défendions pas nos intérêts personnels, mais une conception altruiste et immuable de la vie, le désarçonne. Notre douceur surtout lui est insupportable. Comme lui est insupportable le fait que nous ayons conquis paisiblement la culture de la rue qu’il croyait monopoliser. Il n’imaginait pas déclencher un élan protestataire de masse, mobilisant toutes les générations, au point que notre mouvement marquera l’histoire de notre pays. Notre mobilisation n’a-t-elle pas déjà fait naître chez beaucoup un intense désir d’engagement durable au service de la cité ? Quelle promesse !
Le couvercle de l’oppression idéologique que nous avons soulevé ne doit donc pas retomber. Certes, nous avons fait reculer le gouvernement sur la PMA ; mais nous le savons tenté par la fuite en avant sociétale… Le laisserons-nous masquer son impuissance économique et sociale par un retour de bâton anti-familles ? Quitte à nous piétiner ? Quitte à liquéfier davantage notre société ? Option fatale pour la cause des plus fragiles, des enfants, des sans-voix.
Ils sont notre avenir. C’est pour eux que nous devons tenir et durer. C’est en leur nom que nous descendrons à nouveau dans la rue le 2 février. Pour deux manifestations capitales !

Mariage homosexuel  : vendredi noir ou rose

Mariage homosexuel : vendredi noir ou rose

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Tugdual Derville
Délégué général d’Alliance VITA

Deux décisions juridiques, révélées le même jour, confirment le « basculement de civilisation » auguré par la loi Taubira. La société française est fracturée selon deux conceptions antinomiques des droits de l’homme. (suite…)

Lancer d’Homo sapiens

Lancer d’Homo sapiens

 

Pour lire l’intégralité de l’article “Bêtes de lancers et dignité”, rendez-vous sur le blog de Tugdual Derville
Ames sensibles, s’abstenir. La comparaison entre trois spectaculaires lancers de mammifères étaye la notion d’une dignité intangible et inaliénable propre à l’Homo sapiens et à lui seul. Petite démonstration en trois épreuves (et trois vidéos).

Epreuve n°1 : Lancer d’otarie par l’orque.
(…)
Epreuve n°2 : Lancer de chats par des hommes.
(…)
Epreuve n°3 : Lancer d’Homo sapiens.

Revenons en 1995 et en France pour régler l’affaire entre hommes. Le Conseil d’État, dans son célèbre arrêt du 27 octobre 1995, valide une interdiction édictée par un maire, au nom de l’ordre public, dans l’affaire dite du « lancer de nains de Morsang-sur-Orge ». La scène est sordide : les clients – éméchés ? – d’un établissement se voient proposer comme attraction le lancer de personnes de petite taille (atteintes de nanisme) recrutées pour l’occasion.

Les projectiles ont beau être consentants, rémunérés et casqués, les juges ont estimé qu’un tel spectacle portait atteinte à la dignité de la personne humaine.

« Considérant que l’attraction de « lancer de nain » consistant à faire lancer un nain par des spectateurs conduit à utiliser comme un projectile une personne affectée d’un handicap physique et présentée comme telle ; que, par son objet même, une telle attraction porte atteinte à la dignité de la personne humaine ;

que l’autorité investie du pouvoir de police municipale pouvait, dès lors, l’interdire même en l’absence de circonstances locales particulières et alors même que des mesures de protection avaient été prises pour assurer la sécurité de la personne en cause et que celle-ci se prêtait librement à cette exhibition, contre rémunération. »

Qu’en déduire du rapport de l’Homo sapiens à sa propre dignité ? Qu’il n’en est pas maître. Qu’elle est ontologique, intangible, inaliénable. Personne ne peut y renoncer, ni la monnayer. Elle n’a pas de prix. L’affaire du lancer de personnes de petites tailles vient nous interroger sur cette capacité qu’à l’homme de poser des actes contraires à sa dignité, la sienne comme celle des autres. La notion de dignité est donc précieuse en tant qu’exigence pour tous à respecter toute personne humaine. Elle devient moteur d’humanité.

Certes, les tenants d’une dignité relative, dépendante soit de l’état de développement ou de santé, comme Peter Singer, soit de la volonté de l’individu, ne trouvent pas leur compte dans l’idée d’une dignité s’imposant à tout homme et pour tout homme, et dont nous ne serions pas maîtres. Ceux qui prônent la notion d’autonomie, clé de voûte de l’éthique relativiste, refusent une dignité absolue. Mais c’est bien cette conception que consacre la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

Échaudés par les dérives totalitaires qui l’ont précédée, ses rédacteurs savent qu’à partir du moment où un homme pourrait prétendre avoir perdu sa dignité, certains hommes risquent de se voir niée la leur… Le texte reconnaît donc dans son préambule que tous les membres de la famille humaine possèdent une « dignité inhérente » et dispose dans son article premier que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». Les droits de l’homme sont bien la rançon de sa dignité.

Un dernier débat surgit : d’où vient donc cette dignité propre à l’homme au point qu’elle le différencie de tout animal ? Epris d’absolu, en quête de sens, habité par une loi morale, l’homme est un animal spirituel. Les premiers hommes ont manifesté cette différence en honorant leurs morts par des rites d’inhumation qui ont perduré jusqu’à aujourd’hui dans toutes les cultures. Notre dignité ontologique se réfère visiblement à une valeur qui lui est encore supérieure : la « sacralité » de la vie humaine…

Défendons la Manif pour tous !

Après la mort, le 6 juin à Paris, d’un militant d’extrême gauche au cours d’une rixe avec des skinheads d’extrême droite, l’homme d’affaires Pierre Bergé dénonce la « responsabilité » de la Manif pour tous. Analyse de Tugdual Derville, Délégué général d’Alliance VITA et porte-parole de la Manif pour tous.
Propos recueillis par Frédéric Aimard

Comment comprenez-vous qu’on attribue aux opposants à la loi Taubira la responsabilité de la mort de Clément Méric ?

Tugdual Derville : Le procédé est évidemment indigne. Il relève d’un piège dialectique bien connu : la « mutation de responsabilité ». Pour faire perdre à un adversaire tout crédit, on lui impute la responsabilité d’un drame (catastrophe naturelle, meurtre, suicide, etc.). Certains syndicalistes attribuent ainsi au patron d’une entreprise le geste désespéré d’un salarié, sans vérifier s’il n’est pas lié à une dépression ou un drame sentimental… L’innocence de la Manif pour tous étant plus qu’évidente dans cette rixe tristement classique entre extrêmes, en marge d’une vente de vêtements qui les réunissait, il reste à analyser l’objectif et la portée d’un tel amalgame…
Nous avons vécu, cette fois en direct, les ravages de l’imprégnation émotionnelle qui a déjà abouti à déformer dans l’esprit des Français des pans entiers de leur Histoire. Deux faits indépendants sont accolés pour que la violence de l’un efface le caractère paisible de l’autre. Finira-t-on par enseigner dans quelques années que le mouvement social de 2012-2013 a fait un mort, un militant antifasciste et anti-homophobie ?

Faut-il réagir et comment ?

Il n’est pas sain de laisser un amalgame se propager sans le dénoncer. Quand BFM Télévision m’a réveillé vers 6 h 30, le matin du jeudi 6 juin, pour m’apprendre ce drame et l’accusation proférée par Pierre Bergé, j’ai accepté de « réagir » par téléphone dans leur journal de 7 h. La dialectique manipulatrice doit être contrée en trois étapes : repérer le piège, le dénoncer publiquement et revenir au réel.
Le « réel », après une rixe mortelle, conduit d’abord à présenter ses condoléances aux proches de la victime, quelle que soit sa part de responsabilité, et à dénoncer cette violence aux conséquences irréparables. Le réel, c’est aussi chercher à comprendre ce qui peut conduire un homme aussi puissant que Pierre Bergé à déraisonner. Peut-être le fait-il en toute sincérité… Je pense qu’il donne à vérifier la précieuse maxime d’Aristote : « Je perçois les choses de la façon dont je suis disposé. » Son extrême richesse ne l’empêche pas d’être inféodé à ses émotions (peurs, souffrances, colère) comme l’est un petit enfant dans sa période narcissique. Au point d’être aveuglé par son système de pensée, et de s’obstiner dans un amalgame injuste.

Quel est l’objectif du billet que vous avez diffusé sur Twitter ce jour-là (voir ci-dessous) ?

Vous connaissez la sentence « Dénigrez, dénigrez, il en restera toujours quelque chose… » ? J’ai voulu que les manifestants soient bien conscients de ce processus malsain. Il est aujourd’hui essentiel que nous soyons nombreux à défendre notre propre histoire sans nous laisser contaminer par les amalgames accusatoires.
Par le biais de la culpabilisation, on veut nous empêcher de parler, mais aussi de penser. Hier, un internaute anonyme m’a soumis à la question : « Et les jeunes qui se suicident à cause de votre homophobie, vous êtes innocents aussi ? » Il ne faut pas que la répétition de ce type d’amalgame — qui articule deux assertions accusatoires sans preuve — conduise à décourager, radicaliser ou affadir notre résistance. Les totalitarismes, dans les procès intentés à leurs dissidents, ont toujours cherché à les conduire à l’aveu, à l’auto-condamnation pour détruire leur conscience à sa racine. Or, je crois que la pensée unique essaie de nous faire subir un lavage de cerveau insidieux, en nous noyant dans ses larmes de crocodile.

Face au dénigrement… (Billet diffusé via Twitter le 6 juin 2013)

Les amis, soyons lucides : tout est fait pour pourrir l’image de notre magnifique mouvement, au moyen de procédés dialectiques manipulateurs bien référencés (amalgame, isolement, transfert d’émotion, procès d’intention, récupération historique…).

La paix du cœur, la sincère bienveillance et – n’ayons pas peur des mots – l’amour sont  insupportables à certains esprits chagrins, fiévreux et tourmentés. Sans-doute est-ce parce qu’ils souffrent. N’est-ce pas aussi parce qu’ils sentent bien que l’amour est plus fort que la haine ? Voilà une raison de plus pour ne pas renoncer à notre non-violence intérieure.

Les amis, face au dénigrement, ne laissons-pas l’esprit d’accusation ruiner notre joie d’avoir agi au service du bien commun et du plus fragile, selon la loi intime de notre conscience. Attention ! Toute dialectique manipulatrice vise un seul et même effet ultime : provoquer en nous une « conscience malheureuse » afin d’étouffer notre voix et notre esprit de résistance. Autant est-il profitable de se remettre en question face à la critique sincère et bienveillante, autant faut-il garder à l’esprit cette précieuse maxime : « Quand tu es accusé, ne convoque pas ton tribunal intérieur ! » Nous ne sommes donc aucunement responsables de la haine que nous n’éprouvons pas et de la violence que nous réprouvons.

Ne laissons personne réécrire l’histoire de notre mouvement pour le salir et nous culpabiliser. Défendons-le ! Restons-en fiers ! Et surtout poursuivons-le avec la fermeté paisible qui est notre marque irrépressible.

                                                               Tugdual Derville – 6 juin 2013