Vincent Lambert, en sursis ?

Alors qu’est attendue la sentence de la Cour européenne des droits de l’homme, les amis de Vincent Lambert lancent un appel sur Internet : www.jesoutiensvincent.com.

Vincent, accidenté en 2008, est-il un vivant de trop ? Ses amis d’enfance ne le pensent pas. Leur protégé, confiné dans sa chambre de soins palliatifs, est l’un des quelque 1 600 patients « EVC-EPR » (pour états végétatifs chroniques et pauci-relationnels) qui vivent en France avec les graves séquelles d’accidents cérébraux. Ne devrait-il pas bénéficier d’une unité spécialisée ?

« Certaines ont proposé en vain une place à Vincent », expliquent ses amis sur le site de l’appel, « pour lui prodiguer les soins adaptés à son état et des petits gestes simples : l’asseoir dans un fauteuil, des séances de kiné, le promener dans un parc, lui faire ressentir la fraîcheur du soir qui tombe ». Lorsque l’affaire Lambert a éclaté, la plupart des soignants de ces unités se sont tus, mais on trouve désormais de nombreux professionnels de santé spécialisés parmi les signataires de l’appel. Beaucoup se savent incompris d’une société prompte à assimiler les vies cassées dont ils prennent soin au monde végétal. Les mots légume ou plante verte leur font mal. Pour de nombreux bien portants, le constat de « lésions cérébrales irréversibles » font d’un être humain un « mort-vivant » éligible à l’euthanasie. La mission Claeys-Leonetti n’a d’ailleurs pas voulu recevoir les représentants des associations de proches de patients traumatisés crâniens alertés par la notion d’« arrêts de traitements maintenant artificiellement en vie ».

Vincent Lambert n’est pas en fin de vie et il n’a pas besoin de traitement médical à proprement parler. Et c’est bien là le problème pour ceux qui estiment si invivable son sort, et surtout le sort de ses proches éprouvés, qu’ils sont prêts à fermer les yeux sur la transgression éthique qui réglerait ce « problème ». De quoi décourager ceux qui se sont battus, pour qu’existent ces unités EVC-EPR à taille humaine adaptées aux personnes très lourdement handicapées et aux proches qui les visitent.

On a cru le sort de Vincent scellé le 24 juin 2014, quand le Conseil d’État a donné raison à l’équipe médicale du CHU de Reims : elle avait décidé et mis en œuvre, le 11 janvier 2014, l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielles du jeune homme, afin qu’il décède. Alertés a posteriori, les parents de Vincent avaient obtenu devant la justice qu’on nourrisse et hydrate à nouveau leur fils, après 30 jours d’arrêt ! Au cœur du différend entre l’épouse de Vincent et ses parents (mais aussi entre médecins) le statut de l’hydratation et de l’alimentation artificielles : sont-elles des traitements qui peuvent s’avérer disproportionnés, et relever d’un « acharnement », ou sont-elles des soins de base toujours dus s’ils sont nécessaires à la vie ? Poussé par le gouvernement, l’hôpital avait fait appel pour obtenir l’approbation du Conseil d’État. Signe de l’absurdité de l’imbroglio, si le service hébergeant Vincent avait relevé d’un hôpital privé, c’est la Cour de cassation qui aurait été compétente…

La chambre où Vincent est enfermé fait désormais figure de couloir de la mort. Il ne bénéficie plus des soins spécifiques requis par son état. Le recours effectué par ses parents à la Cour européenne des droits de l’homme a provoqué un nouveau sursis. La Grande Chambre de la CEDH s’est réunie le 7 janvier 2015. Elle a, depuis, statué. Toutefois, sa décision, juridiquement définitive, doit être traduite dans toutes les langues du Conseil de l’Europe, avant d’être rendue publique.

Comparant le destin de leur ami à celui de Serge Altaoui, le Français condamné à mort en Indonésie, les proches de Vincent veulent mobiliser jusqu’au bout.

Dernière minute : La mère de Vincent Lambert réclame à François Hollande un minimum d’humanité

IVG : Anesthésie générale

Dans la nuit du 18 à 19 mars, les députés de la commission des Affaires sociales ont voté la suppression du délai de réflexion de 7 jours prévu avant d’avorter.

Comment expliquez-vous le vote — contre l’avis du gouvernement — de cet amendement  ?

C’est une des nombreuses mesures de l’agenda des promoteurs de l’avortement sans entrave. Dans leur logique insatiable, cette « interruption volontaire de grossesse » doit toujours être facilitée : aussi précoce mais également aussi tardive que possible, rapide voire précipitée, et sans aucun autre déterminant que « l’autonomie des femmes ». Pour banaliser l’avortement, on le traite comme un simple geste d’hygiène personnelle. Sans portée sociale et surtout éthique… Sans autre conséquence que d’éviter ou « reporter » une naissance.

Cet objectif idéologique se heurte à la réalité : avorter n’a rien d’anodin. Et c’est justement pour cela que certains s’escriment à prétendre le contraire. Un tel déni se retourne contre les femmes enceintes en difficulté en les obligeant à exprimer une décision radicale précipitée, comme si, en matière de grossesse, la question du désir se résumait à un oui ou à un non facile et définitif. Il faut noter la violence que constitue l’injonction faite à la conscience des femmes de considérer l’avortement comme éthiquement neutre. Les nouvelles attaques contre la clause de conscience des soignants s’inscrivent dans cette intention, de même que la suppression du critère de détresse, en janvier 2014 : on occulte le caractère sensible d’une décision qui scelle le sort d’une vie et retentit fortement — en toute logique — sur celle qui la prend.

Le délai de réflexion peut-il aider une femme à renoncer à l’avortement ?

Tout ce qui est irrémédiable ne doit pas être tranché d’un coup de tête, ou de cœur. La loi nous protège contre certains achats irraisonnés que nous pouvons annuler sous huit jours. C’est encore plus indispensable quand on touche au corps ! Pensons à la chirurgie esthétique : si on offre aux demandeurs d’une intervention de ce type un délai de réflexion, c’est pour les protéger contre la désillusion et le regret. Quand il s’agit de l’avenir d’un autre être humain, la panique devient une conseillère mortelle…

Exiger des femmes se découvrant enceintes qu’elles soient fortes et assurées est une maltraitance. Ce n’est pas le moindre paradoxe du prétendu féminisme que de leur interdire ainsi d’être elles-mêmes, en occultant la part d’ambivalence et de vulnérabilité psychique inhérente à toute grossesse. Pourquoi considérer l’avortement comme une fatalité pour les femmes au lieu de travailler à rendre leur environnement accueillant et protecteur ?

Les émotions suscitées par la perspectives d’une naissance sont contradictoires, avec souvent un mélange d’appréhension ou d’angoisse, et de joie, voire d’exaltation. C’est en fonction du soutien de l’entourage qu’une sensation d’insécurité ou de sécurité prendra le dessus. C’est là qu’une vraie politique de prévention manque cruellement.

Que pourrait être une politique de prévention de l’avortement ?

Il faut ouvrir des espaces d’écoute et d’information protégés de l’idéologie. C’est ce que fait Alliance VITA avec son service SOS bébé. La soif d’écoute des femmes enceintes est d’autant plus grande qu’elles sont prises à la gorge par un sentiment d’urgence. Seule l’écoute empathique peut libérer leurs forces de vie. Beaucoup de femmes se laissent glisser sur la pente de l’avortement à contrecœur, parce qu’elles sont paniquées par le bouleversement induit par une naissance qui n’était pas prévue, mais aussi parce qu’elles subissent des pressions : leur compagnon leur dit ne « pas être prêt à devenir père » ; elles craignent d’annoncer une naissance à leur employeur, s’il y a un enfant précédent « trop rapproché ». La société de la performance impose des normes d’autocontrôle et juge sévèrement les femmes qui sont« tombées enceintes » sans l’avoir planifié. 72 % des Françaises qui avortent utilisaient une méthode de contraception dite fiable… La dissociation absolue entre sexualité et procréation se révèle illusoire.

Dans ce contexte, les femmes ont besoin de temps pour s’autoriser à construire un projet alternatif à l’avortement. VITA vient de rééditer son guide Je suis enceinte qui présente toutes les aides auxquelles les femmes ont droit dans cette situation. Nous comblons ainsi une carence révélatrice : le gouvernement a renoncé, depuis 2001, à diffuser ces informations aux femmes enceintes consultant en vue d’un éventuel avortement. Il est temps de changer de paradigme en reconnaissant que la prévention de l’avortement prend tout son sens quand une grossesse non planifiée est déjà en route.

propos recueillis par Frédéric Aimard

Proposition de loi Fin de vie : vers la sédation pour tous ?

À l’instar de l’Académie nationale de médecine, le porte-parole du collectif «Soulager mais pas tuer» dénonce l’interprétation abusive du terme «sédation» employé dans le projet de loi sur la fin de vie.

Tugdual Derville, auteur de cette tribune de Figaro Vox du 9 mars 2015, est fondateur d‘À bras ouverts, auteur de «La Bataille de l’euthanasie» (Salvator). Il est délégué général d’Alliance VITA et porte-parole du collectif Soulager mais pas tuer.

Une expression a émergé dans le débat fin de vie : le mal-mourir. Est-ce le reflet des lacunes de notre système de santé ou d’une angoisse de plus en plus grande devant la mort, à cause de l’isolement?

(…)

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Fin de vie : sédater pour tuer la mort ?

Comment s’annonce le débat sur la fin de vie qui débute à l’Assemblée nationale le 10 mars ?

Tugdual Derville : Les opposants à l’euthanasie sont placés devant un choix truqué : si vous ne voulez pas de l’euthanasie, soutenez la proposition de loi Claeys-Leonetti ! Mais l’accord entre les deux députés autour du « droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès » entre déjà dans la logique de l’euthanasie, même si ce mot n’est pas prononcé. Les consciences sont trompées, et l’objection de conscience écartée.

Ce texte est soutenu par la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs… En réalité, les soins palliatifs sont divisés sur ce texte. Les spécialistes de ce débat reconnaissent qu’il est inutile de légiférer à nouveau ; Jean Leonetti l’avoue d’ailleurs quand on le lui demande. Beaucoup de soignants hostiles à l’euthanasie découvrent à quel point ce texte ne clarifie rien. Les concepts de « maintien artificiel » ou de « prolongation inutile » de la vie ouvrent à tous les abus. Cette loi n’est pas rédigée pour répondre à un besoin social — il suffirait de généraliser l’accès aux soins palliatifs — mais pour calmer une revendication idéologique. C’est indigne de la démocratie. Expliquer que ce texte est inutile, dangereux et déjà transgressif, c’est dire la vérité. Le taire, c’est faire le lit de l’euthanasie, quelle qu’en soit la forme. Déjà l’ADMD s’engouffre dans la faille du texte pour réclamer l’injection létale qui peut paraître plus humaine que la mort sous sédation par déshydratation.

François Hollande veut honorer sa promesse… Le Président a « oublié » bien d’autres promesses, qui se sont révélées insensées. La formulation alambiquée de sa mesure 21 avec l’expression« terminer sa vie dans la dignité » souffre de multiples interprétations… Les Français ont aujourd’hui des préoccupations plus prioritaires, et ne veulent pas d’une nouvelle « bataille sociétale ».

Que pensez-vous du « mal-mourir » dont on taxe la France ? Peut-on raisonnablement avancer qu’en 2015 on meurt dans des conditions pires que lorsqu’il n’y avait pas de soins palliatifs, d’analgésiques performants, pas de morphine, etc. ? En réalité, cette expression traduit l’angoisse croissante des Français devant la mort. Tout se passe comme si mourir naturellement était devenu impossible… Dans une société atomisée par l’individualisme, de nombreuses personnes sentent qu’elles risquent de mourir seules… L’hôpital a progressivement exclu la famille d’une fonction qui lui est propre : celle d’accompagner les siens jusqu’à la mort. Les rites de deuil sont escamotés. L’idée de sédation est tirée du chapeau comme pour « tuer la mort »…

Que reprochez-vous à la sédation ? Il est paradoxal de plaider pour l’anesthésie générale au nom de l’autonomie, alors que la sédation interdit toute expression et toute relation et met le patient à la merci des soignants… C’est la raison pour laquelle la pratique de la sédation en fin de vie est exceptionnelle, et répond à des critères exigeants : solution de dernier recours, qui doit être réversible, et qui ne doit pas viser la mort. Or, ces trois critères sont supprimés dans la proposition Claeys-Leonetti… L’abandon du principe de double-effet est mortel.

On ne meurt pas de sédation… Tout est question de dosage. Ce n’est pas pour rien que chaque intervention chirurgicale nécessite la présence d’un anesthésiste. En décidant que la sédation sera poursuivie jusqu’à la mort, il suffit de l’accompagner d’un arrêt de l’hydratation (abusivement considérée comme un traitement disproportionné) et la mort advient en quelques jours.

Le nouveau texte ne propose cette sédation qu’en fin de vie… Dans deux cas sur trois évoqués oui. Mais l’étiquetage « fin de vie » est à double tranchant. S’il s’agit de favoriser l’accès aux soins palliatifs pour les personnes qui en relèvent, c’est bénéfique. Mais s’il s’agit de justifier une sédation, la pente est glissante. Toutes les études montrent que les médecins ne sont pas en mesure de prédire la survenue de la mort. Déjà, dans certaines maisons de retraite, l’étiquetage fin de vie conduit à des formes d’abandon en termes de traitements et de soins… Gare à un étiquetage valant condamnation à mort ! L’économie du texte de loi étant de garantir la mort sans tarder, cette dérive euthanasique est inéluctable. On se justifiera a posteriori en affirmant que le patient était en fin de vie. Ce sera invérifiable. Quant aux patients qui interrompront un traitement pour mourir, leur demande de sédation s’apparentera au suicide assisté.

Et le troisième cas ? Il s’agit de patients lourdement cérébro-lésés. Ils ne sont pas en fin de vie mais très handicapés. La sédation assortie de l’arrêt d’alimentation et d’hydratation sera une forme d’euthanasie déniée. On prétextera des déclarations antérieures pour les éliminer. Qui les défendra ? Les Français ne voient pas la dignité de ces vies… Leurs soignants et leurs proches — qui n’ont pas été entendus par les auteurs de la loi — sont aujourd’hui conscients de cette grave menace.

Le tableau est décidément très noir… Il l’est plus encore : 85 députés de l’actuelle majorité entendent introduire l’euthanasie explicite, par amendement. Nous devons donc nous préparer à une mobilisation massive.

GPA : une agence américaine de Gestation Pour Autrui annonce son retour en décembre en France

Hier, 20 novembre, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) fêtait ses 25 ans et à cette occasion, la France en a signé à l’ONU le 3ème protocole. Un évènement qui permet de réfléchir en profondeur aux droits des enfants.

Ce même jour, et bien qu’étant sous le coup d’une plainte et d’une enquête judiciaire, une agence américaine de Gestation Pour Autrui (GPA) agissant illégalement en France annonce son retour en décembre dans notre pays, en toute impunité, pour faire la promotion de ses activités commerciales.

Mentionnée dans notre code civil dans le chapitre intitulé Du respect du corps humain, la GPA « restera interdite en France », nous répète-t-on, inlassablement. Nous aimerions y croire, et pourtant, la transcription des actes civils prouve que la loi n’est déjà plus ni dissuasive, ni protectrice.

Prohibée, sauf si délocalisée ? La raison – la protection du corps des femmes, qui justifierait de maintenir l’interdiction des mères porteuses en France, ne serait-elle pas universelle et applicable aux femmes américaines, indiennes, nigériennes ?

Si la GPA  soulève une telle indignation, c’est aussi car elle consacre un droit à l’enfant, légalise un abandon programmé et donne un « prix » à un être humain.

Catalogues de mères porteuses et donneuses d’ovules, clauses du contrat sur la normalité et la santé du fœtus, options sur le choix du sexe du bébé portent à notre attention un autre constat fondamental : la GPA concentre de nombreux enjeux bioéthiques, tels que sélection embryonnaire, tri prénatal, médecine prédictive et même euthanasie néonatale.  Car si l’enfant n’est plus un don mais un dû, inévitablement, la GPA est et sera mère de l’eugénisme.

Le débat sur la GPA nous offre une formidable opportunité de redécouvrir la beauté et la force naturelle et surnaturelle de la relation mère-enfant in-utéro, révélée notamment aux parents et soignants des grands prématurés. Un contrat passé sur lui n’empêchera jamais un enfant de s’attacher viscéralement à celle en qui sa vie a pris corps.

Cette relation originelle, premier lien qui unit un être humain à un autre et au monde dans lequel il va naître, est sans doute le premier et le dernier ancrage qui reliera nos vies au réel, dans ce monde qui se veut de plus en plus déconnecté, désincarné. Méditer et valoriser la grandeur et la beauté de la maternité est une chance à saisir et une réelle urgence pour notre monde.