Gamètes artificiels. Des souriceaux conçus uniquement par des cellules mâles.

Gamètes artificiels. Des souriceaux conçus uniquement par des cellules mâles.

Une étude publiée ce mercredi 15 mars 2023 dans la revue Nature fait état d’une nouvelle expérimentation menée par des scientifiques japonais, au sujet de ce qu’on appelle les « gamètes artificiels ». Ce sont des cellules reproductives (ovocyte, spermatozoïde) obtenus de manière artificielle, et non simplement prélevées ou recueillies.

Cette étude a été réalisée par l’équipe du biologiste du développement Katsuhiko Hayashi, de l’Université de Kyushu. Ses détails ont été présentés au “human gene-editing summit” (sommet sur l’édition du génome) au Crick Institute de Londres le 8 mars dernier.

L’un des moyens explorés pour obtenir des “gamètes artificiels” utilise la technique de reprogrammation cellulaire, dite IPS (cellules souches pluripotentes induites), découverte par un autre Japonais, le professeur Shinya Yamanaka, qui reçut pour cela le Prix Nobel de médecine en 2012.

Cette technique permet de redonner à une cellule dite adulte (comme une cellule de peau, par exemple) la possibilité de pluripotence d’une cellule-souche. La pluripotence est la capacité originelle pour une cellule de se différencier en tous les types cellulaires constituant un organisme adulte.

Dans l’étude mentionnée, ce sont des cellules de peau d’une souris mâles qui ont été reprogrammées. Comme chez l’humain, ces cellules animales sont toutes composées d’une paire de chromosomes sexuels, ici il s’agissait de males, donc une paire XY. Ces cellules de peau ont été artificiellement modifiées pour « perdre » leur chromosome Y et pour « accueillir » un deuxième chromosome X, dupliqué du premier. Les cellules devenues ainsi porteuses de la paire de chromosomes sexuels féminins XX ont pu alors être reprogrammées pour devenir pluripotentes. Elles ont ensuite été artificiellement contraintes de se différentier en cellules reproductrices, donc en ovocytes.

L’un des caractères inédits de cette expérimentation vient du fait que les cellules ainsi artificiellement obtenues ont acquis une capacité de fécondabilité. Ces ovocytes artificiels ont en effet été fécondés par du sperme de souris mâle, puis implantés dans un utérus de femelle souris.

Sur un total de 630 essais, 7 souriceaux, d’apparence normale, sont nés. En termes de chiffre, de l’aveu même de Hayashi, ce n’est pas encore une méthode très efficace.

Bien qu’évoquées et envisagées depuis longtemps, les applications humaines ne sont pas imminentes. Elles soulèvent indiscutablement de vertigineux enjeux éthiques, anthropologiques, philosophiques et sanitaires. Pour Robin Lovell-Badge, biologiste et généticien au Crick Institute de Londres : « on ne maîtrise pas encore pour l’homme la technologie qui a ici été utilisée pour transformer une cellule souche d’une souris mâle en ovocyte. Le processus prendrait aussi beaucoup plus longtemps.  Ce serait un défi technique d’une tout autre ampleur, car il faudrait maintenir l’intégrité des échantillons en laboratoire sur une période beaucoup plus longue, ce qui multiplie les risques d’accidents ». Même constat pour le professeur George Daley de la Harvard Medical School pour le média britannique : « Faire cela sur des humains est plus difficile que la souris. Nous ne comprenons toujours pas assez la biologie unique de la gamétogenèse humaine (la formation de cellules reproductrices) pour reproduire le travail de Hayashi».

Au-delà des questions techniques se posent des interrogations éthiques. «Le fait de pouvoir faire quelque chose ne veut pas nécessairement dire qu’on doive le faire (…) particulièrement quand on parle d’une espèce d’être humain», a aussi commenté Nitzan Gonen, directeur du laboratoire sur la détermination des sexes à l’Université israélienne Bar-Ilan University.

Pour Alliance VITA, il est compréhensible que ces recherches soient fascinantes pour ceux qui les mènent. Elles peuvent permettre de mieux comprendre les procédés de gamétogenèse et leurs dysfonctionnements. Mais les applications humaines tapies derrière sont très inquiétantes. Notre époque a déjà vu naitre des bébés génétiquement modifiés, même plus des essais sur l’homme, mais des essais d’homme. Ces expérimentations animales impliquent de renforcer à l’international les garde-fous pour nous prémunir de telles expérimentations sur l’être humain.

Pour aller plus loin : 

Gamètes artificiels, toujours plus loin ? 2021

Bébés sur mesure – le monde des meilleurs. Blanche STREB (Artège, 2018)

La fabrication artificielle de spermatozoïdes – 2016

Quand les enfants vont mal : un rapport lance une alerte sur l’état de santé mentale des enfants

Quand les enfants vont mal : un rapport lance une alerte sur l’état de santé mentale des enfants

Un rapport publié récemment et intitulé “quand les enfants vont mal, comment les aider” lance une alerte sur l’évolution de la santé mentale des enfants et les difficultés de prise en charge associée.

Alerte à la sur-médication

Adopté le 7 mars par le Haut Conseil de la Famille, de l’enfance et de l’âge, et publié sur leur site, ce rapport long de 172 pages se penche en profondeur sur la santé mentale des enfants, étant précisé qu’il s’agit d’une étude sur des enfants de 6 à 17 ans. Selon ses propres termes, le HCFEA “alerte sur la montée de la consommation de médicaments psychotropes par des enfants et adolescents“. Les données utilisées dans le rapport indiquent des fortes hausses de consommation entre 2014 et 2021 : 48% pour les antipsychotiques, 62% pour les antidépresseurs et 155% pour les hypnotiques et sédatifs. Si cette tendance a démarré avant la crise sanitaire liée à la Covid 19, elle s’est affirmée particulièrement en 2021 : hausse de 23% pour les antidépresseurs comparée à l’année précédente, et 224% pour les hypnotiques. En 2010, la consommation de médicaments psychotropes touchait 2.5% des enfants et adolescents. Elle atteindrait maintenant 5% de cette population, ce qui concerne 500 000 enfants (source INSEE, 2019). Le rapport relève deux traits significatifs et inquiétants :

  • D’une part, cette augmentation ne se retrouve pas dans les autres pays d’Europe et d’Amérique du nord
  • D’autre part, cette consommation “se situe pour une large part hors des conditions réglementaires de prescription”.

Sur ce dernier point, le rapport consacre, dans sa synthèse, un paragraphe intitulé “une mise à mal systématique des obligations réglementaires de prescription”. Concrètement, cette “mise à mal” se décline sur différents facteurs : une prescription avant l’âge de 6 ans, une durée de traitement particulièrement longue, une prescription hors AMM (Autorisation de mise sur le Marché). Le phénomène de co-prescriptions nombreuses de médicaments psychotropes (c’est-à-dire une substance agissant sur l’état du système nerveux central) est également dénoncé. Les auteurs soulignent que “ces co-prescriptions ne font l’objet d’aucune étude ni validation scientifique”. Enfin, des études ont établi que cette sur-médication affectait davantage les enfants les plus jeunes de leur classe et ceux issus des milieux plus défavorisés.

L’accompagnement psychologique, éducatif et social, soin de première intention

Selon le HCFEA, les autorités sanitaires comme la HAS (Haute Autorité de Santé) et l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament), les soins de première intention pour les troubles mentaux chez l’enfant se déclinent en 3 axes :

  • Les pratiques psychothérapeutiques,
  • Les pratiques éducatives,
  • Les pratiques de prévention et d’intervention sociale.

Le traitement médicamenteux est décrit comme une prescription de deuxième intention en soutien de l’accompagnement psychologique, éducatif et social de l’enfant et de sa famille. Les réserves sur la prescription de médicaments s’appuient sur “la rareté d’études robustes sur l’efficacité des traitements médicamenteux chez l’enfant“, et l’existence “d’effets indésirables importants et une balance bénéfice/risque qui conduit à un nombre limité d’AMM pour les médicaments psychotropes en population pédiatrique“.

Un “effet de ciseau” entre hausse des besoins de soins et déficit chronique de l’offre de soins.

L’effet de ciseau est provoqué par deux tendances inverses :

  • d’une part, selon le rapport, la santé mentale “est considérée comme la première problématique de santé publique chez l’enfant en France et au niveau international”. Le nombre d’enfants ou d’adolescents en difficultés psychiques augmentent. Des facteurs négatifs jouent sur cette tendance. Sont citées la crise sanitaire, la guerre en Ukraine, l’éco-anxiété, les crises économiques et les inégalités sociales. Hausse de la demande donc.

 

  • d’autre part, du côté de l’offre de soins, sa dégradation reflète celle constatée dans le système de santé en général, et de la psychiatrie en particulier. Le rapport souligne :” l’offre pédiatrique, pédopsychiatrique et médicosociale est en recul et ne permet plus d’accueillir dans des délais raisonnables les enfants et les familles (délais d’attente de 6 à 18 mois sur le territoire). Faute de spécialistes, la majorité des consultations de l’enfant est réalisée par le médecin généraliste. La situation de la médecine scolaire, de la PMI et de l’ensemble des acteurs du champ médicosocial est très altérée et ne permet plus d’assurer les missions de service public d’accueil et de suivi de l’ensemble des enfants et des familles“. Ce déficit structurel dans la prise en charge des enfants a pour effet le “recours faute de soins adaptés, à la seule prescription de médicaments psychotropes alors même que l’indication ne correspond pas, en première intention, à la situation de l’enfant“.

 

Le drame des suicides

Avant la pandémie, le taux de suicide des jeunes dans la population générale était au-dessus de la plupart des pays européens (Santé publique France, Bulletin épidémiologique hebdomadaire, février 2019). En 2022, deux pédopsychiatres ont publié une tribune d’alerte cosignée par plus de 700 professionnels du soin aux enfants et adolescents, dans laquelle ils soulignent que « le délitement des structures de soins empêche les soignants d’exercer leur fonction de dernier rempart contre les tentations suicidaires des jeunes, dont la hausse massive est attestée ». Ils y pointent  à quel point « la faiblesse du tissu social (soutien familial et intégration sociale) est un facteur pronostique majeur dans les problématiques suicidaires. Sa fragilité en France ainsi que le sentiment d’isolement des jeunes étaient déjà bien identifiés dans les analyses sociologiques du suicide»

Comment aider les enfants ?

La troisième partie du rapport se penche sur les ressources et les savoir-faire existant pour améliorer la santé mentale des enfants. Les 3 axes de soin de première intention, cités plus haut, sont examinés de façon détaillée.

Concernant les psychothérapies, le rapport détaille les différentes approches (psychanalytique, comportementales et cognitives, thérapies familiales). Les critiques et controverses concernant l’efficacité de chaque approche sont croisées avec des études scientifiques. Au-delà de ces débats d’experts, le rapport consacre une partie aux repères fondamentaux pour des pratiques psychothérapeutiques avec les enfants. Les auteurs mettent en exergue l’importance de la qualité de la relation dans tous les cas, citant un rapport de l’Académie de médecine de 2022 “Psychothérapie : une nécessaire organisation de l’offre“.

Aider les enfants, selon le HCFEA, nécessite une ambition et des moyens. Sa recommandation finale consiste à “renforcer considérablement les moyens structurels dédiés à la santé mentale de l’enfant et au déploiement d’une politique publique ambitieuse en la matière, ce qui implique de renforcer les moyens de la pédopsychiatrie mais également les moyens dédiés aux approches psychothérapeutiques, éducatives et sociales destinées à l’enfant et à la famille“.

Ce rapport soulève la question des moyens et des priorités dédiées à l’enfance. Un autre enjeu se dessine. Dans d’autres domaines, par exemple la dysphorie de genre, les autorités veulent donner la priorité aux traitements médicamenteux (hormones…) plutôt qu’aux approches thérapeutiques. Il ne faudrait pas que cette tendance masque un abandon de la relation de soins.

La question du bien-être et de la santé mentale des jeunes devrait être une préoccupation de premier ordre dans notre pays. Ils sont la France de demain. La question du soutien aux familles est prépondérante.

 

Sensibilisation aux derniers secours

Sensibilisation aux derniers secours

Sensibilisation aux derniers secours

 

Les ateliers de formation « Derniers secours » arrivent en France, en partenariat avec la SFAP (société française d’accompagnement et de soins palliatifs).

« Derniers secours » est une formation courte (de 4 à 6 heures) proposée à des personnes qui désirent se familiariser avec l’accompagnement d’un proche en fin de vie. Objectif : aider chacun à appréhender ces situations délicates. Ouverte à tous, cette formation est gratuite. Ce type d’ateliers existait dans une quinzaine de pays sous le nom de « Last aid ».

En lien avec la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, ils se multiplient désormais dans l’hexagone, sous l’impulsion de Catherine Renard, accompagnatrice en soins palliatifs. Un site spécifique a été lancé pour la France ; les stages proposés y sont répertoriés, avec inscription en ligne.

Chaque session « Derniers secours » s’appuie sur un binôme d’animation bénévole, constitué par un soignant et un non-soignant, tous deux expérimentés en soins palliatifs. Il réunit soit en présentiel, soit en visioconférence un petit groupe de personnes qu’il va initier aux gestes et attitudes essentielles d’accompagnement des personnes gravement malades ou dépendantes, notamment celles qui approchent du terme de leur vie.

Présentée par ses initiateurs comme une démarche « participative et solidaire », cette formation est avant tout un échange et un partage d’expérience, sur un sujet qui concerne chacun, bien qu’il demeure souvent tabou. C’est une façon de lever des peurs pour se réapproprier les rites et pratiques de l’accompagnement jusqu’à la mort. Ouverte à tous, la session « Dernier secours » sensibilise, informe et guide ces accompagnants que chacun peut devenir : conjoint, frère ou sœur, enfant, ami…

La fin de vie de quelqu’un de cher induit des émotions parfois vives, souvent contradictoires, qu’il est bon de repérer, d’accueillir et de canaliser ; elle appelle des gestes et des attitudes spécifiques, auxquels chacun peut être initié. Elle provoque au jour le jour des questions de fond, parfois complexes.

Les soins palliatifs sont ouverts aux volontaires, eux-mêmes sélectionnés, formés et supervisés. Ils ne sont pas seulement faits pour les personnes malades ; ils sont aussi destinés à leurs proches. Ces aidants familiers intimement concernés par une fin de vie, alors qu’ils n’en ont le plus souvent pas l’expérience, sont souvent extrêmement mobilisés, tant en temps qu’en intensité. Eux aussi sont éprouvés et ont besoin d’écoute et d’aide.

Cette formation en prend soin. Ces quelques heures de sensibilisation et de témoignage peuvent éclairer, rassurer, guider, en évitant bien des tâtonnements, des maladresses, des souffrances ou des malentendus. De multiples questions peuvent être abordées : comment saisir l’occasion de parler de sa mort avec un proche qui l’évoque à demi-mots ? Quels gestes simples peuvent apaiser ou consoler ? Y a-t-il des signes qui suggèrent que la mort est proche ?

Comment être certain qu’elle est advenue ? Interviewée par France Inter, Catherine Renard souligne que « la mort n’appartient pas qu’à l’hôpital, à la médecine ; elle appartient à tout un chacun. » Cette formation d’intérêt public a en effet le grand mérite de remettre la question-clé de la mort au cœur de la vie.

 

Retrouvez tous nos articles sur l’accompagnement et les aidants.

 

sensibilisation aux derniers secours

Suivez-nous sur les réseaux sociaux :

Session #5 Convention citoyenne : De la sédation au débat sur l’aide active à mourir

Session #5 Convention citoyenne : De la sédation au débat sur l’aide active à mourir

Du vendredi 3 au dimanche 5 février, la Convention citoyenne sur la fin de vie s’est réunie pour son cinquième week-end. Après l’audition de Régis Aubry sur la sédation profonde et continue jusqu’au décès, cette session a donné une large part à un débat sur l’autorisation de l’aide active à mourir et sur ses modalités de mise en œuvre.

L’intervention de Régis Aubry

-sur la sédation profonde et continue jusqu’au décès

En ouverture de cette troisième et avant-dernière session de la phase de délibération, le professeur Régis Aubry, Président de l’Observatoire National de la Fin de Vie et co-rapporteur de l’avis n°139 du CCNE, était invité pour apporter ses éclairages sur la pratique de la sédation profonde et continue jusqu’au décès et répondre aux questions des citoyens.

Celui-ci a commencé par expliquer de quoi il s’agit. Cette disposition figure dans la loi Claeys-Leonetti de 2016. Elle correspond à un « coma pharmacologique, médicamenteux » où la vigilance est altérée jusqu’au décès. Le médicament utilisé est le Midazolam.

Régis Aubry a également rappelé les trois cas dans laquelle ce type de sédation peut être utilisée :

  • Maladie grave et incurable avec un pronostic vital engagé à court terme,
  • Arrêt d’un traitement « vital » (respiration artificielle par exemple),
  • Patient non conscient, au titre du refus de l’obstination déraisonnable, au terme d’une procédure collégiale.

Rapidement a été posée la question de l’efficacité de la sédation pour soulager la douleur. Sur ce point, Régis Aubry a indiqué qu’il demeurait encore des « zone d’incertitude » et que des recherches étaient actuellement en cours. Surtout, il convient de distinguer les douleurs physiques, que l’on peut prendre en charge par des antalgiques, et les souffrances d’ordre moral ou existentiel, fréquentes en fin de vie.  Pour cela, l’écoute revêt une importance majeure mais n’est pas toujours valorisée.

  • Euthanasie versus suicide assisté

La discussion n’est pas restée cantonnée à la seule pratique de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, mais a également porté sur l’aide active à mourir. Sur cette question, Régis Aubry a souligné l’incompatibilité pour les professionnels de santé entre soigner et donner la mort : « Comment pouvons-nous nous dissocier sur un plan humain au point de pouvoir un jour tout faire pour lutter contre la douleur et accompagner la souffrance, et le lendemain injecter un produit létal ? ». Il a également rappelé que les demandes d’euthanasie pouvaient évoluer dans le temps, voire disparaître. Il a mis en garde particulièrement sur la situation des personnes âgées dépendantes, se sentant un poids pour la société. Selon lui, avant toute évolution éventuelle de la loi, il doit y avoir au préalable « un engagement politique fort, clair et constant, pour que notre société accompagne les personnes en situation de vulnérabilité ».

Néanmoins, il convient selon lui d’envisager la possibilité d’une aide active à mourir lorsque la volonté du patient « semble correspondre à sa demande. » Au cours de son intervention, il a alors développé des arguments pour bien distinguer l’euthanasie et le suicide assisté. La première ne laisse pas la possibilité au patient d’être ambivalent dans la demande de mort, et implique un tiers (le médecin), tandis que, dans le cas du suicide assisté, non seulement le médecin n’est pas impliqué, mais il y aurait la possibilité de respecter l’ambivalence et les évolutions du patient. Régis Aubry s’appuie sur l’exemple de l’Oregon où seule une petite partie des personnes ayant fait une demande pour un produit létal se le procurent puis l’absorbent.

C’est la position défendue dans l’avis n°139 du CCNE, dont il est co-rapporteur, plaidant à la fois pour un « respect de la volonté » du patient et un devoir de solidarité pour les personnes plus vulnérables.

On peut néanmoins se demander si l’acceptation du suicide pour certaines catégories de personnes, au nom du respect de leur volonté propre, est réellement compatible avec ce devoir de solidarité, alors que le Ministère de la Santé vient de rappeler dans un communiqué du 3 février que la prévention du suicide était un enjeu majeur de santé publique. De plus, n’est-il pas illusoire de penser qu’il est possible de reconnaître, derrière l’expression d’une demande d’aide à mourir, une volonté absolument autonome et libre de toute pression, même intériorisée ?

La mise en œuvre de l’aide active à mourir au cœur du programme de cette session

Au cours de la journée du samedi, les citoyens étaient invités à travailler sur quatre « nœuds du débat » : l’éventuelle ouverture de l’accès à l’aide active à mourir, les éventuelles modalités d’accès de l’aide active à mourir, la forme de l’aide active à mourir (euthanasie, suicide assisté ou les deux) et la pleine application du cadre actuel et l’accompagnement de la fin de vie repensé. Au cours des débats, les citoyens ont constitué des groupes pour défendre les différentes positions. Le journal La Croix donne des chiffres sur la répartition des groupes :  « À la question « Faut-il ouvrir l’accès à une aide active à mourir ? », 27 participants ont choisi de soutenir que non, 41 ont défendu l’idée d’une ouverture à toute demande, 95 ont estimé que cette ouverture devait être conditionnée et 2 sont restés indécis. ».

Même si, selon les propos de la présidente du comité de gouvernance, Claire Thoury, « chacun peut encore changer d’avis », cette répartition donne toute de même une première idée des équilibres au sein de la Convention citoyenne.

Alors qu’il ne reste qu’un seul week-end avant de passer à la dernière phase de conclusion et de restitution des travaux, on peut s’interroger sur le temps de débat consacré à la seule aide active à mourir, et sur le choix d’imposer à tous les citoyens, même ceux qui y sont opposés de débattre sur des modalités éventuelles de mise en œuvre. Au regard des dix enjeux prioritaires qui avaient été fixés par les citoyens, ce temps dédié à cette seule question paraît, pour le moins, démesuré.

 

Conférence de La Haye et GPA : une impasse éloquente

Conférence de La Haye et GPA : une impasse éloquente

La Conférence de La Haye de droit international privé travaille depuis des années sur la gestation pour autrui – une pratique qui reste interdite dans de nombreux pays – avec un objectif grave : élaborer des accords internationaux pour en « encadrer » les conséquences, notamment en matière de filiation. Le constat d’échec qu’elle vient de donner nous démontre qu’on ne règle pas les problèmes liés à une pratique intrinsèquement contestable, sans la remettre en question.

La Conférence de La Haye est une organisation intergouvernementale qui élabore des conventions internationales et qui regroupe à ce jour 90 Etats. La France en fait partie. On la connait bien pour son travail sur la Convention pour l’adoption internationale de 1993.

Depuis 2015, – « poussée par quelques gouvernements et, probablement aussi, par quelques firmes spécialisées dans ce type de commerce » – comme l’analyse l’association Juristes pour l’Enfance, elle a mis en place un groupe de travail sur la GPA. Il s’intitule « Filiation/Maternité de substitution » et est composé de fonctionnaires des ministères de la justice, d’avocats, d’universitaires et d’associations qui sont simplement « observatrices », comme l’Unicef.

Ses membres ont étudié les différentes législations et se sont réunis une douzaine de fois. Leur objectif de départ était d’élaborer des « accords internationaux » en vue de la reconnaissance internationale de la filiation. En somme, de déterminer dans quelles conditions la filiation des enfants issus de GPA dans un pays pouvait être reconnue dans un autre pays. Par exemple, un enfant né d’une mère porteuse dans certains Etats des Etats-Unis peut bénéficier d’un acte de naissance qui mentionne comme « mère » celle qu’on nomme « mère d’intention » et non celle qui l’a porté et mis au monde. Un acte faux, donc, qui ne reflète pas la réalité et qui n’est pas reconnu dans d’autres pays.

La gestation pour autrui nie gravement le principe selon lequel le corps humain ne peut faire l’objet de contrats. Qu’elle soit « commerciale » ou « gratuite », c’est une pratique contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant et qui instrumentalise le corps des femmes. La tolérer, sous quelque forme que ce soit, revient à en accepter les mécanismes d’exploitation des femmes et des enfants qu’elle exige. Et c’est passer volontairement sous silence qu’il s’agit d’un marché de plusieurs millions de dollars. Ainsi, aboutir sur de tels accords reviendrait tout simplement à créer une convention internationale sur la GPA. « Un véritable chèque en blanc pour le commerce mondialisé des mères porteuses dans les pays les plus pauvres du monde » dénonçait depuis longtemps la CIAMS, collectif d’associations féministes qui milite pour l’abolition de la GPA.

Or, depuis 2021, le mandat de ce groupe de travail a été réduit. Il lui a été demandé seulement de fournir une évaluation de la possibilité d’élaborer ces accords. Fin 2022, sa conclusion tombe : il recommande de constituer un groupe de travail afin de mieux éclairer les considérations et décisions politiques concernant le champ d’application, le contenu et l’approche de tout nouvel accord. En définitive, le groupe de travail aboutit à recommander la création d’un groupe de travail…. Pour Juristes pour l’Enfance, il s’agit d’un « cinglant aveu d’échec ».

Cela démontre l’impossibilité de définir des règles universelles pour autoriser la GPA. Le problème n’est pas de résoudre les conséquences de la GPA en matière de filiation, mais bien de l’interdire. Aboutir à une impasse, c’est constater qu’il faut faire marche arrière. La seule issue raisonnable est incontestable : travailler à l’abolition mondiale de la GPA. Une mesure d’une urgence criante sur laquelle Alliance VITA alerte depuis de nombreuses années.

Pour aller plus loin :

Déconstruire la GPA « éthique », VITA 2021
[Vidéo] – Webinaire VITA « La réalité de la GPA »
Dossier bioéthique d’Alliance VITA