Suicide : augmentation inquiétante chez les jeunes

Suicide : augmentation inquiétante chez les jeunes

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Les dernières données montrent une augmentation inquiétante de suicides chez les jeunes, plus particulièrement des filles en 2020 et 2021, avec une persistance dans les premiers mois de 2022.

Avec près de 9 200 décès par suicide par an, la France présente un des taux de suicide les plus élevés d’Europe.

La période de pandémie a fait apparaître un phénomène en croissance de plus de 22% chez les jeunes femmes en 2021. Les professionnels appellent à la mobilisation de tous pour enrayer le phénomène.

Sur les 3 premiers mois de de 2022, Santé Publique France a enregistré 6418 passages aux urgences , en hausse de 27% sur la même période en 2021.

Les filières d’accueil psychiatriques se révèlent sous dimensionnées comme le rapporte le journal Libération qui a consacré un dossier sur cette question.

Comment expliquer ce phénomène ? Comme le rapporte un article paru dans le Monde, “la crise sanitaire et le climat anxiogène qu’elle a engendré ont particulièrement affecté la santé mentale des enfants, des adolescents et des jeunes adultes dans la plupart des pays ». Elle a sans doute rehaussé le niveau de vulnérabilité individuelle. D’autres facteurs augmentent le risque suicidaire : le rôle des difficultés vécues dans l’enfance et l’adolescence (violence physique, sexuelle ou psychologique), les problèmes psychiatriques (dépression, troubles anxieux et alimentaires), la consommation de drogue ou d’alcool, l’impulsivité, une rupture amoureuse, la pression scolaire ou le harcèlement à l’école et via les réseaux sociaux.

Si le nombre absolu de suicides est plus important pour les hommes de 45-54 ans, c’est pour la classe d’âge des 25-34 ans que l’importance des décès par suicide, relativement aux autres causes de mortalité, est la plus forte : le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes.

 

Les singularités du suicide à l’adolescence

Le 3ème rapport de l’Observatoire national du suicide (ONS) souligne en 2018 les interactions entre comportements suicidaires et processus d’adolescence.

L’adolescence est une période marquée par un entre-deux : l’adolescent n’est plus un enfant et pas encore un adulte. La complexité de cette transition est aujourd’hui augmentée du fait d’une délimitation de l’adolescence moins nette qu’auparavant. La sortie plus rapide de l’enfance et le passage plus chaotique à l’âge adulte brouillent le début et la fin de l’adolescence. Chez les jeunes en souffrance les troubles des conduites et l’inadaptabilité sociale sont beaucoup plus précoces que par le passé, en particulier les violences contre soi ou contre les autres et l’exposition de soi par le biais d’internet. Les jeunes ne sont pas plus nombreux à aller mal à l’adolescence, mais ceux qui sont en souffrance, vont mal plus tôt et sans doute de façon plus marquée.

Les pratiques numériques – qui jouent aujourd’hui un rôle prépondérant dans la vie de la plupart des adolescents – ont parfois pour effet de réduire leur durée de sommeil, de diminuer leur activité physique et de les surexposer aux médias. Or, ce trio de facteurs est associé fortement aux idées suicidaires et aux symptômes dépressifs et anxieux.

De plus, l’usage des technologies numériques creuse les inégalités entre les jeunes face au suicide. Il présente en effet un atout pour les adolescents qui évoluent dans un environnement familial et scolaire sécurisant et qui vont bien, mais constitue un espace qui expose les plus vulnérables à la souffrance et au risque suicidaire.

Le risque de « contagion » des comportements suicidaires chez les jeunes peut, dans certaines circonstances particulières, être amplifié par le biais des outils numériques, notamment des réseaux sociaux qui peuvent véhiculer des informations et des images spectaculaires ou romancées du suicide. Les jeunes semblent ainsi particulièrement sensibles à cet effet d’imitation, notamment lorsqu’ils sont confrontés au suicide d’un pair.

« La conjonction de la place plus importante des mondes virtuels, de la diminution du rôle sécurisant des familles et de l’exigence de performance, associée aux changements psychiques et physiques spécifiques à l’adolescence, doit ainsi être interrogée comme facteur aggravant du mal-être et comme éventuelle contribution aux conduites suicidaires chez les adolescents. » conclut le rapport de l’observatoire national du suicide.

 

La prévention du suicide

Chez les jeunes, les usages de substances psychoactives, le décrochage scolaire et les symptômes dépressifs pourraient être utilisés comme des indicateurs pour le repérage de profils d’adolescents présentant un risque accru de conduites suicidaires.

Après des années d’attente, un plan de prévention lancé par les pouvoirs publics en 2018 a vu la mise en place de la ligne d’écoute 3114, numéro national de prévention du suicide. Près de 70 000 appels ont été reçus depuis. Il est prévu de renforcer l’adaptation aux jeunes du dispositif de suivi VigilanS, créé en 2015 dans les Hauts-de-France

D’autres actions pour éviter la contagion sont développées, avec des programmes comme Papageno pour contrer « l’effet Werther » qui désigne le phénomène de suicide mimétique mis en évidence en 1982 par le sociologue américain David Philipps. L’Organisation Mondiale de la Santé, en partenariat avec l’Association internationale pour la prévention du suicide (IASP) a publié des recommandations, en particulier à l’attention des médias : il s’agit entre autres d’éviter le langage qui sensationnalise et normalise le suicide, ou qui le présente comme une solution aux problèmes ; de ne pas donner de détails sur le lieu et la méthode utilisée dans un suicide ou une tentative de suicide ; et de fournir des informations sur les ressources d’aide.

Nous constatons depuis plusieurs années que la médiatisation de revendications de « suicide assisté » par des lobbies ou au travers d’affaires médiatiques produit un effet de contagion, comme Alliance VITA en a témoigné lors de son audition auprès du Comité consultatif national d’éthique en octobre 2021. Comment est-elle compatible avec la prévention de tous les suicides ? Une étude intitulée « Euthanasie et suicide assisté chez les patients psychiatriques : une revue systématique de la littérature » souligne que le nombre de patients psychiatriques demandant l’euthanasie ou le suicide assisté dans le monde ne cesse d’augmenter et conclut : « Étant donné que la prévention du suicide reste une importante priorité de santé publique, il est nécessaire de s’assurer que la demande d’euthanasie ou de suicide assisté n’est pas simplement un moyen (très efficace) de réaliser un suicide. Actuellement, il existe de nombreuses preuves que les patients qui demandent/reçoivent l’euthanasie ou le suicide assisté sont très similaires à ceux qui meurent par suicide. »

Nouvelle loi bioéthique : les premiers chiffres de l’AMP

Nouvelle loi bioéthique : les premiers chiffres de l’AMP

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La loi bioéthique d’aout 2021 a introduit de nombreuses modifications dans le domaine de l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP). Désormais, l’accès à l’AMP n’est plus relié à la condition médicalement constatée d’infertilité. Les femmes seules ou en couples de femmes peuvent demander à bénéficier d’un don de sperme ou d’embryon. L’autoconservation des gamètes (sperme et ovocytes) est ouverte à tous, sans raison médicale. Désormais, les enfants nés de don anonyme auront accès à des informations sur leur donneur. Un comité national de suivi de son application a été mis en place par l’Agence de la biomédecine. Le 16 mai 2022 s’est tenue leur troisième réunion à l’issue de laquelle il a communiqué les premiers chiffres montrant l’impact de la loi. Ces données sont basées sur une enquête menée dans les centres autorisés à l’activité de don de spermatozoïdes sur 3 mois, entre le 1er janvier et le 31 mars 2022.

 

Concernant la PMA et les femmes seules et aux couples de femmes

Il y a eu 5126 demandes de consultation pour don de sperme par 47% de couples de femmes et 53% de femmes seules. 53 tentatives d’AMP avec don de spermatozoïdes ont été réalisées au bénéfice de ces nouveaux publics. Le délai moyen d’attente est de 15 mois environ. Les règles d’attribution viennent d’être clarifiées par décret. Celle-ci se fait dans l’ordre chronologique d’arrivée des demandes validées. Il est précisé dans ce décret que certains critères ne peuvent exclure, prioriser ou restreindre l’accès au don, par exemple : le fait d’être marié ou non, d’avoir déjà des enfants ou non, l’orientation sexuelle du ou des demandeurs.

Sur l’année 2019, les données de l’ABM montrent qu’il y a eu 409 naissances par don d’ovocyte (pour 2100 tentatives), 987 par don de sperme (pour 4814 tentatives) et 37 par don d’embryon (pour 151 tentatives) au sein de couples composés d’un homme et d’une femme, en âge de procréer et souffrant d’une infertilité médicalement constatée.

Par ailleurs, chaque couple ou femme seule peut choisir l’option « appariement » ou non. Entendre par là une demande de sélection de gamètes ou d’embryons selon des critères physiques tels que la couleur de la peau, des yeux, des cheveux. Cet appariement, précise le décret, est réalisé dans la mesure du possible à la demande de chaque bénéficiaire.

 

Concernant l’autoconservation des ovocytes et du sperme sans raisons médicales

La mise en banque de ses ovocytes constitue un processus complexe, lourd (stimulation ovarienne, ponction sous anesthésie générale) non dénué d’effets secondaires et n’assurant pas la garantie d’une maternité ultérieure. 2553 femmes ont déjà fait une demande de consultation en seulement 3 mois contre seulement 47 hommes.

 

Concernant le droit aux origines

A compter de septembre 2022, à leur majorité, les enfants nés de dons anonymes auront le droit d’accéder à l’identité du donneur à leur majorité, ainsi qu’à des données non identifiantes (âge, situation familiale et professionnelle au moment du don, motivations du don) des donneurs de gamètes ou d’embryons à l’origine de leur vie. Un registre national est en cours de création. Il sera aussi géré par l’Agence de la biomédecine. Pour toutes les personnes qui ont procédé à un don avant le changement de la loi, en pensant que leur anonymat serait protégé à vie, ils peuvent se manifester pour donner leur accord pour la transmission de toutes ces données aux enfants qui en feront leur demande. S’ils ne le font pas (par ignorance de ce changement de cadre législatif ou par souhait de rester anonymes) leurs données ne seront pas communiquées aux personnes nées de leur don et les gamètes éventuellement restant en stock seront détruits.

Tout au long du processus législatif, Alliance VITA n’a eu de cesse d’expliquer les enjeux sanitaires, éthiques et juridiques au regard de ces basculements majeurs.

Dès avant la modification de la loi qui réservait l’accès de la PMA aux personnes confrontées à une infertilité médicalement constatée, Il y avait plus de demandes d’accès aux dons que de donneurs.

La rareté des donneurs témoigne qu’il n’est pas si simple de procéder à des dons de gamètes, car en transmettant une part de son patrimoine génétique c’est sa paternité ou sa maternité potentielle qui est en jeu.

C’est pourquoi Alliance VITA a plaidé pour de véritables recherches sur les causes de l’infertilité, notamment comportementales et environnementales, et sa prévention ainsi que pour une recherche active sur la restauration de la fertilité proprement dite, pour limiter le recours à la PMA et en particulier la PMA avec donneurs.

Aujourd’hui, Il y a donc, et c’était prévisible, une pression exercée pour que des centres à but lucratif voient le jour. Avec derrière, un réel risque de basculer dans un marché de la procréation, déjà à l’œuvre dans d’autres pays.

L’ouverture à l’autoconservation des ovocytes est un procédé qui crée et instrumentalise l’anxiété des femmes à ne pas pouvoir avoir d’enfant, tout en les encourageant à repousser à plus tard leur grossesse, instituant ainsi une perte de chance. Le passage par la FIV étant rendu indispensable, leur faible taux de succès se voit en plus aggravé lorsque l’âge avance. Cette fausse « assurance maternité » crée en réalité un nouveau marché sur le ventre des femmes.

Enfin, il convient de rappeler que notre pays a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant. Un texte à valeur juridique internationale et contraignant – supérieur aux lois nationales – qui dispose le droit pour tout enfant, dès sa naissance, à un nom, une nationalité et, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d’être élevé par eux. Cette PMA dite « pour toutes » qui organise la conception d’un enfant d’une manière qui fait volontairement disparaitre le père en lui permettant un simple accès à “l’identité” de son « géniteur » et seulement à sa majorité rentre en contradiction avec ce droit international, ratifié par la France, qui vise à protéger les enfants.

 

Pour aller plus loin :

PJL bioéthique : Décryptage après la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale
Plus qu’un don de gamète, une hérédité
Congeler ses ovocytes ? On n’épargne pas sa vie…
Connaître ses origines

Fin de vie : vigilance accrue après la nomination de la nouvelle Premier ministre

Fin de vie : vigilance accrue après la nomination de la nouvelle Premier ministre

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La nomination d’Elisabeth Borne, le lundi 16 mai, comme Premier ministre pour le second quinquennat du président de la République, confirme la posture d’alerte d’Alliance VITA.

Avant sa réélection, Emmanuel Macron a annoncé qu’il opterait pour une « convention citoyenne » pour trancher le débat sur la fin de vie. Cette annonce a provoqué l’inquiétude d’Alliance VITA qui a détaillé ses 7 réticences dans une note.

Beaucoup de choses sont à faire pour toujours mieux accompagner la fin de vie. Parmi les priorités, une réforme sur les hôpitaux en France et le développement des soins palliatifs. Le président de la Fédération hospitalière de France, s’alarme cette semaine de la fermeture de services d’urgences « dans toutes les régions », et de spécialités en tensions : « L’heure est aux mesures rapides, ambitieuses, fortes et durables. »

A l’approche des élections législatives, Alliance VITA réaffirme la nécessité de maintenir l’interdiction de l’euthanasie et du « suicide assisté » dans toutes les situations :

En réalité, les cas dits « limites » désignent les situations de plus grande vulnérabilité et non pas des cas cliniques insolubles. Ils nécessitent une meilleure organisation et un accompagnement plus intense.

Le Pr Eric Fiat, philosophe et professeur d’éthique médicale, souligne que pour Kant « le mal vient de l’exception » et alerte sur le fait que « prévoir des exceptions à des interdits fondamentaux, c’est courir le risque d’oublier l’ampleur de la transgression en jeu. » Emmanuel Kant a laïcisé la conception ontologique de la dignité dans les Fondements de la métaphysique des mœurs : « Les choses ont un prix, mais l’Homme a une dignité, laquelle est sans degrés ni parties ». La dignité ne nous vient plus de notre ressemblance avec Dieu, mais de la présence en nous de la même loi morale, source d’émerveillement.

Cette conception ontologique de la dignité se différencie d’une conception « posturale » qui pourrait avoir comme synonyme la « décence » et comme antonyme le « laisser-aller ». Si on ne peut perdre sa dignité, on peut en perdre le sentiment. Lorsque la dignité n’est pas reconnue par les autres, le sentiment de dignité est anéanti : il y a des conduites et des conditions indignes de la dignité de l’Homme. Alors que les soignants, s’efforcent d’assurer aux mourants les conditions les plus dignes possible de leur dignité, une réforme de la loi sur la fin de vie fait craindre que le sens postural de la dignité ne prenne le pas sur l’ontologique.

La stigmatisation de certaines maladies –  comme la maladie de Charcot – est dangereuse.

Le fait de rendre une maladie « éligible à l’euthanasie » est une violence supplémentaire qui s’ajoute à la violence du diagnostic d’une maladie incurable. Dans son livre récent, L’impasse de l’euthanasie, Henri de Soos souligne que quand un pays change de législation, la loi possède un caractère normatif qui contribue à changer les mentalités, puis les comportements des citoyens : « Les partisans de l’euthanasie, dans leur approche individualiste d’une nouvelle liberté à conquérir, refusent de prendre en compte ce caractère normatif de la loi. Ils affirment ne vouloir répondre qu’à des cas exceptionnels de souffrances insupportables, et ne veulent surtout pas voir les conséquences sur l’ensemble du corps social. »

Ainsi en votant en 1981 la suppression de la peine de mort, le Parlement français a indiqué à l’ensemble de la nation que le droit à la vie est « le premier des droits de l’Homme », et que « personne ne peut disposer de la vie d’autrui » – ce que rappelait avec force en 2008 Robert Badinter et qui l’a amené à prendre logiquement position contre la légalisation de l’euthanasie, même sous forme « d’exception ».

Les nombreuses dérives dans les pays qui ont légalisé l’euthanasie révèlent que ce qui devait rester un acte exceptionnel tend à se banaliser progressivement : dans tous les pays concernés, le nombre officiel d’euthanasies ou de suicides assistés augmente année après année.

Henri de Soos rappelle aussi que l’euthanasie est une exception à la règle universelle de l’interdit de tuer : « au total, seuls une dizaine de pays ont à ce jour voté démocratiquement et mis en œuvre des lois réellement applicables, et souvent de façon partielle dans les pays à structure fédérale. Ils ne représentent qu’environ 5 % des 195 États reconnus par l’ONU, et certainement beaucoup moins en pourcentage de la population mondiale. Très minoritaires, ils constituent davantage une « exception à la règle » que l’anticipation d’une nouvelle règle universelle.»

Alliance VITA réaffirme que « la ligne rouge à ne pas franchir pour que l’on puisse vivre en société, c’est l’interdit de tuer ». C’est déjà ce sur quoi elle avait insisté lors de son audition par le groupe Fin de vie du Comité Consultatif National d’Ethique en octobre dernier. Son rapport tarde et semble diviser : ses conclusions pourraient être rendues avant l’été.

Au-delà des enjeux médicaux, l’enjeu est culturel et concerne tous les citoyens : l’interdit de tuer, fondateur de la confiance entre soignants et soignés, est moteur de la créativité nécessaire pour encourager la recherche et améliorer l’accompagnement des personnes fragiles.

GPA : déplacement de l’Ukraine à la France

GPA : déplacement de l’Ukraine à la France

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La guerre en Ukraine se poursuit avec son cortège de drames humains, dont les conséquences de la GPA pratiquées sur son sol font partie. Les déplacements de population civiles sont immenses. Le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU publie des estimations vertigineuses. Sur une population de 45 millions d’habitants, 6 millions auraient quitté leur pays et 7 millions seraient déplacés au sein de l’Ukraine. Parmi tous ces déplacements tragiques, quelques femmes, mères porteuses ayant signé des contrats avec des agences de GPA, sont arrivées en France récemment afin, selon l’expression d’un père commanditaire, de “finir le programme en France“. La mécanique juridique, alors que les contrats de GPA sont illicites en France, utilise l’accouchement sous X avec reconnaissance préalable de paternité par le donneur de sperme. Une procédure d’adoption permettra ensuite à la compagne d’être reconnue comme la mère de l’enfant.

 

La mondialisation du moins disant éthique.

De ces quelques situations douloureuses pour la mère qui porte l’enfant et ce bébé, certains argumentent en faveur d’une légalisation, d’un “encadrement”. Le raisonnement est le suivant : une pratique légale dans un pays finit toujours par s’exporter dans les autres pays. De même que des produits illicites peuvent être importés dans un territoire, de même pour des services. A l’heure de la mondialisation, rien ne servirait de défendre un interdit, selon certains juristes. Argument surprenant, pour plusieurs raisons. Tout d’abord la contestation de la “mondialisation heureuse“, cette promesse des années 2000, se fait toujours plus forte, en particulier sur les coûts écologiques et sociaux. Surtout, parler de la mondialisation, c’est reconnaître sans s’émouvoir de la nature profondément marchande de la pratique de la GPA. Mondialisation, division du travail, échanges transfrontaliers, ce vocabulaire s’applique aux biens. Mais est-il éthique de l’appliquer aux personnes ? Derrière ces cas difficiles médiatisés, transparait ainsi une réalité plus sordide. Selon un de ses promoteurs, “la GPA doit être un business sinon ça ne marche pas“. Tout “business” est-il incontournable ?

 

Un fatalisme déguisé en pragmatisme : l’encadrement des pratiques.

Cet appel à l’encadrement des pratiques met en lumière une mécanique bien huilée. L’exception doit confirmer la règle, et au bout de compte la règle est devenue une exception. Dans une tribune récente, un argument équivalent était présenté. L’interdiction crée les filières parallèles, voire des trafics. Appliquer ce raisonnement à l’ensemble des activités ou de l’économie conduit rapidement à en voir l’absurdité. Argument ad hoc, il accroche par son constat factuel. L’interdiction de la traite humaine, ou du travail des enfants n’empêche pas son existence, malheureusement. Faut-il renoncer à leur interdiction ? Et si l’objection à cet argument est que dans le cas de la GPA, il y a consentement de la mère porteuse, il est important de se pencher sur les conditions de ce consentement.

 

Un état de nécessité qui crée des GPA.

Sur les quelques cas de femmes ukrainiennes accouchant en France, des avocats de cette pratique ont mentionné l’état de nécessité comme une justification de pratique visant à contourner la loi française. De fait, la guerre provoque des bouleversements imprévus et douloureux. Elle produit des dangers réels, imminents, qui nécessitent la sauvegarde des personnes, en particulier civiles. Mais cette situation visible ne peut occulter la cause de départ de la GPA, à savoir l’état de nécessité de femmes pauvres recourant à cette pratique afin de survivre. Concernant l’Ukraine, de nombreux reportages l’ont amplement montré. Le salaire d’une grossesse équivaut à 5 années de salaires dans certains cas. L’état de nécessité à adresser est donc le terreau d’injustice qui pousse ainsi des femmes à accepter un contrat sur leur corps.

 

Une ligne rouge poreuse ?

Le garde des Sceaux Eric Moretti avait affirmé que “la GPA est une ligne rouge que nous ne souhaitons absolument pas franchir”. Cependant, laisser cette pratique s’instaurer, accepter qu’elle soit objet de publicité en France, ne pas lutter contre la GPA au plan international, autant d’attitudes qui risquent de grignoter cette ligne au point qu’il n’y aura plus besoin de la franchir.

La guerre est une entreprise qui cause des dégâts sans retour. La GPA aussi. L’urgence demeure d’interdire la GPA et le trafic des mères porteuses au plan international.

 

Pour aller plus loin : [Vidéo Replay] – Webinaire “La réalité de la GPA” – Alliance VITA

Avortement : des femmes vont mourir selon The Lancet ?

Avortement : des femmes vont mourir selon The Lancet ?

Avortement : des femmes vont mourir selon The Lancet ?

 

Après la publication sur le site Politico de l’avant-projet de décision de la Cour suprême sur le droit à l’avortement, la prestigieuse revue scientifique médicale The Lancet a réagi fortement dans un éditorial daté du 14 mai 2022 et intitulé “Pourquoi Roe vs Wade doit être défendu”, repris le jour même dans plusieurs médias français. 

On peut lire notamment que « : “Si la cour suprême confirme sa décision provisoire (qui aboutirait à transmettre la compétence de l’avortement au niveau des Etats), alors des femmes vont mourir (…). Les juges et leurs supporters auront du sang de femmes sur leurs mains”. 

Pour étayer cette affirmation, l’éditorialiste s’appuie sur les chiffres de l’OMS relatifs au nombre de grossesses non intentionnelles, au taux d’avortements associés et aux proportions d’avortements considérés comme non sécurisés.

Dans une publication du 8 mars 2022, l’organisme international recommandait en effet de supprimer tout délai d’accès à l’avortement au motif que les restrictions légales, non seulement ne réduiraient pas le nombre d’avortements mais s’accompagneraient aussi d’une augmentation du taux d’avortements non sécurisés et d’une augmentation du taux de mortalité maternelle.

Dans un décryptage daté du 8 avril 2022, Alliance VITA a analysé les données sur lesquelles reposaient ces affirmations :  les estimations et extrapolations montrent d’importants biais. Ainsi, un article publié en 2020 dans The Lancet et utilisé par l’OMS calcule qu’entre les périodes 1990-95 et 2015-19, le taux d’avortement estimé dans les pays l’ayant libéralisé aurait baissé de -43%. A contrario, les pays à fortes restrictions, auraient vu leur taux d’avortement estimé augmenter de +12%.

Or la Chine et l’Inde, où l’avortement est légal, ont été exclues des estimations.  Lorsqu’on réintègre ces deux pays, représentant près de 3 milliards des 7,9 milliards habitants sur terre, la baisse dans les pays où l’avortement est libéralisé n’est plus que de -8%. Plus encore, sur la période 2015-19, le taux d’avortement dans ces pays dits « libéraux » est supérieur de 11% à celui observé dans les pays à fortes restrictions.

Ainsi, la réintégration des “données” non mentionnées par l’OMS contredit ses conclusions et ne permet pas de faire un lien entre la légalisation et une baisse des avortements.

Par ailleurs, selon les auteurs de l’éditorial, 3/5ème des 120 millions de grossesses non intentionnelles aboutiraient à un avortement dont 55% seraient estimés comme étant sûrs. « Ainsi, 33 millions de femmes subissent des avortements non sécurisés, leur vie étant mise en danger parce que la loi restreint l’accès à des services d’avortement sûrs. »

Pourtant un autre article publié dans leurs propres colonnes en novembre 2017 indiquait qu’: “aucune association claire n’a été observée entre les proportions d’avortement non sécurisés et les taux de mortalités maternelles”

 

Une interprétation erronée de la surmortalité des femmes afro-américaines

Poursuivant sur la situation particulière des femmes afro-américaines, l’éditorial précise que “le taux de mortalité maternelle des femmes noires aux Etats Unis, auquel l’avortement non sécurisé contribue largement, est presque 3 fois plus élevé que celui des femmes blanche non hispaniques”.

Selon les statistiques nationales par origine ethnique, le taux de mortalité maternelle des femmes noires aux Etats Unis est en effet entre 2,5 à 2,9 fois plus élevé sur la période 2018-2020 que celui des femmes blanches non hispaniques. Les causes de la mortalité maternelle aux Etats Unis ont, quant à elles, été étudiées de manière approfondie dans une publication datant de mai 2021 et intitulée Maternal Mortality in the United States.

L’avortement n’y figure pas comme un facteur important de la mortalité maternelle. En effet, parmi les 658 mères décédées lors d’un accouchement en 2018 (dont 205 femmes noires), l’avortement considéré au sens très large (incluant les fausses couches, les grossesses extra utérines, les IVG, IMG…1 ) représente 7,6% des causes de décès loin derrière l’hypertension, les maladies du système circulatoire, les embolies et autres. Rien n’indique une surreprésentation de l’avortement (au sens d’interruption volontaire de grossesse) à l’origine de la mortalité maternelle dans la population noire américaine.

Afin de comprendre cette surmortalité maternelle, les auteurs de cette publication soulignent au contraire le rôle des déterminants sociaux tels que “les revenus, le statut social, l’éducation, l’accès au système de santé, le logement, l’environnement physique, le soutien social, la culture.”

Au-delà du débat qui s’ouvre sur la décision à venir de la Cour suprême, Il est paradoxal que The Lancet, en tant que revue scientifique, tire des conclusions aussi hasardeuses et peu scientifiques. Il serait intéressant au contraire, que la revue documente les situations de surmortalité maternelle au sein de la population noire américaine pour étudier les solutions ajustées qui permettent d’améliorer les politiques sanitaires et sociales pour cette communauté.

 


1 https://icd.who.int/browse10/2019/en#/O00-O08

avortement : des femmes vont mourir selon the lancet ?

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