La fabrication artificielle de spermatozoïdes


De nombreuses recherches sont menées actuellement pour pallier les problèmes croissants d’infertilité.

Des scientifiques chinois travaillent sur la création in vitro de gamètes à partir de cellules souches embryonnaires. Ils ont prolongé les recherches de biologistes japonais qui, déjà en 2011, avaient « cultivé » des spermatozoïdes de souris.

La publication dans la revue Cell Stem Cell du 25 février 2016 détaille une nouvelle étude, co-dirigée par Jiahao Sha et Qi Zhou, qui serait la première à démontrer qu’il est possible de créer des spermatozoïdes ayant des caractéristiques fécondantes de spermatozoïdes « naturels » à partir de cellules souches. Pour cela, ils ont réussi à faire entrer les cellules souches embryonnaires en étape de méiose (de division cellulaire) pour produire un gamète fonctionnel. La technique utilise des cellules souches embryonnaires de souris mises en culture dans une suspension cellulaire dérivée du testicule de souris, avec différentes hormones et adjuvants, avec pour objectif de déclencher une méiose : le but est ainsi de contraindre la cellule à se dédoubler en partageant en deux son matériel génétique, pour passer d’une cellule à 46 chromosomes à une cellule à 23 chromosomes, phénomène qui se passe de manière naturelle dans les testicules et dans les ovaires. L’étape de méiose est longue, elle dure environ un mois chez la plupart des mammifères, mais les chercheurs se sont arrêtés à un stade précédent de la spermatogénèse, celui dit de spermatide. Ainsi créés, les spermatozoïdes artificiels n’ont pas de flagelle, et ne peuvent donc pas se déplacer comme les spermatozoïdes naturels. Mais injectés dans un ovocyte, des embryons se sont développés, puis ils ont été implantés dans des souris femelles : celles-ci ont donné naissance à des souriceaux, et l’étude précise qu’eux-mêmes ont pu avoir une descendance.

La technique suscite des controverses, comme le révèle le journal scientifique Nature. Takashi Shinohara,  biologiste de la reproduction à l’Université de Kyoto au Japon, a des doutes : il note que « les scientifiques ont du mal à reproduire plusieurs fois les mêmes résultats ».

«Le fait que la cellule résultante puisse être injectée dans un ovule pour produire un animal viable est un test rigoureux», explique de son côté Allan Spradling, biologiste de la reproduction à la Carnegie Institution for Science à Baltimore, Maryland. « Mais les souris qui ont été fabriquées pourraient encore contenir des défauts ou des problèmes qui ne se manifesteront que plus tard ».

Azim Surani, biologiste du développement à l’Université de Cambridge, Royaume-Uni, conclut pour sa part que « les résultats sont encourageants », mais prévient « qu’il est difficile de savoir si les spermatides artificiels se comportent exactement comme leurs homologues naturels ».

« Cette avancée va vraiment changer la façon dont nous pensons répondre aux cas d’infertilité actuellement dans l’impossibilité d’être traitées par FIV. Cela  va vraiment révolutionner la procréation assistée, toutes les cliniques de FIV seraient susceptibles de s’y intéresser, même si, à mon avis, c’est encore très prématuré » a également déclaré le bioéthicien Terry Hassold de Washington State University.  « Il existe d’importantes différences entre la façon dont les spermatozoïdes se développent chez la souris et chez l’homme », prévient enfin Yi Zhang, généticien à la Harvard Medical School à Boston, Massachusetts, en ajoutant :  « ce n’est pas aussi simple qu’on l’espère ».

Une technique applicable à l’homme ?

Pour traiter une infertilité masculine, de façon à pouvoir concevoir des enfants, il faudrait par exemple utiliser des cellules adultes de l’homme lui-même pour les transformer en spermatozoïdes. Des scientifiques ont déjà démontré que cela était envisageable en reprogrammant des cellules de peau.

Cette technique soulève donc des questions éthiques importantes. Lors du déclenchement  artificiel d’une méiose, on ne sait pas, par exemple, si les spermatides ainsi créés présentaient des mutations, faisant alors de l’enfant à naître le propre cobaye, à vie, de la technique qui l’aurait ainsi conçu. De plus, fabriquer des gamètes à partir de cellules d’adultes laisse entrevoir la possibilité de créer un ovule à partir d’une cellule de peau d’un homme, par exemple, et ainsi de concevoir in vitro un embryon humain à partir de l’ADN de deux personnes de même sexe ou même d’une seule personne, ce qui constituerait une forme de clonage.

Et dans un tel contexte, précise Jean-Yves Nau, rien, techniquement, ne s’opposera bientôt plus à la modification du génome de ces néo-cellules sexuelles via la nouvelle technique révolutionnaire du  CRISPR-Cas9.

GPA : une nouvelle étape contre une agence américaine

Devant l’immobilisme des pouvoirs publics dans la lutte contre les agences étrangères agissant sur notre territoire pour vendre des contrats de GPA, une association de juristes a annoncé ce 22 février 2016 se porter partie civile.

Malgré l’illégalité de la pratique de la gestation pour autrui en France, des agences étrangères viennent régulièrement sur notre territoire pour proposer un ensemble de prestations aux personnes ou aux couples désirant acquérir un enfant. Ces prestations couvrent la mise en relation avec des mères porteuses à l’étranger, l’achat d’ovocytes, l’organisation du transfert de gamètes, la gestion des contrats et des procédures administratives, le rapatriement du bébé, le paiement, etc.

L’association française Juristes pour l’enfance  avait déposé en octobre 2014 une plainte pour infraction d’entremise en vue de la GPA contre la société américaine Circle Surrogacy, en se basant sur des faits avérés et passibles d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, selon l’article 227-12 du code pénal.

Pourtant, la plainte a été classée sans suite, annonce l’association dans son communiqué de presse du 22 février 2016 : « Alors que la commission des lois du Sénat vient de rendre un rapport en faveur d’un renforcement de la répression pénale des activités de GPA, et qu’elle invite l’Etat français à des négociations avec les Etats pratiquant la GPA pour qu’ils interdisent le recours des ressortissants français à cette pratique, Juristes pour l’enfance met sa confiance dans la justice qui ne peut laisser, au mépris de la loi française, les sociétés étrangères démarcher les clients français potentiels sur notre sol ».

C’est pourquoi l’association a décidé de poursuivre ses démarches en se constituant partie civile.

Alliance VITA, pour sa part, est partenaire de l’association No Maternity Traffic qui a lancé un appel pour l’abolition universelle de la GPA, une pratique indigne de commercialisation du corps des femmes et de marchandisation des enfants à naître. Elle appelle à signer la pétition en ligne pour l’abolition de la GPA.

Pour aller plus loin

Décodeur n° 39 – « Les enjeux de la Gestation Pour Autrui (GPA) en France ». Le décryptage d’Alliance VITA.

PMA-GPA à l’étranger, les incohérences d’un rapport sénatorial

Membres de la Commission des lois du Sénat, Yves Détraigne et Catherine Tasca ont présenté, le 17 février 2016, un rapport d’information sur les conséquences du recours à la PMA et à la GPA à l’étranger, pratiques qui contournent le droit français et portent de graves atteintes aux règles de la filiation et aux droits des enfants.

Cette situation incohérente est créée par « certains couples pour faire naître un enfant, en recourant, à l’étranger, à des moyens interdits en France (PMA avec donneur pour les femmes célibataires ou vivant en couple avec une autre femme, GPA pour les couples formés d’une femme et d’un homme victimes d’une infertilité ou les couples d’hommes), avant de revendiquer ensuite, en France, la reconnaissance de la filiation établie à l’étranger ».

Le président de la commission des lois du Sénat, Philippe Bas, avait lancé cette mission d’information à l’automne 2014, compte tenu des décisions prises à l’époque par la Cour de cassation sur la PMA et par la Cour Européenne des Droits de l’Homme sur la GPA, décisions qui remettaient en cause les principes de base de la filiation en droit français. Les solutions préconisées par les deux rapporteurs, qui n’engagent en rien le Parlement ou le Gouvernement, consistent néanmoins à prendre acte pour l’essentiel de ces revirements de jurisprudence, suivant la politique du « fait accompli ». Ce qui était clairement interdit trouverait une issue officielle légale, peu importe désormais la fraude à la loi française.

Une synthèse de ce rapport figure ci-dessous en annexe.

Pour Alliance VITA, si le rapport a le mérite de vouloir renforcer la prohibition de la GPA, il ne met pas fin aux graves incohérences juridiques de ces pratiques et fait perdurer des injustices graves pour les enfants concernés :

  • Pour la PMA, le lien biologique ne serait pas pris en compte en ce qui concerne les origines paternelles de l’enfant, en permettant l’adoption dans un couple de femmes ; par contre, pour la GPA, le lien biologique resterait le critère déterminant, puisque la filiation serait impossible pour la mère d’intention. Pourquoi ce lien biologique serait-il essentiel dans un cas et pas dans l’autre ?
  • Les rapporteurs estiment que, dans les situations en cause, la PMA pose moins de problèmes éthiques que la GPA. Pourtant, l’enfant subit une maltraitance originelle équivalente dans les deux cas, puisque l’objectif reste d’effacer délibérément une des deux filiations d’origine : la filiation paternelle avec la PMA, la filiation maternelle avec la GPA. De plus, pratiquées par des personnes de même sexe, ces techniques privent l’enfant des apports bénéfiques de l’altérité sexuelle. Il faudrait bien davantage prendre en compte ces deux injustices fondamentales, qui vont à l’encontre du véritable intérêt de l’enfant.
  • Le rapport recherche de façon illusoire une nouvelle cohérence juridique, qui s’avère de fait impossible depuis le vote de la loi de 2013 sur le mariage et l’adoption pour les personnes de même sexe. Cette évolution du cadre juridique conduit à une impasse : d’une part, elle détourne les principes de l’adoption et officialise un « droit à l’enfant » ; d’autre part, elle risque d’introduire de nouvelles discriminations entre adultes hommes et femmes, puisqu’elle ouvrirait de facto le droit à la filiation pour deux femmes et la refuserait pour deux hommes.

 

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Principales propositions du rapport d’information

Le rapport explique tout d’abord comment les lois nationales sont mises en échec par des personnes qui ont recours aux pratiques de PMA ou de GPA à l’étranger. Puis il propose des aménagements de notre législation, en cherchant à concilier le souci de réponses pragmatiques et la défense de principes éthiques.

      * Sur la PMA

Le rapport rappelle le cadre juridique existant actuellement en droit français : l’assistance médicale à la procréation n’est autorisée que pour les couples composés d’un homme et d’une femme, en âge de procréer et présentant une infertilité médicale constatée.

La loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe autorise désormais une femme à adopter l’enfant de sa conjointe. Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a ensuite rendu deux avis le 22 septembre 2014 : le recours à une PMA à l’étranger « ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption par l’épouse de la mère, de l’enfant […], dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant ».

Le rapport considère que cette position de la Cour de cassation présente « un équilibre satisfaisant ». Il en tire les deux conséquences suivantes :

  • Il ne faut plus faire obstacle à ce type d’adoption, d’une part parce qu’en France la filiation s’établit « sans contrôle des conditions de conception de l’enfant», et d’autre part au motif que la PMA « ne pose pas les mêmes questions éthiques que la GPA ».
  • Il ne faut cependant pas ouvrir la PMA aux couples de même sexe, car supprimer l’exigence de l’infertilité médicale et de l’altérité sexuelle bouleverserait la conception française de la PMA, en ouvrant la voie à un « droit à l’enfant» et à une « procréation de convenance ».

 

      * Sur la GPA

Le rapport rappelle la prohibition absolue de cette pratique sur le territoire français, la répression pénale qui s’y rattache, et donc l’impossibilité d’établir en France la filiation qui en découlait. Mais à la suite de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le 26 juin 2014, qui condamne la France pour refus de reconnaître la filiation biologique paternelle, la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence par deux décisions du 3 juillet 2015. Le Conseil d’Etat a également validé la circulaire du 25 janvier 2013 du ministère de la justice facilitant l’octroi des certificats de nationalité.

Le rapport estime que certains éclaircissements sont nécessaires et précise que dans les débats actuels, deux idées fausses ont circulé : d’une part, les enfants nés de GPA ne sont pas des « fantômes de la République », puisqu’ils peuvent vivre en France sans difficulté sur la base de l’acte civil étranger ; d’autre part, l’instauration d’une prétendue « GPA éthique » ne réduirait pas le recours à la GPA « commerciale » à l’étranger, comme le prouve l’exemple de la Grande-Bretagne. En effet, les Britanniques sont ceux qui recourent en plus grand nombre à la GPA commerciale à l’étranger, alors que ce pays a légalisé la GPA dite non commerciale depuis 30 ans.

Le rapport préconise :

  • de consolider la prohibition de la GPA en renforçant la répression pénale de ceux qui y ont recours, et en engageant des négociations internationales pour que les pays étrangers autorisant cette pratique interdisent aux ressortissants français d’y recourir sur leur sol.
  • de s’en tenir à une lecture stricte des exigences posées par la CEDH, en « autorisant expressément l’enfant, et lui seul (même si cette action sera exercée, en son nom, par ses parents), à faire établir sa filiation dans le respect strict des exigences du droit français », c’est-à-dire uniquement sa filiation paternelle biologique.
  • de refuser, par contre, l’établissement d’un lien de filiation avec le parent d’intention (en fait, la mère d’intention) pour ne pas contredire le droit civil français dans lequel la mère est celle qui accouche.
  • d’interdire toute action d’adoption ultérieure de l’enfant du conjoint, en vue d’établir une filiation d’intention.
  • de faciliter la vie de famille « en permettant au parent d’intention de recevoir une délégation d’autorité parentale pérenne».

Grossesses gémellaires : problème de santé publique ?

Selon une étude parue début février 2016 dans la revue Population and Development Review, le taux de naissance de jumeaux a presque doublé dans les pays développés au cours de ces 40 dernières années.

D’après l’étude, il y a essentiellement deux explications à ce phénomène :

1° L’assistance médicale à la procréation (AMP, ou PMA), qui a connu un fort développement durant cette période. Outre les stimulations ovariennes, les techniques de Fécondations In vitro (FIV) entraînent souvent l’implantation de plusieurs embryons favorisant ainsi la survenue de grossesses multiples. Lorsque la PMA a débuté, obtenir des grossesses multiples était vu comme un succès ; mais aujourd’hui, un faible taux de grossesses gémellaires est devenu un bon critère pour évaluer les performances d’un centre de PMA.

2° Le recul de l’âge de la procréation, l’âge étant un facteur de risque pour les grossesses gémellaires : si la fertilité baisse après 35 ans, paradoxalement les poly-ovulations sont plus fréquentes. En effet, si le risque de grossesse multiple est limité quand la mère a 20 ans, il atteint son maximum vers 37 ans (15 naissances pour 1000). L’âge fait grimper le taux de HSF, l’hormone qui stimule les follicules et la libération d’ovocytes. De plus, un autre facteur lié à l’âge serait que l’ovocyte plus âgé est plus fragile et se laisse plus facilement diviser à un stade précoce après la fécondation, multipliant la possibilité du développement de vrais jumeaux.

La hausse des naissances gémellaires continue de se poursuivre, en particulier en France, aux Etats-Unis et au Royaume Uni, et cela pose un problème de santé publique. En effet, ces grossesses présentent davantage de risques, à la fois pour le bébé et pour la mère. Le risque le plus grand, lié à des accouchements souvent déclenchés, est celui des naissances prématurées, avec un taux de mortalité infantile plus élevé. En ce qui concerne la mère, il y a un risque accru de diabète gestationnel et de dépression post-natale.

Les centres d’AMP orientent de plus en plus leurs recommandations de ne transférer qu’un seul embryon, et de renouveler les essais en cas d’échec, après avoir congelé les autres embryons.