Les enjeux de la modification du génome humain. Blanche Streb invitée d’Olivier de Keranflec’h

Les enjeux de la modification du génome humain. Blanche Streb invitée d’Olivier de Keranflec’h

Invitée par Olivier de Keranflec’h, Blanche Streb a exposé les perspectives prometteuses et les enjeux éthiques du CRISPR-Cas9, une technique capable de modifier le génome de l’ADN humain. Insistant sur la dérive éthique majeure si cette technique s’appliquait à l’embryon humain ou aux gamètes, ce qui ouvre la perspective eugénique de la création de « bébés à la carte », la directrice des études d’Alliance Vita a notamment présenté les demandes de moratoires déjà existantes.

« Ces modifications du génome humain, pratiquées sur un embryon en vue de le faire naître, seraient transmissibles de génération en génération, avec des conséquences imprévisibles et vertigineuses »

« Un embryon ainsi génétiquement modifié serait à vie le propre cobaye de la technique qui l’a modifié »

« Le rapport édité par l’Unesco fin 2015: le génome fait partie du patrimoine de l’humanité, ce qui doit être protégé et transmis aux générations futures, ce qui relève d’une responsabilité mondiale et partagée. L’Unesco nous alerte : une telle application met en péril la dignité inhérente et égale des êtres humains, et peut faire renaître l’eugénisme»

« On ne peut réduire l’être humain à son « code barre génétique », il y a une vraie complexité du génome et du domaine de l’épigénétique »

[CP] CRISPR-Cas9 et être humain génétiquement modifié : une question dont la France doit vite se saisir

[CP] CRISPR-Cas9 et être humain génétiquement modifié : une question dont la France doit vite se saisir

La modification du génome humain est aujourd’hui devenue simple, accessible, rapide et peu coûteuse grâce à la technique du CRISPR-Cas9, ce qui laisse entrevoir de prodigieuses perspectives en matière de recherche et de thérapie génique.

Mais les enjeux éthiques soulevés sont majeurs et la France doit s’en saisir, de manière urgente. Malgré plusieurs demandes de moratoires adressées à la communauté internationale, une ligne rouge vient d’être franchie : le 1erfévrier dernier, la Grande-Bretagne a autorisé une scientifique à modifier le génome d’embryons humains, destinés ensuite à la destruction. Bien que ces techniques ne soient pas encore parfaitement opérationnelles, elles progressent de manière vertigineuse et laissent entrevoir la possibilité de créer, dans l’avenir, des enfants génétiquement modifiés, avec de réels risques de dérives eugéniques et scientistes. Modifier le génome d’un embryon impliquerait aussi sa future descendance, par ces modifications transmissibles de génération en génération, de façon définitive et avec des conséquences imprévisibles.

Bien que la France ait ratifié la convention d’Oviedo*, les instances scientifiques, académiques et éthiques françaises doivent impérativement se saisir du sujet : l’enjeu est de prémunir notre pays du risque identifié par l’Unesco de « mettre en péril la dignité inhérente et donc égale de tous les êtres humains et de faire renaître l’eugénisme, déguisé comme l’accomplissement du désir d’une vie améliorée ».

Alliance VITA vient d’écrire, ce 9 février 2016, à M Jean-Claude AMEISEN, pour que le Comité Consultatif National d’Ethique qu’il préside s’auto-saisisse de cette question d’importance majeure. La France doit assumer son statut de référence éthique contre toute marchandisation du corps et pour le respect de la dignité humaine.

>> Pour aller plus loin : Notexpert d’Alliance VITA

*La convention d’Oviedo, dans son article 13, précise qu’ « une intervention ayant pour objet de modifier le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques, et seulement si elle n’a pas pour but d’introduire une modification dans le génome de la descendance. »

Pays-Bas : un rapport officiel contre l’extension de l’euthanasie

Aux Pays-Bas, un rapport traitant des personnes se considérant « fatiguées de vivre » vient d’être remis au gouvernement, concluant qu’il ne fallait pas étendre l’euthanasie à ce type de situations.

Le débat néerlandais porte actuellement sur le cas des personnes « fatiguées de vivre » et sur la possibilité d’accéder à leur demande de mettre fin à leur vie, et de leur en donner les moyens. Les termes « voltooid leven » (vie terminée) ou « Klaar met leven » (fini avec la vie), sont les nouveaux mots clé utilisés pour élargir la loi sur l’euthanasie avec pour objectif ultime la mise à disposition d’une pilule utilisable de façon autonome par quiconque pour mettre fin à sa vie.

Les médecins sont autorisés actuellement à pratiquer une euthanasie pour les cas répondant aux critères de la loi de 2002 sur l’euthanasie. En Juillet 2014, les ministres de la justice et de la santé ont mis en place une « commission de sages », dirigée par le Docteur Paul Schnabel, pour évaluer les questions sociétales et les possibilités juridiques d’élargir encore cette pratique en accédant aux demandes de personnes qui considèrent que leur vie est terminée et veulent mourir.

Dans son rapport, cette commission estime que la notion de « vie terminée » relève d’une conclusion très personnelle de personnes qui considèrent que leur vie n’a plus de perspectives et qui ont développé une envie persistante de mourir. Plusieurs facteurs peuvent aboutir à ces situations : corporels, psychiques, cognitifs, psychosociaux, existentiels.

Plusieurs situations se présentent alors :

  1. celles qui tombent sous le coup de la loi actuelle avec des souffrances intolérables d’origine essentiellement médicales ;
  2. celles que l’on qualifie de limites où il est moins clair que la souffrance ait des causes essentiellement médicales ;
  3. celles où la souffrance n’a pas de causes médicales ;
  4. celles où il n’y a pas de souffrance.

Le rapport examine chacune de ces situations. Il semblerait que le nombre de personnes qui jugent leur « vie terminée » est relativement faible. C’est encore plus vrai pour les cas dont les causes sont médicales.

Ce rapport révèle aussi que la vision de la légitimité de l’assistance au suicide dans les cas de « vie terminée » dépend de l’approche de l’autonomie : individualiste ou relationnelle. Du point de vue du gouvernement et de la société, il est important de considérer les conséquences sociétales d’un éventuel élargissement de la loi.

Le rapport souligne qu’il y a de multiples possibilités d’éviter la perception d’une « vie terminée » : préparation à l’acceptation de la vieillesse, support aux personnes âgées, amélioration de leur autonomie, combat contre l’isolement, réponse aux besoins spirituels, attention à donner du sens à la vie, réévaluation de la valeur de la vie dans le grand âge, etc.

La commission considère qu’il s’agit d’une question de vie et de mort, et qu’il n’est pas raisonnable d’élargir le cadre actuel. Néanmoins, le fait qu’un tel débat puisse s’ouvrir montre les graves conséquences de la mentalité euthanasique.

CRISPR-Cas9 : La modification du génome humain en question

CRISPR-Cas9 : La modification du génome humain en question

Le génome est l’ensemble du matériel génétique d’un individu codé dans son acide désoxyribonucléique (ADN).

La modification du génome est aujourd’hui possible : la technique CRISPR-Cas9 peut permettre d’éteindre ou allumer l’expression d’un gène, de le modifier, de le réparer.

 1. Définition : la technique CRISPR-Cas9

Il s’agit d’une technique de génie génétique révolutionnaire qui se répand à très grande vitesse. Elle permet de modifier facilement, rapidement, à faible coût, avec un matériel simple et accessible, l’ADN de toute cellule végétale, animale ou humaine. Pour la première fois, une modification directe, facile et assez précise de l’ADN contenu dans les cellules devient possible pour un grand nombre de laboratoires.

La modification du génome de toute cellule est rendue possible en coupant de manière ciblée l’ADN pour éteindre, atténuer ou remplacer un gène. Prometteuse, elle laisse entrevoir déjà d’immenses avancées scientifiques et progrès thérapeutiques. Mais elle soulève de graves questions éthiques si elle est appliquée sur des gamètes humains ou sur l’embryon humain.

Cette technique tire son nom des deux éléments qui, combinés, agissent comme des « ciseaux moléculaires » pour découper l’ADN :

  • Une enzyme (Cas-9)

Cette enzyme spécialisée d’origine bactérienne est capable de couper l’ADN avec deux zones de coupe actives, une pour chaque brin de la double hélice de l’ADN.

  • Une courte séquence répétée d’ADN (CRISPR : Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats)

 2. Comment ça marche ? Comme une sorte de « couteau suisse génétique »

Modifier un ADN devient presque aussi simple qu’un « copier-coller » dans un traitement de texte. La combinaison CRISPR-Cas9 joue le rôle d’une tête chercheuse qui localise le segment d’ADN à modifier, avant de s’y déposer pour le découper. Une fois l’ADN coupé, il va se réparer de lui-même, éventuellement en introduisant une mutation, et il est possible d’éventuellement y intégrer un autre gène.

Pour cibler la zone d’ADN à modifier, Il suffit de fabriquer en laboratoire un « ARN guide » correspondant au gène que l’on souhaite cibler, puis de l’arrimer à une enzyme Cas9 qui coupera l’ADN.

3. Infographie CRISPR-Cas9

crispr cas9 genome humain

 

4. Quelles applications possibles ?

Cette technique est d’abord très utile dans le domaine de la recherche, pour mieux comprendre le rôle joué par certains gènes. Par exemple, en comparant l’activité d’une cellule dans laquelle un gène a été retiré à l’activité d’une cellule de la même lignée non-modifiée.

En thérapeutique, les espoirs soulevés par cette technique sont très nombreux pour corriger les maladies génétiques et promet d’immenses progrès de thérapie génique. Par exemple, des travaux ont été publiés récemment sur l’utilisation du CRISPR-Cas9 sur des souris, ciblant les gènes défectueux responsables de la myopathie de Duchenne avec des résultats prometteurs. Egalement, des chercheurs ont pu améliorer la vision de souris atteintes d’une maladie dégénérative héréditaire qui les rendait aveugles. Pour améliorer la compatibilité des organes porcins avec l’être humain, une autre équipe de scientifiques a pu retirer simultanément 62 gènes dans le génome du cochon, levant un certain nombre d’obstacles à la xénotransplantation (transplantion inter-espèces). Il serait également envisageable de corriger les mutations du gène BRCA1 (qui favorise le cancer du sein) ou d’autres formes de cancer, de réparer la mutation du gène CFTR codant pour la mucoviscidose, d’agir sur la β-thalassémie, et même sur le sida.

 5. Quels sont les problèmes éthiques soulevés ?

La technique en elle-même ne pose pas de problème éthique. C’est bien « l’usage » qui en sera fait qui en pose. Distinguons deux catégories de cellules :

  • Cellules somatiques : elles constituent l’immense majorité des cellules constituant un individu. Ce sont toutes les cellules n’appartenant pas à la lignée germinale (gamètes).

La modification du génome appliquée sur des cellules somatiques ciblées (cellules d’un adulte, consentant) ne soulève pas ou peu de problèmes éthiques. Quelques précautions sont néanmoins nécessaires, notamment liées aux problèmes de la spécificité de la méthode : les petits « ARN guides» ne sont pas obligatoirement spécifiques d’une seule séquence d’ADN, ils peuvent donc introduire des mutations en des endroits non désirés.

  • Cellules germinales et embryon humain.

Les cellules germinales sont les gamètes : spermatozoïdes et ovocytes.

S’il est désormais possible de modifier n’importe quelle cellule, c’est le cas aussi pour l’embryon humain et les cellules germinales. C’est là que se situe la question éthique, voire sanitaire, majeure.

Principaux problèmes éthiques :

  • « Bébé sur mesure». La technologie peut être utilisé pour dicter quels gènes un embryon devrait ou ne devrait pas avoir. Avec à la clé la possibilité de « créer » des enfants sur mesure, conduisant à de possibles dérives eugéniques.
  • Modification transmissible aux générations suivantes. Les modifications génétiques subies par un embryon affecteront également ses cellules germinales, ovocytes pour les femmes, spermatozoïdes pour les hommes. Ainsi, les modifications se transmettront aux générations suivantes, de façon définitive et avec des conséquences impossibles à anticiper.
  • « Effet mosaïque ». La technique appliquée sur l’embryon humain au stade de quelques cellules soulève une autre question cruciale. Il sera impossible de s’assurer que toutes les cellules de l’embryon seront réellement modifiées. Si la vérification par un Diagnostic Pré Implantatoire (DPI) est possible sur une cellule, elle ne le sera pas sur toutes, puisqu’il faut pour cela la prélever de l’embryon et en faire son séquençage. Un « effet mosaïque » peut arriver : c’est-à-dire que certaines cellules seraient modifiées, d’autres non, et ceux qui manipuleraient ainsi l’embryon avant son implantation n’en auraient pas connaissance. Les conséquences sur la santé de l’enfant à naître ne pourraient alors se vérifier « que sur lui-même » à la naissance ou même des années plus tard.

6. Historique : CRISPR-Cas9 et l’embryon humain

Depuis des années, de nombreuses équipes dans le monde travaillent sur ces sujets. Plusieurs étapes de découvertes successives ont finalement abouti à une publication par Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier en 2012.

Mars 2015 : Appel de scientifiques à un moratoire sur cette technique appliquée à l’embryon humain.

Avril 2015. : Annonce d’une équipe chinoise ayant franchi la ligne rouge dans son laboratoire, en utilisant la méthode du Crispr-cas9 sur des embryons humains non-viables.

2 septembre 2015 : l’Académie des sciences médicales (AST) et plusieurs conseils et associations ont signé une déclaration commune de soutien sur la recherche et le financement des méthodes de modification du génome, notamment celles liées à l’utilisation de la technique du « CRISPR / cas9.

18 Septembre 2015 : Demande d’une équipe anglaise d’utiliser cette technique sur des embryons humains à des fins de recherche.

5 Octobre 2015 : Comité international de bioéthique de l’Unesco : appel à un moratoiresur les techniques d’édition de l’ADN des cellules reproductrices humaines afin d’éviter une modification contraire à l’éthique des caractères héréditaires des individus, qui pourrait faire resurgir l’eugénisme.

1-3 Décembre 2015 : Conférence à Washington, le « Gene Edit Summit » axé notamment sur les questions éthiques liées à l’utilisation du CRISPR-Cas9

9 décembre 2015 : Colloque à l’Université de Londres. Organisé par l’ Educational Trust Progrès (PET), au cours de laquelle le conseiller scientifique du gouvernement, le professeur Sir Mark Walport, a annoncé « qu’il croit qu’il y a des circonstances dans lesquelles la modification génétique des embryons humains pouvait être acceptable et que la Grande-Bretagne devait ouvrir cette voie ».

1er février 2016 : l’autorité britannique de la fertilisation humaine et de l’embryologie, la HFEA, a autorisé une équipe de scientifiques à manipuler génétiquement, pour la première fois au Royaume-Uni, des embryons humains à des fins de recherche. Ces embryons devront être détruits au bout de 14 jours.

7. Quelles sont les réglementations sur ce sujet ?

La technique a largement dépassé les législations internationales et nationales.

Procéder à des manipulations génétiques en amont de la fécondation ou sur des cellules reproductrices est interdit : cela fait partie des principes éthiques qui s’appliquent à l’ensemble des chercheurs. Mais chaque pays a son cadre réglementaire, et certains n’en ont pas du tout. La Chine, par exemple, est très permissive.

  • La Conférence d’Asilomar

La conférence d’Asilomar a été organisée en 1975 par Paul Berg (futur prix Nobel de chimie en 1980). L’objectif de cette conférence n’était pas simplement d’exposer les avancées dans un domaine de recherche, le génie génétique, bien que cela occupât la partie la plus importante de ce congrès, mais aussi de débattre sur les risques et la sûreté des expériences de ce domaine naissant. Elle appelait à un moratoire sur les manipulations génétiques, afin d’éviter que des bactéries génétiquement modifiées puissent se disperser dans l’environnement. Elle a réuni à huis clos en Californie 150 chercheurs venus de toute la planète du 24 au 27 février 1975. Les chercheurs n’y ont pas trouvé de consensus et ont conclu à une levée du moratoire, mais avec mise en place de conditions de précaution et de sécurité renforcées (confinement des OGM en particulier).

  • La Convention d’Oviedo : protection des droits humains dans le domaine biomédical

La France a ratifié en 2011 cette Convention qui est le seul instrument juridique contraignant international pour la protection des Droits de l’homme dans le domaine biomédical. Cette Convention sur les Droits de l’homme et la biomédecine a été ouverte à la signature le 4 avril 1997 à Oviedo (Espagne).

La Convention cadre vise à protéger la dignité et l’identité de tous les êtres humains et à garantir à toute personne, sans discrimination, le respect de son intégrité et de ses autres droits et libertés fondamentales à l’égard des applications de la biologie et de la médecine. Elle reprend les principes développés par la Convention européenne des Droits de l’Homme dans le domaine de la biologie et de la médecine. Cette convention internationale, signée par la plupart des Etats européens, énonce les principes fondamentaux applicables à la médecine quotidienne ainsi que ceux applicables aux nouvelles technologies dans le domaine de la biologie humaine et de la médecine.

L’article 13 est consacré aux interventions sur le génome humain : une intervention ayant pour objet de modifier le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques, et seulement si elle n’a pas pour but d’introduire une modification dans le génome de la descendance.

  • En France

La France s’est dotée de lois bioéthique successives, l’article 16-4 du code civil et L 2451-2 du code de la santé publique interdit toute modification du patrimoine héréditaire de l’espèce humaine.

La France ayant ratifié la convention d’Oviedo, l’article 13 s’applique et interdit à notre pays d’accepter des modifications du génome sur les cellules germinales et les embryons humains.

Un flou a-t-il déjà pénétré notre législation ? De récentes modifications du statut de la recherche sur l’embryon sont apparues dans la loi de modernisation du système de santé, dite « loi Santé », du 26 janvier 2016. A l’initiative du Gouvernement qui a fait voter un amendement à l’Assemblée nationale, cette loi instaure au paragraphe III de l’article 155 une disposition qui permet, dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation et avec le consentement des membres du couple, la réalisation de recherches biomédicales sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon in-vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation.

Cet article avait fait l’objet d’un recours au Conseil Constitutionnel, les auteurs de la saisine jugeant qu’un changement de cette nature relevait de la loi bioéthique et non d’un projet de loi santé. Le Conseil constitutionnel l’a estimé pourtant conforme à la Constitution.

Si aujourd’hui les embryons génétiquement modifiés doivent être détruits, comme le stipule l’autorisation faite à la scientifique britannique, qu’en sera-t-il demain ? Quelles pourraient être les prochaines propositions ou revendications lorsque cette technique aura encore progressé ? Aboutiront-elles à implanter des embryons génétiquement modifiés dans des utérus, en vue de faire naître des enfants exempts d’une pathologie ou sélectionnés selon certains critères ? Comment prémunir les législations d’avancer dans ce sens ?

Conclusion

L’ADN humain et les droits de l’homme : le génome humain fait partie du « patrimoine de l’humanité».

Le Comité international de bioéthique de l’Unesco a, le 5 octobre 2015, interpellé la communauté internationale sur question de la dignité, rappelant que le génome humain fait partie du « patrimoine de l’humanité », ce qui souligne « la valeur exceptionnelle de ce qui doit être protégé et transmis aux générations futures ». Les techniques qui vont induire des modifications importantes du génome transmissibles aux générations futures risquent donc grandement de «mettre en péril la dignité inhérente et donc égale de tous les êtres humains et de faire renaître l’eugénisme, déguisé comme l’accomplissement du désir d’une vie améliorée ».

C’est pourquoi « le génome humain est un des fondements de la liberté » :

Le rapport de l’Unesco, soulignant l’importance des progrès scientifiques, rappelle que « nous sommes humains grâce à l’interaction permanente de nombreux déterminants biologiques, historique et culturels, ce qui nous permet de ressentir un sentiment fondamental d’unité et qui nourrit la richesse de notre diversité. C’est pourquoi le génome humain est un des fondements de la liberté, et non une matière première malléable à loisir ».

Un appel au Comité Consultatif National d’Ethique

La technique du CRISPR-Cas9 est prometteuse ; elle laisse entrevoir des progrès de thérapie génique fulgurants.

Mais dès lors que l’on touche à l’embryon humain, ou aux gamètes humains, les questions éthiques soulevées sont cruciales. Plus qu’un principe de précaution, c’est l’impératif de protection de tout être humain qui devrait s’appliquer. Nous risquons l’avènement du bébé à la carte et la modification transmissible du génome humain : ce patrimoine mondial de l’humanité que nous devrions collectivement protéger est en danger.

Alliance VITA a donc pris l’initiative de demander officiellement au Comité Consultatif National d’Ethique de s’auto-saisir de la question. La France doit assumer son statut de référence éthique contre toute marchandisation du corps et pour le respect de la dignité humaine.

VOIR AUSSI :

 

Sondage IFOP : « Les Français et la technique du CRISPR-Cas9 »

76% des Français seraient ainsi favorables à l’utilisation du CRISPR-Cas9 sur des adultes ou des enfants souffrant d’une maladie d’origine génétique dans le cadre d’une thérapie génique pour soigner ou améliorer leur qualité de vie.

Mais à l’inverse, exactement la même proportion (76%) seraient opposés (dont 40% très opposés) au recours à cette technique pour modifier génétiquement in vitro des embryons humains.

Virus Zika : controverse sur l’avortement

Virus Zika : controverse sur l’avortement

L’ONU a demandé le 5 février 2016, aux pays concernés par l’épidémie du virus Zika d’autoriser aux femmes l’accès à la contraception et à l’avortement. L’OMS avait décrété trois jours avant, le 2 février, l’état d’« urgence de santé publique de portée internationale ».

Il s’agit de la diffusion d’un arbovirus transmis par la piqûre des moustiques infectés du genre Aedes, responsable de la fièvre Zika chez l’être humain. L’infection n’est symptomatique que dans 18 % des cas et son diagnostic clinique est difficile. Le virus Zika est soupçonné d’être lié au syndrome neurologique de Guillain-Barré.  Les conséquences chez l’homme restent pour le moment très mal connues des spécialistes. Le virus se propage depuis mai-juin 2015 en Amérique centrale et latine. Au Brésil, plus d’1,5 million de personnes auraient été touchées.

C’est dans ce contexte qu’en janvier 2016, une étude a été publiée montrant un nombre inhabituel d’enfants nés avec une microcéphalie en Amérique du Sud depuis le mois d’octobre 2015 : sur 4.180 cas suspectés,  270 ont été confirmés.  Les autorités sanitaires suspectent le virus Zika d’en être à l’origine. Pour le moment, il n’existe aucune preuve formelle du lien entre le virus et les malformations fœtales, des études plus poussées sont en cours. Le professeur Yves Ville, chef de la maternité de l’hôpital Necker, à Paris, explique que « pour d’autres virus, comme le cytomégalovirus, le placenta joue un rôle de barrière. Une infection de la femme enceinte n’est donc pas toujours transmise à son fœtus. »

Pour Jean-Yves Nau, médecin et journaliste : « On a, ici, l’impression d’avancer dans le brouillard médical et scientifique. Le  Dr Isabelle Catala, dans un papier du site Medscape consacré à Zika,  résume le mieux la désagréable impression de grand flottement qui prévaut aujourd’hui. Flottement au carré pourrait-on dire. Il concerne tout d’abord le lien de causalité (toujours évoqué, jamais démontré) entre l’infection de la femme enceinte et la microcéphalie fœtale. Il concerne ensuite la conduite à tenir (selon les autorités sanitaires) face à ce risque hypothétique ».

Dans ce contexte, la pression pour proposer l’avortement aux femmes enceintes est clairement un prétexte : Silvia Camurça, présidente de SOS Corpo, a reconnu que cette épidémie offrait une opportunité rare pour faire évoluer l’avortement au Brésil... Au Brésil, l’avortement est autorisé depuis 1940 en cas de viol ou de risque pour la mère et plus récemment en 2012 en cas d’anencéphalie. L’ONG néérlandaise Women On Waves  propose d’envoyer par voie postale des paquets des pilules abortives dans les pays touchés par l’épidémie et où l’avortement est limité. Invoquant les mauvaises conditions sanitaires si les avortements sont clandestins, cette association préconise cependant l’utilisation de ces pilules abortives conseillées jusqu’à 7 semaines de grossesse dans le milieu hospitalier français mais jusqu’à 12 semaines de grossesses pour l’ONG, et en dehors de tout suivi médical.

Il est important de rappeler que le dépistage ne peut se faire que lors de la première semaine d’infection du virus, lequel ne provoque aucun symptôme dans la majorité des cas. D’autre part, il faut généralement attendre l’échographie pour savoir si le fœtus est atteint de microcéphalie qui n’est en principe pas diagnostiqué avant 32 semaines. C’est-à-dire pratiquement à la naissance.

Aucun vaccin ni traitement ne sont pour le moment disponibles, et les autorités ont tardé à réagir face à la contamination : pour le moment, la prévention consiste en la distribution de produits anti-moustiques. Le 6 février, de vastes mobilisations ont eu lieu au Honduras et au Brésil, pays les plus touchés par l’épidémie. Carissa Etienne, directrice de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) après une réunion en urgence des ministres de la Santé de 14 pays d’Amérique latine, a expliqué que  « la réponse face à ce problème va passer par la lutte contre le moustique transmetteur du virus ».