Choisir l’Homme – Tugdual Derville

Choisir l’Homme – Tugdual Derville

Devant les énormes anthropologiques qui sont devant nous, Tugdual Derville traite de cette question, qui est un enjeu crucial, à la fois personnel et collectif, auquel l’humanité est aujourd’hui confrontée. En conclusion de toute cette Université de la vie 2016, il invite à réfléchir aux choix que l’humanité a devant elle, pour limiter ses atteintes à la vie, voire limiter sa propre auto-destruction.

 

L’action politique d’Alliance VITA

L’action politique d’Alliance VITA

Henri de Soos présente l’action politique, au sens noble du terme, au sens de s’occuper des affaires de la Cité, de se mettre au service du peuple. En s’appuyant sur quelques exemples d’actions d’Alliance VITA, il en tire des enseignements, des méthodes, des repères, qui pourraient être utiles à chacun.

Henri DE SOOS
Secrétaire général d’Alliance VITA et Responsable des relations politiques, il a participé à ce titre à plusieurs auditions parlementaires sur les questions de fin de vie. Il est également animateur du service d’écoute SOS Fin de vie.

 

Regards sur les enjeux bioéthiques à l’international

Regards sur les enjeux bioéthiques à l’international

Caroline Roux présente quelques actions communes menées au niveau européen et quelques textes, résolutions importants sur les sujets bioéthiques. Puis, nous entendrons 3 vidéos de personnalités qui parleront des enjeux bioéthiques actuels de leur pays :
– pour la Suisse, François-Xavier Putallaz – Professeur de philosophie à l’Université de Fribourg
– pour le Canada, Michèle Boulva – Journaliste
– pour la Suisse, Carine Brochier – Coordinatrice de projets à l’Institut européen de bioéthique de Bruxelles

Démocratie et loi naturelle – Thibaud Collin

Démocratie et loi naturelle – Thibaud Collin

La loi naturelle est celle qui permet de déterminer les biens que l’être humain doit poursuivre et ceux qu’il respecte chez autrui. C’est un ensemble de principes que le législateur peut venir consulter pour orienter son discernement. Mais nous traversons une crise anthropologique : si on ne sait plus qui est l’être humain, on ne sait plus quels sont les biens auxquels il peut prétendre du fait de sa nature.

 

Thibaud COLLIN

Philosophe et écrivain français, il travaille sur des questions de philosophie morale et politique. Il enseigne en classes préparatoires à Paris et fait aussi partie du corps professoral de l’institut d’études anthropologiques Philanthropos. Auteur de : • Les lendemains du mariage gay, 2012 • Sur la morale de monsieur Peillon, 2013

 

 

Redonner leur place aux personnes handicapées – Laurent de Cherisey

Redonner leur place aux personnes handicapées – Laurent de Cherisey

Dans les maisons partagées Simon de Cyrène cohabitent des personnes handicapées et des personnes valides. Laurent de Cherisey nous explique la richesse de cette expérience pour tous les colocataires. Une fois les premières peurs dépassées, ces relations sont sources de joie et d’élévation mutuelle. Il nous montre toute la richesse de vivre en proximité avec des personnes porteuses de handicapes.

Laurent DE CHERISEY

Créateur d’entreprises dans le domaine du marketing et de la communication, il a fondé l’association Reporters d’espoir ainsi que l’association Simon de Cyrène, parrainée par Philippe Pozzo Di Borgo, qui crée des lieux de vie innovants où cohabitent des adultes handicapés et valides. En 2015, Simon de Cyrène est lauréat de La France s’engage, un appel à projets de L’Elysée récompensant les projets socialement innovants. Il est l’auteur de : • Tous intouchables, 2012 avec Philippe Pozzo Di Borgo et Jean Vanier • Le grain de sable et la perle, 2011.

 

Identité numérique : l’Etat français crée un service pour faciliter l’identification (SGIN).

Identité numérique : l’Etat français crée un service pour faciliter l’identification (SGIN).

Les mots « identité numérique » recouvrent plusieurs réalités. Il y a ce que la personne déclare elle-même, c’est l’identité déclarative qui peut être un nom ou un pseudo utilisé sur les applications numériques. Il y a ce que les autres peuvent percevoir et déduire des interactions numériques de la personne. On parle alors d’identité calculée, par exemple via des algorithmes, et d’identité agissante, établissant une cartographie partielle de la personne à partir de ses connexions, ses clics…  L’identité numérique est ce qui permet de reconnaître une personne en ce qu’elle a d’unique, et ce qui permet à une personne de prouver cette identité par une technologie numérique.

Service de garantie d’identité numérique SGIN

L’Etat vient de publier un décret de création d’un service de garantie de l’identité numérique (SGIN), présenté comme facultatif et libre. Ce décret abroge en même temps un précédent projet de création d’authentification en ligne sur mobile (Alicem) projet en phase de test depuis juin 2019, et qui s’appuyait sur un outil de reconnaissance faciale. L’objectif de ce service est de faciliter la vie numérique au quotidien, en prouvant son identité par un seul outil digital, de façon sécurisée.

Le SGIN est inséré dans la puce du nouveau modèle de cartes d’identité (Carte Nationale d’Identité électronique CNIe) distribué depuis le 2 août 2021. La puce contient deux types d’information : l’état civil et les données biométriques d’un côté, et le compartiment identité numérique reprenant les données d’état civil hors données biométriques (la photographie et les empreintes digitales). L’application est présentée sur le site France identité numérique et sera disponible en test à partir de ce mois.

L’identification passe par une authentification de l’utilisateur de l’application : à l’aide de son smartphone, les données de la CNIe sont lues et le justificatif d’identité est généré. La CNIL, qui avait émis des réserves sur Alicem, a délivré en décembre dernier son avis sur ce décret. Dans sa délibération, la CNIL soulignait l’importance de garantir par principe le caractère facultatif de son utilisation. Elle demandait également une simplicité d’utilisation “pour tous les publics, y compris ceux les moins rompus au numérique”. Elle note aussi qu’à la différence d’Alicem, l’application ne nécessite pas d’enregistrer des données supplémentaires que celles utilisées pour créer une carte d’identité. Au total, la CNIL a donné son aval à ce dispositif.

La reconnaissance faciale et la loi de Gabor

Au même moment, la Commission des lois du Sénat vient de rendre public un rapport d’information sur “la reconnaissance biométrique dans l’espace public”. Les développements technologiques et en particulier les avancées de l’intelligence artificielle (IA) ont popularisé la technologie de la reconnaissance faciale. Selon le rapport, “Les questions que pose le déploiement de la reconnaissance faciale sont nombreuses. Elles ont trait tant aux libertés publiques qu’à la souveraineté technologique de la France, les deux thématiques étant interdépendantes”.

Toutes les technologies utilisant le support numérique facilitent le stockage et l’analyse des données, ainsi qu’une centralisation et une transmission en masse, et présentent des risques de fuite, de pertes, de piratage mais aussi d’utilisation à des fins de contrôle qui peuvent menacer les libertés individuelles et la vie privée. Des reportages et articles ont régulièrement présenté des utilisations de la reconnaissance faciale alliée à de l’IA en Chine, leader sur ces technologies. Le niveau de contrôle exercé sur la population avec par exemple la mise en place d’un système de “crédit social” utilisant l’IA dessine la menace d’un “Big Brother”, symbole du totalitarisme puissamment imaginé par Georges Orwell dans 1984.

La Commission des lois du Sénat entend donc faire des propositions pour “écarter le risque d’une société de surveillance”.  Pour cela elle propose 4 interdictions :

  1. Interdiction de la notation sociale,
  2. Interdiction de la catégorisation des individus (selon le sexe, les opinions, l’origine ethnique…),
  3. Interdiction de l’analyse de l’émotion,
  4. Interdiction de la surveillance biométrique à distance en temps réel.

La Commission avance aussi 3 principes : subsidiarité, contrôle humain systématique et transparence. Ces 4 interdictions et 3 principes définissent les “lignes rouges écartant le risque d’une société de surveillance” selon l’expression du rapport. Ces lignes rouges sont accompagnées d’une méthodologie : des expérimentations encadrées par la loi pour “créer le débat et déterminer les usages de la reconnaissance biométrique”, avec des évaluations publiques et indépendantes.

La méthodologie comprend aussi la publication d’informations à destination du grand public pour qu’il comprenne mieux les enjeux. Troisième pilier des propositions du rapport, les lignes rouges et la méthodologie expérimentale encadrée sont accompagnées d’un contrôle à priori et à posteriori. Sur le papier, cet ensemble de dispositifs dessine des limites à l’Etat dans l’utilisation des technologies à des fins de contrôle. Dans une interview, le rapporteur Marc-Philippe Daubresse souligne la fixation des “lignes rouges au-delà desquelles aucun usage de la reconnaissance faciale ne pourrait être admis à l’instar des lignes rouges fixées en matière de bioéthique“.

Et de fait, la synthèse du rapport, en page 2 et 3, permet de comprendre le parallèle avec la bioéthique.

Ainsi l’interdiction de la catégorisation s’accompagne d’un “sauf dans le cadre de la recherche scientifique et sous réserves de garanties appropriées”. L’interdiction de l’analyse d’émotion s’entend “sauf à des fins de santé ou de recherche scientifique et sous réserve de garanties appropriées”. Enfin l’interdiction “de la surveillance biométrique à distance en temps réel dans l’espace public” comporte un “sauf exceptions très limitées au profit des forces de sécurité ; en particulier “lors de manifestations sur la voie publique et aux abords des lieux de culte”.

La “loi de Gabor” qui est une maxime et non une loi physique inéluctable stipule que ” ce qui peut être fait techniquement le sera nécessairement”. La réflexion morale sur les limites à poser sans exception est une urgence dans de nombreux champs, bioéthique et politique.

Autonomie et dépendance : la grande confusion

Autonomie et dépendance : la grande confusion

autonomie et dependance

L’autonomie est souvent synonyme de liberté et d’indépendance. Ainsi, aujourd’hui, lorsqu’on parle de « perte d’autonomie », on l’assimile communément à la dépendance. On les fond l’une dans l’autre si bien qu’une personne dépendante sera parfois trop facilement considérée comme en perte d’autonomie, voire sans aucune autonomie.

Bien que les deux termes soient proches, ils n’ont pas le même sens.

Être autonome, ce n’est pas être indépendant.

La dépendance, c’est-à-dire le contraire de l’indépendance, concerne bien sûr le tout petit enfant à la fois dépendant et peu autonome.Cette dépendance advient aussi lorsque les capacités physiques s’amoindrissent, conduisant à des difficultés à exécuter des actes du quotidien. La personne dépendante est celle qui, suite à une maladie ou un accident, n’est plus capable de réaliser les diverses activités de la vie quotidienne (activités physiques, sociales…)

L’autonomie, c’est l’autonomie de la volonté, c’est la capacité de la personne à discerner et à prendre des décisions. Si la personne autonome est capable de décider et d’agir seule, l’autonomie ne signifie aucunement l’absence de liens. Nous sommes tous interdépendants, et cette dépendance – consubstantielle de notre nature humaine – des uns envers les autres est source de liens et de fraternité. Il convient de ne pas ignorer l’ensemble des relations qui structurent et soutiennent toute personne. En réalité, les capacités d’actions et de décisions de chacun sont soutenues par de multiples relations (sociales, techniques, institutionnelles, symboliques…).

Pour Kant, le philosophe de l’autonomie, l’autonomie est une histoire de discernement, de décision, de devoir et non d’aptitude physique à réaliser tel ou tel geste. Il nous dit ceci : « l’essentiel n’est point dans les actions, que l’on voit, mais dans ces principes intérieurs des actions que l’on ne voit pas. »

Ainsi une personne âgée ou porteuse de handicap peut être autonome, au sens où elle peut prendre des décisions la concernant, tout en étant partiellement voire complétement dépendantes dans ses gestes du quotidien.

Dans l’accompagnement des personnes devenues dépendantes, il est important de garder à l’esprit qu’avoir besoin d’aide au quotidien n’implique pas forcément de devenir incapable de prendre certaines décisions.

Pourtant, dans l’accompagnement d’une personne malade, porteuse de handicap ou âgée, cette confusion peut conduire à cette tentation de considérer que la dépendance physique bien réelle de cette personne fait qu’elle n’est plus autonome, et qu’il faut donc prendre les décisions à sa place. Ce raisonnement est faux : on peut être autonome, c’est-à-dire capable de se gouverner soi-même ; et dépendant, c’est-à-dire dans l’incapacité partielle ou totale d’effectuer sans aide les activités du quotidien.

Décryptant les clichés sur les Ehpad qui pèsent sur les projets de vie des personnes âgées, le Professeur Frédéric Bloch, Chef de service de Gériatrie dans un CHU attaché à un laboratoire de Neurosciences Fonctionnelles et Pathologies rappelle que « Trop souvent est entretenue l’idée que l’on peut tracer des parallèles entre début et fin de la vie et opposer presque terme à terme, comme des images en miroir inversées, ces deux âges. (…) Dans tous les cas, il est nécessaire d’accorder une présomption de compétence c’est-à-dire que ni l’âge, ni les troubles cognitifs ou un diagnostic de maladie d’Alzheimer ou apparentée, ne présupposent que la personne soit automatiquement incompétente. »

Aujourd’hui, il arrive encore trop souvent que l’on décide « pour » les personnes âgées, et pas « avec » elles, sur des questions qui les concernent au quotidien. Relevons deux initiatives positives : Citoyennage, une démarche qui lie Citoyenneté et Grand âge et le Cercle Vulnérabilités et Société qui étudie concrètement la manière dont les vulnérabilités du champ social et de la santé peuvent devenir un véritable levier de développement économique et social.

Nécessité d’un suicide ?

Nécessité d’un suicide ?

Nécessité d’un suicide ?

 

Aide au suicide : relaxe par un tribunal d’Angers

Un homme a fourni à un ami souffrant de la maladie de Charcot une ordonnance lui permettant de se suicider. Lundi 2 mai 2022, le tribunal correctionnel d’Angers l’a relaxé en première instance en se fondant sur « l’état de nécessité ». Le parquet a fait appel.

Le prévenu est un vétérinaire de 62 ans. Tenant à rester anonyme, il affirme, selon son avocat, avoir agi « par compassion et empathie » en 2019, en permettant à un ami âgé de 59 ans qui souffrait de la maladie de Charcot ou SLA (sclérose latérale amyotrophique), de se procurer un produit vétérinaire pour mettre fin à ses jours. La SLA est une affection neurologique invalidante évolutive de plus en plus souvent invoquée par les promoteurs de l’euthanasie.

Quelques jours avant le second tour de l’élection présidentielle, c’est à la compagne d’un patient atteint de la même maladie que le candidat-président Emmanuel Macron a fait état de sa préférence pour le « modèle belge », en matière d’euthanasie…

Le métier de vétérinaire n’autorise pas la prescription de médicaments aux êtres humains ; fournir des moyens illégaux pour se suicider est par ailleurs condamné par la loi française. Au départ poursuivi par le parquet pour « assassinat et tentative d’assassinat », un non-lieu a été prononcé sur ces chefs d’accusation ; le prévenu n’a donc été poursuivi que « pour faux et usage de faux », en raison de la fourniture d’une ordonnance factice.

Pour le dédouaner de cet acte manifestement illégal, les magistrats ont utilisé un concept juridique centenaire, quoique rarement produit devant les tribunaux : « L’état de nécessité ». Ce moyen fut inventé en 1898 pour dédouaner une jeune femme d’un vol de pain dicté par la misère et la faim de sa famille. Il est en principe soulevé pour que ne soient pas condamnées des personnes qui ont commis un acte délictueux pour des motifs louables.

Soulever devant un tribunal, l’état de nécessité vise à demander aux juges de renoncer à un jugement inhumain. Mais cela peut également être perçu comme un moyen abusif de s’exonérer à bon compte de ses responsabilités. Dans le cas d’espèce, peut-on aussi y déceler une volonté de « faire bouger les lignes » en provoquant, une dépénalisation jurisprudentielle de l’assistance au suicide ? L’avocat du vétérinaire affirme que « son geste n’a rien de militant », mais il n’est pas exclu que la posture des magistrats ait une dimension provocatrice.

Certains commentateurs de la décision la saluent comme les prémices d’une future loi, qu’ils estiment inéluctable, d’autres tentent d’exhumer la notion, « exception d’euthanasie » qui, à leurs yeux, permettrait, sans dépénaliser le geste euthanasique, de ne pas le sanctionner, dans certains cas, sous le contrôle des magistrats. En 2019, le tribunal correctionnel de Lyon avait relaxé au nom de « l’état de nécessité » des militants écologistes qui avaient décroché les portraits officiels du président de la République, pour protester contre son « inaction » écologique. En appel, puis en cassation, cette décision avait été annulée, en toute logique.

Il devrait en être de même pour le relaxé d’Angers, car il y aura lors d’un second jugement : le parquet ayant confirmé le 5 mai avoir fait appel, l’affaire sera réexaminée ultérieurement. L’état de nécessité suppose un « danger actuel ou imminent », un « acte nécessaire à la sauvegarde de la personne » et une « disproportion entre les moyens employés – qui ne doivent pas être exorbitants – et la gravité de la menace ». Aucun de ces critères ne semble ici opérant : il n’y avait pas urgence dans la cadre de cette maladie chronique, et l’acte de provoquer la mort, qui contredit la sauvegarde de la personne, est exorbitant, d’autant qu’il y avait d’autres moyens pour soulager et accompagner le patient.

A ce titre, Alliance VITA, déplore l’utilisation croissante de la maladie de Charcot dans le débat sur la fin de vie. Il est injuste de laisser entendre que les patients atteints d’une telle pathologie – certes gravissime – n’ont pas d’autre solution que le suicide ou l’euthanasie. On risque de stigmatiser ces patients, leur proches et leurs soignants. En réalité, les patients souffrant de SLA ne génèrent pas des situations cliniques ingérables pour des équipes correctement formées.

La formation des soignants est d’ailleurs le « nouveau combat » du courageux rappeur Pone qui vit à Gaillac, au milieu de sa famille, malgré sa lourde paralysie due à la maladie de Charcot. Non seulement les soins palliatifs sont particulièrement appropriés pour accompagner ces patients sans acharnement thérapeutique, ni euthanasie, mais surtout exclure des soins palliatifs et de la prévention du suicide ceux qui en ont le plus besoin serait aussi absurde qu’inhumain.

 

Pour aller plus loin :

Etude : quel accompagnement pour la maladie de Charcot (SLA) ?

nécessité d’un suicide ?

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Naissance par GPA en France : une plainte a été déposée

Naissance par GPA en France : une plainte a été déposée

L’Ukraine fait partie des quelques pays qui tolèrent la gestation pour autrui (GPA) sur son sol. Depuis quelques années, de nombreux étrangers, souvent par l’intermédiaire d’agences, y ont recours, même lorsque cette pratique est tolérée dans leur propre pays, car les tarifs y sont attractifs. On estime le nombre de GPA entre 2000 et 2500 par an. La précarité et les difficultés économiques ont conduit nombre d’ukrainiennes à se soumettre à cette forme d’exploitation procréative. La crise sanitaire, puis la guerre, ont mis en lumière les inextricables injustices et difficultés que cette pratique induit. Le contrat signé par la mère porteuse, dans les faits, donne à l’Agence et aux commanditaires un contrôle total sur sa vie et son corps. La mère porteuse ne s’appartient plus. De plus, les déplacements tragiques de population et l’interruption des services administratifs du Bureau d’enregistrement des naissances ont fait exploser le cadre dans lequel ces GPA s’opéraient sur le sol ukrainien. Les ressorts juridiques exploités par les commanditaires pour faire aboutir leur projet de GPA se trouvent ainsi mis à mal et les obligent à trouver d’autres voies pour obtenir le bébé ayant fait l’objet du contrat.

En France, on estime que deux bébés naissent chaque semaine en Ukraine pour des clients français. Des enquêtes, dont celle menée par Le Figaro ont révélé que des mères porteuses ukrainiennes avaient été rapatriées en France. Comme Katarina, par exemple, arrivée en mars, venue sans ses enfants, deux filles de dix et trois ans, qui ont dû rester avec leur grand-mère. Deux « bébés GPA » sont déjà nés, un dans la région lyonnaise et l’autre en Vendée.

Mais cette pratique est interdite sur notre sol. Pour contourner cela, les clients français qui font venir leur mère porteuse en France la font alors « accoucher sous X », l’homme qui a fourni ses gamètes pour la conception procède à la reconnaissance de l’enfant, puis son conjoint ou sa conjointe entame par la suite une demande d’adoption.

L’association Juristes pour l’enfance vient de déposer plainte contre X pour incitation à abandon d’enfant. En effet, « les commanditaires de la GPA se rendent coupables du délit d’incitation à abandon d’enfant, sanctionné par la loi[i]. Le délit étant consommé en France, il est soumis au droit français et le juge français est compétent. Ces personnes doivent par conséquent être poursuivies ».

Par ailleurs Juristes pour l’enfance souligne que l’accouchement sous X est ainsi détourné de sa finalité et utilisé afin de permettre aux commanditaires de la GPA de parvenir à leurs fins : à savoir obtenir un enfant “sans mère”, un enfant dont la lignée maternelle est volontairement laissée vide. Il y a donc une fraude à la loi caractérisée.

En outre, selon l’association, l’adoption ainsi projetée constitue un détournement de l’institution de l’adoption : « accepter l’adoption de l’enfant après la GPA permettrait le contournement de la Convention de La Haye sur l’adoption internationale, par laquelle les États se sont engagés à protéger les enfants contre les trafics en refusant l’adoption lorsque le consentement des parents biologiques a été obtenu avant la naissance et/ou moyennant finance. Or, c’est précisément ce qu’organise le contrat de GPA : l’engagement de la mère d’abandonner l’enfant, engagement pris avant la naissance et même avant la conception programmée dans ce but, ici contre rémunération ».

Juristes pour l’enfance demande donc au procureur de refuser d’enregistrer la reconnaissance de paternité souscrite par le géniteur de l’enfant, ainsi que les tribunaux français l’ont déjà jugé, approuvés en cela par la Cour européenne des droits de l’homme le 7 avril 2022 : en effet, le fait d’avoir engendré l’enfant ne confère pas tous les droits à son égard et, en particulier, ne confère pas le droit d’acheter à la mère son abandon.

Ces situations montrent l’impossibilité de cantonner des pratiques illégales dans notre pays mais légales ailleurs. Le marché de la reproduction devient mondial et le moins-disant éthique finit par essaimer au-delà de ses frontières de départ. Ces faits viennent aussi questionner la « ligne rouge » réaffirmée par le Président sur la pratique de la GPA lors de la récente campagne électorale.

Pour Alliance VITA, qui alerte depuis de nombreuses années et à nouveau expressément dans le cadre des élections nationales de 2022, l’abolition mondiale de la GPA est une mesure d’une urgence criante.

 


[1] Article 227-12 alinéa 1 du code pénal : le fait de provoquer soit dans un but lucratif, soit par don, promesse, menace ou abus d’autorité, les parents ou l’un d’entre eux à abandonner un enfant né ou à naître est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Le fait, dans un but lucratif, de s’entremettre entre une personne désireuse d’adopter un enfant et un parent désireux d’abandonner son enfant né ou à naître est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

 

Pour aller plus loin :

Déconstruire la GPA « éthique », VITA 2021
[Vidéo] – Webinaire VITA « La réalité de la GPA »
GPA : de la ligne rouge au tapis rouge

Naissance par GPA en France : un double détournement et un précédent ?
Dossier bioéthique d’Alliance VITA

 

Avortement : La Cour Suprême va-t-elle abroger l’arrêt Roe vs Wade ? 

Avortement : La Cour Suprême va-t-elle abroger l’arrêt Roe vs Wade ? 

Avortement : La Cour Suprême va-t-elle abroger l’arrêt Roe vs Wade ?

 

La Cour Suprême des Etats Unis s’apprêterait à renverser l’arrêt Roe vs Wade établissant une protection fédérale constitutionnelle au « droit à l’avortement », selon un article publié par le site Politico le 5 mai. L’impact juridique de ce renversement serait essentiellement de revenir à la situation prévalant avant 1973, date de l’arrêt Roe vs Wade. Concrètement, il appartiendrait alors à chacun des 50 Etats américains de légiférer sur l’avortement, sauf si le Congrès américain votait une loi au niveau fédéral.

Le site Politico aurait obtenu un “draft” (texte en projet) de l’opinion majoritaire, écrit par le juge Samuel Alito. Quatre autres juges soutiendraient cette opinion, constituant une majorité de 5 voix sur les 9 juges composant la Cour Suprême. Les 3 juges nommés par des présidents démocrates et le chef de la Cour (“Chief Justice”) nommé par Georges W Bush seraient les voix minoritaires. Le site précise également que l’opinion majoritaire est susceptible de changer jusqu’à la publication finale.

La fuite de ce document interne, daté du 10 février, vers les médias, est un cas exceptionnel pour la Cour Suprême. Celle-ci a confirmé l’authenticité du texte en projet tout en indiquant que cette version n’est pas définitive. La fuite fera l’objet d’une enquête interne.

La décision de la Cour, attendue en juin 2022 porte sur la constitutionnalité d’une loi de l’Etat du Mississipi de 2018 restreignant la possibilité d’un avortement à 15 semaines de grossesse à l’exception de cas d’urgence médicale ou de malformation grave du foetus. La Cour Suprême a entendu en décembre 2021 les arguments oraux des deux parties, le Département de la Santé de l’Etat du Mississipi représenté par Thomas Dobbs, et la clinique Jackson Women’s Health Organization, située dans la ville de Jackson, et seule clinique pratiquant l’avortement dans l’Etat du Mississipi.

Loi ou jurisprudence ?

Dans de nombreux pays, dont la France, l’avortement est régulé par une loi votée par le Parlement. En France, récemment, la loi a étendu le délai d’accès à l’avortement de 12 à 14 semaines de grossesse. L’analyse de cette extension se trouve sur le site d’Alliance VITA.

Aux Etats Unis, le Congrès, constitué du Sénat (100 sièges) et de la Chambre des Représentants (435 sièges) n’a pas voté de loi régulant ou bannissant l’accès à l’avortement.

Ainsi, récemment, le Sénat n’a pas trouvé de majorité pour une proposition de loi votée par la Chambre des Représentants. Cette proposition de loi visait à codifier la jurisprudence établie par l’arrêt Roe vs Wade et celle issue d’un arrêt de 1992 Planned Parenthood vs Casey. Ce dernier consolidait l’arrêt de 1973 Roe vs Wade tout en modifiant les critères selon lesquels un Etat américain peut encadrer l’avortement.

Ce qu’établit l’arrêt Roe vs Wade

L’arrêt Roe vs Wade a établi, par 7 voix contre 2, que la Constitution américaine protège le droit d’une femme de choisir d’avorter sans que l’Etat puisse opposer une « restriction excessive » à ce droit.

Jane Roe est le pseudonyme de Norma Mc Corvey, une femme enceinte en 1969 de son troisième enfant, souhaitant avorter, et Henry Wade le nom du procureur du Comté de Dallas. Le Texas restreignait l’avortement aux cas de danger pour la vie de la mère. L’arrêt s’appuie sur deux principaux éléments juridiques.

Tout d’abord, la Cour Suprême a statué que la possibilité pour une femme de choisir un avortement, bien que non mentionné explicitement dans la Constitution, relevait du droit à la vie privée (“right to privacy”) réaffirmé par le quatorzième amendement à la Constitution dans sa section 1.

Ainsi cette clause (“Due process clause”) spécifie notamment qu'”Aucun État ne peut adopter ou appliquer une loi qui abrégera les privilèges ou immunités des citoyens des États-Unis; aucun État ne peut non plus priver une personne de la vie, de la liberté ou des biens, sans procédure régulière; ni refuser à quiconque relevant de sa juridiction l’égale protection des lois“. Ce quatorzième amendement a été voté en juillet 1868. Dans le contexte de la fin de la guerre civile américaine et de l’abolition de l’esclavage, il garantissait dans la Constitution l’égalité des droits de tout citoyen, quelle que soit sa race ou son statut (ancien esclave ou pas).

D’après l’arrêt Roe vs Wade, les Etats pouvaient avoir un intérêt à réguler l’accès à l’avortement en considération de la santé des femmes et de la vie prénatale du fœtus, s’ils respectaient de strictes conditions (“strict scrutiny”) déclinées en trois concepts ou tests :

  1. La charge de la preuve (“burden of proof”) de l’intérêt d’apporter une restriction revient à l’Etat,
  2. L’Etat doit poursuivre un intérêt impérieux (“compelling interest”),
  3. De la façon la plus étroite possible (“pursued in the narrowest possible way”).

Le droit de recourir à l’avortement étant considéré comme un droit fondamental, les lois l’encadrant devaient être évaluées à l’aune de ces critères stricts.

Dans la pratique, l’arrêt établissait une distinction par trimestre de grossesse pour juger du bienfondé de législation d’un Etat. Lors du premier trimestre, aucune restriction n’était possible. Dans le courant du second trimestre, une régulation par des Etats était possible. Lors du dernier trimestre de grossesse, des restrictions étaient possibles sous réserve de question de santé et d’urgence médicale pour les femmes.

L’introduction du critère de viabilité, arrêt Planned parenthood vs Casey.

En 1992, la Cour Suprême a rendu un nouvel arrêt sur le sujet de l’avortement. Elle affirme ce qu’elle déclare être les trois principales conclusions de l’arrêt de 1973, à savoir :

  1. Le droit des femmes de choisir d’arrêter leur grossesse sans que l’Etat puisse interférer de façon indue,
  2. Le droit d’un Etat de restreindre l’avortement quand le fœtus est viable (“fœtal viability”)
  3. L’intérêt légitime d’un Etat dès le début de la grossesse à protéger la santé des femmes et la vie du fœtus.

Le respect du précédent (“stare decisis”), c’est-à-dire le fait de ne pas renverser une décision précédente de la Cour Suprême, était un des arguments également invoqué pour ne pas revenir sur l’arrêt Roe vs Wade.

La distinction par trimestre pour analyser les législations des Etats est remplacée dans cet arrêt par un critère de viabilité du fœtus (“viability analysis”), ouvrant la possibilité que les connaissances médicales modifient l’évaluation de la date de cette viabilité.

Par ailleurs, cet arrêt modifie également un point important : l’analyse des législations des Etats sur l’avortement par le critère des strictes conditions est remplacé par un critère de “fardeau indû” (“undue burden”). En conséquence, l’arrêt avait validé une législation de Pennsylvanie demandant le consentement informé au moins 24 heures avant l’acte d’avortement par la femme enceinte, un consentement parental pour les mineures, mais avait invalidé la nécessité pour une femme d’informer son mari de la procédure.

Plusieurs arrêts de la Cour Suprême ont ensuite affiné la notion de fardeau indû. En 2020, un arrêt de la Cour Suprême  June Medical Services llc vs Russo, a ainsi réaffirmé que “les nombreuses restrictions qui n’imposaient pas d’obstacle important étaient constitutionnelles, tandis que la restriction qui imposait un obstacle important était inconstitutionnelle”.

Conclusion

Ces différentes interventions de la Cour Suprême montrent que les législations des Etats américains sur l’avortement ont fait l’objet de nombreuses évolutions après l’arrêt Roe vs Wade. La législation du Mississipi, objet de l’arrêt à venir, ainsi que celle votée au Texas en septembre 2021, en sont des exemples médiatiquement très commentés. Comme indiqué dans l’introduction, il faut maintenant attendre l’arrêt définitif de la Cour en Juin. 

En tout état de cause, la comparaison de la situation américaine avec celle de la France est hasardeuse. Les systèmes juridiques des deux pays sont très différents. Par ailleurs, le débat sur ce sujet est toujours resté vif outre-Atlantique, divisant l’Amérique et séparant les politiques en deux camps.

En France, un tel débat est difficile et plus déséquilibré, poussant à toujours plus d’extension de l’IVG. Les prises de position de l’OMS, décryptées récemment sur le site d’Alliance VITA, sont dans cette lignée. L’urgence est de s’interroger sur une véritable politique de prévention d’un acte qui n’a rien d’anodin, et que beaucoup de femmes voudraient éviter.

avortement : la cour suprême va-t-elle abroger l arrêt roe vs wade ?

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