Embryons transgéniques : le CCNE appelle à un moratoire international

Embryons transgéniques : le CCNE appelle à un moratoire international

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Le CCNE a rendu, le 3 mars 2020, son avis 133 « Enjeux éthiques des modifications ciblées du génome : entre espoir et vigilance », qui avait été adopté à l’unanimité le 19 septembre dernier.

Ce texte évoque les enjeux autour de la modification de l’ADN dans le vivant, végétal, animal et aussi dans l’espèce humaine, avec une focalisation importante sur les enjeux liés à la modification des cellules germinales, à savoir l’embryon ou les gamètes humains, en vue de faire naître des enfants génétiquement modifiés.

Le CCNE reconnaît que « de trop nombreuses incertitudes, sur l’innocuité et pour partie sur l’efficacité de la technique, persistent ». Le Comité d’éthique considère qu’en l’état, en raison des incertitudes techniques et scientifiques quant aux conséquences à long terme, un moratoire international préalable à toute mise en œuvre s’impose, au-delà de la législation française.

Pour le CCNE, qui prône une large information de la société et un débat éthique, « Avaliser l’idée que tout pourrait être réglé à travers un outil de gouvernance ou de concertation reposerait sur le postulat que la technique serait neutre par rapport à son objet (…). Il s’agit en premier lieu d’un problème culturel, d’un choix de civilisation pour nos sociétés ».

Le CCNE pointe les enjeux culturels et sociétaux que posent ces questions et notamment l’absence de consentement de l’enfant à naitre, avec un risque de « réclamation » de la part de celui qui naîtra « modifié ». Mais aussi, la complexité entre ce qui peut être vu comme un bénéfice individuel (supprimer la maladie ou le handicap) et le risque collectif (risque de transgression pour la société, refus de la différence). En effet, la réflexion ne peut pas faire l’économie d’une analyse des risques d’une certaine standardisation génétique : quel serait le sens d’un monde dans lequel la différence, le handicap par exemple, voire tel ou tel caractère, seraient « mal venus » ?

Il soulève aussi la problématique des faux espoirs que peuvent véhiculer ces techniques.

Pour autant, le CCNE, s’il en appelle à un moratoire international, n’exclut pas d’envisager dans l’avenir des réparations ciblées, dans une réflexion éthique particulière vis-à-vis des soins pouvant constituer une démarche médicale possible.

Evoquant dans son texte la FIV 3 Parents, qui soulève énormément d’enjeux identiques, et qui aboutit déjà à des naissances dans plusieurs pays, en dépit de tout principe de précaution, le CCNE conclut qu’elle relève d’un traitement de la maladie et non de l’eugénisme.

Enfin, le CCNE confirme que la question de la modification du génome est étroitement liée à d’autres enjeux : « le développement d’organoïdes à partir de cellules souches pluripotentes, les gamètes « synthétiques », et la création d’organes humains dans des animaux chimériques ». Ces sujets sont aussi inclus dans le projet de loi bioéthique.

Pour Alliance VITA, qui a lancé dès 2016 la campagne Stop Bébé OGM, cet avis a le mérite de mettre en lumière les nombreux risques et les questions éthiques que pose l’utilisation de la modification du génome des gamètes et des embryons humains, en vue de faire naître des enfants génétiquement modifiés.

 

La demande de moratoire international est un appel à la responsabilité et à la prudence que lance la France, ce qui va dans le bon sens, surtout dans cette période de révision de la loi bioéthique qui envisage de lever l’interdiction de créer des embryons transgéniques dans le cadre de la recherche.

 

Pour autant, il y a de grandes questions qui n’ont pas été traitées. La question de l’instrumentalisation de l’embryon humain n’est pas évoquée. Une phase clinique est précédée d’étapes de recherche : quelle quantité d’embryons sera nécessaire en recherche fondamentale préalable ? Si les embryons surnuméraires viennent à manquer, l’interdit de créer des embryons pour la recherche sera-t-il levé ? Par ailleurs, la singularité de l’embryon, qui conduit à une évidente impossibilité de maîtrise absolue, n’est pas abordée. Ces techniques, incertaines, feront, toujours de l’embryon ainsi conçu le cobaye de la technique qui l’aura transformé.

 

Enfin, évoquer le soin futur d’embryons juste après la fécondation conduirait à concevoir délibérément un embryon dont on sait qu’il aurait une pathologie à soigner. La technique (en l’occurrence l’obtention d’embryons par Fécondation in vitro) créerait délibérément un embryon porteur d’une anomalie que la technique de modification génétique serait supposée venir réparer. N’est-ce pas une curieuse médecine qui en viendrait à créer son propre patient, sans garantie de le soigner ni d’éviter des dégâts inattendus et transmissibles aux générations suivantes ?

Euthanasie en Belgique : 12,5% d’augmentation en 2019

Euthanasie en Belgique : 12,5% d’augmentation en 2019

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Le communiqué publié, le 3 mars 2020, par la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie, fait état de 2 655 euthanasies en Belgique en 2019, soit 12,5 % de plus que l’année précédente.

La majorité des euthanasies concernait des patients âgés de 60 à 89 ans, 67,8% des patients étant âgés de plus de 70 ans. Le plus souvent, l’euthanasie a eu lieu au domicile.

Les affections à l’origine des euthanasies étaient principalement des tumeurs (cancers) (62,5%), des polypathologies (17,3%).

Une euthanasie de mineur a été enregistrée en 2019, ce qui porte à quatre le nombre d’euthanasies de mineurs depuis l’élargissement de la loi de 2002 aux mineurs, en février 2014.

Comme le montre la courbe établie par l’IEB, le nombre de cas d’euthanasies ne cesse d’augmenter année après année.

 

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L’Institut européen de bioéthique (IEB) relève que pour 448 personnes, leur mort n’était pas attendue à brève échéance, et parmi ceux-ci se trouvaient “majoritairement” des personnes souffrant de polypathologies (combinaison de plusieurs affections dont aucune n’est “mortelle” mais qui “n’étaient pas susceptibles de s’améliorer et qui occasionnaient de plus en plus de handicaps sérieux allant jusqu’à une défaillance d’organes.”). Par ailleurs, près de 50 personnes atteintes de troubles mentaux et du comportement ont été euthanasiées en 2019, ce qui est controversé.

 

Allemagne : décision controversée sur le suicide assisté

Allemagne : décision controversée sur le suicide assisté

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La Cour constitutionnelle allemande a déclaré inconstitutionnelle, jeudi 27 février 2020, une loi datant de 2015, qui interdit le suicide « organisé » par des médecins ou associations.

En 2015, le Bundestag (Parlement allemand) a légiféré pour interdire l’organisation commerciale du suicide assisté, avec un projet de loi présenté par le CDU (parti de la chancelière Angela Merkel).

L’assistance au suicide n’est pas illégale si elle reste « passive » (par exemple se procurer les médicaments pour celui qui veut en finir, ou l’accompagner en Suisse auprès d’organismes spécialisés). Cette pratique demeure cependant proscrite par le code de déontologie médical et a conduit à la radiation des médecins qui la pratiquaient dans certains länder. La zone grise législative (ni interdit ni explicitement autorisé) aurait pu permettre le développement d’activités rétribuées, du type de ce qui se pratique en Suisse. Les parlementaires ont finalement adopté une loi interdisant le suicide assisté « commercial ».

Le droit pénal allemand, en son article 217, prévoyait que quiconque promouvait le suicide assisté ou aidait quelqu’un à y avoir recours était passible d’une peine d’emprisonnement et d’une amende. Cependant, étaient exclus de cette situation les proches et les personnes n’agissant pas dans un but commercial (l’ambiguïté des termes employés permettait aussi d’inclure toutes les personnes n’agissant pas à répétition).

Une première jurisprudence émise en 2017 par la Cour administrative de Leipzig, plus haute juridiction administrative d’Allemagne, avait déjà remis en cause cette loi, dans le cas « Koch c. Allemagne », qui remonte à 2005 et qui avait été porté devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

En 2004, Mme Koch, tétraplégique, avait demandé, sans succès, l’autorisation à l’Institut fédéral des médicaments d’obtenir les substances nécessaires pour pouvoir se suicider. Face à ce refus, elle et son époux ont formé un recours administratif dont ils furent déboutés. Ils se rendirent finalement en Suisse en 2005 pour que la femme puisse avoir recours à une assistance au suicide. Par la suite, M. Koch introduisit une action en vue d’obtenir une déclaration d’illégalité des décisions de l’Institut fédéral, action que le tribunal administratif, la Cour d’appel et la Cour constitutionnelle fédérale déclarèrent irrecevable.

Le requérant soutenait, en particulier, que le refus des juridictions allemandes d’examiner au fond son grief avait porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale – article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme -. Il était bien question en l’occurrence d’une atteinte portée à ses droits, en tant qu’époux et soignant, et non pas à ceux de sa femme. La Cour européenne des droits de l’Homme, au vu du lien matrimonial existant entre la femme et le requérant, donna raison à ce dernier, mais déclara également qu’il revenait aux juridictions allemandes d’examiner le fond de sa demande.

Pour Maître Pierre-Olivier Koubi-Flotte, Docteur en droit et avocat au barreau de Marseille, la décision de la CEDH est « contestable » et fait preuve d’un « manque de cohérence particulièrement surprenant. » Ce, d’autant plus qu’elle reconnaît que les Etats disposent d’une large marge d’appréciation pour décider si la pratique du suicide assisté doit ou non être autorisée dans leurs législations internes respectives.

Avant comme après cette décision, l’Etat allemand demeurait libre d’autoriser ou pas la délivrance par ses agences fédérales de produits létaux aux personnes souhaitant « se suicider ».

Puis, les juges de la Cour administrative de Leipzig émirent une jurisprudence précisant que « dans des cas exceptionnels, l’Etat ne peut empêcher l’accès d’un patient à des produits anesthésiques qui lui permettraient de se suicider de manière digne et sans douleur. » Malgré cela, toutes les demandes de suicides assistés adressées par la suite ont été rejetées par l’Institut fédéral des médicaments, sur demande ministérielle.

Récemment donc, la Cour constitutionnelle allemande a été saisie par des médecins, des patients, et des associations allemandes et suisses d’aide au suicide sur ce sujet. L’article 217 du code pénal, cité plus haut, a été déclaré inconstitutionnel, nul et non avenu, car il « vide de facto largement la possibilité du suicide assisté ». Selon les juges, cet article violerait les articles 1 et 2 de la Loi fondamentale allemande, qui disposent que « Chacun a droit au libre épanouissement de sa personnalité pourvu qu’il ne viole pas les droits d’autrui ni n’enfreigne l’ordre constitutionnel ou la loi morale » et « chacun a droit à la vie et à l’intégrité physique. La liberté de la personne est inviolable. Des atteintes ne peuvent être apportées à ces droits qu’en vertu d’une loi. »

Selon l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle allemande : « le droit général au libre épanouissement et à la dignité de l’être humain comprend le droit à une mort auto-déterminée. » Cette interprétation de la dignité, qui légitime le suicide, fait froid dans le dos. L’arrêt de la Cour précise cependant que « le législateur n’est pas empêché de réglementer l’aide au suicide. Mais toute législation sur ce sujet doit respecter l’être humain comme être (…) capable de poursuivre et d’exercer sa liberté d’autodétermination. » En revanche, il ne serait pas possible d’interdire le suicide sur certains critères, comme « le diagnostic d’une maladie incurable. »

Comme le souligne l’Institut européen de bioéthique, dans une analyse pertinente de cette décision : « L’Allemagne deviendrait ainsi le premier pays à organiser l’aide au suicide de manière inconditionnelle (…) En considérant que le principe de dignité humaine nécessite de privilégier l’autonomie de la personne par rapport au droit à la vie (pourtant l’un et l’autre inscrits dans la Loi fondamentale allemande), la Cour constitutionnelle laisse une marge de manœuvre extrêmement étroite au législateur allemand : celui-ci est en effet désormais tenu de mettre en place un système donnant les moyens à chacun de se suicider.».

En 2015, le Président de l’ordre des médecins allemands Frank Ulrich Montgomery s’était déclaré opposé à la légalisation de tels actes. « En tant que médecins, nous devons être clairs sur le fait que nous allons au chevet des patients en tant qu’assistants, en tant que guérisseurs et non en tant que tueurs », avait-il affirmé.

La Fondation allemande de soins palliatifs a également été déçue. « Désormais, rendre le suicide plus facile pour les malades et les fatigués de la vie devient un service normal » a-t-elle commenté. Thomas Sitte, médecin spécialiste des soins palliatifs à Fulda, a déclaré : « l’expérience de tous les autres pays montre que l’offre crée la demande. La Fondation continuera de lutter contre le courant dominant afin qu’à un moment donné, tout le monde puisse savoir qu’il est possible de soulager les souffrances sans tuer. »

Coeur artificiel Carmat : nouvel essai clinique en France

Coeur artificiel Carmat : nouvel essai clinique en France

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La société française Carmat a annoncé, il y a quelques jours, qu’elle était autorisée à reprendre les essais cliniques sur son coeur artificiel.

En France, les essais cliniques sur la prothèse avaient été suspendus à la suite du décès d’un patient. Sept ans après les premières tentatives, la société Carmat vient donc d’obtenir le feu vert pour de nouveaux essais cliniques de son coeur artificiel sur des patients en France.

En effet, la Haute Autorité de Santé (HAS) et l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) ont déclaré que le dispositif Carmat était éligible au programme “Forfait Innovation” dont l’objectif est de faciliter l’étude puis la commercialisation de dispositifs médicaux innovants. La HAS estime que “le cœur Carmat répond aux critères d’innovation grâce à l’utilisation de matériaux biologiques en contact avec le sang, à sa capacité d’autorégulation et aux équipements externes plus légers et plus silencieux“.

Le Directeur général de Carmat, Stéphane Piat a déclaré « Nous nous réjouissons de cet avis positif de la HAS qui démontre un réel besoin pour une prise en charge plus efficace et plus sûre des patients souffrant d’insuffisance cardiaque en France. Après l’approbation récente de la FDA pour lancer une étude de faisabilité de notre dispositif aux États-Unis, il s’agit d’une nouvelle étape importante de notre projet pour mettre rapidement notre technologie à disposition des patients éligibles à une transplantation cardiaque. »

Parallèlement, la société Carmat avait annoncé, le 5 février dernier, avoir reçu l’approbation de la FDA (Food & Drug Administration) pour le lancement, aux Etats-Unis, d’un essai clinique de son coeur artificiel sur 10 patients. Outre Atlantique, Carmat a déjà obtenu l’approbation conditionnelle de deux comités d’éthique américains, affirme l’entreprise.

Le développement d’un tel dispositif pourrait contribuer à l’augmentation de l’espérance de vie des patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère en attente de greffon, à un moment où il y a une forte pénurie de coeurs disponibles pour des transplantations.

Belgique : une loi pour l’élargissement de l’accès à l’euthanasie

Belgique : une loi pour l’élargissement de l’accès à l’euthanasie

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Une proposition de loi, introduite en octobre dernier en Belgique, prévoit un élargissement des conditions d’accès à l’euthanasie.

Trois mesures phares sont contenues dans cette révision, sur lesquelles le Conseil d’Etat a exprimé des réserves.

  1. La modification de la durée de validité des déclarations anticipées d’euthanasie qui passerait de cinq ans à une durée illimitée. Selon le Conseil d’Etat, une telle mesure « inverse la logique du système », en favorisant l’autodétermination de la personne au détriment de sa vie.
  2. L’obligation pour un médecin refusant de pratiquer l’euthanasie de renvoyer son patient vers un autre médecin susceptible d’accepter. Selon le Conseil d’Etat, une telle obligation « porte atteinte à la liberté de conscience du médecin concerné […] en ce qu’il est obligé de faciliter la pratique de l’euthanasie ».
  3. L’interdiction pour un établissement de conclure des clauses avec ses médecins qui interdiraient de pratiquer des euthanasies en leur sein. Le Conseil d’Etat a déclaré que cette mesure constituait une « limitation de la liberté de conscience et de religion, de la liberté philosophique ainsi que de la liberté d’association de ceux qui créent de tels établissements de soins », sans la remettre en cause.

Comme le souligne l’Institut européen de bioéthique qui a publié une analyse critique de ces mesures « s’installe alors progressivement un véritable droit individuel à obtenir l’euthanasie, opposable à toute communauté de soignants, dont l’exercice de la liberté de conscience serait rendu impossible en pratique. »

La proposition de loi a été approuvée en commission Santé mardi 18 février. La discussion devrait se tenir en séance plénière dans les semaines à venir.

Pour rappel, la Belgique a dépénalisé l’euthanasie en 2002.

Des soignants belges (professeurs d’Université, infirmiers, éthiciens) ont publié en 2019, Euthanasie, l’envers du décor, qui montre clairement les conséquences de l’euthanasie sur la pratique du soin : la loi a été modifiée à plusieurs reprises et le nombre d’euthanasies ne cesse de croître. L’ouvrage est en cours de traduction en anglais et en espagnol.

Euthanasie au Portugal : vers un passage en force ?

Euthanasie au Portugal : vers un passage en force ?

euthanasie portugal

 

Le Parlement portugais a adopté, le jeudi 20 février 2020, cinq propositions de loi sur l’euthanasie émanant de plusieurs partis de gauche. Elles ont été adoptées en première lecture et devraient être réunies en un seul texte pour continuer l’examen.

Ces cinq textes, avec des variantes, ont été déposés par le parti Socialiste, le Bloc de Gauche (extrême gauche), le parti animalier PAN, les Verts et le parti Iniciative Liberale.

Une tentative semblable avait échoué en mai 2018. Un sondage publié quelques jours avant le vote révélait qu’une minorité de la population portugaise était favorable à l’euthanasie (seulement 7%). 89% des personnes interrogées affichent une préférence pour les soins palliatifs et l’accompagnement en cas de maladie grave.

La composition du Parlement a été modifiée à la suite des élections législatives d’octobre 2019 pour lesquelles le taux d’abstention a connu des records (51,43%). La majorité parlementaire est actuellement à gauche et le parti socialiste a été renforcé : le PS a mis cette question à nouveau à l’ordre du jour.

Des groupes de la société civile opposés à la loi ont manifesté devant le parlement pour dénoncer ce passage en force. C’est en effet la première mesure législative de ce parlement, alors que le parti socialiste, vainqueur des élections, n’avait pas mis l’euthanasie dans son programme, ce qui aurait pu modifier le résultat des dernières élections, tant les acteurs de la société y sont opposés.

Ce débat intervient alors que le système de santé portugais s’est dégradé ces dernières années et que les soins palliatifs sont peu développés. Plusieurs instances s’opposent à cette loi et plaident pour un meilleur accompagnement en fin de vie et une véritable politique de développement des soins palliatifs: le Conseil national de l’éthique pour les sciences de la vie avait donné un avis négatif à la dépénalisation de l’euthanasie. Les ordres des médecins et des infirmiers, des psychologues et des juristes y sont également opposés. Ces derniers jours, les plus grands hôpitaux privés, ainsi que les « Misericordies » – la plus grande institution de réseaux de soins continus (soins de proximité pour des personnes dépendantes) – ont déclaré refuser de pratiquer l’euthanasie.

Plan national de soins palliatifs : l’IGAS fait un bilan critique du plan 2015-2018

Plan national de soins palliatifs : l’IGAS fait un bilan critique du plan 2015-2018

soins palliatifs

 

Le rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) d’évaluation du « plan national 2015-2018 pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement en fin de vie » a été rendu public le mercredi 12 février 2020. L’IGAS dresse un bilan mitigé de ce quatrième plan national des soins palliatifs et met en avant un impact « modeste » notamment dû à sa « construction imparfaite ».

Alors qu’il est daté de juillet 2019, le retard de sa publication interroge : « Pourquoi a-t-on perdu tant de temps ? Le prochain plan va démarrer avec au moins deux ans de retard, faute de moyens ou de volonté politique. Quel gâchis ! » a réagi le Dr Anne de la Tour, ancienne présidente de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs.

Pour rappel, ce plan évalué par l’IGAS avait été lancé en décembre 2015, sous la présidence de François Hollande. Destiné à être appliqué de 2016 à 2018, il disposait d’un budget de 190 millions d’euros. Ce plan a été mis en place tardivement, trois ans après le plan 2008-2012 qui avait permis une progression notable. Ce retard, ainsi que la forte disparité régionale de l’accès aux soins palliatifs, avaient été dénoncés dans un rapport de la Cour des comptes en février 2015.

Quatre principaux axes d’action avaient été définis :

  • informer le patient sur ses droits et le placer au cœur des décisions qui le concernent,
  • accroître les compétences des professionnels et des acteurs concernés,
  • développer les prises en charge au domicile,
  • et réduire les inégalités d’accès aux soins palliatifs.

Le bilan réalisé au terme de l’évaluation menée par l’IGAS est très critique. Mis à part le deuxième axe concernant la recherche en soins palliatifs, qui a été mis en place de façon satisfaisante, les trois autres axes n’ont été mis en œuvre que partiellement. « L’impact concret et spécifique du plan pour les acteurs de terrain et les bénéficiaires apparaît modeste » soulignent les rapporteurs. L’offre de soins palliatifs n’a que peu progressé. Entre 2015 et 2018, le nombre de lits en unités de soins palliatifs est passé de 1562 à 1776, le nombre de lits identifiés soins palliatifs est passé de 5072 à 5479 et le nombre d’équipes mobiles en soins palliatifs est passé de 379 à 385. Autre élément inquiétant soulevé : « le déficit en personnels spécialisés en soins palliatifs persiste, voire s’aggrave. »

Par ailleurs, « le Centre national [des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV)] n’est pas parvenu à ce jour à s’imposer comme un acteur de référence ; il connaît des problèmes récurrents de gouvernance et, malgré des réalisations notables, il a rempli ses missions statutaires de manière inégale. » Un rapport de ce centre sur l’application de la loi fin de vie de 2016 daté de novembre 2018 a fait l’objet de vives controverses, tant son approche était biaisée.

En conséquence, l’IGAS recommande trois préconisations principales. D’abord, la mise en place d’un nouveau plan triennal pour la période 2020-2022, qu’il aurait voulu voir prendre effet dès janvier 2020. Ensuite, le lancement d’une nouvelle réflexion de fond stratégique pour repenser les futurs plans : « la mise en œuvre de plusieurs orientations clés des quatre plans successifs […] semble avoir buté sur des obstacles structurels et récurrents qui appellent des solutions renouvelées. » Enfin, le renouvellement du CNSPFV, et notamment de sa gouvernance.

Les rapporteurs mettent en avant quatre objectifs que le nouveau plan triennal devra remplir :

  • changer la perception de la période de fin de vie et de la mort en France,
  • améliorer la qualité des soins palliatifs et de la fin de vie,
  • soutenir l’innovation organisationnelle,
  • et faire progresser la culture palliative.

Plus concrètement, le nouveau plan devrait permettre d’ « atteindre la cible d’au moins un lit d’unité de soins palliatifs (USP) pour 100 000 habitants et d’au moins une USP par département en 2022, créer des dispositifs de permanence territoriale téléphonique en soins palliatifs, conventionner les établissements sociaux et médico-sociaux avec des structures de soins palliatifs, développer des lieux de répit, et poursuivre le développement de projets de télémédecine dans le champ des soins palliatifs. »

Pour Alliance VITA, ce rapport met en lumière des dysfonctionnements et le manque de volonté politique observé ces dernières années. Il est urgent de mettre en place un nouveau plan afin que l’offre de soins palliatifs progresse véritablement et qu’ils soient mieux insérés dans l’organisation globale des soins.

Midazolam et fin de vie à domicile : sortir de la confusion

Midazolam et fin de vie à domicile : sortir de la confusion

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Midazolam et fin de vie à domicile : sortir de la confusion

 

L’annonce de la disponibilité prochaine du Midazolam dans les pharmacies de ville en même temps que la publication par la Haute autorité de santé (HAS) d’une mise à jour de la pratique de la sédation profonde et continue jusqu’au décès induit une grave confusion sur les indications de ce produit et sur l’accompagnement des personnes en fin de vie à domicile.

La démarche de la HAS

Elle s’inscrit dans la continuité du travail entrepris à la suite du vote de la loi Claeys Leonetti de 2016, pour préciser l’encadrement des stratégies de prise en charge de la douleur, dont la pratique exceptionnelle de la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Ce travail a abouti à la publication en 2018 du guide parcours de soins « Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ? », proposant des outils pour aider à la décision et à la mise en œuvre de cette sédation.

Le texte vient d’être mis à jour pour préciser les modalités d’utilisation des médicaments, y compris hors AMM*, pour accompagner les patients en fin de vie par une sédation, et « qu’elle soit proportionnée, profonde, transitoire ou maintenue jusqu’au décès”

En réalité la HAS décrit donc les médicaments de la sédation et leurs modalités d’utilisation et élabore des recommandations sur l’« antalgie des douleurs rebelles et [les] pratiques sédatives chez l’adulte : prise en charge médicamenteuse en situations palliatives jusqu’en fin de vie » du fait qu’aucune molécule n’a actuellement d’AMM dans ces indications de pratiques sédatives.

Le Midazolam, actuellement disponible uniquement en milieu hospitalier, est le médicament recommandé en première intention pour la sédation.

Dans son communiqué du 10 février 2020, la HAS demande aux pouvoirs publics, sur la base de ces recommandations, de permettre la dispensation effective de ces médicaments aux médecins généralistes libéraux qui prennent en charge des patients en fin de vie à leur domicile.

*L’AMM (Autorisation de mise sur le marché) concerne les caractéristiques attribuées à un médicament et à son utilisation. Elle est accompagnée : du Résumé des Caractéristiques du Produit  (RCP) et de la notice pour le patient.

Qu’est-ce que le Midazolam ?

Le Midazolam, plus connu sous l’ancien nom commercial d’Hypnovel® est la seule benzodiazépine actuellement sur le marché avec un temps d’action extrêmement court. Les benzodiazépines sont des molécules utilisées en psychiatrie, contre l’anxiété essentiellement, en neurologie pour le traitement des épilepsies, en anesthésie-réanimation pour la sédation, en addictologie pour aider au sevrage de l’alcool…

Dans cette classe des benzodiazépines, les molécules comme le Lexomil®, Xanax®, Valium®, Rivotril®… sont bien connues.  Une des problématiques de ces molécules est leur durée d’élimination avec des demi-vies qui peuvent aller jusqu’à presque 7 voire 10 jours. L’intérêt du midazolam est d’être éliminé rapidement avec une demi-vie de l’ordre de deux heures, ce qui évite des risque d’accumulation et est un atout essentiel dans l’équilibre des traitements, particulièrement chez les sujets âgés, ou chez tout sujet présentant des décompensations organiques (cardiaques, respiratoires, hépathiques, rhénales…) que l’on peut voir en fin de vie. Il est donc pertinent d’utiliser le Midazolam.

Cela a même pu être recommandé, en fin de vie ou non, dans le cadre de réalisation de soins anxiogènes ou simplement pour lutter contre une anxiété souvent présente. Sur un plan pharmacologique, il est donc nécessaire de donner aux médecins généralistes l’accès au Midazolam. Cette molécule existait d’ailleurs en vente en officine sous la forme du Versed® jusqu’au 30 avril 2013.

L’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé)  recommande le Midazolam hors AMM en cas de réalisation de soins douloureux en complément d’un traitement antalgique, en raison de l’anxiolyse qu’il entraîne et de son effet amnésiant (accord professionnel).

Actuellement ce produit a reçu une AMM dans un contexte d’anesthésie. Le ministère de la santé a annoncé modifier l’AMM du Midazolam pour intégrer la sédation, ce qui provoque un amalgame entre ce produit et la sédation profonde et continue jusqu’au décès.

La sédation profonde et continue jusqu’au décès, une pratique exceptionnelle

La « sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès » est un traitement très exceptionnel qui était pratiqué par les professionnels, avant le vote de la loi fin de vie de 2016, en cas de souffrances réfractaires intolérables ne pouvant être soulagées par aucun autre moyen et lorsque le pronostic vital était engagé à court terme. Dans son principe, la sédation conduit à altérer la conscience du patient et le coupe de toute relation.

Les doses de sédatifs peuvent être proportionnelles à l’intensité des symptômes et réversibles. Les professionnels privilégient au maximum l’utilisation d’analgésiques permettant aux patients de garder leur conscience. A l’inverse, endormir un patient dont on sait qu’il ne se réveillera pas est difficile à vivre pour les proches comme pour les soignants. Le texte de la HAS, le précise très justement et prévoit un accompagnement spécifique des différents acteurs pour que ces situations, qui doivent demeurer exceptionnelles, ne soient pas banalisées.

La loi a prévu que le patient puisse avoir l’initiative de la demande de sédation. Couplée à l’arrêt ou la limitation de traitements ou de soins, dont la nutrition et l’hydratation, cette pratique comporte des risques de dérives euthanasiques dans son application. Alliance VITA les a dénoncées lors des débats sur la révision de la loi avec le mouvement Soulager mais pas tuer dont elle fait partie et qui rassemble également des professionnels de santé. Si les recommandations de la HAS tentent de lever les ambiguïtés, certaines persistent.

Ce que dit la loi

A la suite des recommandations de la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005 diligentée après l’affaire Chantal Sébire (2008), qui avait amené à une mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005, le code de déontologie avait été modifié et préconisait dans le §III de son article 37 : « (…), le médecin, même si la souffrance du patient ne peut pas être évaluée du fait de son état cérébral, met en œuvre les traitements, notamment antalgiques et sédatifs, permettant d’accompagner la personne (…). Il veille également à ce que l’entourage du patient soit informé de la situation et reçoive le soutien nécessaire. »

Le principe du maintien d’une sédation et cet article du Code de déontologie n’étaient pas explicitement repris dans la loi du 22 avril 2005.

La loi du 2 février 2016 a introduit la notion de  sédation profonde continue et maintenue jusqu’au décès dans des conditions très précises : à la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable. 

L’obstination déraisonnable est définie par la loi : elle correspond à des actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de soins qui ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. Deux ans après la promulgation de la loi, la HAS a publié en février 2018 un texte définissant les modalités de la sédation profonde continue maintenue jusqu’au décès.

Le temps nécessaire à la rédaction des recommandations de la HAS témoigne des difficultés d’appréciation des modalités concrètes d’une mise en oeuvre qui doit rester exceptionnelle et ne peut être banalisée.

 D’où vient la confusion ?

1/ Dans sa lettre au Syndicat des Médecins Libéraux, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn assimile le Midazolam à la sédation profonde et continue. Cela risque d’occulter sa réelle utilité pour l’orienter vers une pratique « banalisée », alors que ce type de sédation doit rester exceptionnel. 

Donner l’accès aujourd’hui au Midazolam après avoir voté la loi Claeys-Leonetti en février 2016 augmente le risque d’un glissement vers davantage d’euthanasies masquées.

2/ Par ailleurs, un médecin généraliste de Seine-Maritime a été accusé en décembre dernier par la justice d’avoir involontairement causé la mort de cinq personnes âgées en leur prescrivant du Midazolam, présenté comme un puissant sédatif réservé à un usage hospitalier.

Il s’était procuré illicitement ce produit auprès de sa femme, anesthésiste. La procédure étant en cours, il est difficile de se prononcer. Ce médecin a expliqué avoir utilisé ce produit anxiolytique pour soulager ses patients, pas pour les faire mourir : « En utilisant ce médicament, il ne s’agissait ni d’accélérer la mort, ni de prolonger inutilement le patient. Il s’agissait vraiment, au sens strict, d’un accompagnement qui permet au patient de rester chez lui et aussi à sa famille de pouvoir vivre le plus paisiblement possible ces moments qui sont toujours difficiles. »

La mise à disposition pour les médecins généralistes libéraux du Midazolam peut-elle entraîner une augmentation du nombre d’euthanasies masquées ?

Il ne devrait pas y avoir de relation de cause à effet. Sauf à réduire l’accompagnement de fin de vie à pratiquer une sédation jusqu’au décès. Grâce à la bonne utilisation de cette molécule, la qualité du soin devrait être améliorée. En l’occurrence, dans les cas de douleurs amplifiées par une anxiété majeure, l’emploi approprié du Midazolam peut permettre de réduire ce type de demandes « d’en finir », au demeurant très rares, souvent en lien avec une insuffisance de soins.

Le défi est davantage celui de la formation des médecins à l’utilisation de ce produit, des conditions d’une réelle collégialité en cas de son utilisation sédative. C’est le contexte de la loi Claeys-Leonetti qui entretient une certaine confusion.

 

 

Bioéthique : principales modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

Bioéthique : principales modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

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Le Sénat a adopté la loi bioéthique à quelques voix près (153 voix pour, 143 contre) le 4 février 2020.

Entre tentatives d’améliorations qui peuvent être saluées et aggravations, l’économie du texte ne change pas fondamentalement.

Les sénateurs ont multiplié les votes contradictoires. A l’arrivée, ce texte demeure inacceptable, en raison des graves injustices qu’il fait peser sur les générations à venir en cédant à l’individualisme et au scientisme. Jamais un texte bioéthique n’a été aussi éloigné de l’éthique, qui se doit d’être garante des droits humains, de la protection de la vie, de son intégrité et de la dignité humaine.

Toutes ces nouvelles dispositions pourront être remises en cause par les députés en seconde lecture. Le texte modifié a été transmis à l’Assemblée nationale : la date de l’examen en seconde lecture n’est pas encore connue, sans doute courant avril 2020.

Maintien de la “PMA sans père”, sans remboursement

L’article 1 qui étend l’assistance médicale à la procréation (aussi couramment dénommée PMA) avec donneur aux femmes seules ou à deux, sans partenaire masculin, a été l’objet d’une longue discussion pour être finalement adopté avec des modifications notables déjà votées en commission spéciale pour certaines : le critère d’infertilité médicale a, en effet, été réintroduit en commission spéciale pour les couples composés d’un homme et d’une femme, assorti de la prise en charge par l’assurance maladie. En revanche, les sénateurs ont supprimé le remboursement de la PMA avec donneur pour les femmes seules ou en couple. La mention « nul n’a le droit à l’enfant » ajoutée à juste titre en amont de ce même article perd de son effectivité, avec l’adoption de la « PMA sans père ».

Dans ce contexte évolutif de la pratique de la PMA, des sénateurs ont plaidé en vain pour qu’une clause de conscience soit instaurée pour les médecins et personnels de santé qui ne souhaitent pas participer à sa pratique, quelles qu’en soient les raisons d’y recourir. De plus, la commission spéciale a supprimé la mesure d’instauration d’un plan national infertilité, introduite par les députés pour favoriser les recherches sur les causes de l’infertilité et leur prévention, au prétexte que cela ne relevait pas de la loi. L’infertilité étant un enjeu sanitaire majeur, cette focalisation sur les seules techniques de procréation artificielle, contraignantes physiquement et psychologiquement, pour la femme et le couple ne peut qu’interroger, alors que la moitié des couples qui y ont recours n’auront pas d’enfants.

Les sénateurs sont, par contre, revenus en séance sur le double-don de gamètes pour l’interdire. De même, les sénateurs ont adopté un amendement du gouvernement, pour que seuls les centres à but non lucratif soient autorisés à accueillir, stocker et congeler les embryons. Cette mention avait été supprimée en commission spéciale, porte ouverte à la mise en place progressive du marché de la procréation.

Suppression de l’autoconservation des gamètes

L’article 2 ouvrant l’autoconservation des ovocytes pour les femmes, sans raison médicale, pour procréer plus tard par fécondation in vitro a été rejeté.

Remise en cause de la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes

La levée de l’anonymat du don de gamètes, autre mesure phare de ce texte, a, par contre, été fortement remise en cause par le Sénat. Le texte de loi initial, voté en 1ere lecture par l’Assemblée nationale, prévoyait que le donneur devait consentir à lever son identité à la majorité de l’enfant s’il en fait la demande. Les sénateurs ont modifié cet article pour faire primer la volonté du donneur qui pourrait décider ou non de divulguer son identité au moment où l’enfant en ferait la demande. Cette modification majeure vide en partie l’effectivité de cette levée. Cela constitue une véritable bombe à retardement au détriment des enfants et une terrible hypocrisie.

Suppression de deux filiations maternelles

Concernant les règles d’établissement de la filiation dans le cadre de PMA réalisées par des couples de femmes, le texte de loi a été également largement modifié. Les sénateurs ont réécrit presque intégralement l’article. Le texte prévoyait originellement l’établissement d’une filiation par reconnaissance anticipée de deux « femmes ». Désormais, l’établissement de deux filiations maternelles ou paternelles à l’égard du même enfant est rendu impossible. Une distinction est opérée entre la femme qui accouche (automatiquement considérée comme mère de l’enfant) et l’autre femme (qui doit adopter l’enfant). Par ailleurs, les couples pacsés ou en concubinage peuvent désormais adopter, et la procédure d’adoption pour le deuxième conjoint serait facilitée.

Interdiction de retranscription à l’état civil – Gestation par Autrui (GPA)

La question de la Gestation par Autrui (GPA), qui avait été introduite en Commission spéciale, a été de nouveau évoquée. Si l’interdiction de la retranscription à l’état civil français des enfants nés de GPA à l’étranger a bien été maintenue (après avoir été adoptée par la Commission), un amendement de la rapporteur, Muriel Jourda, autorise en revanche la retranscription des jugements d’adoption, sans mention de l’injustice que constitue cette pratique. Pour rappel, une jurisprudence de la Cour de cassation avait récemment autorisé la retranscription automatique de ces actes de naissance, alors que la GPA constitue une fraude à la loi.

Les articles 5, 6 et 7, portant respectivement sur la greffe, le don de cellules souches hématopoïétiques et le consentement des personnes sous mesure de protection, ont été adoptés.

Principe de précaution bioéthique rejeté

En début de discussion, un amendement demandant d’inscrire un principe de précaution dans la loi a été rejeté. L’argumentation de la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, est révélatrice « le principe de précaution est à la fois un système d’évaluation et la mise en place de mesures proportionnées et provisoires en cas d’atteinte grave et irréversible. Or en matière de bioéthique je pense que nous nous interrogerions à l’infini sur ce qui est une atteinte grave et irréversible, nous aurions ici une difficulté. » C’est justement ce qui mobilise tous ceux qui alertent sur ce texte et c’est aussi ce qui justifie notre opposition.

Suppression des tests génétiques « récréatifs » et de dépistage pré-conceptionnel

Le Sénat a également voté la suppression des articles 10bis et 10ter, qui avaient été adoptés en Commission spéciale. L’article 10bis, à l’initiative du sénateur et rapporteur Olivier Henno (Groupe Union Centriste) ouvrait la possibilité d’avoir recours à des tests génétiques récréatifs. Le même sénateur avait déposé un amendement créant un article 10ter, pour permettre à des couples d’avoir recours à un dépistage préconceptionnel « à titre expérimental », c’est-à-dire une analyse des caractéristiques génétiques des deux membres d’un couple, sans raisons médicales préalables, afin de savoir s’ils sont « compatibles » ou s’il y a un risque potentiel de transmission d’une maladie génétique connue à leurs futurs enfants. Dans la loi actuelle, le dépistage préconceptionnel est très rarement pratiqué, seulement lorsqu’il existe des maladies génétiques héréditaires dans la famille. Défendant la suppression de cet article, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a déclaré : « Tout le monde se sentira obligé un jour de faire ce genre de test. […] cela donne l’image d’une société où le génome contrôle tout, où l’humain contrôle sa descendance, le mythe de générations futures indemnes. »

Suppression de création d’embryons transgéniques et chimères

Moins évoquée dans les médias, la recherche sur les embryons humains est pourtant un enjeu de taille du projet de loi. Les sénateurs ont finalement voté la suppression de l’article 17, qui autorisait la création d’embryons chimères et transgéniques. Alliance VITA a été lanceur d’alerte pour dénoncer la création de chimères, dans l’ignorance générale, alors que leurs promoteurs tentaient de dissimuler ce basculement derrière des changements de vocabulaire, tels que : l’introduction de cellules embryonnaires humaines ou de cellules souches pluripotentes induites (IPS) dans des embryons d’animaux..

D’autre part, le projet de loi entend autoriser la recherche sur les gamètes artificiels. Au Sénat, un amendement est venu préciser que les gamètes artificiels (créés à partir de cellules humaines reprogrammées, dites IPS, ou à partir de cellules souches embryonnaires humaines) ne peuvent pas être fécondés pour constituer un embryon.

Allongement du délai à 21 jours pour la recherche sur l’embryon

En revanche, toutes les demandes pour que soient limitées et davantage encadrées les recherches sur les cellules souches embryonnaires ou les embryons humains ont été rejetées. La recherche sur les cellules souches embryonnaires ne sera plus soumise qu’à déclaration, et non pas à demande d’autorisation préalable, comme si la provenance de ces cellules, un être humain au commencement de sa vie, n’avait plus d’importance. Quant aux pré-requis pour obtenir une autorisation de recherche sur l’embryon, ils n’ont de cesse d’être fragilisés à chaque révision de la loi. Le Sénat propose que ce qui « vise à améliorer la connaissance de la biologie humaine » devienne une raison suffisante ; nous sommes loin de l’exigence des progrès thérapeutiques majeurs exigés lors des premières autorisations accordées par la loi de 2004. Le Sénat propose que la recherche sur l’embryon humain soit autorisée jusqu’au 21ème jour, un stade de développement très avancé, d’un point de vue de la mise en place du système nerveux notamment. Les députés avaient voté 14 jours. La pratique actuelle est de 7 jours maximum, date symbolique majeure où l’embryon est implanté dans l’utérus maternel dans les conditions naturelles.

Rejet de l’extension du Diagnostic préimplantatoire (DPI)

Le DPI-HLA (aussi appelé « bébé médicament »), qui avait été réintroduit en commission spéciale après avoir été supprimé par l’Assemblée nationale, a été confirmé par les sénateurs, qui ont refusé la demande de suppression. Cette pratique hautement controversée éthiquement n’est plus pratiquée depuis 2014. Elle consiste à effectuer une double sélection d’embryons obtenus par fécondation in vitro : d’une part pour sélectionner les embryons indemnes de la maladie d’un membre d’une fratrie et d’autre part choisir parmi ceux-ci les embryons génétiquement compatibles avec lui, afin de greffer les cellules souches de cordon ombilical prélevées sur le nouveau-né à son ainé malade. La constitution de stock de cellules de sang de cordon, offrant une grande variété de typage, décidée lors de la dernière loi de bioéthique avait comme objectif notamment d’éviter cette pratique.

Par contre, le Sénat a voté la suppression de l’article 19ter, introduit par la Commission spéciale, qui rendait possible le DPI-A (le diagnostic préimplantatoire pour la recherche d’aneuploïdies, c’est-à-dire la recherches d’anomalies chromosomiques sur des embryons issus de Fécondation in vitro, dont la trisomie). Cette question est centrale, puisque cela aboutirait à multiplier le recours à cette pratique (moins de 200 enfants naissent chaque année après DPI) et à accroire l’eugénisme : la sélection d’embryons s’élargirait à des critères non héréditaires, et donc imprévisibles.

Clause de conscience revue, pour les médecins en cas d’Interruption médicale de grossesse (IMG)

Le Sénat en commission spéciale a supprimé la clause de conscience spécifique à l’IMG des personnels de santé dans la mesure où elle est assurée pour tout type d’interruption de grossesse (art. par l’art L2212-8 du code de la santé publique : « Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse pour motif médical. »). Concernant les médecins, la commission a retenu cependant la mesure contenue dans le texte du gouvernement, c’est à dire l’alignement sur la clause de conscience concernant l’IVG qui oblige à référer la patiente à un autre praticien. « Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption de grossesse pour motif médical mais il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention. ». Les sénateurs ont confirmé également la suppression de l’autorisation parentale pour les mineures et la suppression de la proposition d’un délai d’une semaine de réflexion, mesures contenues dans le projet de loi initial présenté par le gouvernement.

Supprimer la proposition d’un délai de réflexion d’une semaine pour avoir recours à une IMG, et ne plus exiger le consentement des parents pour les mineures, conduit à banaliser davantage un acte qui a de lourdes conséquences humaines et psychologiques, au détriment des alternatives que constituent l’accueil et la prise en charge des nouveau-nés malades ou handicapés et de leurs familles.

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Pour aller plus loin :

Réaction d’Alliance VITA au vote du PJL en 1ère lecture au Sénat

 

Décryptage du PJL voté en 1ère lecture à l’Assemblée nationale

 

GPA : décès d’une mère porteuse aux Etats-Unis

GPA : décès d’une mère porteuse aux Etats-Unis

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Michelle Reaves, une jeune femme américaine, est tragiquement décédée des suites de son accouchement, après une gestation effectuée pour un couple. C’était la deuxième fois que cette femme, mariée et mère de deux enfants, était engagée comme mère porteuse par le couple en question.

L’annonce de sa mort a été relayée grâce à la cagnotte en ligne lancée par une de ses amies, pour venir en aide à son mari veuf et ses enfants désormais orphelins de mère, et pour payer les frais des obsèques.

Ce cas rappelle ceux emblématiques de Premila Vaghela, une femme indienne également mariée et mère de deux enfants, décédée des suites de son accouchement après avoir servi de mère porteuse à une femme américaine, et de Brooke Browns, une américaine décédée suite à des complications de grossesse lors d’une GPA effectuée par un couple d’espagnols.

Rappelons que malgré l’interdiction de la GPA en France, la Cour de cassation a ordonné en décembre dernier la retranscription à l’état civil français des actes de naissance d’enfants nés à l’étranger par PMA avec tiers donneurs et par GPA.