Session 7 de la Convention citoyenne : des propositions pour améliorer l’accompagnement de la fin de vie

Session 7 de la Convention citoyenne : des propositions pour améliorer l’accompagnement de la fin de vie

Après une audition sur le discernement et les maladies psychiques, la Convention citoyenne sur la fin de vie a poursuivi son travail lors de cette 7e session du 3 au 5 mars. 67 propositions ont ainsi été votées pour améliorer « le cadre actuel d’accompagnement de la fin de vie »  lesquelles figureront dans le document final remis au gouvernement. Par ailleurs, de nouveaux votes ont eu lieu sur l’aide active à mourir, faisant apparaître des évolutions de positionnement.

 

Une table ronde sur le discernement et les maladies psychiques à la Convention citoyenne

Vendredi en fin d’après-midi, les participants de la Convention citoyenne ont pu assister à une table ronde réunissant le Docteur Saena Bouchez, psychiatre à l’hôpital Lariboisière, le Docteur Sophie Moulias, médecin gériatre à l’APHP et le docteur Jacques Grill, pédiatre neuro-oncologue à l’Institut Gustave Roussy.

L’objectif de cette table ronde était d’aider les citoyens à évaluer dans quelle mesures les personnes âgées, les enfants et les personnes atteintes de troubles psychiques sont en mesure de formuler une demande consciente et autonome d’aide active à mourir (euthanasie ou suicide assisté).

 

A l’issue de cette table ronde, plusieurs enseignements se dégagent :

  • Le recueil de la volonté du patient exige qu’on prenne en compte les spécificités de ces situations :

> Les maladies neuro-évolutives peuvent provoquer des changements dans le discernement de certaines personnes âgées, qui parfois souhaitent que leurs enfants décident pour elles.

> Chez les enfants, la parole est assez difficile à dissocier de celle des parents.

> Certaines pathologies psychiques peuvent être à l’origine d’un trouble du discernement.

  • Que ce soit chez les personnes âgées ou chez les enfants, les demandes de mourir restent exceptionnelles. Le Dr Sophie Moulias dit même n’en avoir jamais rencontré. Les personnes âgées peuvent éprouver une lassitude, souffrir de l’isolement, de la perte sensorielle ; elles ne demandent pas pour autant à mourir.
  • Aujourd’hui, l’urgence est à un meilleur accompagnement des malades et des personnes âgées. Pour le Dr Sophie Moulias, la solitude est la « vraie pathologie de notre société ». Selon elle, « la mort sociale touche beaucoup de gens du grand âge, beaucoup du monde rural. [….] Les médicaments ne remplaceront pas l’humain. » En écho à ces propos, le Dr Jacques Grill complète : « Aujourd’hui, ce n’est pas la loi qui nous empêche d’être humain avec nos malades, c’est le manque d’humains pour être là avec les malades. ».
  • Pour les personnes âgées comme pour les enfants, la légalisation de l’euthanasie et/ou du suicide assisté n’est pas sans risque :

> Il y a le risque, pour les personnes âgées, que ce soit les familles qui fassent la demande pour elles.

> De même, en pédiatrie : « Si on ne réussit pas à recueillir de façon correcte la parole de l’enfant, c’est donc le tiers qui prend la décision pour autrui. Et c’est un pouvoir qu’on donne aux parents, mais c’est un pouvoir extrêmement dangereux pour eux, parce qu’ils vivent après avoir pris la décision de l’euthanasie ou du suicide assisté de leur enfant. » explique Jacques Grill.

> Enfin, légaliser l’euthanasie risque de décourager les soignants et de les pousser au départ. Selon Sophie Moulias, « envisager l’euthanasie serait pour l’immense majorité des soignants de gériatrie quelque chose d’extrêmement choquant. »

  • Aujourd’hui, le Dr Saena Bouchez estime que la psychiatrie manque encore de critères pour définir les troubles réfractaires aux traitements et tout ce qui peut amener un patient à faire une demande d’aide active à mourir parce que sa souffrance n’a pas pu être soulagée.

67 propositions pour améliorer l’accompagnement de la fin de vie

Après des travaux en groupes toute la journée du samedi, notamment sur l’aide active à mourir (arguments pour/contre, parcours, critères d’accès), les citoyens étaient réunis en plénière le dimanche, pour voter sur les propositions d’amélioration du « cadre actuel » d’accompagnement de la fin de vie qui figureront dans le document final à remettre au gouvernement. 67 propositions ont été retenues autour de 9 thèmes.

  • Respect du choix et de la volonté du patient : choix du lieu de sa fin de vie, parcours d’orientation, renforcement des directives anticipées et de la personne de confiance.
  • Accompagnement à domicile : projet thérapeutique, accompagnement des aidants, implication d’associations de bénévoles, renforcement du contrôle des sédations profondes et continues à domicile, mise en place d’une astreinte.
  • Garantie des budgets nécessaires. Sur ce thème, les citoyens ont décidé d’appliquer le principe du « Quoi qu’il en coûte » aux soins palliatifs, en revoyant le budget, leur système de tarification et de financement, et en améliorant les conditions de travail des personnels. Le système de tarification à l’acte (T2A) doit être « questionné » ou « revisité ».
  • Le développement des soins palliatifs. La proposition phare est de « parvenir à une égalité d’accès aux soins palliatifs pour tous et partout ».
  • Egalité d’accès à l’accompagnement de la fin de vie. Il s’agit de développer la couverture en soins palliatifs dans toutes les régions, renforcer la coordination, l’approche pluridisciplinaire, développer l’accès à l’information sur les directives anticipées…Une proposition a été adoptée pour inscrire dans la loi un « droit opposable à l’accompagnement à la fin de vie et aux soins palliatifs. ». Il faut savoir qu’un tel droit existe déjà dans la loi depuis la loi de 1999 qui affirme le droit d’accès de tous à des soins palliatifs.
  • Information du grand public. Sur ce thème, au-delà de campagnes d’information et d’interventions d’associations, les citoyens ont adopté des propositions pour favoriser dans la société un « changement de regard » sur la vieillesse et la fin de vie.
  • Formation des professionnels de santé : développer la formation initiale sur les soins palliatifs, la prise en charge des douleurs et de la fin de vie et intégrer un cycle de formation sur « les questions éthiques, la vie et la mort » dans leur formation initiale.
  • Organisation du parcours de soins. Ce thème regroupe des propositions très diverses, sur des parcours de soins spécifiques pour les maladies neuro dégénératives, l’accompagnement psychologique et social, les formations à l’écoute, la profession d’aide-soignant, les aidants et l’instauration d’un comptage des sédations profondes et continues.
  • Moyens dédiés à la recherche et développement pour mieux prendre en charge la souffrance et inventer les futurs remèdes.

 

L’ensemble de ces propositions peut être consulté sur le site de la Convention citoyenne.

De nouveaux votes sur l’aide active à mourir

De plus, dans un tweet du 4 mars, Antoine d’Abbundo, journaliste à La Croix, révèle que de nouveaux votes sur l’aide active à mourir et les conditions d’accès ont eu lieu lors de cette session.

A la question « L’accès à l’aide active à mourir devrait-il être ouvert ? », les résultats changent peu par rapport aux votes qui avait eu lieu lors de la dernière session, si ce n’est qu’ils sont légèrement plus nombreux à avoir voté « non » (24% contre 19%).

Toutefois, sur les critères d’accès, l’appréciation des citoyens semble avoir évolué depuis la dernière session puisqu’ils sont 48% à considérer que la majorité légale est un critère important à prendre en compte, 64% à considérer un pronostic vital engagé à court terme comme un critère important et 60% pour un pronostic vitalm engagé à moyen terme.

En comparaison, lors de la précédente session, ils étaient respectivement 67% et 56% à se prononcer favorablement pour l’euthanasie et le suicide assisté pour les mineurs, et 45% étaient favorables au suicide assisté pour des personnes « atteintes de maladies incurables provoquant des souffrances ou douleurs réfractaires sans pronostic vital nécessairement engagé ».

Un résultat est néanmoins inquiétant, puisque 63% des citoyens considèrent que le discernement via une personne de confiance est un critère important à prendre en compte. La personne de confiance pourrait-elle donc décider d’une euthanasie à la place du patient ?

Enfin, 55% des citoyens rejettent la prise en compte des souffrances psychiques et existentielles pour l’accès à une aide active à mourir.

Sur ces questions, les votes définitifs devraient avoir lieu lors de la prochaine session du 17 au 19 mars. Un débat est également prévu sur la fin de vie dans 10 ans.

Finalement, la Convention citoyenne remettra les conclusions de ses travaux le 2 avril plutôt que le 19 mars, date initialement prévue. C’est le mouvement social qui a conduit la Convention à décaler ses deux dernières sessions.

Des remous après la session 6 de la Convention fin de vie

Par ailleurs, comme l’a révélé un article du Figaro, certains membres de la Convention citoyenne ont éprouvé un réel malaise sur la communication qui a été faite après les votes de la session 6 sur l’aide active à mourir. 

Une quarantaine de citoyens ont demandé au comité de gouvernance de relayer un communiqué de presse pour s’élever contre ce traitement médiatique focalisé sur les résultats de votes provisoires.

Comme l’explique une citoyenne signataire, Soline, lors de la conférence de presse qui a suivi la session, « on avait fait un week-end très riche, plein de débats et plein de contenus, et il n’y a eu que les chiffres qui sont ressortis ». Ces citoyens ont regretté que tout le travail fait par un groupe important de la Convention sur des « propositions transverses » et notamment sur le développement des soins palliatifs, ne soit pas relayé. « On s’est senti lésé d’un manque de médiatisation de ces propositions », selon Soline.

Il reste à espérer que les médias, ainsi que le gouvernement, sauront accorder l’attention qu’elles méritent à ces propositions lors de la remise du rapport final.

 

[CP] L’avortement, otage de manœuvres politiciennes

[CP] L’avortement, otage de manœuvres politiciennes

Après l’annonce par le président de la République d’un projet de loi constitutionnel pour inscrire l’IVG dans la constitution, Alliance VITA dénonce l’instrumentalisation grossière et indécente de la douloureuse question de l’avortement.

 

Ce projet remet en jeu l’édifice juridique au détriment de la démocratie et des droits humains.

 

Dans une décision de 2001, le Conseil constitutionnel a évalué la loi sur l’IVG en prenant en compte la liberté de la femme, la sauvegarde de la dignité humaine, le droit à la vie et la liberté de conscience. Aucun de ces principes ne figurent en tant que tels dans la constitution mais ont alors été reconnus par la jurisprudence du Conseil constitutionnel comme ayant une valeur constitutionnelle. Inscrire l’interruption volontaire de grossesse dans la constitution sans inscrire les autres principes qui y sont associés constitue une rupture qui fragilise ces derniers.

Par le jeu des questions prioritaires de constitutionnalité, on peut craindre qu’il devienne alors possible d’exiger une IVG jusqu’à son terme ou en raison du sexe, ce qui est proscrit en France et dans de nombreux pays. Cela pourrait aboutir également à remettre en question la clause de conscience des soignants et menacer encore davantage la liberté d’expression sur une question sociale et humanitaire qui demeure un douloureux tabou.

 

D’autre part ce projet marque une déconnexion de la réalité des pressions et des violences subies par les femmes

 

En France le nombre d’IVG reste à un niveau élevé avec 223 300 interruptions volontaires de grossesse (IVG) enregistrées en 2021 et un taux record de recours (15,5 IVG pour 1000 femmes âgées de 15 à 49 ans en 2021). En outre, alors que le pays traverse des difficultés économiques, un rapport de la DREES a établi que ce sont les femmes les plus pauvres qui avortent le plus souvent (rapport 2020). L’IVG s’avère ainsi un marqueur d’inégalités sociales qui devrait alerter les pouvoirs publics. D’autre part, à aucun moment n’est pris en compte le lien entre violence et IVG à répétitions, pourtant confirmé par des études.

 

« Comment peut-on se satisfaire d’une telle situation ? Comment comprendre les déclarations successives d’Emmanuel Macron, contre l’allongement des délais et conscient du traumatisme de l’avortement et son positionnement aujourd’hui ? Inscrire le droit à l’avortement dans la constitution serait la dernière étape vers la banalisation d’un acte qui met plusieurs vies en jeu.  Notre société s’est progressivement détournée des détresses et des situations auxquelles peuvent être confrontées certaines femmes. Ces gesticulations politiciennes occultent la réalité et empêchent la mise en place d’une véritable prévention de l’avortement et de permettre à celles qui le souhaitent de poursuivre leur grossesse. » conclut Caroline Roux, Directrice générale adjointe d’Alliance VITA.

Fausse couche : une PPL adoptée en commission pour mieux accompagner les couples

Fausse couche : une PPL adoptée en commission pour mieux accompagner les couples

Examinée en Commission des affaires sociales le 1er mars, une proposition de loi déposée par la Députée Modem Sandrine Josso, visant à favoriser l’accompagnement psychologique des couples confrontés à une fausse couche, a été adoptée à l’unanimité.

 

D’après plusieurs études publiées dans la revue The Lancet en 2021, on estime que 15% des grossesses se terminent par une fausse couche. En France, cela concernerait environ 200 000 femmes chaque année.

Les fausses couches peuvent laisser des traces physiques et psychologiques importantes. Les femmes qui en ont subi présentent un risque plus élevé d’anxiété, de dépression voire de stress post-traumatiques. Leurs conjoints peuvent également présenter des symptômes dépressifs.

Or, comme le relève Sandrine Josso, auteur et rapporteur de la proposition de loi, « les professionnels médicaux auditionnés, gynécologues, sages-femmes, échographistes, sont trop souvent démunis pour annoncer et expliquer la fausse couche et savoir vers qui orienter les couples qui éprouvent le besoin d’être soutenus. »

Afin de proposer un meilleur accompagnement, la proposition de loi, dans sa rédaction initiale, visait à ouvrir la possibilité pour les sages-femmes d’adresser les patientes confrontées à une fausse couche vers un psychologue agréé et remboursé par l’assurance-maladie, dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy. Lancé en avril 2022, ce dispositif permet à toute personne angoissée, déprimée ou en souffrance psychique de bénéficier de huit séances remboursées par l’assurance maladie avec un psychologue conventionné.

Lors de l’examen en commission, plusieurs modifications importantes ont été introduites dans la proposition de loi :

  • Le titre initial de la proposition de loi, qui visait à « favoriser l’accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche » a été modifié. Le mot « femme » a été remplacé par le mot « couple » pour inclure également le conjoint et le terme « victimes » a été remplacé par « confrontés à ».
  • Un article additionnel a été ajouté en vue de créer un parcours d’accompagnement des couples confrontés à une fausse couche, sous la responsabilité des Agences régionales de Santé (ARS), dans une approche pluridisciplinaire mêlant professionnels médicaux et psychologues. Ce parcours pourra entrer en application à compter du 1er septembre 2024.
  • L’article 1 a été réécrit afin que les sages-femmes puissent adresser non seulement les patientes, mais également leurs partenaires, et cela quelle que soit la situation (fausse couche, post partum, IMG, IVG). Selon l’exposé de l’amendement, « les sages-femmes doivent pouvoir faire bénéficier de ce suivi psychologique à leurs patientes dans toutes les situations où cela leur semble nécessaire, dans le cadre du suivi qu’elles assurent, notamment au titre de la grossesse et du post-partum. »

 

Discussion sur la création d’un congé spécial

Différents groupes de la NUPES avaient déposé des amendements pour créer un congé spécial de deux ou trois jours accordé aux femmes ou aux couples salariés concernés par une fausse couche, reprenant une idée contenue dans une proposition de loi déposée en 2022 par l’ex députée Paula Forteza. Ce congé existe déjà en Nouvelle-Zélande. En France, pour la première fois, un accord a été signé dans le secteur de la technologie en décembre dernier, permettant la mise en place d’un congé payé de deux jours pour les femmes et leurs conjoints concernés par une fausse couche.

Or, ces amendements ont été rejetés. Sandrine Josso a évoqué le problème de confidentialité d’un tel congé vis-à-vis de l’employeur, ouvrant la voie à un risque de stigmatisation des salariées concernées. Néanmoins, elle propose d’interroger le ministre à ce sujet lors de l’examen en séance publique.

Reprenant une revendication du collectif « fausse couche, vrai vécu », une députée RN, Katiana Levavasseur, avait déposé un amendement pour remplacer le terme de fausse couche par l’expression « interruption naturelle de grossesse » dans le titre de la proposition de loi, qui a été rejeté.

En parallèle, dans un entretien accordé au magazine ELLE le même jour, la première ministre Élisabeth Borne a annoncé la mise en place d’un congé maladie sans délai de carence en cas de fausse couche. Cette mesure fait partie du plan pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2023/2027) qui sera présenté le 8 mars en marge de la Journée internationale des droits des femmes. Elle devrait entrer en vigueur d’ici le 1er janvier 2024.

 

Adoptée à l’unanimité, la proposition de loi sera examinée en séance publique le mercredi 8 mars. Pour être définitivement adoptée, elle devra ensuite être examinée et votée par le Sénat.

Déclaration de Casablanca : des experts de 75 pays pour une convention internationale pour l’abolition de la GPA

Déclaration de Casablanca : des experts de 75 pays pour une convention internationale pour l’abolition de la GPA

Ce vendredi 3 mars 2023, des experts de 75 pays étaient réunis à Casablanca pour un séminaire au cours duquel ils ont rendu publique une proposition de Convention internationale pour l’abolition universelle de la gestation pour autrui (GPA).

 

Le séminaire pluridisciplinaire a rassemblé des chercheurs, juristes, médecins, anthropologues, psychologues et aussi des experts des droits humains. Il visait à « éclairer le sujet par un regard anthropologique et éthique sur la pratique des mères porteuses, ainsi qu’une approche par le terrain ». Cette rencontre a été ouverte par la juriste française Aude Mirkovic en présence d’observateurs du Comité des droits de l’enfant de l’ONU.

La proposition de convention internationale comprend plusieurs éléments complémentaires :

  • La condamnation de la gestation pour autrui dans toutes ses modalités et sous toutes ses formes, qu’elle soit rémunérée ou non ;
  • Un engagement des états à lutter contre cette pratique pour protéger et préserver la dignité humaine et les droits des femmes et des enfants, en adoptant des mesures concrètes et, notamment interdire la GPA sur leur territoire ;
  • Le refus toute valeur juridique aux contrats comportant l’engagement pour une femme de porter et remettre un enfant.

Elle propose également de sanctionner

  • les personnes, physiques ou morales, qui se proposent comme intermédiaires entre les mères porteuses et les commanditaires ;
  • les personnes qui recourent à la GPA sur leur territoire ;
  • leurs ressortissants qui recourent à la GPA en dehors de leur territoire.

La pratique de la GPA est d’une particulière gravité : d’une part, elle consacre l’exploitation des femmes et leur mise sous la domination des commanditaires ; d’autre part, la programmation d’un enfant qui sera séparé, par contrat, de celle qui l’aura porté et enfanté ne respecte pas les droits de l’enfant. La souffrance de certains couples confrontés à l’infertilité ne doit pas faire oublier qu’il s’agit d’une violence faite aux femmes et d’une maltraitance originelle pour les enfants qu’aucune régulation ne peut réparer. 

 

En France, les gouvernements successifs ont promis depuis plusieurs années des actions internationales sans que cela soit suivi d’effets. Cette déclaration marque donc une étape importante vers l’interdiction universelle de la GPA et la mobilisation des Etats à travers le monde.  

 

Alliance VITA qui plaide depuis longtemps pour une interdiction internationale de la GPA, salue ce travail collaboratif inédit : il ouvre le chemin vers un véritable progrès pour la protection des femmes et des enfants contre leur exploitation.

 

Pour aller plus loin :

Dossier GPA à l’international : https://www.alliancevita.org/bioethique/gpa-a-linternational/

 
Session #6 : la Convention citoyenne vote en faveur de l’aide active à mourir

Session #6 : la Convention citoyenne vote en faveur de l’aide active à mourir

Lors de cette dernière session de la phase de délibération avant la phase de restitution et d’harmonisation des travaux, les citoyens de la Convention citoyenne étaient sommés de voter à la fois sur des idées fortes sur l’accompagnement de la fin de vie et sur l’ouverture, ou non, de « l’aide active à mourir », et sous quelles modalités. Par ces votes, les citoyens se sont prononcés pour l’euthanasie et le suicide assisté. 56% des votants ont voté pour l’accès au suicide assisté pour les mineurs.

 

25 idées fortes pour l’accompagnement de la fin de vie

 

Après des travaux en groupes et une première présentation le vendredi soir, les citoyens de la Convention ont procédé, samedi soir, à un vote sur 41 propositions pour mieux accompagner la fin de vie, sur 9 thèmes différents : le développement des soins palliatifs, le respect du choix et de la volonté du patient, l’accompagnement à domicile, l’information du grand public, la formation, l’égalité d’accès à l’accompagnement de la fin de vie, l’organisation du parcours de soins de la fin de vie, les moyens dédiés à la recherche et au développement et les budgets nécessaires.

 

Pour que les idées fortes soumises au vote soient validées, il fallait qu’elles obtiennent deux tiers des suffrages. A l’issue du vote, ce sont finalement 25 idées fortes qui ont été retenues. Les idées fortes ayant recueilli le plus de suffrages sont les suivantes :

 

  • Permettre une égalité d’accès aux soins palliatifs pour tous et partout sur le territoire national
  • Renforcer les soins palliatifs à domicile et dans les EHPAD notamment via des équipes mobiles de soins palliatifs
  • Renforcer la formation initiale et continue des professionnels de santé sur la fin de vie et la prise en charge palliative.
  • Renforcer les campagnes d’information et de sensibilisation du grand public
  • Donner les moyens humains et financiers nécessaires à l’accessibilité aux soins palliatifs pour tous, en établissement ou à domicile et sur tout le territoire.

 

Débats et votes sur l’ouverture de l’accès à l’aide active à mourir

 

Le dimanche, tous les citoyens, y compris ceux qui y sont opposés, étaient invités à débattre sur les conditions et modalités d’une éventuelle aide active à mourir. Ainsi, les citoyens devaient exposer leurs arguments pour dire si l’accès à l’aide active à mourir doit être subordonnée à un pronostic vital engagé à court, moyen ou  long terme et à une maladie incurable. Ils devaient également dire si le patient doit être conscient, autonome, et majeur pour y accéder.

Durant les échanges, plusieurs citoyens, rapportant les réflexions de leurs groupes, ont soutenu qu’il fallait exclure l’idée d’un court, moyen ou long terme, prétendant qu’il est difficile de les distinguer, et ont argumenté en faveur d’une « liberté absolue » du patient. Ils ont également écarté le critère de pronostic vital, puisque seule compte à leurs yeux la souffrance.

 

Le critère d’incurabilité a également été écarté, toujours au nom de la souffrance et du vécu de la personne. Selon certains participants, « toutes les souffrances se valent », qu’elles soient physiques ou psychiques. Un citoyen a néanmoins regretté que le seul choix considéré fût entre souffrir et mourir. « Il me semble qu’il y a d’autres choix. »

 

En réponse à un citoyen qui affirmait qu’on ne devrait forcer personne à vivre, un autre a fait valoir que le désir de mourir, la pensée suicidaire peuvent être le symptôme d’une maladie psychique, comme une dépression. « L’aide active à mourir n’est-elle pas une façon radicale de soigner ces symptômes ? ». D’autres participantes ont tenté d’expliquer que les états dépressionnaires peuvent être des passages dans une vie mais qu’il existe des traitements souvent efficaces pour les soigner.

 

Les questions de la conscience et de l’autonomie de la personne ont également constitué une ligne de fracture au sein de la Convention, puisque certains citoyens sont favorables à ce que l’euthanasie soit accessible à des personnes qui n’ont plus leur capacité de discernement, comme les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.

« Si on doit accepter la mort de tous les gens qui n’ont plus leur discernement, on va aller sur une pente extrêmement glissante qui me fait très peur ! » s’est exclamée une citoyenne en réaction.

 

Plusieurs participants ont mis en garde contre le risque de dérives, en s’appuyant notamment sur les exemples des Pays-Bas et du Canada. « Le problème ce n’est pas d’ouvrir une porte, mais comment on va encadrer l’ouverture de cette porte ? » s’est interrogée une citoyenne.

 

Sur les mineurs, plusieurs citoyens, représentant leurs groupes, ont souhaité leur ouvrir aussi l’accès à l’aide active à mourir, dans la mesure où ils peuvent être atteints des mêmes maladies que les adultes. L’un d’entre eux a même évoqué cette possibilité pour les bébés atteints de malformations.

 

Les débats se sont ensuite poursuivis sur les modalités de mise en œuvre de l’aide active à mourir : la formulation de la demande, les personnes impliquées, les lieux… Au cours de ces discussions, certains ont exprimé leur préférence pour le suicide assisté plutôt que pour l’euthanasie, afin de préserver les soignants et l’interdit de tuer dans la société. D’autres, à l’inverse, jugeaient que c’est le patient qui doit décider, y compris pour cette modalité.

 

Au terme de ces échanges, tous ont été appelés à voter sur 11 questions concernant l’évolution de la loi vers une ouverture de l’accès à une aide active à mourir.

 

Sur 167 citoyens présents pour ce vote,

  • 75% ont voté en faveur d’une ouverture de l’accès à l’aide active à mourir (euthanasie ou suicide assisté), 19% seulement ont voté contre, 6% se sont abstenus.
  • 72% se sont prononcés en faveur du suicide assisté.
  • 66% se sont prononcés en faveur de l’euthanasie.
  •  67% ont voté pour que l’euthanasie soit aussi ouverte aux personnes mineures et 56% pour que le suicide assisté leur soit ouvert.

A la question « La possibilité d’un accès à l’aide active à mourir sous la forme du suicide assisté devrait-elle être ouverte aux personnes réunissant les conditions … ? » ,

  • 20% ont répondu « atteintes de maladies incurables provoquant des souffrances ou douleurs réfractaires ET dont le pronostic vital est engagé à court terme ou moyen terme » ;
  • 45% ont répondu « atteintes de maladies incurables provoquant des souffrances ou douleurs réfractaires sans pronostic vital nécessairement engagé ;
  • 35% se sont abstenus.

 

A la question « La possibilité d’un accès à l’aide active à mourir sous la forme de l’euthanasie devrait-elle être ouverte seulement aux personnes capables d’exprimer une volonté libre et éclairée ? », 37% ont répondu « oui », 35% ont voté « non », 28% se sont abstenus.

L’ensemble des résultats des votes est accessible sur le site de la Convention citoyenne.

L’épineux débat sur le statut de l’enfant in utero

L’épineux débat sur le statut de l’enfant in utero

L’épineux débat sur le statut du foetus, de l’enfant in utero

 

L’accident qui a impliqué Pierre Palmade le 10 février a créé une véritable onde de choc tant par sa violence, par ses conséquences dramatiques, que par ses circonstances. Une enquête a été ouverte pour blessures involontaires et homicide involontaire.

L’audience devant la chambre d’instruction de la Cour de Paris doit avoir lieu ce 25 février.

L’une des conséquences de cet accident est la perte d’une petite fille. En effet, une jeune femme enceinte de 6 mois a perdu le bébé qu’elle attendait à cause de l’accident. Une césarienne aurait été pratiquée en urgence. Mais l’enfant n’a pas survécu.

Il faut savoir qu’à 6 mois, la viabilité est atteinte, même si elle est fragile et qu’elle nécessite une prise en charge.

Avec cet événement douloureux, épineux débat sur le statut du foetus, de l’enfant in utero, cette question sensible: « l’enfant à naitre est-il une personne » a resurgi sur le devant de la scène.

 

Au-delà de cette affaire, que dit la loi sur le statut du foetus ?

L’article 221-6 du code pénal dispose que : « le fait de causer (…) par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité (..) la mort d’autrui constitue un homicide involontaire.

Tout le débat se focalise donc sur cette question : le foetus est-il « autrui » ?

La Cour de cassation refuse l’incrimination d’”homicide involontaire” prévue par le code pénal pour la mort accidentelle d’un fœtus, que ce soit par une erreur médicale ou par un accident. Cette jurisprudence a été dégagée à l’occasion de plusieurs arrêts et se fonde sur le principe d’interprétation stricte de la loi pénale énoncé à l’article 111-4 du code pénal. 

Pour elle « le principe de la légalité des délits et des peines qui impose une interprétation stricte de la loi pénale s’oppose à ce que l’incrimination prévue par l’article 221-6 du code pénal (réprimant l’homicide involontaire d’autrui) soit étendue au cas de l’enfant à naître. 

L’infraction d’homicide ne peut être étendue à l’enfant à naître dont le régime relèverait de textes particuliers. »

L’enfant à naître ne fait donc pas l’objet d’une protection spécifique en droit pénal. Seule l’atteinte à l’intégrité physique à la mère est incriminée.

Mais cette interprétation de la Cour de Cassation est contestable et d’ailleurs contestée. D’autres juridictions (tribunaux correctionnels, Cour d’appel) ont déjà posé d’autres jugements différents. Cette jurisprudence refusant la qualité de personne au fœtus a en effet été critiquée au point que certaines propositions de loi ont vu le jour pour pouvoir sanctionner pénalement celui qui, par accident, provoque le décès d’un enfant à naître.

 

Car en réalité, cette interprétation conduit à cumuler les contradictions. En effet, quand un enfant est né sans vie, quelle que soit le stade de la grossesse (mais pas avant 15 semaines d’aménorrhée), ou s’il est né vivant “non viable“ (avant 22 SA et de moins de 500 gr), les parents reçoivent un certificat médical d’accouchement établi par un médecin ou une sage-femme. Il permet d’obtenir un acte d’enfant sans vie. Si les parents le souhaitent, ils peuvent déclarer leur enfant à l’état civil, procéder à des obsèques et inscrire son prénom sur leur livret de famille.

Depuis une loi de 2021, il est possible aussi d’inscrire le nom de famille choisi pour l’enfant, bien que cela « n’emporte aucun effet juridique » comme le précise l’article 79-1 du code civil. Et la CAF (Caisse d’Allocation Familiale) attribue une allocation Décès enfant (ADE) en cas de décès intervenant à compter de la vingtième semaine de grossesse, sous réserve de la fourniture d’une déclaration de grossesse accompagnée d’un acte de décès ou d’un acte d’enfant sans vie.

Il y a donc une forme de contradiction lorsque la Cour de Cassation déclare qu’il n’y a pas d’homicide involontaire, puisqu’en cela elle nie qu’il y ait « autrui ».

L’enfant à naître n’est donc pas « une personne » au regard du droit pénal puisque c’est sa naissance en vie qui conditionne sa protection à ce titre.

 

Mais ce n’est pas non plus une personne en droit civil puisque la personnalité juridique n’est accordée qu’aux enfants nés vivants et viables. En droit civil, l’enfant à naître ne fait l’objet que de dispositions disparates sans grandes cohérences entre elles. Comme l’explique le professeur Sophie Paricard,  le Conseil d’État indique que « les règles applicables à l’embryon sont téléologiques : elles varient en fonction de la vocation de l’embryon (selon qu’il est ou non destiné à s’inscrire dans un projet parental) ou de sa localisation (in vivo ou ex utero) ».

Le sort de l’embryon in vitro est, quant à lui, de plus en plus précaire. Selon le Conseil constitutionnel dans sa décision du 27 juillet 1994 « le législateur a estimé que le principe du respect de l’être humain dès le commencement de sa vie n’était pas applicable à l’embryon in vitro ». Certes, l’embryon encore porteur d’un projet parental est conservé tant que dure ce projet mais dès lors que le projet est abandonné, les embryons dits surnuméraires ont vocation à être détruits. Le législateur ne cesse par exemple, notamment par la dernière loi bioéthique du 2 août 2021, d’assouplir la recherche dont il peut faire l’objet.

Il est cependant difficile de conclure de cette absence de statut spécifique que l’enfant à naître est une chose comme une autre. Comme l’a relevé la CEDH dans l’affaire Parillo c/ Italie du 27 août 2015, il ne s’agit pas d’un bien ayant une valeur économique et patrimoniale sur lequel on peut revendiquer un droit de propriété. Cette question relative à la qualification de l’embryon interroge la “summa divisio” du droit qui dispose qu’en droit il y a d’un côté les choses, de l’autre, les personnes.

Quelle suite ?

L’ouverture de l’enquête préliminaire liée à cette affaire peut permettre de saisir à nouveau la Cour de cassation sur la qualification de l’enfant à naître, notamment s’il est démontré que dans ce cas, l’enfant n’est pas né vivant.

Pour le magistrat Georges Fenech qui connait bien ce sujet : « Je ne vois pas au nom de quoi il faudrait attendre de savoir si l’enfant pouvait avoir respiré pour considérer qu’on a une perte de chance de vie et retenir l’homicide involontaire ».

 

Pour les parents endeuillés, et pour toute la société, laisser entendre qu’il ne s’est « rien » passé, que cela ne change rien dans une affaire qu’un enfant décède accidentellement in utero par la faute d’un tiers est violent. Cette négation de la vie et de la mort d’un enfant attendu ajoute de la douleur à la douleur.

Une nouvelle jurisprudence allant dans ce sens peut permettre au droit et à l’humanité de la justice de progresser.

Pour aller plus loin :

statut du foetus juridique pierre palmade enfant in utero

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Vote de la Convention citoyenne fin de vie : au-delà de l’effroi

Vote de la Convention citoyenne fin de vie : au-delà de l’effroi

Alliance VITA prend acte avec effroi des votes organisés le 19 février par la Convention citoyenne sur la fin de vie

 

Malgré l’opposition de solides minorités, ces votes montrent à quel point tout basculement législatif vers la prétendue « aide active à mourir » articulerait le suicide assisté et l’euthanasie, même pour des personnes incapables de le demander en conscience… à commencer par les enfants !

Pour Alliance VITA, de tels votes sur ces thèmes fragilisent la protection de la vie des personnes porteuses de maladies ou de handicap, d’autant plus qu’aucune véritable information sur le suicide n’a été proposée aux citoyens. Au contraire, l’heure est à l’explication et à l’information des Français sur les enjeux de l’accompagnement de la fin de vie.

 

Pour Tugdual Derville, porte-parole de l’association et auteur de Docteur ai-je le droit de vivre encore un peu ? L’euthanasie et le suicide assisté démasqués : « S’il y avait une Convention citoyenne à conduire, c’est sur la place des personnes les plus vulnérables au cœur de la société. A partir du moment où une société affirme que des vies ne sont plus dignes d’être vécues, la dérive populiste est à craindre : l’auto-exclusion des faibles sous la pression des forts. C’est ce qui se profile avec ces votes.

En décidant de lancer un tel débat après avoir abandonné la loi Grand âge et autonomie, le président de la République a pris une lourde responsabilité : il a d’emblée donné un signal délétère en fragilisant le précieux interdit de tuer, qui est la condition sine qua non de la relation de confiance entre soignants et soignés.

 

Nous allons maintenant sillonner la France pour promouvoir une autre réponse que l’euthanasie ou le suicide assisté aux questions posées par la dépendance et la grave maladie. Cette réponse récuse l’acharnement thérapeutique et promeut des soins palliatifs de qualité pour tous ceux qui en ont besoin et un engagement contre la « mort sociale » par abandon de nos concitoyens âgés. C’est la seule option consensuelle et c’est la seule digne de l’humanité. »

Le mal-être des jeunes explose, surtout chez les filles

Le mal-être des jeunes explose, surtout chez les filles

A l’occasion de la Journée nationale de prévention du suicide du 5 février 2023, Santé publique France a rendu publics le 14 février 2023 des bulletins de santé régionaux dont émane une sérieuse alerte à propos de la détérioration de la santé mentale des jeunes depuis la crise sanitaire.

Alors que leurs hospitalisations pour tentatives de suicide baissaient depuis 2010, la situation s’est inversée depuis le dernier trimestre 2020. Le suivi des « conduites suicidaires » (idées suicidaires, tentatives de suicides et suicides) fait apparaitre à partir de cette année une augmentation des idées suicidaires et des tentatives de suicide« particulièrement chez les jeunes de 10 à 24 ans et de sexe féminin », sans que leur taux de mortalité par suicide ait toutefois augmenté de façon observable jusqu’au premier semestre 2021. De fortes disparités régionales sont signalées, mais, globalement, la proportion de jeunes ayant connu des épisodes de dépression a pratiquement doublé chez les 18-24 ans entre 2017 et 2021, passant de 11,7% à 20,8%. Cette hausse de 80% est nettement plus manifeste chez les jeunes femmes (26,5% ont connu un épisode dépressif en 2021) que chez les jeunes homme (15,2% sont concernés).

Ces graves signes d’altération de la santé mentale des jeunes ont débuté pendant l’année 2020, surtout à partir du second confinement, à l’automne, puis une « dégradation continue » a été observée depuis cette date, avec « accentuation » au premier semestre 2022. Le lien de cause à effet entre la crise sanitaire et cette détérioration n’est pas démontré, mais il est estimé « probable ». D’autres facteurs complémentaires sont envisagés : « les difficultés économiques, la situation internationale ou les problèmes environnementaux ».

Disposant d’éléments de comparaisons fiables, grâce aux baromètres précédents, les auteurs de ces notes déplorent « une altération persistante de la santé mentale » des jeunes. Ce mal-être appelle selon eux un surcroît de prévention des conduites suicidaires, à tous les âges de la vie. Sont notamment indiqués, en complément d’une stratégie plus large de promotion de la santé mentale :

Le dispositif VigilanS : veille et suivi des patients sortis de l’hôpital après une tentative de suicide ;

  • Le numéro national 3114, de prévention du suicide ;
  • L’espace dédié à la santé mentale sur le site internet de Santé Publique France ;
  • D’autres acteurs contribuant à l’écoute et à l’aide aux personnes en situation de mal-être.
 

Si l’évolution préoccupante de la santé mentale concerne les jeune, Santé publique France rappelle que la plupart des décès par suicide « concernent les adultes de plus de 40 ans, majoritairement des hommes », et que le taux de suicide reste le plus élevé chez les seniors des deux sexes. Une prévention du suicide à tous les âges de la vie – et n’excluant aucune catégorie de personne – reste un enjeu majeur de santé publique.

Sexe « neutre » en France ? La Cour européenne des droits de l’homme dit non

Sexe « neutre » en France ? La Cour européenne des droits de l’homme dit non

L’État doit-il ouvrir la possibilité d’une mention « sexe neutre » ou « intersexe » sur les actes de naissance ? Dans un arrêt du 31 janvier, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a répondu par la négative. Une position moins « définitive » qu’il n’y paraît.

Certaines personnes – qu’on appelle « intersexes » présentent à la naissance une « ambiguïté sexuelle », une malformation des organes génitaux qui rend difficile l’établissement immédiat d’un acte civil les mentionnant comme garçon ou fille. Celui-ci est différé, pour permettre aux médecins de mener des examens complémentaires. Ces situations, rares et complexes, nécessitent une prise en charge particulière, aussi bien sur le plan médical que psychologique. Elles sont difficiles à vivre pour les familles et parfois, plus tard, pour les personnes concernées.

Un sexagénaire né intersexué avait demandé à la justice française de modifier son état civil pour y inscrire « sexe neutre ». Cette demande, d’abord acceptée, a ensuite été rejetée. Par son refus en 2017, la Cour de cassation, la plus haute juridiction avait rappelé que la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l’état civil, l’indication d’un sexe autre que masculin ou féminin et que cette binarité poursuit un but légitime : elle est nécessaire à l’organisation sociale et juridique, dont elle constitue un élément fondateur. La reconnaissance par le juge d’une troisième catégorie de sexe aurait des répercussions profondes sur les règles du droit français construites à partir de la binarité des sexes et impliquerait de nombreuses modifications législatives de coordination.

Le requérant, alléguant la violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, a alors formé un recours devant la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme). Celle-ci vient donc de rejeter également sa demande et a décidé de ne pas contraindre la France à reconnaitre un « sexe neutre ».  Pour la CEDH, la France a correctement mis en balance l’intérêt général et les intérêts du requérant : la vie privée doit en effet être conciliée avec d’autres impératifs, à savoir ici l’indisponibilité de l’état des personnes (le principe légal selon lequel un individu ne peut disposer à sa guise des éléments permettant de l’identifier) et la nécessité de préserver la cohérence et la sécurité des actes de l’état civil ainsi que l’organisation sociale et juridique du système français » explique l’association Juristes pour l’enfance.

Mais les « mots » employés par la CEDH, les compétences qu’elle s’attribue et ses arrêts de plus en plus transgressifs n’ont rien de rassurant.

Nicolas Hervieu, juriste spécialiste du droit européen constate par exemple qu’elle « contredit la Cour de Cassation de manière cinglante, en lui indiquant qu’elle a eu tort de prendre en compte l’apparence physique et sociale masculine du requérant. L’instance européenne précise ainsi qu’ “élément de la vie privée, l’identité d’une personne ne saurait se réduire à l’apparence que cette personne revêt aux yeux des autres” ».

La CEDH conclut  par ailleurs qu’ « en l’absence de consensus européen en la matière, il convient donc de laisser à l’État défendeur le soin de déterminer à quel rythme et jusqu’à quel point il convient de répondre aux demandes des personnes intersexuées, telles que le requérant, en matière d’état civil, en tenant dûment compte de la difficile situation dans laquelle elles se trouvent au regard du droit au respect de la vie privée en particulier du fait de l’inadéquation entre le cadre juridique et leur réalité biologique ». Ainsi, elle fonde son avis sur l’absence de consensus européen, ce qui n’est pas très solide et encore moins immuable. Pour la juriste Aude Mirkovic : « la CEDH écrit au fur et à mesure le contenu du texte qu’elle est chargée de faire respecter : point ici de séparation des pouvoirs, sans même parler de la légitimité démocratique de ce pouvoir que s’octroie la Cour sous couvert d’interprétation « dynamique », puisque ses juges ne sont pas élus et n’ont reçu du peuple aucun mandat pour édicter ainsi des règles contraignantes pour l’ensemble des États du Conseil de l’Europe. La Cour européenne laisse, aujourd’hui, la France fonder les mentions de l’état civil sur la dualité de sexes. Mais jusqu’à quand ? ».

Cette bataille juridique cache d’autres ambitions. Non pas la création de nouvelles catégories, mais bien la disparition de toute distinction des deux sexes au profit d’un concept aussi invraisemblable qu’impossible : celui de “l’autodétermination”.

« Notre but final, en tant que mouvement, est bien l’abrogation totale des catégories sexuées sur les documents d’identité, et non la création pérenne d’une troisième catégorie de sexe à l’état civil», explique depuis longtemps un collectif militant.

 

La Cour d’Appel d’Orléans rejette une demande de « sexe neutre » à l’Etat civil. 1er avril 2016.

Sexe « neutre » ? La Cour de cassation dit non, 5 mai 2017.

Intelligence Artificielle (IA) : ChatGPT, le robot qui écrit et fait parler de lui (2)

Intelligence Artificielle (IA) : ChatGPT, le robot qui écrit et fait parler de lui (2)

Au-delà des enjeux techniques et économiques, ChatGPT, le robot conversationnel, peut modifier en profondeur le quotidien et la vision des utilisateurs.

 

De nombreux secteurs impactés par l’IA

La phénoménale accélération de l’IA ces dernières années va modifier la vie quotidienne dans les secteurs de l’éducation, de la santé, de la défense, des transports, du management …

Ainsi, en Chine, un leader du jeu vidéo NetDragon Websoft a “nommé” un robot PDG d’une de ses filiales. Le personnage virtuel de Tang Yu travaille en continu. Pour la société mère, qui dans les faits garde le contrôle de la gestion de sa filiale, il s’agit aussi de montrer son savoir-faire en IA, comme l’analyse un article de Francetvinfo.  ​

  • Dans le secteur de la justice, l’apport d’une IA est à double tranchant. D’une part, une IA pourrait, en comparant des milliers de jugements, montrer des traitements différents pour des cas proches dans un territoire soumis aux mêmes lois. D’autre part une standardisation des jugements produite par une machine pose la question d’une norme déshumanisante.
  • Dans le secteur universitaire, l’utilisation de ChatGPT a été interdite par l’IEP (Institut d’Etudes Politiques) de Paris à ses étudiants “sous peine d’exclusion”, car le recours à ChatGPT ne respecte pas “les exigences académiques d’une formation dans l’enseignement supérieur”. Le journal Le Progrès a relaté la découverte par un enseignant de l’Université de Lyon de copies étrangement proches.
  • Enfin, le secteur des métiers créatifs est également concerné, Dall-E, autre logiciel produit par OpenAI, est capable de produire des images sur commande, « à la façon de ».

Selon les mots de Laurence Devillers, dans une tribune du Monde, il faut “saluer l’avancée technologique, mais comprendre les limites de ce type de système”.

 

Un changement de format dans l’interaction humain-machine

ChatGPT répond sous forme de dialogue aux questions posées par les utilisateurs tandis que dans les moteurs de recherche actuels, Google ou de Microsoft (Bing), l’utilisateur humain choisit parmi les centaines de liens proposés celui qu’il va consulter et il peut en connaitre la source (qui a écrit, quand…).

Puisque le robot ChatGPT rédige des textes (dissertation, poèmes, réflexions…), on peut se poser la question des sources, des méthodes, des critères de classement, d’acceptation ou de rejet des informations stockées dans la base qu’il utilise pour produire ses réponses.

Le robot va-t-il privilégier certaines informations ou visions du monde au détriment d’autres ? Va-t-il introduire des asymétries ou de la censure dans les informations qu’il propose ? Jusqu’à quel point le robot, même quand il répond en français, est influencé par la vision américaine du monde ?

Deux exemples tirés de l’actualité illustrent ce point. Un récent article du Figaro rapporte que le robot répond différemment quand on le sollicite pour écrire des scénarios de politique fiction sur les présidentielles américaines, selon qu’il s’agit d’Hillary Clinton en 2016 (le robot accepte d’écrire une fiction où elle gagne l’élection) ou de Donald Trump en 2020 (le robot refuse d’écrire une fiction à partir d’une victoire).

Dans un débat sur France Inter le 3 février, l’économiste Thomas Piketty, connu pour ses travaux sur les inégalités et classé à gauche politiquement, pointait que ChatGPT classait le journal les Echos comme un journal neutre et impartial sur la question des retraites débattues en France en ce moment.

Recevoir des réponses de la part d’un robot comporte le risque de penser que ce qu’il produit est neutre, alors que nous savons qu’un humain nous parle à partir de son histoire, de ses valeurs, de ses buts … En effet, les systèmes de langage en IA se nourrissent d’un corpus de documents existants avec des schémas de logiques préétablies.

 

Derrière la prise de parole par la machine, une prise de contrôle inacceptable ?

Dans une interview en format vidéo au Figaro, le philosophe Eric Sadin note que tous les produits utilisant l’IA tendent à effacer la distance humain/machine, à rendre flou la frontière entre les deux. Il pointe deux risques :

  • D’une part, quand la machine nous parle (sur un simple GPS ou via un robot plus sophistiqué), elle pourrait tendre à décider pour nous. Et la technique qui nous parle, ce sont les intérêts économiques et politiques qui parlent à notre place, qui s’imposent à nous. La rupture anthropologique dénoncée est ainsi que des systèmes nous privent de notre réponse en “je”. Responsabilité vient du verbe répondre, de qui la machine répond-elle quand elle nous parle ?
  • D’autre part, Eric Sadin souligne la misanthropie à l’œuvre dans certains milieux du numérique. Dans leur vision du monde, “l’homme est lacunaire et pétri de défauts”. Les liens entre Google et le mouvement trans-humaniste sont bien documentés (ici et ici, parmi des centaines d’articles). Dans cette situation, le philosophe estime que le franchissement de seuil dans la prise de pouvoir par l’IA est à surveiller. De plus, la notion d’encadrement se réduit souvent à un “vague pare-feu réglementaire”. Devons-nous, au niveau individuel et collectif, nous détourner de certaines technologies qui nous poussent à “évacuer, renier ou étouffer nos propres facultés à des fins marchandes” ?

 

Choisir le bien reste une compétence fondamentalement humaine

De nombreuses réflexions sont en cours pour classer les différents systèmes d’intelligence artificielle en fonction du niveau de risque qu’elles font courir à l’homme qui a besoin d’être éduqué et averti lors de son interaction homme-machine pour discerner et choisir le bien. Les réflexions développées en 2021 dans l’AI Act de l’Union Européenne  permettent de classer les systèmes d’IA :

  • les systèmes à risques minimaux (par exemple les filtres de spams),
  • les systèmes interdits en raison de risques inacceptables (tels que le scoring social ou les systèmes abusant de personnes porteuses de handicaps physiques ou mentaux),
  • les systèmes autorisés avec des risques limités incluant les chatbot dont les utilisateurs doivent être informés qu’ils interagissent avec un robot.

Au niveau français, La CNIL s’est emparée du sujet très récemment (23 Janvier 2023) en créant un service de l’intelligence artificielle pour renforcer son expertise sur ces systèmes et sa compréhension des risques pour la vie privée, tout en préparant l’entrée en application du règlement européen sur l’IA. Par ailleurs, elle proposera des premières recommandations sur le sujet des bases de données d’apprentissage dans les prochaines semaines. Face au progrès de la technologie, cet effort de régulation au niveau national et européen manifeste l’importance de mettre l’humain « dans la boucle », à tous les niveaux : personnel, collectif, national…

Contre la misanthropie de l’approche trans-humaniste, accepter notre propre vulnérabilité est un défi à relever. Lors de son intervention à l’Université de la Vie, Philippe Dewost rappelait qu’une machine ne remplacera jamais la présence humaine auprès d’une personne qui souffre. Et dans cette présence offerte, ce lien tissé dévoile notre compétence fondamentale d’humains, celle de choisir le bien.

NB: Cet article a été écrit par un humain.