Au Sénat, audition fin de vie d’Alliance VITA

Au Sénat, audition fin de vie d’Alliance VITA

A la demande de la Mission d’information sur la fin de vie du Sénat, Tugdual Derville porte-parole d’Alliance VITA et le docteur Paul Régnier-Vigouroux ont été auditionnés le mercredi 22 mars 2023 au Palais du Luxembourg.

 

L’audition d’une heure trente était animée par les trois rapporteures de la mission : Christine Bonfanti-Dossat (LR, Lot-et-Garonne) et Michelle Meunier (PS, Loire-Atlantique) sur place et Corinne Imbert (LR, Charente-Maritime) en visioconférence. Les sénatrices avaient choisi d’interroger en même temps que les représentants d’Alliance VITA ceux de la Fondation Jérôme Lejeune.

 

Les représentants d’Alliance VITA ont exprimé leur point de vue à partir :

  • des convictions de fond portées par l’association : respect de la vie et de la dignité de toute personne,
  • de son expérience de l’aide aux personnes confrontées aux situations de fin de vie délicates, au travers de son service SOS fin de vie.
  • de la compétence spécifique du Docteur Régnier-Vigouroux, membre engagé dans Alliance VITA, médecin formé en gériatrie, spécialiste de la lutte contre la douleur et, depuis vingt ans praticien en soins palliatifs, à domicile et en établissements.

 

A partir de plusieurs situations de fin de vie sensibles qu’il a pu accompagner jusqu’au bout (maladie de Charcot, cancer en phase ultime), le docteur Régnier Vigouroux a notamment explicité sa pratique de la sédation raisonnée, celle qui permet d’abord  – tant que cela est possible – de soulager correctement sans interdire toute relation, quitte à poser une sédation profonde en toute fin de vie, qui respecte le temps de la mort naturelle.

Il a explicité la différence de nature et non de degré entre ce type de sédation et le suicide assisté ou l’euthanasie, selon les justes recommandations de la Haute autorité de santé (HAS). Légaliser une « aide active à mourir » – terminologie à ses yeux très contestable – pour des personnes dont le pronostic vital est engagé à moyen terme conduirait à priver ces patients et leurs proches – tous devant bénéficier des soins palliatifs – d’un accompagnement réconfortant et d’une mort paisible. Entre la mort administrée et la mort naturelle bien accompagnée, l’impact sur le patient, ses proches et les soignants est en effet radicalement différent.

Le médecin a logiquement plaidé pour le maintien du principe hippocratique doublement millénaire : l’interdit de tuer est la condition première de la confiance entre un patient vulnérable et ses soignants, qui doivent se garder de la toute-puissance.

 

De son côté, Tugdual Derville, récent auteur de l’essai Docteur, ai-je le droit de vivre encore un peu ? – Euthanasie et suicide assisté démasqués (Salvator) a défendu la prévention de tout suicide, sans exception, et donc le soutien aux personnes les plus dépendantes, désespérées et isolées. Au nom de la démocratie, il a contesté l’idée que certaines catégories de patients – du fait de leur handicap évolutif – puissent être privés de cette prévention. Ce serait une discrimination.

Il a rappelé l’avis de Robert Badinter : pour contester toute forme d’euthanasie même « d’exception » l’artisan de l’abolition de la peine de mort affirmait : « En démocratie, on ne tue pas ». Tugdual Derville a par ailleurs dénoncé l’indécence d’une promotion des soins palliatifs conçue pour compenser la légalisation du suicide assisté ou de l’euthanasie. Les deux pratiques sont incompatibles : l’une est expéditive et récuse la valeur de certaines vies ; l’autre considère toute vie fragile comme digne et respecte le temps de la mort naturelle.

Rappelant la liste des dérives observées à l’étranger, le porte-parole d’Alliance VITA a mis en garde contre l’illusion d’une légalisation « encadrée » de l’administration de la mort. Pointant l’irruption de l’argument économique dans le débat, il a enfin souligné l’impact douloureux des deuils par mort brutale.

 

Les représentants d’Alliance VITA ont en conclusion demandé au Sénat de plaider pour une politique de santé globale qui ne se contente pas de dire non au suicide assisté et à l’euthanasie en suggérant :

 

  1. Une enquête en profondeur sur la réalité du « mal mourir » qu’on continue de mettre en avant sans données précises, sérieuses et fiables ;
  2. Une loi Grand âge et autonomie qui prenne en compte l’accélération du vieillissement, s’appuie sur les options intergénérationnelles et lutte contre la « mort sociale » de beaucoup de personnes âgées isolées ;
  3. La mise en œuvre concrète du droit de tous, en cas de besoin, à accéder à des soins palliatifs de qualité ;
  4. Le renforcement d’une politique de prévention du suicide n’excluant surtout pas nos concitoyens les plus vulnérables, dépendants ou âgés.
Implants dans le cerveau : où en est-on ?

Implants dans le cerveau : où en est-on ?

Implants dans le cerveau : où en est-on ?

 

Où en est la recherche sur les implants dans le cerveau ?

Neuralink est une société fondée en 2016 et détenue par Elon Musk. Son nom vient de neuron et link (respectivement neurone et lien, en anglais).  Elle développe un projet d’implants dans le cerveau qui n’a pas encore reçu d’autorisation de la FDA (Federal Drug Administration), l’autorité sanitaire américaine. Selon plusieurs sources de presse, la FDA aurait même rejeté une demande d’autorisation d’essai sur des humains en 2022, alors qu’Elon Musk prétend que cet objectif de test est proche d’aboutir.

Le projet de Neuralink

Neuralink est une société non cotée dont l’objectif affiché sur son site web est décrit ainsi :

Nous visons à concevoir une interface cerveau-ordinateur entièrement implantable et cosmétiquement invisible pour vous permettre de contrôler un ordinateur ou un appareil mobile où que vous alliez“. Plus concrètement : “Des fils à l’échelle du micron seraient insérés dans les zones du cerveau qui contrôlent le mouvement. Chaque fil contient de nombreuses électrodes et les relie à un implant appelé « Link ».”

Compte tenu de la taille microscopique, l’implantation se ferait par un système robotique dirigé par un neurochirurgien. Selon la société, cet implant différerait de projets concurrents par son ambition : les fils contiendraient au total 1024 électrodes pour capter les signaux électriques à l’intérieur du cerveau.

Le site met en avant deux qualités de l’application Neuralink : “être en contrôle”, et “être autonome”, des mots que la cuture ambiante valorise fortement.

L’objectif de Neuralink est double

D’une part il s’inscrit dans la lignée de travaux de recherche pour soigner et améliorer la qualité de vie de patients atteints de paralysie ou de maladies neurodégénératives. D’autre part, le fondateur n’a pas fait mystère de sa volonté d’aboutir à « augmenter l’être humain face aux défis de l’IA (Intelligence artificielle).

Du côté des avancées médicales, le cas d’un jeune homme tétraplégique retrouvant l’usage de son bras grâce à un implant, ou d’un homme paralysé pouvant bouger son bras et sa main, illustrent les bénéfices de ces recherches sur des implants cérébraux. Plus récemment, des chercheurs suisses ont permis à trois personnes paralysées suite à des lésions de la moëlle épinière, de retrouver des mouvements des jambes. Lors d’une conférence de presse fin novembre 2022, Elon Musk avait utilisé une formule aux “accents bibliques”, affirmant que Neuralink pourrait “aider les aveugles à voir et les paralytiques à marcher”, témoignant ainsi d’une vision qu’on peut qualifier de démiurgique.

Le site de l’INSERM fournit des informations sur le fonctionnement des implants cérébraux :

Les implants cérébraux sont développés pour assurer une liaison directe entre le cerveau et un ordinateur, afin que les individus puissent effectuer des tâches sans passer par l’action des nerfs périphériques et des musclesConcrètement, ces patients pourraient imaginer effectuer un mouvement, générant ainsi une activité cérébrale caractéristique et mesurable à l’aide ces implants. Ces signaux pourraient ensuite être transmis à un ordinateur afin de les analyser et de les transformer en commande pour une machine ayant une utilité pour le patient (par exemple une prothèse ou un exosquelette, mais également un implant rétinien ou encore un logiciel de voix artificielle…) ».

L’INSERM souligne que dans ce domaine des implants cérébraux, les chercheurs poursuivent habituellement deux types de stratégie :

Une procédure invasive : avec l’insertion d’implants dans le cortex, qui “permettent d’enregistrer les signaux d’une population de neurones avec une très grande précision spatiale. Ils sont toutefois associés au risque de complications et à une perte de signal à long terme”. L’enjeu majeur de cette technique est la bonne implantation dans le cerveau et la biocompatibilité de l’implant avec le cerveau (risque de lésion, d’inflammation et défi de capter le fonctionnement complexe du cerveau).

Une procédure non invasive : avec des implants placés à la surface du crâne grâce à des électrodes ou juste sous la boite crânienne. Cependant “ils ne permettent pas encore de mesurer avec précision l’activité cérébrale et de rendre compte de la complexité de l’architecture du cerveau“.

Or, Neuralink prétend pouvoir éviter ces deux écueils. Les ambitions d’Elon Musk vont aussi bien plus loin que le seul domaine curatif. A la conférence de presse citée plus haut, Elon Musk s’est interrogé sur la concurrence de l’IA face à l’humain : “Que faisons-nous de l’IA, de l’intelligence artificielle générale ? Si nous avons une superintelligence numérique, beaucoup plus intelligente que n’importe quel humain, comment pouvons-nous atténuer ce risque au niveau de l’espèce ? Même dans un scénario bénin où l’IA est très bienveillante, comment pouvons-nous même faire le tour? Comment participons-nous?“.

Champion du futurisme, le milliardaire a développé sa vision d’une symbiose du cerveau humain avec l’intelligence artificielle, pour que nous ne “restions pas derrière“. L’humain, un être inachevé et déficient, menacé par l’évolution qui va plus vite que lui : cette rhétorique anxiogène est un ressort classique des courants transhumanistes.

Récentes réalisations

L’autorisation par les autorités sanitaires américaines de tester cliniquement l’interface sur des humains aurait donc été refusée en 2022. L’administration aurait citée plusieurs risques:  la migration des fils implantés, plus fins que des cheveux, dans le cerveau, la question de la recharge des électrodes, et la capacité à retirer les fils sans entraîner des dommages pour le cerveau.

En parallèle, Neuralink s’est trouvée confrontée à des polémiques et des enquêtes officielles pour de la maltraitance animale.

Synchron, un concurrent de Neuralink, a en revanche obtenu une autorisation en juillet 2021 pour des tests sur six patients. Son site relate en vidéo le premier test humain. En 2020, une étude sur une première implantation de leur interface cerveau-machine, pour un patient en Australie, avait été publiée. Le patient était capable de reprendre des tâches quotidiennes, “y compris envoyer des SMS, envoyer des courriels… par la pensée directe“.

Les prouesses médicales et technologiques sont à saluer, tant elles révèlent le génie humain et démentent en elles-mêmes la vision pessimiste d’un humain structurellement déficient. Mais les promesses associées à ces prouesses doivent faire l’objet d’examens, de questionnements éthiques approfondis, de limitations claires quant à leurs usages. L’INSERM rappelle la nécessaire “prudence quant à de possibles dérives éthiques“, et le besoin de tenir “toujours compte de la complexité du cerveau, qui ne peut se résumer à une circuiterie électronique dopée par l’intelligence artificielle”.

Il se joue ici d’importants enjeux autour des principes de protection du corps humain, des balances bénéfices-risques, de la protection des données liées à l’intimité de la pensée, du droit de la recherche portant sur l’être humain… En France, la dernière loi bioéthique a ajouté aux compétences de l’Agence de la biomédecine l’information permanente du Parlement et du gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques dans le domaine des neurosciences. Son rapport annuel doit désormais également les exposer.

implants dans le cerveau : où en est-on ?

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Convention citoyenne, session 8 : des votes confus sur les conditions de l’aide active à mourir

Convention citoyenne, session 8 : des votes confus sur les conditions de l’aide active à mourir

Lors de son avant-dernière session avant la remise de son document final, la Convention citoyenne a procédé, dans la matinée du dimanche 19 mars, à de très nombreux votes sur les modalités et les conditions de l’aide active à mourir. Si une majorité se dégage en faveur de son autorisation, ces votes ne montrent en revanche aucune tendance claire de la Convention sur les modalités d’application et les critères d’accès. On voit ainsi les difficultés qui surgiraient pour encadrer ces pratiques, une fois levé l’interdit de tuer.

 

Les citoyens de la Convention citoyenne majoritairement favorables à l’euthanasie

Après les votes de la session 7 pour améliorer « le cadre actuel d’accompagnement de la fin de vie », les participants de la Convention citoyenne sur la fin de vie étaient rassemblés en plénière lors de la matinée conclusive de la session 8 pour définir leur position sur l’ouverture éventuelle de l’aide active à mourir, ses modalités, les parcours et évaluer des « modèles de fin de vie » alternatifs.

A la question « L’accès à l’aide active à mourir devrait-il être ouvert ? », 75,6 % ont répondu oui, 23,2% ont répondu non, et 1,2% se sont abstenus. Les proportions ont peu évolué par rapport aux votes qui s’étaient tenus un mois plus tôt. Quelques voix de l’abstention ont basculé vers l’opposition.

Les citoyens sont majoritairement favorables à une aide active à mourir sous conditions (70,6%). Néanmoins, quand on les interroge sur les différentes modalités d’aide active à mourir, ils sont beaucoup plus partagés, puisqu’aucune majorité absolue ne se dégage : 9,8% sont favorables au suicide assisté seul, 3,1% à l’euthanasie seule, 28,2% au suicide assisté avec exception d’euthanasie, et 39,9% pour le suicide assisté ou l’euthanasie au choix.

Impossible consensus sur l’encadrement d’une “aide active à mourir”

Une centaine de votes a ensuite eu lieu pour définir tous les détails du parcours de l’aide active à mourir, que ce soit le suicide assisté ou l’euthanasie : expression de la demande, accompagnement médical et psychologique, évaluation du discernement, validation de la demande, réalisation de l’acte, encadrement et contrôle. L’ensemble des propositions qui ont été adoptées peut être consulté sur le site du CESE. Certaines propositions laissent songeur, comme celle sur le suicide assisté pour des personnes…inconscientes ou incapables de s’exprimer qui a recueilli 57,8% de votes favorables.

La dernière étape des votes concernait les critères d’accès à l’euthanasie et au suicide assisté : majorité légale, maladie physique ou psychique, incurabilité, pronostic vital engagé à court ou moyen terme, discernement…Plutôt que de soumettre au vote chacun de ces critères, les organisateurs de la Convention avaient choisi de demander aux participants d’attribuer une note de 1 à 5 à 19 modèles concurrents proposant chacun une combinaison de critères qui rendraient accessible l’aide active à mourir.

Au terme de tous ces votes, il est bien difficile de saisir quel serait le modèle privilégié par la Convention. Serait-ce celui réunissant le plus de notes 5 ou celui affichant la meilleure moyenne ? La question ne semble pas encore tranchée. Surtout, aucun modèle ne semble vraiment faire consensus. Les modèles obtenant les meilleures notes moyennes sont ceux qui prévoient l’ouverture du suicide assisté pour les personnes majeures, avec une exception d’euthanasie accessible aussi aux mineurs. Néanmoins, ils diffèrent sur les conditions d’accès : combien de critères doivent être pris en compte ? Les souffrances psychiques pourraient-elle donner droit à l’aide active à mourir ? Le pronostic vital doit-il être engagé à court ou moyen terme ? Faut-il même être atteint d’une pathologie ou bien une « situation grave, irréversible et vécue comme insupportable » pourrait-elle constituer à elle-seule une condition suffisante  ? On voit bien l’impossibilité d’un consensus sur ces critères, et comment tout encadrement d’une « aide active à mourir » pourrait facilement être remis en cause.

 

Les citoyens opposés à l’ouverture d’une aide active à mourir ont pu se sentir marginalisés par ces votes, en particulier sur les modèles où certains ont eu le sentiment que leur vote ne servait à rien. Ils n’avaient en effet pour seule option à chaque fois que de voter « 6 » pour signifier leur opposition.

Finalement, du fait d’une erreur technique, les votes sur les modèles ont été annulés et devront avoir lieu de nouveau lors de la prochaine et dernière session les 31 mars, 1er et 2 avril. C’est lors de cette session que sera adopté solennellement le document final. On reste néanmoins dubitatif sur la capacité de la Convention à dégager des orientations claires pour le Gouvernement.

 
Vieillissement : un enjeu démographique et politique

Vieillissement : un enjeu démographique et politique

Vieillissement : un enjeu démographique et politique

 

L’analyse des évolutions démographiques met en lumière une décroissance continue du solde décès-naissance en France depuis 10 ans et un accroissement marqué du nombre de personnes âgées qui nécessiterait une approche globale.

 

Abaissement du solde naturel et augmentation du vieillissement

L’Institut national d’études démographiques décrypte dans son bulletin de mars 2023  les répercussions de la crise sanitaire sur les naissances et les décès. Si les naissances ont été affectées en 2021, elles ont connu un effet de rattrapage par la suite. Quant aux décès, l’épidémie de covid s’inscrit dans cinq années consécutives de « grippes saisonnières meurtrières ». Ce phénomène a affecté la progression de l’espérance de vie qui tend à stagner – 79,3 ans pour les hommes et 85,2 ans pour les femmes en 2022 – et s’inscrit dans un essoufflement observé depuis 1994.

La population française a crû de 217 000 habitants en 2022, soit pour un quart grâce au solde naturel et pour trois quart au solde migratoire. En 10 ans, le solde naturel est passé de 251 000 à 56 000. Un double phénomène se conjugue : une baisse sensible des naissances depuis 2014 avec une hausse progressive des décès qui va s’amplifier dans les deux prochaines décennies avec l’arrivée des générations nombreuses du baby boom. Les premiers de cette génération atteindront 80 ans à partir de 2030.

Un déficit d’anticipation de la prise en charge du vieillissement

La loi grand âge et autonomie a été remise à plus tard par les présidents successifs depuis 15 ans. Comme le disait un intervenant du colloque Séniors et société qui se tenait à Paris le 21 mars 2023, l’urgence n’est plus à la réflexion mais à l’action. Les enjeux sont multiples : adaptation des logements, mobilisation des bailleurs sociaux, attractivité et formation des métiers du grand âge, coordination des nombreux acteurs publics et privés, transports, offres diversifiées de services à domicile ou habitats intermédiaires, prévention sanitaire…En 2019, le rapport libault sur le grand âge et l’autonomie demandé par le Premier ministre synthétisait les enjeux.

Alliance VITA a listé les mesures prises depuis 2020. Ces efforts sont à saluer mais ils nécessiteraient de s’inscrire dans une politique globale et de long terme que tous les acteurs appellent de leurs vœux.

Cependant est-ce qu’une politique du grand âge et du vieillissent est tenable sans prendre en compte les défis démographiques globaux?

Pour une approche globale des enjeux démographiques

La démographie est au cœur des enjeux d’avenir de la société française comme le souligne le rapport sur les enjeux démographiques du Haut-Commissaire au Plan publié en 2021. Il plaide pour un « pacte national » afin de sauver le modèle social français, et affiche parmi ses objectifs celui d’« avoir plus d’enfants ». D’autant que cela rejoint le désir des Français comme le révèle la dernière enquête de l’UNAF (Union nationale des associations familiales). 

Parmi les facteurs bloquant cette réalisation du désir d’enfant, il y aurait les difficultés matérielles et financières des familles ne leur permettant pas de s’agrandir (enjeu de trouver un emploi stable, un logement fixe et décent, etc.). Il y a également l’équilibre difficile entre la vie privée et professionnelle, avec un emploi du temps peu aménageable. Enfin, les politiques publiques de prestations et de prélèvements s’avèrent de moins en moins avantageuses pour les parents, avec des coupes budgétaires importantes et une augmentation du budget pour le logement.

Dans ses considérations, ce rapport souligne que « La question démographique est bien plus marquante pour l’avenir de notre nation qu’elle ne l’est pour toute autre [nation]. La France en effet a choisi un modèle de société à peu près unique dans le monde. Ce modèle donne à la collectivité, donc à la population prise dans son ensemble, la responsabilité essentielle de la charge de la solidarité nationale. »

En effet la France a fait le choix d’un modèle social fondé sur le principe de « tous pour chacun ». C’est ce qui a conduit notre pays au choix de la retraite par répartition et non par capitalisation en s’appuyant sur la solidarité entre les générations.

Alors que les Français s’inquiètent de leur avenir, c’est la mise en œuvre d’une politique globale qui est attendue de la part des décideurs politiques, loin des querelles politiciennes de court terme.

vieillissement : un enjeu démographique et politique

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Mesures prises en faveur des personnes âgées et de la dépendance Juillet 2020 – Décembre 2022

Mesures prises en faveur des personnes âgées et de la dépendance Juillet 2020 – Décembre 2022

Mesures prises en faveur des personnes âgées et de la dépendance Juillet 2020 – Décembre 2022

 

I – 13 juillet 2020 : signature des accords du Ségur de la santé qui portent sur 12 points :

  1. 19 milliards d’euros d’investissement dans le système de santé pour améliorer la prise en charge des patients et le quotidien des soignants.
  2. 8,2 milliards d’euros par an pour revaloriser les métiers des établissements de santé et des EHPAD, et reconnaître l’engagement des soignants au service de la santé des Français.
  3. 15 000 recrutements à l’hôpital public.
  4.  Accélérer la sortie du “tout T2A” (tarification à l’acte) et privilégier la qualité des soins.
  5. Financer l’ouverture ou la réouverture de 4000 lits « à la demande ».
  6. Mettre fin au mercenariat de l’intérim médical à l’hôpital public.
  7. Redonner toute sa place au service hospitalier au sein des établissements de santé.
  8. Former plus de soignants dans les filières paramédicales pour mieux prendre en charge les patients.
  9. Faciliter l’accès aux soins non-programmés et à l’exercice coordonné.
  10. Développer fortement la télésanté en s’appuyant sur les acquis de la crise pour mieux soigner les Français.
  11. Donner aux territoires les principaux leviers de l’investissement en santé dans l’intérêt de leurs habitants.
  12. Combattre les inégalités de santé. 

 

II – Août 2020 : Création d’une 5ème branche de la sécurité sociale couvrant le risque « autonomie ».

  • Financée sur le long terme, avec notamment l’affectation d’une part de CSG,
  • Pilotée par la Caisse nationale des solidarités pour l’autonomie (CNSA)
  • Objectif de dépenses de la branche autonomie en 2023 : 37,3 milliards d’euros

III – PLFSS POUR 2022 :

  • Effort en faveur de l’attractivité des métiers de l’autonomie : 2
    o Application des accords « Laforcade » pour les personnels des établissements accueillant des personnes en situation de handicap
    o Revalorisation salariales issues de la conférence des métiers de l’accompagnement social et du médico-social
    o Coût total : 3,2 milliards d’euros pour la branche autonomie
  • Instauration d’un tarif plancher (22 € par heure) et d’une dotation qualité (3 € par heure en moyenne) pour accentuer la montée en charge de la qualité des services d’aide à domicile au profit des personnes en perte d’autonomie (Application au 1er mai 2022)
    o Coût total : 680 millions d’euros

 

IV – MARS 2022 : Présentation du Plan Grand Age

Deux axes du « bien vieillir en France » :

1) Priorité au « bien vieillir » chez soi.

Un investissement d’un milliard d’euros par an, d’ici 2025, en faveur du soutien à domicile. Cette feuille de route a été partagée avec les Départements et se décline de la façon suivante :

  • 750 millions d’euros par an, d’ici 2025, pour augmenter les financements des services à domicile et en améliorer la qualité, dans le but de déployer, dans tous les territoires, le « virage domiciliaire » ;
  • 200 millions d’euros par an pour mieux rémunérer les professionnels de l’aide à domicile et renforcer l’attractivité des carrières ;
  • faciliter le parcours des personnes âgées souhaitant bien vieillir à domicile, tout en simplifiant les démarches engagées par leurs aidants ;
  • permettre à chacun de vieillir en bonne santé chez soi, grâce au déploiement d’un plan antichute dans toutes les régions.

2) Des EHPAD transformés, mieux médicalisés et attractifs.

  • 2,1 milliards d’euros pour investir dans le bâti, les équipements du quotidien et le
    numérique pour les rendre plus chaleureux, plus humanisés et plus ouverts sur l’extérieur
  • 1500 millions d’euros pour renforcer la médicalisation des EHPAD, grâce au
    financement de 20 000 postes de personnels soignants supplémentaires et grâce à un plan d’action visant à améliorer l’accompagnement médical des résidents dans les années à venir ;
  • 2,8 milliards d’euros pour revaloriser les salaires et renforcer l’attractivité des
    métiers en EHPAD, et pour sécuriser des collectifs de travail motivés auprès des
    personnes et des familles, avec l’augmentation des rémunérations de tous les professionnels d’EHPAD à hauteur de 183 euros nets par mois, le déploiement d’un plan métiers en lien avec le ministère du Travail pour développer les formations, la validation des acquis de l’expérience (VAE), et faciliter les recrutements urgents.

A ces deux axes prioritaires s’ajoute un engagement du Gouvernement à renforcer les contrôles, à améliorer la qualité de l’accompagnement et à accroître la transparence dans les EHPAD.

N.B : Tous les chiffres mis en avant dans ce plan agrègent des actions déjà engagées ou à venir, mais toute action ne peut avoir de traduction concrète qu’une fois validée par un texte budgétaire, en l’occurrence au niveau national le PLFSS. En un mot, une telle présentation a surtout un but de communication.

V – PLFSS POUR 2023

Principales mesures :

a) EHPAD

(1) Recrutement de 3 000 aides-soignants et infirmiers supplémentaires en 2023
(2) Objectif : 50 000 postes supplémentaires dans ces établissements d’ici 2027
(3) Lancement dès 2002 d’un plan de contrôle des 7 500 EHPAD

b) Services d’aide à domicile

(1) Création de 4 000 places supplémentaires en 2023
(2) Relèvement du tarif des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) de 22 à 23€ par heure d’intervention

c) Lutte contre l’isolement des personnes âgées

(1) Les personnes bénéficiaires de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) auront le droit à partir du 1er janvier 2024 à 2H supplémentaires par semaine dédiées au lien social.
(2) Objectifs:

(i) Renouer du lien social avec les aînés et permettre des actions de repérage des fragilités, des stimulations de la mémoire et de prévention de la perte d’autonomie.
(ii) Redonner du sens aux métiers des aides à domicile et renforcer leur attractivité

d) Adaptation des logements

(1) Déploiement du dispositif « MaPrimAdapt » par l’ANAH pour permettre, à
compter de 2024, la montée en puissance de l’adaptation des logements au grand
âge, en particulier pour éviter les chutes.

VI – Problématique générale du vieillissement de la population

Aujourd’hui en France, une personne sur cinq est âgée de plus de 65 ans.
En 2035, ce sera le cas d’un quart de la population

Grand âge et dépendance :

  • 900 000 personnes ont aujourd’hui plus de 90 ans,
  • Ce chiffre devrait doubler d’ici 2040.

Trois questions sont essentielles :

– Quel accueil des personnes âgées (structures) ?
– Quel accompagnement ?
– Qui paye ?

1) Structures :

a) Domicile : adaptations nécessaires, présence extérieure à renforcer en même temps que la professionnalisation des intervenants
b) Etablissements, type EHPAD avec une médicalisation à renforcer
c) Structures intermédiaires, type logements inclusifs pour les personnes valides qui ne peuvent plus rester seules chez elles. Déploiement de l’Aide à la Vie Partagée

2) L’accompagnement

a) Problème clé des recrutements et de la formation, initiale comme continue,
b) Variété des postes :

a. Aides à domicile
b. Animateurs et éducateurs sportifs
c. Aides-soignants,
d. Infirmiers
e. Kiné et ergo, etc…

Enjeu quantitatif et qualitatif majeur

3) Le financement

a) La collectivité ?
b) Les familles ?
c) Les entreprises ?
d) Les besoins sont déjà exponentiels

Des choix politiques, forcément difficiles, devront être faits très rapidement.

USA : Des embryons au cœur d’une bataille judiciaire

USA : Des embryons au cœur d’une bataille judiciaire

Aux Etats-Unis, un divorce a remis l’embryon humain au cœur d’une bataille judiciaire. A Fairfax, dans l’Etat de Virginie, un couple est en conflit sur le sort à réserver à ses embryons congelés, conçus lors de leur vie conjugale par les techniques de procréation artificielle, comprenant la fécondation in vitro, suivi de la conservation de ces embryons ainsi conçus dans l’azote liquide, à -196 degrés. Cette technique, qui permet de les conserver pendant de très nombreuses années, créée de nombreux enjeux, notamment celui qui revient sur le devant de la scène à l’occasion de ce procès.

La femme, Honeyhline Heidemann, souhaite récupérer et implanter, en vue d’une grossesse, ses embryons, alors que son ex-mari, Jason, refuse. Ses avocats ont déclaré qu’autoriser son ex-femme à implanter les embryons qu’ils avaient créés lorsqu’ils étaient mariés « contraindrait M. Heidemann à procréer contre son gré et violerait donc son droit constitutionnel à l’autonomie en matière de procréation ».

Susan Crockin, avocate et universitaire à l’Institut Kennedy d’éthique de l’Université de Georgetown, experte en droit des technologies de reproduction a commenté cet avis comme étant « moralement répugnant », et précisant qu’elle « ne connaissait aucun autre juge aux États-Unis qui ait conclu que les embryons humains peuvent être achetés et vendu “. Pour elle, « la tendance, au contraire, a été de reconnaître que les embryons sont différents de la simple propriété ».

Cet avis n’est que préliminaire, pas définitif.

Dans ce cas particulier, l’avocat fait ressurgir des lois dépassées de cette période américaine où on pouvait « posséder » des êtres humains ce qui est particulièrement choquant.

 

Gamètes artificiels. Des souriceaux conçus uniquement par des cellules mâles.

Gamètes artificiels. Des souriceaux conçus uniquement par des cellules mâles.

Une étude publiée ce mercredi 15 mars 2023 dans la revue Nature fait état d’une nouvelle expérimentation menée par des scientifiques japonais, au sujet de ce qu’on appelle les « gamètes artificiels ». Ce sont des cellules reproductives (ovocyte, spermatozoïde) obtenus de manière artificielle, et non simplement prélevées ou recueillies.

Cette étude a été réalisée par l’équipe du biologiste du développement Katsuhiko Hayashi, de l’Université de Kyushu. Ses détails ont été présentés au “human gene-editing summit” (sommet sur l’édition du génome) au Crick Institute de Londres le 8 mars dernier.

L’un des moyens explorés pour obtenir des “gamètes artificiels” utilise la technique de reprogrammation cellulaire, dite IPS (cellules souches pluripotentes induites), découverte par un autre Japonais, le professeur Shinya Yamanaka, qui reçut pour cela le Prix Nobel de médecine en 2012.

Cette technique permet de redonner à une cellule dite adulte (comme une cellule de peau, par exemple) la possibilité de pluripotence d’une cellule-souche. La pluripotence est la capacité originelle pour une cellule de se différencier en tous les types cellulaires constituant un organisme adulte.

Dans l’étude mentionnée, ce sont des cellules de peau d’une souris mâles qui ont été reprogrammées. Comme chez l’humain, ces cellules animales sont toutes composées d’une paire de chromosomes sexuels, ici il s’agissait de males, donc une paire XY. Ces cellules de peau ont été artificiellement modifiées pour « perdre » leur chromosome Y et pour « accueillir » un deuxième chromosome X, dupliqué du premier. Les cellules devenues ainsi porteuses de la paire de chromosomes sexuels féminins XX ont pu alors être reprogrammées pour devenir pluripotentes. Elles ont ensuite été artificiellement contraintes de se différentier en cellules reproductrices, donc en ovocytes.

L’un des caractères inédits de cette expérimentation vient du fait que les cellules ainsi artificiellement obtenues ont acquis une capacité de fécondabilité. Ces ovocytes artificiels ont en effet été fécondés par du sperme de souris mâle, puis implantés dans un utérus de femelle souris.

Sur un total de 630 essais, 7 souriceaux, d’apparence normale, sont nés. En termes de chiffre, de l’aveu même de Hayashi, ce n’est pas encore une méthode très efficace.

Bien qu’évoquées et envisagées depuis longtemps, les applications humaines ne sont pas imminentes. Elles soulèvent indiscutablement de vertigineux enjeux éthiques, anthropologiques, philosophiques et sanitaires. Pour Robin Lovell-Badge, biologiste et généticien au Crick Institute de Londres : « on ne maîtrise pas encore pour l’homme la technologie qui a ici été utilisée pour transformer une cellule souche d’une souris mâle en ovocyte. Le processus prendrait aussi beaucoup plus longtemps.  Ce serait un défi technique d’une tout autre ampleur, car il faudrait maintenir l’intégrité des échantillons en laboratoire sur une période beaucoup plus longue, ce qui multiplie les risques d’accidents ». Même constat pour le professeur George Daley de la Harvard Medical School pour le média britannique : « Faire cela sur des humains est plus difficile que la souris. Nous ne comprenons toujours pas assez la biologie unique de la gamétogenèse humaine (la formation de cellules reproductrices) pour reproduire le travail de Hayashi».

Au-delà des questions techniques se posent des interrogations éthiques. «Le fait de pouvoir faire quelque chose ne veut pas nécessairement dire qu’on doive le faire (…) particulièrement quand on parle d’une espèce d’être humain», a aussi commenté Nitzan Gonen, directeur du laboratoire sur la détermination des sexes à l’Université israélienne Bar-Ilan University.

Pour Alliance VITA, il est compréhensible que ces recherches soient fascinantes pour ceux qui les mènent. Elles peuvent permettre de mieux comprendre les procédés de gamétogenèse et leurs dysfonctionnements. Mais les applications humaines tapies derrière sont très inquiétantes. Notre époque a déjà vu naitre des bébés génétiquement modifiés, même plus des essais sur l’homme, mais des essais d’homme. Ces expérimentations animales impliquent de renforcer à l’international les garde-fous pour nous prémunir de telles expérimentations sur l’être humain.

Pour aller plus loin : 

Gamètes artificiels, toujours plus loin ? 2021

Bébés sur mesure – le monde des meilleurs. Blanche STREB (Artège, 2018)

La fabrication artificielle de spermatozoïdes – 2016

Quand les enfants vont mal : un rapport lance une alerte sur l’état de santé mentale des enfants

Quand les enfants vont mal : un rapport lance une alerte sur l’état de santé mentale des enfants

Un rapport publié récemment et intitulé “quand les enfants vont mal, comment les aider” lance une alerte sur l’évolution de la santé mentale des enfants et les difficultés de prise en charge associée.

Alerte à la sur-médication

Adopté le 7 mars par le Haut Conseil de la Famille, de l’enfance et de l’âge, et publié sur leur site, ce rapport long de 172 pages se penche en profondeur sur la santé mentale des enfants, étant précisé qu’il s’agit d’une étude sur des enfants de 6 à 17 ans. Selon ses propres termes, le HCFEA “alerte sur la montée de la consommation de médicaments psychotropes par des enfants et adolescents“. Les données utilisées dans le rapport indiquent des fortes hausses de consommation entre 2014 et 2021 : 48% pour les antipsychotiques, 62% pour les antidépresseurs et 155% pour les hypnotiques et sédatifs. Si cette tendance a démarré avant la crise sanitaire liée à la Covid 19, elle s’est affirmée particulièrement en 2021 : hausse de 23% pour les antidépresseurs comparée à l’année précédente, et 224% pour les hypnotiques. En 2010, la consommation de médicaments psychotropes touchait 2.5% des enfants et adolescents. Elle atteindrait maintenant 5% de cette population, ce qui concerne 500 000 enfants (source INSEE, 2019). Le rapport relève deux traits significatifs et inquiétants :

  • D’une part, cette augmentation ne se retrouve pas dans les autres pays d’Europe et d’Amérique du nord
  • D’autre part, cette consommation “se situe pour une large part hors des conditions réglementaires de prescription”.

Sur ce dernier point, le rapport consacre, dans sa synthèse, un paragraphe intitulé “une mise à mal systématique des obligations réglementaires de prescription”. Concrètement, cette “mise à mal” se décline sur différents facteurs : une prescription avant l’âge de 6 ans, une durée de traitement particulièrement longue, une prescription hors AMM (Autorisation de mise sur le Marché). Le phénomène de co-prescriptions nombreuses de médicaments psychotropes (c’est-à-dire une substance agissant sur l’état du système nerveux central) est également dénoncé. Les auteurs soulignent que “ces co-prescriptions ne font l’objet d’aucune étude ni validation scientifique”. Enfin, des études ont établi que cette sur-médication affectait davantage les enfants les plus jeunes de leur classe et ceux issus des milieux plus défavorisés.

L’accompagnement psychologique, éducatif et social, soin de première intention

Selon le HCFEA, les autorités sanitaires comme la HAS (Haute Autorité de Santé) et l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament), les soins de première intention pour les troubles mentaux chez l’enfant se déclinent en 3 axes :

  • Les pratiques psychothérapeutiques,
  • Les pratiques éducatives,
  • Les pratiques de prévention et d’intervention sociale.

Le traitement médicamenteux est décrit comme une prescription de deuxième intention en soutien de l’accompagnement psychologique, éducatif et social de l’enfant et de sa famille. Les réserves sur la prescription de médicaments s’appuient sur “la rareté d’études robustes sur l’efficacité des traitements médicamenteux chez l’enfant“, et l’existence “d’effets indésirables importants et une balance bénéfice/risque qui conduit à un nombre limité d’AMM pour les médicaments psychotropes en population pédiatrique“.

Un “effet de ciseau” entre hausse des besoins de soins et déficit chronique de l’offre de soins.

L’effet de ciseau est provoqué par deux tendances inverses :

  • d’une part, selon le rapport, la santé mentale “est considérée comme la première problématique de santé publique chez l’enfant en France et au niveau international”. Le nombre d’enfants ou d’adolescents en difficultés psychiques augmentent. Des facteurs négatifs jouent sur cette tendance. Sont citées la crise sanitaire, la guerre en Ukraine, l’éco-anxiété, les crises économiques et les inégalités sociales. Hausse de la demande donc.

 

  • d’autre part, du côté de l’offre de soins, sa dégradation reflète celle constatée dans le système de santé en général, et de la psychiatrie en particulier. Le rapport souligne :” l’offre pédiatrique, pédopsychiatrique et médicosociale est en recul et ne permet plus d’accueillir dans des délais raisonnables les enfants et les familles (délais d’attente de 6 à 18 mois sur le territoire). Faute de spécialistes, la majorité des consultations de l’enfant est réalisée par le médecin généraliste. La situation de la médecine scolaire, de la PMI et de l’ensemble des acteurs du champ médicosocial est très altérée et ne permet plus d’assurer les missions de service public d’accueil et de suivi de l’ensemble des enfants et des familles“. Ce déficit structurel dans la prise en charge des enfants a pour effet le “recours faute de soins adaptés, à la seule prescription de médicaments psychotropes alors même que l’indication ne correspond pas, en première intention, à la situation de l’enfant“.

 

Le drame des suicides

Avant la pandémie, le taux de suicide des jeunes dans la population générale était au-dessus de la plupart des pays européens (Santé publique France, Bulletin épidémiologique hebdomadaire, février 2019). En 2022, deux pédopsychiatres ont publié une tribune d’alerte cosignée par plus de 700 professionnels du soin aux enfants et adolescents, dans laquelle ils soulignent que « le délitement des structures de soins empêche les soignants d’exercer leur fonction de dernier rempart contre les tentations suicidaires des jeunes, dont la hausse massive est attestée ». Ils y pointent  à quel point « la faiblesse du tissu social (soutien familial et intégration sociale) est un facteur pronostique majeur dans les problématiques suicidaires. Sa fragilité en France ainsi que le sentiment d’isolement des jeunes étaient déjà bien identifiés dans les analyses sociologiques du suicide»

Comment aider les enfants ?

La troisième partie du rapport se penche sur les ressources et les savoir-faire existant pour améliorer la santé mentale des enfants. Les 3 axes de soin de première intention, cités plus haut, sont examinés de façon détaillée.

Concernant les psychothérapies, le rapport détaille les différentes approches (psychanalytique, comportementales et cognitives, thérapies familiales). Les critiques et controverses concernant l’efficacité de chaque approche sont croisées avec des études scientifiques. Au-delà de ces débats d’experts, le rapport consacre une partie aux repères fondamentaux pour des pratiques psychothérapeutiques avec les enfants. Les auteurs mettent en exergue l’importance de la qualité de la relation dans tous les cas, citant un rapport de l’Académie de médecine de 2022 “Psychothérapie : une nécessaire organisation de l’offre“.

Aider les enfants, selon le HCFEA, nécessite une ambition et des moyens. Sa recommandation finale consiste à “renforcer considérablement les moyens structurels dédiés à la santé mentale de l’enfant et au déploiement d’une politique publique ambitieuse en la matière, ce qui implique de renforcer les moyens de la pédopsychiatrie mais également les moyens dédiés aux approches psychothérapeutiques, éducatives et sociales destinées à l’enfant et à la famille“.

Ce rapport soulève la question des moyens et des priorités dédiées à l’enfance. Un autre enjeu se dessine. Dans d’autres domaines, par exemple la dysphorie de genre, les autorités veulent donner la priorité aux traitements médicamenteux (hormones…) plutôt qu’aux approches thérapeutiques. Il ne faudrait pas que cette tendance masque un abandon de la relation de soins.

La question du bien-être et de la santé mentale des jeunes devrait être une préoccupation de premier ordre dans notre pays. Ils sont la France de demain. La question du soutien aux familles est prépondérante.

 

Sensibilisation aux derniers secours

Sensibilisation aux derniers secours

Sensibilisation aux derniers secours

 

Les ateliers de formation « Derniers secours » arrivent en France, en partenariat avec la SFAP (société française d’accompagnement et de soins palliatifs).

« Derniers secours » est une formation courte (de 4 à 6 heures) proposée à des personnes qui désirent se familiariser avec l’accompagnement d’un proche en fin de vie. Objectif : aider chacun à appréhender ces situations délicates. Ouverte à tous, cette formation est gratuite. Ce type d’ateliers existait dans une quinzaine de pays sous le nom de « Last aid ».

En lien avec la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, ils se multiplient désormais dans l’hexagone, sous l’impulsion de Catherine Renard, accompagnatrice en soins palliatifs. Un site spécifique a été lancé pour la France ; les stages proposés y sont répertoriés, avec inscription en ligne.

Chaque session « Derniers secours » s’appuie sur un binôme d’animation bénévole, constitué par un soignant et un non-soignant, tous deux expérimentés en soins palliatifs. Il réunit soit en présentiel, soit en visioconférence un petit groupe de personnes qu’il va initier aux gestes et attitudes essentielles d’accompagnement des personnes gravement malades ou dépendantes, notamment celles qui approchent du terme de leur vie.

Présentée par ses initiateurs comme une démarche « participative et solidaire », cette formation est avant tout un échange et un partage d’expérience, sur un sujet qui concerne chacun, bien qu’il demeure souvent tabou. C’est une façon de lever des peurs pour se réapproprier les rites et pratiques de l’accompagnement jusqu’à la mort. Ouverte à tous, la session « Dernier secours » sensibilise, informe et guide ces accompagnants que chacun peut devenir : conjoint, frère ou sœur, enfant, ami…

La fin de vie de quelqu’un de cher induit des émotions parfois vives, souvent contradictoires, qu’il est bon de repérer, d’accueillir et de canaliser ; elle appelle des gestes et des attitudes spécifiques, auxquels chacun peut être initié. Elle provoque au jour le jour des questions de fond, parfois complexes.

Les soins palliatifs sont ouverts aux volontaires, eux-mêmes sélectionnés, formés et supervisés. Ils ne sont pas seulement faits pour les personnes malades ; ils sont aussi destinés à leurs proches. Ces aidants familiers intimement concernés par une fin de vie, alors qu’ils n’en ont le plus souvent pas l’expérience, sont souvent extrêmement mobilisés, tant en temps qu’en intensité. Eux aussi sont éprouvés et ont besoin d’écoute et d’aide.

Cette formation en prend soin. Ces quelques heures de sensibilisation et de témoignage peuvent éclairer, rassurer, guider, en évitant bien des tâtonnements, des maladresses, des souffrances ou des malentendus. De multiples questions peuvent être abordées : comment saisir l’occasion de parler de sa mort avec un proche qui l’évoque à demi-mots ? Quels gestes simples peuvent apaiser ou consoler ? Y a-t-il des signes qui suggèrent que la mort est proche ?

Comment être certain qu’elle est advenue ? Interviewée par France Inter, Catherine Renard souligne que « la mort n’appartient pas qu’à l’hôpital, à la médecine ; elle appartient à tout un chacun. » Cette formation d’intérêt public a en effet le grand mérite de remettre la question-clé de la mort au cœur de la vie.

 

Retrouvez tous nos articles sur l’accompagnement et les aidants.

 

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Belgique : 2 nouveaux cas d’euthanasie pour troubles psychiques font polémique

Belgique : 2 nouveaux cas d’euthanasie pour troubles psychiques font polémique

Belgique : 2 nouveaux cas d’euthanasie pour troubles psychiques font polémique

 

20 ans après le vote d’une loi dépénalisant l’euthanasie en Belgique, deux nouveaux cas douloureux d’euthanasie pour causes psychiatriques connaissent un fort retentissement médiatique. Ils viennent corroborer, une fois de plus, les dérives de l’euthanasie dans ce pays.

 

Euthanasie en Belgique pour causes psychiatriques : le cas de Nathalie Huygens

 

Le premier concerne Nathalie Huygens, une femme d’une cinquantaine d’années à qui le “droit à l’euthanasie” vient d’être accordé. Cette mère de deux enfants vit avec d’importantes séquelles psychologiques depuis une violente agression, avec viol, qu’elle a subie en 2016.

 

Son fils, dans une lettre ouverte publiée en 2022 explique le quotidien de sa mère qui a basculé après ce traumatisme puis le divorce de ses parents, les tentatives de suicide et aussi le laxisme juridique vis-à-vis de l’agresseur.

Il explique que sa mère lui a confié « “J’ai vraiment besoin de retourner à l’hôpital pour une longue période, mais je n’ai tout simplement plus d’argent.” En effet, son assurance hospitalière refuse de prendre en charge les hospitalisations psychiatriques. »

Cette situation interroge gravement l’accès aux traitements et la notion d’incurabilité en cas de souffrances psychiques, condition invoquée par la loi belge.

 

Second cas d’euthanasie en Belgique pour troubles psychiques : Geneviève Lhermitte

 

Le deuxième cas d’euthanasie concerne une femme en libération conditionnelle et internée en psychiatrie. Elle vient d’être euthanasiée, le 28 février 2023, à sa demande. Elle avait elle-même choisi la date de son euthanasie : 16 ans après le meurtre qu’elle a perpétré sur ses 5 enfants et pour lequel elle avait été condamnée à perpétuité en 2008.

Après sa condamnation à la prison à vie, Geneviève Lhermitte dont le procès avait été retentissant, « avait intenté en 2010 un procès au civil à son ancien psychiatre, lui réclamant jusqu’à trois millions d’euros de dommages et intérêts pour son «inaction» face à un drame prévisible. » rapporte le journal suisse Le Temps.

L’euthanasie de personnes condamnées par la justice est une question sensible en Belgique

La première euthanasie d’un détenu en prison en Belgique a eu lieu en 2012 sur un hommecondamné à une lourde peine et très malade. Une dizaine d’autres détenus auraient, depuis, exprimé la même demande. Lors de l’affaire « Van Den Bleekenn », en 2014, l’euthanasie avait d’abord été accordée puis la procédure avait été interrompue et il avait été orienté vers des traitements appropriés. La ligue des droits de l’Homme avait alors vivement réagi invoquant une forme de peine de mort déguisée et dénonçant un désinvestissement des infrastructures de soins pour internés par l’Etat.

 

Vers des suicides par euthanasie ?

 

Dans son analyse du rapport de la commission de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie pour 2020-2021, l’Institut européen de bioéthique souligne que « 91 personnes souffrant de troubles mentaux et de comportement ont été euthanasiées au cours de la période 2020-2021, ce qui constitue une augmentation par rapport à la période précédente. Parmi elles, 49 personnes ont été euthanasiées pour troubles cognitifs(démence). Rappelons que ce nombre se situe au double de celui de 2016-2017 (24). »

Au fil des rapports de la Commission de contrôle, on constate qu’il s’opère un glissement vers l’acceptation de cas d’euthanasie pour des pathologies mentales ou des polypathologies avec une interprétation de plus en plus large de l’incurabilité et de la notion de souffrance qui ne pourrait être soulagée.

La Commission de contrôle va jusqu’à écrire dans ce dernier rapport que « les tentatives de suicide ratées ont fait prendre conscience aux personnes concernées qu’il existait aussi une autre façon, plus digne, de mettre fin à ses jours ».

Si les psychiatres belges demeurent divisés, spécialement dans la partie francophone, un psychiatre qui pratique ce type de suicide par euthanasie avance que « Dans l’euthanasie, il s’agit d’une certaine manière de civiliser le suicide ».

Cette présentation de l’euthanasie est glaçante et en vient à valider le suicide, plutôt que de le prévenir.

 

Interrogée par le Point, Ariane Bazan, professeur de psychologie clinique et de psychopathologie à l’Université de Lorraine et l’Université libre de Bruxelles, qui s’est inquiétée des cas d’euthanasie pour motifs psychiques dès 2015 « voit dans l’autorisation d’euthanasie un détournement du texte voté en 2002 par le Parlement et une manière cynique de répondre aux défaillances du système de prise en charge des pathologies psychiatriques. »

Elle souligne que « La loi belge dépénalise l’euthanasie dans des cas de souffrances insupportables et incurables. Or, si les souffrances psychiques sont en effet extrêmement lourdes à porter, leur incurabilité ne peut être objectivée comme celle d’un cancer ou d’une pathologie neurodégénérative. Ce que l’on fait ici, à mon sens, c’est prendre en otage le texte existant et le tordre pour en faire une loi sur le suicide assisté. »

Pour cette experte : « nous sommes face à une véritable épidémie de mal-être psychique ». Elle constate que le profil moyen des patients qui demandent l’euthanasie pour motif psychiatrique sont pour « deux tiers des femmes, qui ont souvent eu des parcours de vie très difficiles, avec des maltraitances et des abus, qui ont développé des pathologies comme des troubles de la personnalité borderline, avec des automutilations, des tentatives de suicide, des troubles des conduites alimentaires. »

La Belgique, prise par certains pour modèle dans le débat sur la fin de vie en France, apparait clairement comme un anti-modèle à partir du moment où l’interdit de tuer est levé : l’encadrement ne fait que dériver de manière de plus en plus inquiétante. Aujourd’hui, c’est la prévention du suicide qui est sapée dans certains cas, vouant les personnes les plus fragiles à l’abandon et à l’auto-exclusion.

 

Pour rappel : le nombre d’euthanasies officiellement pratiquées en Belgique est en augmentation constante. L’année 2022 a atteint le niveau le plus haut : 2 966 euthanasies ont été déclarées à la Commission en 2022 soit une augmentation de 9,9% par rapport à l’année précédente. A ce chiffre il faudrait ajouter les euthanasies non déclarées, évaluées à 25 ou 35% en Flandre qui représentent 75% du total des euthanasies.