Tugdual Derville : les enjeux des lois de bioéthique

Tugdual Derville : les enjeux des lois de bioéthique

À quelques jours de l’ouverture des États généraux de la bioéthique, Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA, rappelle les enjeux de cette consultation nationale sur des sujets majeurs pour l’avenir de notre humanité. Il invite chacun à une prise de conscience et une vigilance pour mettre l’intérêt des plus fragiles au cœur des débats.

Fin de vie et euthanasie : entre pression et évaluation

Fin de vie et euthanasie : entre pression et évaluation

hopital

Les Etats généraux de la bioéthique, qui seront officiellement lancés le 18 janvier prochain, ne devraient en principe pas concerner les enjeux de la fin de vie : ceux-ci ont fait l’objet de débats approfondis entre 2012 et 2015, aboutissant à la loi Claeys-Leonetti de février 2016.

Mais les partisans de la légalisation de l’euthanasie en France maintiennent une pression politique et médiatique forte : ils renouvellent le dépôt de propositions de loi similaires à ceux des deux quinquennats précédents, masquant les véritables enjeux de développement des soins palliatifs, de la prise en charge de la grande dépendance et de l’accompagnement des personnes en fin de vie. En sens inverse, d’autres propositions de loi et plusieurs groupes de travail officiels sont en cours pour évaluer le dispositif actuel et mieux accompagner la fin de vie.

Trois propositions de loi pour légaliser l’euthanasie et/ou le suicide assisté en France

Jean-Louis Touraine, député du Rhône (groupe LREM), a déposé le 27 septembre 2017 une proposition de loi « portant sur la fin de vie dans la dignité » qui organise de façon très succincte les modalités d’une assistance médicalisée active à mourir.

Olivier Falorni, député de Charente-Maritime (non-inscrits), a déposé le 17 octobre 2017 une autre proposition de loi « donnant le droit à une fin de vie libre et choisie » : celle-ci, reprenant globalement le contenu de textes proposés lors de la précédente législature, vise à procurer « une assistance médicalisée permettant, par une aide active, une mort rapide et sans douleur ».

Caroline Fiat, députée de Meuthe-et-Moselle (groupe La France Insoumise), a de son côté déposé une 3ème proposition de loi le 20 décembre dernier « relative à l’euthanasie et au suicide assisté, pour une fin de vie digne ». C’est la plus large et la plus détaillée dans son contenu.

Compte tenu des moyens dont disposent les groupes politiques pour inscrire un texte à la discussion dans une « niche parlementaire », c’est le texte de Mme Caroline Fiat qui va être examiné en premier par la Commission des affaires sociales, le 24 janvier prochain. Il pourrait être débattu en séance le 1er février. C’est une tentative de coup de force symbolique : cette proposition, qui n’a pas le soutien du gouvernement, devrait être rejetée.

Deux propositions de loi pour mieux accompagner en fin de vie

Paul Christophe, député du Nord (groupe UDI, Agir et Indépendants), a déposé en septembre dernier une proposition de loi « visant à étendre le dispositif de dons de jours de repos non pris

aux aidants familiaux », tout particulièrement ceux qui s’occupent d’une personne très dépendante en fin de vie. Ce texte a déjà été voté en 1ère lecture par les députés le 7 décembre dernier, et il est maintenant à l’étude au Sénat. Donner des jours de congé à un collègue de travail est déjà possible pour garder un enfant gravement malade, grâce à une loi de 2014.

Xavier Breton, député de l’Ain (groupe Les Républicains), a déposé le 6 décembre 2017 une proposition de loi « visant à faire des soins palliatifs la grande cause nationale pour 2018 ». Cette initiative pourrait amorcer la préparation et le lancement d’un nouveau grand plan national de développement des soins palliatifs, le précédent plan qui était déjà largement insuffisant devant se terminer cette année.

Sept autres initiatives pour évaluer la loi Claeys-Leonetti

Une mission parlementaire a été mise en place sur les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), début août 2017. Le rapporteur est la députée Monique Iborra (LREM). Il s’agit de la première « mission flash » de la nouvelle législature, conduite par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale . « Ce nouvel outil de contrôle a pour objectif, dans des délais très courts, de dresser un état des lieux de la situation des EHPAD et de formuler des propositions en vue de travaux plus approfondis de la commission au cours de la législature. »

Le Bureau de l’Assemblée nationale a décidé le 20 décembre dernier de lancer un groupe d’études sur la fin de vie. Il devrait être présidé par un député LREM, mais sa composition n’est pas encore connue, ni son programme de travail, ni son calendrier.

La présidente de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Brigitte Bourguignon, a, quant à elle, annoncé, lors de la séance du 27 octobre 2017, que sa Commission allait mener une série d’auditions sur la question de la fin de vie. Les modalités de cette consultation ne sont également pas encore connues.

Un rapport de l’IGAS a été commandé par la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn. Elle a annoncé, dans une réponse à une question orale du député Olivier Falorni le 29 novembre 2017, qu’elle avait « demandé à l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, un rapport qui permettra de faire un point d’étape sur la loi Claeys-Leonetti de 2016 ».  Ce rapport devrait être disponible d’ici le printemps 2018. Elle a ajouté : « À ce jour, le Gouvernement n’envisage pas de réforme ni de calendrier spécifique concernant la fin de vie. (…) Nous ne pourrons légiférer que sur la base d’une évaluation des dispositifs mis en place par une loi qui ne date que de dix-huit mois et dont les décrets d’application ont été pris il y a moins d’un an. »

Le CESE – Comité Economique, Social et Environnemental – a décidé en novembre dernier de s’autosaisir du sujet de la fin de vie, pour faire un état des lieux sur « l’effectivité des droits ouverts par les lois en vigueur » et sur « les dispositions législatives adoptées à l’étranger (Suisse, Benelux, Québec…) et les leçons qui peuvent être tirées de ces expériences ». Justifiant sa démarche par l’importance de deux pétitions réclamant la légalisation de l’euthanasie (qui n’en font en réalité qu’une seule), le CESE semble surtout désireux de formuler des préconisations en faveur « du droit à mourir dans la dignité », c’est-à-dire de l’euthanasie.

Le Centre National Soins palliatifs et Fin de Vie (CNSPFV) a lancé « une première enquête rétrospective sur les demandes et les propositions de sédation profonde et continue jusqu’au décès entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017. » Cette enquête ne vise que les trois cas de sédation définitive introduites dans la loi Claeys-Leonetti (voir notre Décodeur n°45 – La loi du 2 février 2016 sur la fin de vie) . Tous les médecins sont invités à répondre à cette enquête ouverte jusqu’au 26 janvier 2018.

La SFAP (Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs), de son côté, a confié à une équipe universitaire la réalisation d’une importante étude nationale sur les pratiques sédatives au sens large, dénommée S2P (Sédations en Phase Palliative). L’étude S2P aura pour mission de « recueillir sans a priori des données fiables et pertinentes sur les pratiques sédatives à domicile, comme à l’hôpital ou en EHPAD, et fournira des informations à l’ensemble des acteurs, des tutelles et des décideurs. »

Le temps des hommes, par Tugdual Derville

Le temps des hommes, par Tugdual Derville

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Face à la tendance déshumanisante à l’éclatement du temps, une «  pause  » s’impose à l’esprit pour préserver ou retrouver l’unité de temps de l’existence humaine.
Face au temps, un examen s’impose – ou devrait s’imposer – à toute conscience humaine : de quelle façon utilisons-nous cette ressource universelle, une des rares richesses qui semble équitablement répartie – du moins sur une journée – entre tous les être humains. Que faire du temps ?
Certes, la conscience du temps est si consubstantielle à notre identité humaine que nous n’imaginons pas exister sans lui, d’où l’étourdissement qui peut nous saisir devant l’idée d’éternité.
Certes, des milliards d’hommes encore menacés par la misère matérielle ne semblent pas en mesure d’user librement de leur temps. À peine ont-ils celui de penser à leur destin. Toute leur ressource est mobilisée pour survivre : se nourrir, se loger, se vêtir, se chauffer… et prendre soin des leurs. Ce temps, au moins, est habité par l’essentiel. Heureusement, toutes les cultures ont structuré le temps des hommes pour donner un sens aux existences. La linéarité cyclique du temps naturel s’est enrichie de discontinuités culturelles. Sur les temps de la nature, l’homme a apposé son sceau souverain : fêtes, commémorations, célébrations. Le temps ainsi se respire au lieu de nous étouffer. Il nous relie. Grâce à la Religion.
Mais considérons la société contemporaine d’opulence. L’idée de Dieu est en passe d’être évacuée au profit du «  temps libre  », si sacré qu’il a eu jusqu’à son ministère (en France, en 1981). On s’évade volontiers pour échapper à la question du bon usage du temps. On s’épuise à poursuivre des idoles insaisissables : sexe, argent, pouvoir… Le culte des loisirs atteste cette compulsion à oublier notre responsabilité dans l’accueil de cette «  créature  » intangible qu’est le temps pour nous humaniser. Nous accumulons des expériences comme on entasserait fiévreusement du blé en ses greniers. «  Malheureux ! Ce soir on te reprend ta vie…  »
Nous préférons courir après le temps, nous fuir en fuyant le présent, nous laisser emporter par la frénésie du mirage consumériste. Elle saute aux yeux – désormais – sur les multiples supports de la «  société écranique  » : étourdi par l’avalanche des notifications digitales, l’homme «  hors sol  » est d’abord coupé du temps réel. Il a perdu jusqu’à la richesse féconde de l’ennui. Il récuse la durée, donc la constance, l’engagement et la fidélité. Mais aussi les limites, la fatigue et le vieillissement. Il renonce à la portée de sa parole, qu’elle soit politique, commerciale ou amoureuse.
L’émotion d’un instant a remplacé la solidité du présent. Grande victime : la vie intérieure, donc le discernement et, bien sûr, la vie spirituelle. Plus de place pour ce cadeau du temps gratuit, ce «  présent d’éternité  » où le temps semblait vraiment suspendre son vol. Où est passé le temps de l’Esprit ?
Nous sommes pourtant au moment charnière de l’Histoire où les forces de l’Esprit nous sont plus que jamais indispensables. La question du temps est même au cœur d’un défi biopolitique. L’avenir de l’humanité s’y joue. Un bras de fer existentiel s’est noué entre le temps et la technique, qui entend vaincre par son accélération. L’innovation va si vite qu’elle nous interdit de prendre le temps de nous «  pauser  » pour l’interroger. Elle fascine, hypnotise et anesthésie. Son grand stratagème : nous faire confondre le faisable avec le bien et, par voie de conséquence, le nouveau avec le progrès.
Avons-nous mesuré à quel point l’application précipitée des découvertes de la science viole les consciences ? S’impose d’abord à nos esprits l’oukase fataliste de l’adaptation. Nous sommes condamnés à nous adapter à la technique pour ne pas mourir socialement. Mais peut-on descendre du train technologique qui fonce vers l’avenir comme vers un mur, sans pilote ni but ? Faudrait-il se laisser faire, consentir passivement à subir les versions successives des «  merveilles  » technologiques qu’on nous vend, et s’y désincarner ? À peine avons-nous l’impression de maîtriser le nouveau gadget indispensable hier qu’est annoncée pour demain une version +1 qui le rend obsolète. Comme d’une troupe éperdue fuyant à toute force, les faibles sont abandonnés en rase campagne, en commençant par les plus vieux, les moins endurants, les moins souples. Tous décrochés. Seuls les meilleurs courent vers la vie. Mais quelle vie ? Inhumaine.
Car chacun sait désormais que l’Homo sapiens n’est plus capable de suivre le rythme de la technique. Il faudrait l’améliorer, l’«  upgrader  », le dénaturer. C’est l’Humanité elle-même et le principe d’humanité, qui sont en passe de décrocher à force d’être secoués par l’idolâtrie techniciste. La technique tue la tendresse. Elle réduit nos mains à deux doigts courant sur les écrans digitaux. Elle les détourne de leur habileté technique ; elle dénature leur vocation charnelle ; elle appauvrit leur expérience sensible. Toute-puissante, la technique nous rabougrit en nous séparant les uns des autres. Elle nous fait oublier à quel point nos intelligences corporelles, émotionnelles, rationnelles et spirituelles méritent d’entrer en résonance.
Comme si la fin devait justifier les moyens, le «  conséquentialisme  », pensée totalitaire, étouffe le jugement sur la technique. Que certaines innovations soient des régressions, c’est flagrant en matière de procréation artificielle : le «  fait accompli  » a pris l’éthique en otage. Tout enfant conçu par PMA est utilisé pour légitimer par sa seule existence présente les transgressions passées auxquelles il «  doit la vie  ». À ce compte-là, l’amateur de jazz devrait s’obliger à cautionner la pratique de l’esclavage, sans laquelle cette musique ne serait pas née !
On vient de nous annoncer la naissance, aux États-Unis, d’un enfant conçu (in vitro) alors que la femme qui vient de l’enfanter n’avait qu’un an. Cet être humain a été figé vivant, pendant vingt-quatre ans, en dehors de l’histoire, privé de l’unité de temps dans laquelle s’inscrivent nos existences… En visant l’immortalité terrestre, le lobby post-humaniste promet de sortir des contraintes du temps, pour établir une sorte d’«  immédiateté éternelle  » ici-bas. En nous assimilant à un cerveau-machine, il ne laisse plus de place à la durée, à l’hésitation, au doute. Le temps de l’homme s’en trouve maltraité, fracturé, aplati.
Mais pas de fatalisme ! C’est d’un sursaut de la conscience de quelques-uns que nous pouvons espérer un réveil de l’humanité. à chacun de reprendre la main sur la technique pour qu’elle serve l’homme. On n’apprivoisera pas son accélération foudroyante sans retour à l’intériorité. Pour rester digne de l’humanité, le drame unique, à la fois joyeux et douloureux, de chacune de nos existences mérite de s’inscrire dans une unité de temps, de lieu et d’action.
Le monde a besoin d’hommes nés «  quelque part  », enracinés dans leur généalogie, leur géographie, leur culture, qui se savent mortels, nés à un moment précis de l’histoire, pour y accomplir, en un temps donné, une mission au service de l’humanité. Capables de prendre le temps d’aimer, ici et maintenant. Car aimer, en vérité, exige de donner son temps.
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Propos recueillis par Frédéric Aimard

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Le Cambodge pénalise le commerce de la GPA

Le Cambodge pénalise le commerce de la GPA

drapeau cambodge

Pour lutter contre le trafic humain, le Cambodge a interdit, depuis octobre 2016, le commerce des mères porteuses, dans le cadre de GPA et avait fixé au 8 janvier 2018 la limite de l’amnistie concernant la maternité de substitution.

Les mères porteuses qui ont donné naissance avant le 8 janvier et ont remis l’enfant aux commanditaires ne se verront pas poursuivies. Ces derniers ont été incités à le déclarer aux tribunaux cambodgiens afin d’obtenir la garde de l’enfant et d’obtenir un visa de sortie par les voies normales.

Les Cambodgiennes incitées par les offres des agents et laissées dans l’ignorance de la loi sont souvent pour la plupart pauvres, sans éducation et vivent dans des endroits reculés, ce qui explique cette période de transition.

En revanche, le ministère de l’intérieur avait averti en juillet, dans les directives communiquées aux ambassades, que commanditaires, mères porteuses et intermédiaires s’exposaient à des actions en justice pour les enfants nés après la date limite. Selon la loi cambodgienne, la femme qui donne naissance à l’enfant est la mère de l’enfant. Abandonner son enfant est considéré comme contraire à la responsabilité de la mère, qui plus est si elle est impliquée dans la vente de son propre enfant. La loi décrète qu’ « une personne qui vend, achète ou échange une autre personne sera punie d’emprisonnement de deux à cinq ans ». La peine peut aller jusqu’à 15 ans si la personne est « vendue en adoption », voire « jusqu’à 20 ans si la victime est mineure ».

La gestation pour autrui avait explosé au Cambodge depuis que la Thaïlande, pays voisin, l’avait interdite en 2015 pour des parents étrangers, comme l’Inde et le Népal en 2016. Une cinquantaine de cliniques spécialisées dans ce commerce ont vu le jour au Cambodge. A l’annonce de la réglementation de la pratique et notamment après l’arrestation en novembre 2016 d’une infirmière australienne pour son implication avec une clinique spécialisée dans les mères porteuses, certaines agences ont donc quitté le Cambodge pour le Laos.

Le 8 janvier 2018, cette infirmière condamnée en août 2017 à 18 mois de prison au Cambodge a perdu son procès en appel et restera en prison jusqu’en été. Soupçonnée d’avoir recruté des femmes et d’avoir falsifié des documents pour obtenir des certificats de naissance pour les nouveaux-nés, elle avait travaillé au préalable dans une clinique en Thaïlande spécialisée dans la gestation pour autrui.

Le vice-président permanent du Comité national de lutte contre la traite des êtres humains, Chou Bun Eng, a déclaré qu’un prakas (une réglementation) serait bientôt publié détaillant la punition pour toute personne impliquée dans la maternité de substitution, en attendant un rapport du ministère de la condition féminine.

==> Pour en savoir plus sur l’interdiction de la GPA à l’international

Polémique en Belgique sur une euthanasie « hors la loi »

Polémique en Belgique sur une euthanasie « hors la loi »

euthanasie

Un cas d’euthanasie litigieuse en Belgique a récemment défrayé la chronique : un patient atteint de démence s’est vu administrer, par son médecin, une dose létale, sans son consentement et sans l’avis d’un second médecin, contrairement à ce qui est prévu dans la loi de 2002 sur l’euthanasie. Le médecin s’est ainsi placé en infraction.

La Commission Fédérale de Contrôle et d’Evaluation de l’Euthanasie (CFCEE) a saisi le dossier, mais ne l’a pas renvoyé devant le Parquet. Devant cette marque d’injustice, un membre de la commission a décidé de donner sa démission. Cette nouvelle dérive a provoqué de vives réactions dans les médias francophones.

L’Institut européen de Bioéthique a publié une analyse qui soulève des interrogations sur le fonctionnement de cette Commission : « La presse néerlandophone mentionne que certains membres craignent que de tels dossiers nuisent à l’image de la loi euthanasie belge et puissent même décourager les médecins de pratiquer l’euthanasie parce qu’ils auraient peur d’être poursuivis. Ces arguments politiques prévalent-ils sur le respect de la loi ? »

==> Retrouver l’intégralité de l’analyse.

Etats généraux de la Bioéthique : Tugdual Derville invité de KTO

Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA, était l’invité d’Olivier de Keranflec’h, dans l’émission « À la Source »  du 9 janvier 2018, pour nous expliquer les enjeux des Etats généraux de la Bioéthique qui seront lancés le 18 janvier prochain.
 


[Voir l’interview de Tugdual Derville à partir de 17:43 mn.] Quelques verbatim issus de l’émission :
« Nous n’approuvons pas qu’on révise sans cesse les lois de bioéthique. A chaque fois qu’on supprime une digue, c’est la digue suivante qui est fragilisée. Nous sommes donc prudents par rapport à cette espèce de débat continu : il oublie les principes fondamentaux que sont pour nous le respect de la vie et le respect de la dignité du plus fragile. »
« De nouveaux sujets émergent : l’intelligence artificielle, le Big Data, avec des avancées peut-être pour notre santé, mais aussi des menaces pour notre liberté : il est normal qu’on en discute. »
« À Alliance VITA, nous aimerions poser les sujets qui sont prégnants à nos yeux pour l’avenir de notre société : la lutte contre l’infertilité, les repères d’écologie humaine qui sont absolument nécessaires sur ces sujets, souvent occultés, au profit de revendications de quelques-uns. On parle beaucoup en ce moment de prétendue « PMA pour toutes », ce qui revient à autoriser, à encourager même, la conception d’enfants privés totalement de repères paternels avec des donneurs anonymes de gamètes. Nous y sommes hostiles et nous allons tout faire pour qu’on prenne en compte l’intérêt du plus fragile, de l’enfant, qui est au cœur de notre motivation à VITA. Car on risque de passer vers un droit à l’enfant, ce qui serait gravissime. »
« Ce débat peut aussi être un leurre. On agite les choses mais le dernier mot sera au politique. Nous allons quand même jouer le jeu du débat même si nous savons tous que c’est le Président qui va trancher. »
« Aujourd’hui, certains débats sont largement incohérents : d’un côté, on va vanter la gestation corporelle dans le cadre d’une fécondation in vitro ; mais, dans le cadre de la prétendue “gestation par autrui”, on va dévaloriser cette même gestation en disant que c’est la prétendue « mère d’intention » qui compte. On tord la réalité parce que le désir n’est plus régulé. »
« Nos désirs sont puissants et doivent être entendus, mais la loi est là pour réguler ces désirs, et empêcher que les plus fragiles en fassent les frais. Il faut des avocats pour les sans voix sinon c’est la loi du plus fort dans un univers extrêmement individualiste, libertaire et ultra-libéral. Le risque est aujourd’hui pour la France de basculer dans le grand marché de la procréation et de ne plus considérer le plus petit, le commencement de l’être humain, qui est un être humain lui-même, comme l’un des nôtres. »

Sondage et bioéthique : le grand écart

Sondage et bioéthique : le grand écart

sondage

A quelques mois d’intervalle, des sondages sur le sujet de l’ouverture de la PMA avec donneur aux femmes seules ou en couple de même sexe affichent des résultats totalement opposés.

Dans le sondage IFOP publié le 3 janvier 2018, la question posée est la suivante : « Seriez-vous favorable à ce que les femmes célibataires ou les couples de femmes homosexuelles désirant un enfant puissent avoir recours à l’insémination artificielle (ce que l’on appelle aussi PMA) pour avoir un enfant ? » 60% des Français se disent favorables à la PMA pour des couples de femmes et 57% pour des femmes seules.

Dans le sondage OpinionWay de septembre 2017, la question est différente : « Selon vous, l’Etat doit-il garantir aux enfants conçus grâce à l’assistance médicale à la procréation (AMP) le droit d’avoir un père et une mère ? » 72 % des Français estiment que l’Etat doit garantir aux enfants nés par PMA le droit d’avoir un père et une mère.

L’on voit ainsi que la manière de poser les questions influe largement sur les réponses. Dans la première question, « l’intérêt de l’enfant est occulté » souligne Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA. Celui des hommes également, réduits à leurs gamètes.

Le même sondage IFOP publié le 3 janvier 2018 par La Croix fait état de 64% des sondés favorables à la GPA. Quand on sait quelles graves atteintes aux droits de l’homme représente le système des mères porteuses, il est urgent d’informer largement et de créer les conditions d’un vrai débat, pour revenir à la raison, dans l’intérêt des enfants et des femmes.

Ce n’est pas sans rappeler les écarts considérables des résultats de sondage sur la fin de vie et l’euthanasie, dénoncés dans une émission d’Envoyé Spécial en avril 2017 qui analyse longuement la manière dont les questions peuvent être biaisées.

En matière bioéthique, « la réalité, pourtant, est plus subtile et les questions sont toujours plus compliquées qu’elles paraissent de prime abord », souligne le professeur de droit Jean-René Binet dans une tribune intitulée « Les sondages ne peuvent pas faire la loi ».

Les Etats généraux de la bioéthique, qui vont s’ouvrir le 18 janvier prochain, seront-ils à la hauteur des enjeux humanitaires ? Alliance VITA s’engage à apporter son expertise et à faire valoir la voix des plus fragiles, avec comme priorité la protection de la vie et de la dignité humaines.

Inès, 14 ans, dans le coma : le Conseil d’Etat valide la position de l’hôpital pour un arrêt des traitements

Inès, 14 ans, dans le coma : le Conseil d’Etat valide la position de l’hôpital pour un arrêt des traitements

coma

Le 5 janvier 2018, le Conseil d’Etat a jugé que l’hôpital de Nancy avait raison de vouloir mettre fin à l’assistance respiratoire dont bénéficie une jeune fille de 14 ans, Inès, vivant dans un état végétatif persistant depuis 6 mois.

Le porte-parole du Conseil d’Etat a déclaré : « Le juge des référés, saisi en urgence, estime que la décision des médecins répond aux exigences prévues par la loi et il a en conséquence rejeté l’appel des parents. Il appartient donc désormais au médecin en charge de l’enfant d’apprécier si et dans quel délai la décision d’arrêt de traitement doit être exécutée ».

Les faits

Le 22 juin 2017, la jeune fille a fait à son domicile un arrêt cardiaque, en lien avec la maladie neuromusculaire rare dont elle souffre, une myasthénie auto-immune. Réanimée par les secours et conduite au CHRU de Nancy, elle demeure depuis cette date inconsciente, dans un état stabilisé grâce à une respiration artificielle et une alimentation par sonde gastrique.

A l’issue d’une réunion le 21 juillet, dans le cadre de la procédure collégiale prévue par la loi Claeys-Leonetti pour arrêter des traitements d’une personne qui ne peut plus s’exprimer, le médecin responsable a décidé l’arrêt de la ventilation mécanique et l’extubation d’Inès, considérant qu’elle était désormais dans une situation d’obstination déraisonnable. Il était cependant convenu de ne pas appliquer la décision si les parents s’y opposaient.

Informés par un courrier du 3 août, les parents ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nancy le 11 septembre. Trois jours plus tard, ce dernier a suspendu l’exécution de la décision médicale et a ordonné une expertise médicale, menée par un collège d’experts composé de deux neuro-pédiatres et un chef de service de réanimation pédiatrique.

Le rapport d’expertise, remis le 17 novembre, a conclu qu’Inès était plongée « dans un état végétatif persistant » et qu’elle « n’a pas et n’aura plus jamais la capacité d’établir le moindre contact » avec ses proches.

Le 7 décembre, le tribunal administratif de Nancy, au vu des conclusions du rapport d’expertise et après avoir auditionné les parents et le représentant du CHRU, a jugé que la décision d’arrêt de l’assistance respiratoire d’Inès était légitime. Les parents ont alors fait appel de ce jugement de référé devant le Conseil d’Etat, qui s’est réuni le 28 décembre dernier pour une audience publique afin d’entendre les positions des deux parties.

La position de l’hôpital 

Le chef du service de réanimation pédiatrique, dans son courrier du 3 août, explique ainsi sa position : « L’histoire, l’examen clinique, les résultats de l’imagerie, les électroencéphalographies sont un faisceau concordant témoignant d’une possibilité d’amélioration ou de guérison quasi nulle, selon les données actuelles de la science. »

Lors de l’audience au Conseil d’Etat, ce médecin a exprimé combien sa mission était difficile mais qu’il pensait agir en conscience : « C’est terrible, je suis médecin mais je suis aussi un homme, un père, c’est une situation douloureuse, je vis quotidiennement avec les parents, c’est terrible pour nous de prendre une telle décisionNotre seul but, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant. (…) Les experts concordants ont estimé qu’une obstination serait déraisonnable. Je ne suis pas devin mais les données actuelles de la science ne laissent pas d’espoir. »

L’avocat de l’hôpital a cependant confirmé, en application de la décision récente du Conseil constitutionnel (QPC du 2 juin 2017) selon laquelle la décision médicale ne pouvait pas être mise en œuvre avant que les proches puissent exercer un recours judiciaire : « Les parents pourront encore saisir la Cour européenne des droits de l’homme et l’hôpital ne fera rien tant que toutes les voies de recours n’auront pas été épuisées ».

La position des parents

Les parents d’Inès s’opposent depuis le début à la décision médicale de procéder à l’arrêt du respirateur qui contribue à maintenir leur enfant en vie. Leur confiance dans l’équipe médicale aurait été mise à mal, à cause d’une communication insuffisante et de l’absence d’accompagnement psychologique, ce que conteste l’hôpital.

Devant les juges du Conseil d’Etat, la mère d’Inès a affirmé : « Il n’est pas certain qu’elle ne puisse pas se réveiller. Son père, sa sœur, son frère sont contre, on ne peut passer outre l’accord des parents ».De son côté, l’avocat des parents considère que la nouvelle question de principe que pose cette situation est liée au fait qu’Inès est mineure : « La justice peut-elle passer outre la volonté des parents alors qu’ils sont les représentants légaux de leurs enfants mineurs ? Pour moi, ce n’est pas possible. Sauf à saisir un juge des enfants pour qu’il leur retire l’autorité parentale ».

Le Conseil d’Etat, dans son ordonnance du 5 janvier 2017, n’a pas retenu ce dernier argument et considère que « l’accord des parents ne constitue pas un préalable indispensable ». Sur le fond de l’affaire, pour analyser si la situation d’Inès pouvait être considérée comme une obstination déraisonnable, les juges ont globalement pris appui sur les mêmes critères de droit et de fait que ceux utilisés pour statuer sur le cas de Vincent Lambert, en juin 2014.

Droit de la bioéthique : un manuel pédagogique et éclairant

Droit de la bioéthique : un manuel pédagogique et éclairant

droit de la bioéthique
A quelques jours du lancement des Etats généraux de la bioéthique, Jean-René Binet, professeur de droit civil à l’Université de Rennes, spécialiste du droit de la famille et de bioéthique, vient de publier le manuel Droit de la bioéthique.
Cet ouvrage est le fruit de nombreuses années d’enseignement de la bioéthique, comme le souligne son auteur. Il s’attache à présenter l’historique du système normatif singulier élaboré par la France, en soulignant les sources de ce droit et la manière dont il s’applique et s’articule avec les textes internationaux.
La singularité des lois bioéthiques en France est leur caractère expérimental et révisable depuis 1994. « Le recours à la méthode expérimentale est destiné à conjurer le risque d’inadaptation de la loi, en obligeant le législateur à réviser la loi à échéance programmée et après en avoir examiné le bilan d’application. Toutefois, la méthode induit une fâcheuse fragilisation des principes posés par la loi et conduit à une consolidation corrélative des exceptions », explique l’auteur.
Ce livre représente un outil de formation précieux pour tous ceux qui souhaitent prendre part aux débats bioéthiques qui auront lieu dans toute la France entre janvier et juin 2018.
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Droit de la bioéthique, Jean-René Binet, ed LGDJ

Cassation : préjudice reconnu pour un enfant à naître privé de père accidentellement

Cassation : préjudice reconnu pour un enfant à naître privé de père accidentellement

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La Cour de cassation, par un arrêt du 14 décembre 2017, a reconnu qu’un enfant peut demander réparation du préjudice subi du fait de la mort accidentelle de son père, survenu alors qu’il était conçu et non encore né.

Le père était décédé, en 2008, en mission pour son entreprise. Son épouse était enceinte et ils étaient parents d’un enfant d’un an. Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des Vosges avait jugé que l’accident était dû « à une faute inexcusable de l’employeur ». L’épouse avait obtenu réparation de son préjudice et de celui des enfants sur décision du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale. L’employeur, qui admet le préjudice de l’enfant aîné, déjà né au moment de l’accident, a contesté qu’un préjudice puisse être également déclaré pour l’enfant né après l’accident.

La Cour d’appel de Nancy a donné raison à l’employeur (arrêt du 23 avril 2014), avec l’argument suivant : « Un enfant encore à naître lorsque s’est produit le fait générateur, s’il est légitime à invoquer son droit de succession ou un droit issu d’un contrat dont il est bénéficiaire, ne peut prétendre à réparation d’un préjudice dû à la rupture brutale d’une communauté de vie avec son père, préjudice qui est, par nature, inexistant. C’est donc à tort que les premiers juges ont affirmé que la vie quotidienne [de l’enfant cadet] a basculé le jour de la mort de son père, confondant manifestement ainsi le sort des deux enfants, qu’il convenait pourtant de distinguer.(…) En l’espèce, la date de l’existence du dommage dont il est demandé réparation pour le cadet des enfants du couple est postérieure à celle de l’accident à l’origine de ce dommage et du dommage de la victime principale. En définitive, c’est la naissance de l’enfant qui constitue en l’espèce la cause adéquate de son préjudice, sans laquelle ce préjudice n’aurait pu apparaître, et qui s’intercale entre l’accident et la survenance de l’affection » de l’enfant.

L’épouse a alors formé un pourvoi en cassation : dans un arrêt du 10 septembre 2015, la Cour de cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l’arrêt de la Cour d’appel de Nancy, statuant que l’une des parties n’avait pas été convoquée à l’audience des débats.

La Cour de cassation a renvoyé la décision sur le fond  à la Cour d’appel de Metz. Celle-ci, à l’inverse de la Cour d’appel de Nancy, a reconnu dans un arrêt du 29 septembre 2016 qu’il y a préjudice pour l’enfant cadet : « Il n’est pas contesté par l’appelante que M. G X souffre de l’absence définitive de son père, qu’il ne connaîtra jamais qu’au travers des récits des tiers. Cette souffrance constitue un préjudice moral, de même qu’entre dans le préjudice moral de sa mère le fait qu’elle était enceinte au moment de l’accident et qu’elle allait devoir élever seule ses deux enfants et non sa seule fille aînée. L’élément causal du préjudice moral de M. G X est l’accident du 9 septembre 2008 qui a généré directement l’absence de son père, peu avant sa naissance. Ce préjudice moral actuel doit être réparé. »

Suite à cette nouvelle décision, la société d’assurance de l’employeur a formé à son tour un pourvoi en cassation. C’est ce dernier pourvoi que la Cour de cassation vient de rejeter. L’arrêt dispose : « Attendu que, dès sa naissance, l’enfant peut demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu’il était conçu ; qu’ayant estimé que l’enfant  souffrait de l’absence définitive de son père décédé dans l’accident, la cour d’appel a caractérisé l’existence d’un préjudice moral ainsi que le lien de causalité entre le décès accidentel de son père et ce préjudice ».

Dans une dépêche, l’AFP souligne  la nouveauté de ce jugement : « Un enfant né après le décès accidentel de son père a le droit de faire valoir un préjudice moral et d’être indemnisé. La Cour de cassation considère désormais qu’il existe un préjudice pour cet enfant, en lien direct avec l’accident, ce qu’elle excluait jusqu’à présent. L’enfant souffre de l’absence définitive de son père, qu’il ne connaîtra jamais qu’au travers de récits de tiers, ce qui est un préjudice moral, a expliqué la Cour d’appel dont l’arrêt a été approuvé.  Dans cette affaire, il était par ailleurs difficile de faire une différence entre cet enfant et son frère aîné, âgé d’à peine un an au moment du décès du père, explique un magistrat de la Cour. En appliquant une autre solution, un seul aurait été indemnisé parce qu’il était né alors que les deux enfants subissaient en réalité le même dommage. »

En reconnaissant que « le décès d’un père en si bas âge est incontestablement de nature à avoir des répercussions psychologiques importantes sur ces deux enfants », la Cour de cassation a logiquement conclu que « dès sa naissance, l’enfant peut demander réparation de ce préjudice causé alors qu’il était conçu