Reprendre contact, un bienfait pour autrui que nous sous-estimons?

Reprendre contact, un bienfait pour autrui que nous sous-estimons?

Une étude, publiée par le “Journal of Personality and Social Psychology” suggère que beaucoup d’entre nous sous-estiment le bienfait associé avec le simple geste de prendre des nouvelles ou d’envoyer un bref message à nos amis et contacts. 

Le bénéfice d’un simple message de contact entre amis.

Partant du constat que l’humain est un être de relation qui apprécie les contacts avec les autres, les auteurs ont mené 13 expériences, sur des centaines de personnes, pour savoir si nous mesurions correctement l’impact de gestes simples de contact. Ces gestes s’entendent au sens large : un bref appel, ou un petit message postal ou numérique… Ces gestes simples sous-entendent un “je pense à toi/ je pense à vous” qui leur donnent une force avant l’expression verbale du message lui-même.

La conclusion principale de ces expériences, selon les auteurs, est que nous sous-estimons combien les autres apprécient ces signaux de contact.

Par exemple, dans une expérience conduite sur un campus universitaire, les auteurs ont interrogé des binômes d’étudiants dans lequel un des deux envoyait un message à l’autre, considéré comme un ami mais sans échange récent. Les chercheurs ont interrogé les participants sur leur degré de satisfaction concernant ce geste de “reprendre contact”. L’expérience conclut que les émetteurs du message sous-évaluent significativement le bénéfice ressenti par les récepteurs de leur geste.

 

L’effet de surprise amplifie l’appréciation d’un geste de contact.

Les auteurs avancent également une explication sur cette sous-estimation. Les auteurs s’appuient d’abord sur des études plus générales mettant en évidence la difficulté pour chacun à estimer les perspectives de l’autre. Ils citent ainsi une étude montrant que beaucoup minimisent le bienfait d’une discussion pourtant ressentie de façon positive par leur interlocuteur, en raison de biais comme le monologue intérieur négatif.

De plus, dans le contexte d’une relation amicale, ou du moins jugée positive par les deux personnes, les initiateurs auraient tendance à sous-estimer l’effet de surprise positif de celui qui reçoit leur message. Or la surprise amplifierait le plaisir ou le déplaisir d’un événement. Quand un geste de contact inattendu est envoyé par une personne dont le souvenir nous est positif, même sans être particulièrement proche, la satisfaction est plus importante pour celui qui le reçoit.

Les auteurs soulignent l’intérêt de leur recherche dans le contexte de la culture américaine dans lequel ils travaillent. En effet, des pans entiers de vie sont organisés davantage pour favoriser l’isolement des personnes plutôt que les contacts sociaux directs, avec une montée du sentiment de solitude ainsi que le montrent certaines études relativement anciennes (2006).

 

Ces expériences ont une portée pratique manifeste. Si le bienfait d’un petit geste de reprise de contact est ainsi mis en évidence, chacun peut y contribuer facilement, nourrissant les relations, et ultimement la richesse intangible mais réelle de la vie sociale. Durant l’été où les personnes âgées peuvent se retrouver plus isolées de leurs familles, un appel, une carte postale sont des gestes simples mais puissants pour leur redire notre affection et notre lien avec elles. Alliance Vita avait initié une opération « Toujours ensemble » à la sortie d’une période de confinement, l’esprit de cette opération reste d’actualité.

 

Sondage IFOP avortement dans la Constitution

Sondage IFOP avortement dans la Constitution

Sondage IFOP avortement dans la Constitution : des nuances derrière le consensus apparent

 

Un sondage commandité par la Fondation Jean Jaurès, à l’IFOP interroge “le rapport des Français à l’IVG et la question de l’inscription de l’avortement dans la constitution française”. Si les médias ont retenu quelques chiffres choc, le détail des résultats montre des nuances intéressantes.

Les médias ont essentiellement repris les lignes phares : 83% des Français jugent positivement l’autorisation de l’IVG dans la loi française et si une majorité, 56%, juge toujours impossible une remise en cause de l’IVG dans un avenir proche en France, 81% sont favorables à l’inscription de l’accès à l’avortement dans la Constitution.

 

Un acquis de la révolution sexuelle selon la synthèse de l’IFOP

 

Dans son analyse, François Kraus, Directeur du pôle “Politique/Actualité” de l’IFOP, rappelle que le contexte français est différent de celui des Etats Unis. Il note que l’opinion française reste “une des plus attachées à l’avortement dans son principe et dans le détail de ses conditions d’application”. Selon lui, l’adhésion massive (81%) des Français à inscrire l’accès à l’avortement dans la Constitution n’est pas seulement une réaction à l’actualité américaine, mais une tendance sociologique lourde.

Il voit le “libre choix” comme une des valeurs fortes des sociétés industrielles avancées “post-matérialistes” en citant comme référence l’analyse de Ronald Inglehart dans son livre “The Silent Revolution”, paru en 1977. François Kraus estime que les Français ont compris l’enjeu de l’avortement et de son accès : il s’agirait d’un droit qui “garantit à tous un des principaux acquis de la révolution sexuelle du XX° siècle, la dissociation entre sexualité et procréation”.

 

Les plus aisés et les plus âgés sensiblement plus favorables à la légalisation de l’IVG

 

Sur la question de l’adhésion au principe de l’autorisation de l’avortement dans la loi française, l’IFOP fournit une comparaison avec un même sondage CSA pour Marie-Claire de 1995.

Au total, et dans un contexte où l’avortement est fréquent en France (une grossesse sur 5 environ se termine par une interruption volontaire), et est légalisé depuis longtemps, l’adhésion à cette légalisation est élevée et progresse peu. Elle enregistre une hausse de 5% en 27 ans. Le pourcentage de ceux qui jugent cette légalisation “une très bonne chose” est passé de 48 à 64%, alors que ceux qui le voient comme “une assez bonne chose” est passé de 31 à 19%. Ceux qui la jugent une “très mauvaise chose” est stable à 6%.

En recoupant avec les votes à la dernière présidentielle, les “moins adhérents” sont électeurs de E Zemmour (75%) puis V Pécresse (79%) et les “plus adhérents” sont électeurs de Y Jadot (95%) puis E Macron (93%). Les électeurs de M Le Pen se situent à 88%, au-dessus de la moyenne nationale.

La répartition homme/femme est peu marquée : 81% et 85%. En revanche, se dessine une corrélation positive entre le niveau de revenu et le soutien à cette légalisation, tout en demeurant élevé dans toutes les catégories. Ainsi, les personnes des catégories aisées, définies comme celles bénéficiant d’un revenu net par personne au-dessus de 2500 euros mensuels, jugent positivement, à 93%, cette légalisation alors que les catégories modestes (entre 900 et 1300 euros de revenu mensuel net) et pauvres (revenu sous 900 euros) la jugent positives à 80 et 77% respectivement.

L’affiliation religieuse n’apporte pas de différence marquée entre les Français se déclarant “sans religion” (86% de jugement positif) et ceux qui se déclare catholiques (87%). Ceux qui se déclarent affiliés à une autre religion ont une opinion positive sur la légalisation à 76%.

Dans ce groupe, les personnes de religion musulmane ont un jugement positif (très bonne chose ou assez bonne chose) à 66%. L’IFOP croise également ces données avec une évaluation des pratiques religieuses. Ainsi, les personnes athées soutiennent la légalisation à 84%, les personnes croyantes mais pas religieuses à 88%, et les personnes croyantes et religieuses à 70%.

Les différences sont plus importantes par tranches d’âge. En effet, si les 65 ans ou plus jugent la légalisation positivement à 92%, les 35 à 49 ans sont 80% et les 18-24 ans 71%. Un écart notable si on prend en compte le fort appui médiatique pour l’avortement dans notre pays.

 

Les jeunes et les moins aisés plus restrictifs sur les conditions d’accès à l’avortement

 

L’IFOP a également demandé au panel des sondés de choisir entre plusieurs affirmations : “une femme doit avoir le droit d’avorter librement”, “une femme doit avoir le droit d’avorter seulement dans certaines circonstances”, “une femme ne doit pas avoir le droit d’avorter sauf si la grossesse met sa vie en danger”, “une femme ne doit en aucun cas avoir le droit d’avorter”. Ces affirmations recueillent respectivement 78, 13, 3 et 1%.

Dans le détail par catégories de revenu et par tranche d’âge, la répartition suit le même profil que pour la question précédente. Les plus aisés optent à 84% pour l’opinion “que la femme doit pouvoir avorter librement” contre 62% pour les plus pauvres. La tranche d’âge 65 ans et plus se retrouve aussi à 84% dans cette opinion quand les jeunes de 18 à 24 ans la soutiennent à 66%.

L’Institut de sondage met ce résultat en rapport avec un questionnaire auto-administré de l’IPSOS de juin 2020 rassemblant plusieurs pays. Dans cette enquête, l’opinion qu’une femme “doit avoir le droit d’avorter librement” plaçait la France dans les résultats les plus élevés, à 66%, très proche du Royaume Uni où l’avortement se pratique jusqu’à la 24° semaine. La Suède était au plus haut du classement à 76%, l’Espagne se situant à 58%, l’Allemagne à 49%, les Etats Unis à 35% et le Japon à 33%.

 

Une remise en cause jugée peu probable nuance le soutien à l’inscription de l’avortement dans la Constitution

 

Selon le sondage, 56% des Français, contre 31%, estiment qu’il est impossible que “le droit à l’IVG puisse être remis en cause dans un avenir proche en France”. Ce pourcentage était à 64% en 1995. Parmi ceux qui estiment possible une remise en cause à court terme, l’opinion varie très peu par tranche d’âge, et les catégories très aisées sont proches des plus pauvres : 36% contre 35%.

L’avant dernière question du sondage porte sur le projet “d’inscrire dans la Constitution française le droit des femmes à recourir à l’IVG”. Les “très favorables” représentent 48%, les “plutôt favorables” 33%, les “plutôt opposés” 12% et “très opposés” 7%. Sur cette question, les pourcentages en fonction des tranches d’âge et des catégories socio-professionnelles varient peu autour de la moyenne des Français. Les affiliations religieuses et le rapport à la religion montrent les mêmes différences que pour la première question.

La dernière question porte sur l’utilité de cette inscription. Si 77% la jugent utile, il est à noter que c’est une utilité dont la mesure est faite dans l’abstrait, sans comparaison avec d’autres propositions de lois, ou d’autres sujets. Ce résultat serait à comparer avec les priorités des Français mesurées pendant les campagnes électorales de cette année. Ainsi un sondage IPSOS donnait le tiercé “pouvoir d’achat”, “système de santé” et “environnement” en janvier 2022.

 

Au total, ce sondage de l’IFOP pose des questions d’ordre plutôt abstrait et juridique. Aucune question ne permet d’interroger les Français sur le choix entre l’avortement et d’autres options possibles, ni sur l’intérêt d’une politique de prévention. Cet effet de loupe produit des chiffres de soutien élevé.

Or pour aborder cette question sensible, il est nécessaire d’ouvrir un débat de fond sur la réalité des situations qui conduisent à l’IVG. Interrogés également par l’IFOP pour Alliance VITA en 2020, 92% des Français estimaient qu’un avortement laissait des traces psychologiques difficiles à vivre pour les femmes et 73% que la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l’IVG.

 

ivg dans la constitution sénat assemblée nationale avortement dans la constitution

Suivez-nous sur les réseaux sociaux :

Hiver démographique ou surpopulation ? L’ONU publie ses nouvelles projections.

Hiver démographique ou surpopulation ? L’ONU publie ses nouvelles projections.

Dans un rapport publié début juillet, l’ONU met à jour ses projections démographiques pour le monde. Ce rapport est la vingt septième édition des estimations officielles et des projections publiées par l’ONU depuis 1951. Le rapport comporte trois grands volets :

  • Une description des tendances démographiques depuis 1950 et les projections les plus probables d’ici 2050,
  • Une évaluation des principaux facteurs de la démographie -fertilité, mortalité, immigration -,
  • Des projections démographiques sur 2100 associées à des probabilités.

Le cap des 8 milliards d’habitants sera atteint le 15 novembre 2022, et la croissance de la population ralentit.

Selon ce rapport, la population mondiale devrait atteindre 8 milliards le 15 novembre prochain. Selon les termes des auteurs , “les dernières projections suggèrent que la population mondiale pourrait croître à 8.5 Mds en 2030, 9.7 Mds en 2050 et 10.4 Mds en 2100”. En 2020, la croissance de la population est passée sous la barre de 1% pour la première fois depuis 1950.

Les deux grands facteurs expliquant les tendances démographiques – la fécondité et la mortalité – font l’objet de projections. Ainsi, l’espérance de vie à la naissance n’a cessé d’augmenter, passant à 72.9 ans en 2019, une hausse de presque 9 ans comparé à 1990. L’espérance de vie serait de 77.2 ans en moyenne en 2050. L’espérance de vie à la naissance reste plus élevée, quelles que soient les régions, pour les femmes. En moyenne, leur espérance dépasse celle des hommes de 5.4 années. L’indice de fécondité est estimé à 2.3 naissances par femme en 2021, une forte baisse comparée à son niveau de 5 en 1950. Il pourrait se situer à 2.1 en 2050. Les tendances démographiques actuelles expliquent la projection pour 2050. Selon le rapport, les politiques mises en œuvre dans certains pays pour réduire l’indice de fécondité impacteront davantage la seconde partie du 21° siècle.

 Les tendances démographiques différent fortement en fonction des régions.

L’Asie, au total, est la région la plus peuplée, avec 4.4 milliards d’habitants soit 55% de la population. La Chine et l’Inde sont bien sûr les deux pays les plus peuplés. La population de l’Inde devrait dépasser celle de la Chine dès 2023. La moitié au moins de la hausse attendue d’ici 2050 devrait se concentrer sur 8 pays : la République Démocratique du Congo (RDC), l’Egypte, l’Ethiopie, l’Inde, le Nigéria, le Pakistan, les Philippines et la Tanzanie. Le rapport indique que l’Europe et l’Amérique du Nord verraient leur population décliner à partir de la fin des années 2030. La population chinoise devrait entamer sa baisse dès 2023. Le revirement de la politique chinoise, avec un soutien annoncé pour un troisième enfant en mai 2021, ne suffira sans doute pas à enrayer le vieillissement enclenché par des années de politique coercitive imposant une faible natalité. Au total, 61 pays devraient être touchés par une baisse de leur population d’ici 2050, avec parfois des pourcentages élevés. Ainsi la Bulgarie, la Lituanie ou la Serbie, entre autres, verraient leur population décroître de plus de 20%.

L’hiver démographique, une réalité pour l’Occident.

Pour ces pays, l’expression crash ou hiver démographique semble confirmée par les projections de l’ONU. Ce terme implique qu’à la fin de la transiteion démographique, la fécondité ne se stabilise pas au niveau du taux de mortalité mais poursuit sa décroissance, ce qui accentue le vieillissement de la population puis sa diminution. Le rapport prévoit que les plus de 65 ans représenteront 16% de la population mondiale contre 10% aujourd’hui, et qu’en 2050, ce groupe de personnes sera deux fois plus nombreux que les enfants âgés de moins de 5 ans. Des personnalités diverses ont abordé le sujet de l’hiver démographique. Le Pape François s’est inquiété à plusieurs reprises de ce phénomène, et plus récemment, Elon Musk. Le multimilliardaire a twitté au printemps dernier que « l’effondrement du taux de natalité est de loin le plus grand danger auquel la civilisation est confrontée ». L’homme le plus riche de la planète estime “faire sa part” puisqu’il est père de neuf enfants, selon les dernières informations connues. Son ancienne compagne, la chanteuse Grimes, a fait appel à une mère porteuse pour leur deuxième enfant née en décembre dernier, quelques semaines après la naissance d’une paire de jumeaux qu’Elon Musk a eue avec une de ses employés, Shivon Zillis. Une approche de la paternité pour le moins fragmentée.

2100, des projections incertaines.

Le rapport fournit enfin des projections pour 2100, tout en soulignant l’incertitude inhérente à ce type de travail. En définitive, le rapport fournit un scénario central où la population mondiale se situe entre 8.9 et 12.4 milliards d’habitants. Le rapport cite les scénarios de l’IHME (Institute of Health Metrics and Evaluation) un Institut en partie financé par la Fondation Bill et Melinda Gates, publié en 2020, qui voit un pic de population en 2064 à 9.7 milliards avec un déclin ensuite à 8.8 milliards (dans une plage de variation comprise entre 6.8 et 11.8 milliards). La différence de projections réside essentiellement dans l’estimation de l’indice de fécondité: 1.66 pour l’IHME et 1.84 pour l’ONU. Ce type d’exercice est notoirement délicat : en 1992, un rapport de l’ONU projetait une population de 10 milliards en 2050 (scénario central).

Ces écarts significatifs incitent à la prudence quant aux projections annoncées. Les autorités publiques des pays ont tout intérêt à se montrer circonspectes face aux appels du rapport à faire baisser la fécondité dans les régions à taux élevé. Une vision quantitative, aux accents malthusiens, transparait parfois dans le rapport quand il aborde les sujets de croissance ou de développement durable. Il est intéressant de noter que des voix différentes s’élèvent face à cette approche. Ainsi, dans une interview au JDD, le démographe Christophe Guilmoto estime que « le véritable danger ne se situe pas dans notre accroissement, mais dans nos modes de vie », car  « la particularité de l’empreinte carbone des pays pauvres qui ont la croissance démographique la plus importante, c’est qu’elle ne correspond pas à leur poids démographique, puisque ce sont eux qui polluent le moins ».

Et plus profondément encore, l’humaniste Jean Bodin le soulignait dès le XVI° siècle : il n’est de richesse que d’hommes.

[CP] – L’accès à l’avortement favorise-t-il la prospérité économique ?

[CP] – L’accès à l’avortement favorise-t-il la prospérité économique ?

La remise en question par la Cour suprême de l’arrêt Roe vs Wade sur l’avortement a suscité un débat enflammé aux Etats-Unis et au-delà. Des voix dont celle de la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, ont agité les risques que feraient peser les restrictions à l’avortement sur l’économie. A l’appui de ces alertes relayées dans de nombreux médias, des études établissent un lien entre l’accès à l’avortement et la prospérité économique. Dans une note d’analyse, Alliance VITA s’est penchée sur ces études afin de vérifier la réalité de ce lien et des conclusions qui en sont tirées.

Existe-il un lien de causalité entre l’accès à l’avortement et le bien-être économique des femmes et des enfants à long terme ?

Les déclarations de Janet Yellen s’appuient principalement sur un mémoire rédigé par 154 économistes en septembre 2021 et remis à la Cour suprême américaine lors du débat sur la constitutionnalité de la loi du Mississipi. Ce mémoire entend démontrer que l’accès à l’avortement (isolé des autres facteurs) “est lié de manière causale aux progrès des femmes dans la vie sociale et économique”. Or si la méthodologie de l’inférence causale utilisée pour évaluer l’incidence de la légalisation de l’avortement sur le développement économique des femmes démontre un impact de l’avortement sur la démographie, elle ne permet pas d’établir un lien direct avec l’économie sauf à considérer qu’une faible natalité est source de bien-être économique.

Par ailleurs, concernant l’effet de la légalisation de l’avortement sur la réussite scolaire et sur les salaires des femmes, un article datant de 1996 sur des données des années 1960 utilisé par les économistes, montre que la légalisation de l’avortement a un impact significatif pour les adolescentes noires sur leur niveau d’éducation et leur taux d’emploi mais pas sur leurs salaires et aucun impact pour les adolescentes blanches.  En revanche, cet article trouve un lien inexpliqué et significatif entre les salaires des hommes blancs qui augmentent et la légalisation de l’avortement.

Plus généralement, de nombreuses publications mettent en avant le « désavantage économique » résultant du fait d’avoir un enfant sur les revenus, sur la participation au marché du travail et sur la carrière des femmes.

Or l’absence de politique fédérale de soutien aux mères est un point crucial, qui ne ressort pas de l’approche de la secrétaire au Trésor. Pourtant, la mise en œuvre d’une politique familiale et sociale pourrait éviter l’avortement à des femmes plus pauvres en amortissant les coûts économiques de la maternité, comme le souligne d’ailleurs le rapport Myers.

Existe-il un lien de causalité entre l’accès à l’avortement et le bien-être économique des enfants à long terme ?

Quant à l’affirmation selon laquelle le bien-être des enfants serait meilleur quand ils sont nés dans un Etat où l’avortement n’est pas limité,il s’avère, selon une étude du National Bureau of Economic Research (NBER),  qu’aucun lien de causalité ne peut être établi entre la jurisprudence Roe vs Wade et les indicateurs socio-économiques utilisés : taux de pauvreté, d’utilisation de l’aide sociale, de décrochage scolaire… Le développement économique des générations futures semble davantage dépendre du différentiel de richesse entre les États plutôt que du différentiel de législation relative à l’IVG.

Peut-on établir un impact économique à court terme du refus de l’avortement ?

Les études qui ont examiné l’impact économique à court terme du refus de l’avortement lors du second trimestre de grossesse (dont les renommées Turnaway Studies), montrent en réalité que les femmes dont l’avortement a été refusé (plus jeunes, moins employables et ayant moins d’enfants en moyenne) subissent des coûts financiers importants liés à l’arrivée d’un nourrisson (aux Etats-Unis, les coûts moyens liés à la petite enfance s’élèvent à 11 000 dollars annuels par enfant). Néanmoins il apparaît que ces coûts ne sont pas durables. Cette constatation valable pour toutes les femmes prenant soin de leur enfant entre 0 et 3 ans, est particulièrement accrue par le fait que la population concernée par les avortements très tardifs est particulièrement vulnérable financièrement par rapport à la population générale.

Peut-on généraliser l’effet des mesures relatives à l’avortement pour certaines catégories à l’ensemble des femmes qui avortent ?

Les études économiques présentées dans la note se focalisent sur des populations de femmes spécifiques et particulièrement vulnérables telles que les adolescentes, les femmes demandant des avortements au second trimestre, les femmes dans des situations de grande précarité ou les femmes noires. Or ces catégories de femmes ne représentent pas la totalité des avortements aux Etats-Unis. Le portrait type de la femme qui avorte aux Etats-Unis est assez loin des profils mis en avant pour analyser les conséquences économiques.

Pour le porte-parole d’Alliance VITA, Tugdual Derville : « Les conclusions générales tirées à partir des études invoquées pour présenter le bénéfice économique de l’avortement légal sont biaisées par des méthodes contestables : des échantillons anciens, peu nombreux, parcellaire et non-homogènes, et une occultation des éléments qui viendraient ruiner la thèse défendue. Transparait une idéologie utilitariste et libérale voire eugéniste, plus répandue aux Etats-Unis, qui, au mieux ignore, au pire rejette les politiques sociales de soutien à la maternité et à la famille comme susceptibles de provoquer un surcroit de natalité chez des populations défavorisées, qu’il faut encourager à ne pas trop procréer. »

La note d’analyse est disponible dans son intégralité ici.

Note d’analyse : Décryptage des liens entre économie et avortement aux Etats-Unis

Note d’analyse : Décryptage des liens entre économie et avortement aux Etats-Unis

logo vita sign

Note d’analyse – Juillet 2022
Décryptage : liens entre économie et avortement aux Etats-Unis


 

Introduction

Après la fuite dans la presse de l’avant-projet de décision de la Cour suprême américaine sur la constitutionnalité du droit à l’avortement, des voix, dont celle de la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen, ont alerté sur les conséquences économiques d’une éventuelle interdiction de l’avortement dans le pays.

Rendue finalement le 24 juin 2022, la décision porte sur la constitutionnalité d’une loi de l’Etat du Mississipi de 2018 restreignant la possibilité d’un avortement à 15 semaines de grossesse à l’exception de cas d’urgence médicale ou de malformation grave du fœtus.

Alors que la Cour suprême a renversé la jurisprudence  Roe vs Wade et renvoyé à chaque Etat fédéré la prérogative de la légalisation ou non de l’IVG, quelle est la réalité de l’impact économique de l’avortement ?

  1. Existe-il un lien de causalité entre l’accès à l’avortement et le bien-être économique des femmes et des enfants à long terme ?
  2. Peut-on établir un impact économique à court terme du refus de l’avortement ?
  3. Peut-on généraliser l’effet des mesures relatives à l’avortement pour certaines catégories à l’ensemble des femmes qui avortent ?

Lors d’une intervention devant les sénateurs américains le 10 mai dernier, la secrétaire au Trésor Janet Yellen[1], a déclaré que la décision Roe vs Wade  “a contribué à accroître la participation au marché du travail”. Elle “a permis à de nombreuses femmes de terminer leurs études, ce qui augmente leurs possibilités de gagner de l’argent“. Elle “a permis aux femmes de planifier et d’équilibrer leur famille. Et les carrières“, a-t-elle continué.  Par ailleurs, a ajouté Janet Yellen, “la recherche montre également qu’elle a un impact favorable sur le bien-être (…) des enfants“.

 

I. Peut-on établir un lien de causalité entre l’accès à l’avortement et le bien-être économique des femmes à long terme ?

1. Méthodologie de l’inférence causale, accès à l’avortement
et bien-être économique des femmes

Les déclarations de Janet Yellen s’appuient principalement sur un mémoire [1] rédigé par 154 économistes en Septembre 2021 et remis à la Cour suprême américaine lors du débat en décembre sur la constitutionnalité de la loi du Mississipi. En effet, l’Etat du Mississipi affirme qu’”il n’y a aucun lien de causalité entre l’accès à l’avortement et la capacité des femmes à agir dans la société”. Ce mémoire synthétise plusieurs études sur ce sujet et entend démontrer que l’accès à l’avortement (isolé des autres facteurs) “est lié de manière causale aux progrès des femmes dans la vie sociale et économique”. Dans ce but, ses auteurs s’appuient sur la méthodologie de ”l’inférence causale” développée et appliquée à l’économie par les nobélisés Card, Angrist et Imbens. Cette méthodologie[1] permet d’isoler un facteur et d’établir un lien de causalité entre ce facteur et l’effet constaté [2]. Par exemple, elle a été appliquée aux Etats Unis pour évaluer les impacts de la scolarité obligatoire sur les salaires futurs.

La question est de savoir si on peut utiliser cette méthode pour évaluer l’incidence de la légalisation de l’avortement sur le développement économique des femmes.

Ainsi, pour appliquer cette méthodologie de façon rigoureuse, il serait nécessaire d’avoir au moins deux groupes, l’un n’ayant pas accès à l’avortement et l’autre y ayant accès. Une méthodologie rigoureuse demanderait un tirage au sort pour constituer ces groupes afin d’éliminer les autres facteurs pouvant affecter la trajectoire économique et éducative des femmes. Les économistes eux-mêmes mentionnent les limites de l’approche (page 5) : ” au sujet de l’avortement, les économistes ne peuvent pas revenir dans le passé et analyser les résultats sur le marché du travail des politiques liées à l’avortement en place”.  L’analyse du rapport par Caitlin Knowles Myers, économiste au Middlebury College (une université du Vermont) [3] souligne bien qu‘”il n’est pas possible, d’un point de vue pratique ou éthique, d’accorder de manière aléatoire l’accès à l’avortement à certaines personnes et pas à d’autres.”

Pour contourner ce problème, les économistes sont donc obligés de passer par des comparaisons entre Etats. Une comparaison était possible avant Roe vs Wade puisque les législations pouvaient différer fortement (interdiction vs légalisation) d’un Etat à l’autre. Depuis 1973 et Roe vs Wade cette comparaison n’est plus possible. Les économistes ont donc utilisé des études et des chiffres antérieurs à 1973 et comparé la situation entre les 5 Etats qui avaient levé les restrictions sur l’avortement (“repeal states” constitués des Etats de New York, Californie, Hawaï, Alaska et Washington) et les autres Etats interdisant la pratique (“non repeal states” constitués de 45 Etats).

Ainsi, pour démontrer l’inférence causale de l’arrêt Roe vs Wade, les économistes signalent que les différences observées entre les Etats (“repeal” vs “non repeal”) sur le taux de natalité durant la période 1970-73 ne sont plus constatées une fois que l’arrêt Roe vs Wade est passé (voir la figure 1).  Ils concluent ainsi que « la légalisation de l’avortement a impacté le taux de natalité de manière directe et séparée d’autres facteurs tels que la contraception ».  

En savoir +

[2] La méthodologie de l‘inférence causale vise à identifier la causalité des effets grâce à des essais basés sur des tirages aléatoires. Comme il n’est pas possible de tirer aléatoirement dans le champ économique pour des raisons pratiques ou éthiques (par exemple imposer un salaire minimum à une partie de la population), ils ont ainsi montré que des méthodes “naturelles” ou “quasi expérimentales” peuvent donner des résultats aussi crédibles que des expérimentations bien contrôlées.

001 difference birth rates repeal non repeal states

Figure 1: différence de taux de natalité entre les “repeal states” et les “non repeal states” avant et après Roe vs Wade (issu de [1]).

En réalité, cette conclusion porte sur des enjeux démographiques mais ne permet pas d’établir un lien direct avec l’économie sauf à considérer qu’une faible natalité est source de bien-être économique.

2. Effet de la légalisation de l’avortement sur la réussite scolaire et sur les salaires des femmes

Les économistes affirment (page 11) que “la légalisation de l’avortement a eu un impact significatif sur les salaires des femmes et la réussite scolaire avec un impact particulièrement important sur les femmes noires”.

Ils utilisent pour cela un article [4] de 1996 basé sur des données des années 1960 portant uniquement sur la situation des adolescentes. Selon la méthodologie des “repeal vs “non repeal states, l’étude montre en effet des résultats significatifs sur l’éducation des adolescentes noires (+22% à +24% de chances d’aller jusqu’au Bac, +23% à +27% de suivre des études supérieures dans les “repeal states”) mais aucun impact sur les adolescentes blanches. En outre, s’ils observent un plus fort taux d’emploi des femmes noires, celui-ci ne s’accompagne pas d’un accroissement des salaires. En revanche, les auteurs observent une association significative et inexpliquée entre les réformes de l’avortement et la progression des salaires des hommes blancs (page 28 de [4]).

L’étude montre donc que la légalisation de l’avortement a un impact significatif pour les adolescentes noires sur leur niveau d’éducation et leur taux d’emploi mais pas sur leurs salaires. Aucun impact n’est détecté pour les adolescentes blanches.

Par ailleurs, la pertinence de ces résultats est-elle toujours d’actualité en 2022 dans un contexte économique et social très différent en particulier pour ces populations ?

Concernant les salaires, les auteurs citent également une étude plus récente [5] publiée en 2021 (working paper non accepté dans une revue à comité de lecture). Elle compare la trajectoire économique (revenu, éducation, carrière) de 18 000 femmes nées entre 1937 et 1967, basée sur des entretiens menés entre 1982 et 2002. Ces femmes sont divisées en deux groupes :

  • celles ayant eu recours à un avortement dans leur adolescence ou leur début de vie d’adulte

et

  • celles ayant eu un enfant pendant cette même période (souvent issu d’une grossesse dite « non intentionnelle » qu’elles ont choisi de poursuivre).

L’étude conclut que la poursuite des études, l’insertion professionnelle et les revenus reçus au cours de la vie sont réduits pour celles qui ont eu un enfant dans leur adolescence par rapport à celles qui ont avorté.

On peut nuancer cette conclusion dans la mesure où sur le plan méthodologique, l’étude portant sur une longue période de 1937 à 1967 au cours de laquelle le cadre législatif a évolué, il est difficile d’isoler l’impact causal d’une législation en particulier.

La conclusion la plus solide est que la charge d’un enfant dans ces moments de développement personnel peut affecter l’éducation qui est la porte principale de l’emploi qualifié. L’absence de soutien social, familial et d’adaptation du système scolaire ne permet pas de concilier facilement études et maternité

Plus généralement, de nombreuses publications mettent en avant le « désavantage économique » résultant du fait d’avoir un enfant sur les revenus, sur la participation au marché du travail et sur la carrière des femmes. Ce sujet de l’intégration des mères dans la réussite professionnelle est particulièrement crucial aux Etats-Unis. En effet, le rapport Myers [3] indique qu’“en l’absence de politiques de congés maternité au niveau fédéral et d’accès à des structures de crèches abordables, les Etats-Unis manquent d’infrastructures pour soutenir de manière adéquate les mères qui travaillent rendant la perspective d’être mère financièrement impossible pour certaines”. Le même rapport souligne que le statut des femmes a cependant beaucoup progressé en termes de niveau d’études, de trajectoires professionnelles et de rôle dans la société. En revanche, les mères sont exposées à des défis et des pénalités qui ne sont pas adressées de manière adéquate par les politiques publiques. Notamment, les congés de maternité ne sont pas rémunérés. 

L’absence de politique fédérale de soutien aux mères est un point crucial, qui ne ressort pas de l’approche de la secrétaire au Trésor. Pourtant la mise en œuvre d’une politique familiale et sociale pourrait éviter l’avortement à des femmes plus pauvres en amortissant les coûts économiques de la maternité.

3. Effet de la légalisation de l’avortement sur le bien-être des enfants

Les économistes affirment (page 14 du mémoire remis à la Cour suprême [1]) qu’une étude montre que “les enfants devenus adultes, ont eu de meilleures notes à l’université, de plus faibles taux de monoparentalité et de plus faibles taux de bénéficiaires de couverture sociale”. Cette étude [7] s’appuie à nouveau sur la comparaison entre les enfants nés dans les “repeal states” et les autres Etats pendant la brève période (entre 1970 et 1973 ) où l’avortement n’était légalisé que dans ces “repeal states”.

 

Basée sur les données du recensement de l’année 2000, cette étude vise à évaluer l’effet produit par la légalisation de l’avortement sur les générations nées avant et après Roe vs Wade. Cet impact est mesuré à partir de 7 critères socio-économiques: taux de pauvreté, taux de monoparentalité, taux de bénéficiaires de l’aide sociale, taux de décrochage scolaire au lycée, taux de diplômés de l’université, taux de chômage, taux d’incarcération. Les auteurs considèrent que l’avortement produit une sélection en diminuant le nombre d’enfants “supplémentaires non voulus”. Cette « sélection » devrait influencer les caractéristiques moyennes des générations selon qu’elles sont nées entre 1971-73 ou après Roe vs Wade.

02 impact abortion legalization adult outcomes 2

Le tableau ci-dessus de [7] montre l’évolution de ces critères socio-économiques entre “repeal” vs non “repeal states” pour les 3 générations1971-73, 1974-75, 1976-79. On peut constater :

 

  • que les adultes nés entre 1971 et 1973 dans les “repeal states” ont des caractéristiques socio-économiques meilleures que ceux nés dans les autres Etats : le taux de personnes bénéficiant de l’aide sociale y est inférieur de 14,8%, et le taux de personnes en situation de pauvreté y est inférieur de 3,6%,
  • que les adultes nés entre 1974 et 1975 et entre 1976 et 1979 dans les “repeal states” conservent des caractéristiques supérieures et meilleures que ceux des autres Etats voire bien meilleures avec des taux de bénéficiaires de l’aide sociale largement inférieurs (-17,7%) de même que pour le taux de personnes en situation de pauvreté (-19,1%).

 

Force est de constater que les différences entre les “repeal states” et les “non repeal states” ne se résorbent pas, même après plusieurs années. Aucun lien de causalité ne peut donc être établi entre la jurisprudence Roe vs Wade et ces indicateurs socio-économiques.

 

En conséquence, le développement économique des générations futures ne dépend-il pas davantage du différentiel de richesse entre les Etats, “repeal states” vs les autres Etats ? En effet, parmi les 5 Etats “repeal”, seulement 2 ont des populations significatives (Californie et New York) et les enfants nés dans ces deux Etats ont bénéficié d’un contexte socio-économique (avec un PIB par habitant de l’ordre de 15 à 20% supérieur au reste du pays) bien plus favorable que dans le reste des Etats américains où l’avortement n’était pas autorisé.

II. Peut-on établir un impact économique à court terme du refus de l’avortement ?

Alors que les précédentes méthodes ont tenté de montrer les bénéfices économiques sur le long terme de l’accès à l’avortement, une très récente étude [8] du National Bureau of Economic Research (NBER) de Janvier 2022 a investigué les conséquences économiques à court terme (à 6 ans) en cas de refus d’avortement. 

L’étude du NBER se focalise sur un sous-ensemble de femmes c’est à dire celles cherchant à avoir un avortement autour de délais limites (juste avant ou après la limite). Cette notion de délais peut faire référence à des délais légaux ou à des contraintes opérationnelles fixées par les cliniques (personnels disponibles, volontaires…). Ces délais peuvent varier de 10 à 24 semaines en fonction des politiques de chaque Etat. L’étude précise que ces femmes arrivent donc très tardivement à la décision d’avortement pour “des raisons logistiques d’accès comme les difficultés pour trouver une clinique, financière pour réunir l’argent nécessaire, en raison d’hésitations, de méconnaissances des délais pratiqués”… Ces profils sont particulièrement marqués socio-économiquement lorsqu’on les compare aux femmes pratiquant l’avortement lors du premier trimestre : entre 53% et 55% sont sous le seuil de pauvreté alors qu’elles ne sont que 39% lors d’un avortement pratiqué au premier trimestre. Par rapport à la population générale, 45% n’ont pas de diplômes post bac versus 11% dans la population générale demandant l’avortement. 

Ces femmes sont décomposées en 2 catégories : celles à qui l’on a refusé l’avortement (“Turnaway” 292 femmes) et celles qui y ont eu accès (“Near Limit” 536 femmes). Suite à un entretien une semaine après leur avortement ou non – avortement, elles ont été suivies pendant 9 ans et ont fait l’objet de nombreuses études appelées The Turnaways studies [9]. On connait notamment l’issue des grossesses parmi celles à qui l’avortement a été refusé : 32% ont obtenu un avortement ailleurs ou ont fait une fausse couche tandis que 68% ont mené leur grossesse à terme.

La nouveauté de cette étude est de se concentrer sur l’impact économique du fait d’avoir subi un refus d’avortement. Cette étude a ainsi pu apparier les données financières de ces femmes sur cette même période (cet appariement a réduit les deux groupes : le groupe Turnaway est réduit à 150 et le groupe “Near Limit” est réduit à 333 femmes). Dans le système bancaire et économique américain, les données de crédit sont un bon indicateur de la santé économique d’un ménage davantage que son revenu. Le but de l’étude est de comparer l’impact financier sur les deux groupes à partir de 3 facteurs :

  • la détresse financière (les défauts de paiements sur les factures, les expulsions, les banqueroutes…),
  • l’accès aux liquidités (la somme des encours sur toutes les cartes de crédits)
  • et la capacité à emprunter de l’argent à court et à moyen terme pour ces femmes (les crédits immobiliers en cours, à la consommation…).

Les auteurs étudient alors l’impact de l’évènement de la demande d’avortement (« abortion encounter ») sur la trajectoire de ces deux groupes.

Pour valider leurs modèles, ils s’assurent que les deux groupes de femmes ont des trajectoires similaires avant la requête d’avortement. Sur les 3 points de comparaison, seuls les deux premiers montrent une trajectoire commune. Cet écart fait peser un doute sur l’homogénéité des deux groupes. Le rapport reconnaît que “les femmes dans le groupe Turnaway sont plus jeunes, moins capables d’être employées et avaient moins d’enfants”.

03 financial distress
Figure 3: évolution court terme des critères de situations financières des deux groupes (ceux à qui on a refusé l’avortement et celui qui a eu un avortement issu de [8]).

Après la requête d’avortement, la comparaison des trajectoires montre que: 

  • L’indicateur de détresse financière est sensiblement plus haut pendant les cinq années qui suivent pour le “Turnaway” group comparé au “Near Limit” Group. On note néanmoins que pour le groupe “Turnaway” après trois années de progression, l’indicateur de détresse financière redescend significativement pour terminer au même niveau qu’avant l’événement après 5 ans.
  • Selon l’indicateur d’accès aux liquidités, les deux groupes s’écartent dans les 3 premières années qui suivent l’événement au détriment du groupe “Turnaway” puis se résorbent. Les liquidités sont donc similaires après quelques années et remontent même pour les deux groupes.
  • Enfin, la capacité d’emprunt des deux groupes, différente avant la requête, reste différente sur les deux groupes après la demande d’avortement. Il n’y a donc aucun impact sur cet indicateur.

Cette analyse renforce la conclusion évidente que les femmes ayant un enfant à élever subissent des coûts financiers importants liés à l’arrivée d’un nourrisson (aux Etats-Unis, les coûts moyens liés à la petite enfance s’élèvent à 11 000 dollars annuels par enfant) mais ces coûts ne sont pas durables. Cette constatation valable pour toutes les femmes prenant soin de leur enfant entre 0 et 3 ans, est particulièrement accrue par le fait que la population concernée par ces avortements très tardifs est particulièrement vulnérable financièrement par rapport à la population générale. La disparition du différentiel entre les deux groupes après quelques années (entre 3 et 5 ans) témoigne de l’importance d’une politique de soutien à la maternité pour les plus défavorisés.

III. Peut-on généraliser l’effet des mesures
relatives à l’avortement sur certaines catégories à l’ensemble des femmes
qui avortent aux Etats-Unis ?

Les études économiques présentées précédemment se sont focalisées sur des populations de femmes spécifiques particulièrement vulnérables telles que les adolescentes, les femmes demandant des avortements au second trimestre, les femmes dans des situations de grande précarité ou les femmes noires.

 

Or ces catégories de femmes ne représentent pas la totalité des avortements aux Etats-Unis. (930 160 avortements en 2020 selon le Guttmacher Institute). Selon le rapport des Centers of Disease Control qui comptabilisent et compilent les remontées volontaires des Etats américains sur les caractéristiques des femmes qui ont avorté entre 2009 et 2018 :

  • 92% des avortements concernent des avortements du premier trimestre (<13 semaines) ;
  • les adolescentes (<20 ans) représentent 9% des avortements en 2018, un chiffre en constante baisse depuis 2009 où elles représentaient 16% des avortements (probablement plus en 1973) ;
  • les deux tiers (67%) des femmes qui avortent ne sont pas noires.

 

Le Guttmacher Institute qui procède à des enquêtes auprès des femmes qui avortent et qui complète les informations dans les Etats qui ne rapportent pas ces données au CDC avec des estimations sur l’évolution  2008-2014, confirme ces tendances :

  • les adolescentes (<20 ans) représentaient 12% des avortements en 2014 contre 17,5% en 2008 ;
  • entre 23 et 32% de femmes qui avortent sont noires.

 

Le portrait type de la femme qui avorte aux Etats-Unis est donc assez loin des profils mis en avant pour analyser les conséquences économiques. Il est donc abusif de tirer des conclusions économiques générales à partir de profils spécifiques.

 

Cependant, le niveau de revenu est un marqueur social de l’avortement aux Etats-Unis. Le Guttmacher Institute fournit quelques indicateurs économiques en complément :

  • 50% des femmes qui avortent sont sous le seuil de pauvreté fédéral (environ 1000$/mois),
  • 25% sont entre le seuil de pauvreté et le double (entre 1000 et 2000$/mois),
  • 25% sont au-dessus de 2000$/mois.

 

En conclusion

Les études affirmant un lien entre les lois sur l’avortement et les conséquences économiques ne sont pas concluantes (méthodologie inopérante, segments trop étroits et résultats parcellaires). La question sensible de l’impact économique de l’avortement mériterait une approche plus approfondie, notamment en la reliant à l’absence de politique familiale et de soutien à la maternité.
Sondage IFOP avortement dans la Constitution

L’avortement dans la Constitution ?

L’avortement dans la Constitution ?

 

En réaction à la décision de la Cour suprême américaine sur l’avortement, des politiques et des militants souhaitent inscrire un droit à l’avortement dans la constitution française, une procédure complexe qui ne fait pas consensus.

 

Des propositions de loi en cours

Quatre propositions de loi ont été annoncées par divers partis : elles visent à inscrire le droit à l’avortement dans la constitution française. A l’Assemblée, le groupe Renaissance (ex LREM) a déposé une proposition qui n’est pas encore publiée dans la mesure où les instances ne sont pas encore en place, notamment la commission de recevabilité. Au Sénat, le groupe communiste a déposé une proposition ainsi que les socialistes. Actuellement le groupe La France Insoumise de l’Assemblée a également fait des annonces en ce sens.

Comme l’ont fait remarquer plusieurs juristes, la situation américaine est non transposable à la France.  La juriste Anne- Marie Le Pourhiet interrogée par Marianne fait remarquer que « nous sommes un pays de tradition légicentriste er républicaine où c’est le parlement, représentant de la nation, qui fait le droit et non le juge (…) le Conseil constitutionnel a toujours validé , jusqu’à présent, tant l’extension du délai de recours à l’IVG que la suppression, pourtant discutable, de la condition de détresse».

 

Modifier la constitution : une procédure complexe

L’article 89 de la Constitution du 4 octobre 1958 fixe les règles de révision de la Constitution.

La procédure prévue par l’article 89 présente la caractéristique de requérir l’existence d’un consensus au sein de l’exécutif (gouvernement) et l’accord des deux assemblées (assemblée nationale et sénat). L’opposition du Président de la République, du Premier ministre ou de l’une des deux assemblées suffirait, en effet, à empêcher la révision d’aboutir.

La révision de la Constitution peut avoir lieu soit à l’initiative du Président de la République, il s’agit d’un projet de loi, soit à l’initiative du Parlement, il s’agit d’une proposition de loi.

1ére étape : adoption d’un texte commun

Dans ce domaine, les deux assemblées parlementaires disposent des mêmes pouvoirs, ce qui implique que le projet ou la proposition de loi constitutionnelle soit voté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat ; contrairement aux autres lois, qui peuvent faire l’objet d’une commission mixte paritaire.

2ème étape : adoption définitive

Le texte est définitivement adopté soit par référendum (procédé utilisé une fois seulement lors de la révision constitutionnelle de 2000 visant à réduire à cinq ans le mandat du Président de la République), soit par un vote à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés des deux chambres du Parlement réunies en Congrès à Versailles.

Dans l’état actuel de la composition de l’Assemblée et du Sénat, il semble difficile d’aboutir à l’adoption d’un texte commun. Si c’était le cas, la seconde étape est également à haut risque de ne pas aboutir.

Un consensus loin d’être acquis

François Bayrou, président du groupe modem, allié du parti majoritaire est l’un des premiers à sortir de l’unanimisme ambiant en déclarant : « Franchement, dans l’état où le pays se trouve, avec toutes les questions que nous avons devant, est-ce qu’il est bon et utile de faire ça ? Alors qu’aucun parti politique ne remet en cause la loi Veil et ce qu’elle est devenue par les évolutions différentes, je ne suis pas pour qu’on décalque la vie politique américaine.» Le président du Sénat Gérard Larcher quant à lui a mis en garde : « attention aux lois de pulsion ».

L’ancien garde des Sceaux macroniste Jean Jacques Urvoas, s’inquiètait également sur twitter le 24 juin dernier : « L’emballement n’est pas nécessairement de bon conseil. Est-il donc indispensable de se précipiter pour inscrire dans la Constitution des remèdes aux maux de la société américaine ? »

La démarche a assurément des allures de test des « majorités d’action » comme l’ont fait remarquer plusieurs observateurs, qu’elle aboutisse ou pas.

Même si la portée est avant tout symbolique, c’est une fuite en avant supplémentaire vers toujours plus de banalisation de l’avortement au détriment d’un véritable examen des causes, des conditions et des conséquences de l’avortement.

Pour Alliance VITA, il est temps de débattre de véritables politiques de prévention.

ivg dans la constitution sénat assemblée nationale avortement dans la constitution

Suivez-nous sur les réseaux sociaux :

Avortement : la Cour suprême abroge l’arrêt Roe vs Wade

Avortement : la Cour suprême abroge l’arrêt Roe vs Wade

Avortement : la Cour suprême abroge l’arrêt Roe vs Wade

 

Par une décision du 24 juin 2022, la Cour suprême des Etats Unis a abrogé l’arrêt Roe vs Wade établissant une protection fédérale constitutionnelle au « droit à l’avortement ». L’impact juridique de ce renversement est de revenir à la situation prévalant avant 1973, date de l’arrêt Roe vs Wade. Concrètement, il appartiendra à chacun des 50 Etats américains de légiférer sur l’avortement, sauf si le Congrès américain votait une loi au niveau fédéral.

 

La décision de la Cour, porte sur la constitutionnalité d’une loi de l’Etat du Mississipi de 2018 restreignant la possibilité d’un avortement à 15 semaines de grossesse à l’exception de cas d’urgence médicale ou de malformation grave du foetus. La Cour suprême a entendu en décembre 2021 les arguments oraux des deux parties, le Département de la Santé de l’Etat du Mississipi représenté par Thomas Dobbs, et la clinique Jackson Women’s Health Organization, située dans la ville de Jackson, et seule clinique pratiquant l’avortement dans l’Etat du Mississipi.

 

Loi ou jurisprudence ?

Dans de nombreux pays, dont la France, l’avortement est régulé par une loi votée par le Parlement. En France, récemment, la loi a étendu le délai d’accès à l’avortement de 12 à 14 semaines de grossesse. L’analyse de cette extension se trouve sur le site d’Alliance VITA.

Aux Etats Unis, le Congrès, constitué du Sénat (100 sièges) et de la Chambre des Représentants (435 sièges) n’a pas voté de loi régulant ou bannissant l’accès à l’avortement.

Ainsi, récemment, le Sénat n’a pas trouvé de majorité pour une proposition de loi votée par la Chambre des Représentants. Cette proposition de loi visait à codifier la jurisprudence établie par l’arrêt Roe vs Wade et celle issue d’un arrêt de 1992 Planned Parenthood vs Casey. Ce dernier consolidait l’arrêt de 1973 Roe vs Wade tout en modifiant les critères selon lesquels un Etat américain peut encadrer l’avortement.

 

Ce qu’établit l’arrêt Roe vs Wade

L’arrêt Roe vs Wade a établi, par 7 voix contre 2, que la Constitution américaine protège le droit d’une femme de choisir d’avorter sans que l’Etat puisse opposer une « restriction excessive » à ce droit.

Jane Roe est le pseudonyme de Norma Mc Corvey, une femme enceinte en 1969 de son troisième enfant, souhaitant avorter, et Henry Wade le nom du procureur du Comté de Dallas. Le Texas restreignait l’avortement aux cas de danger pour la vie de la mère. L’arrêt s’appuie sur deux principaux éléments juridiques.

Tout d’abord, la Cour suprême a statué que la possibilité pour une femme de choisir un avortement, bien que non mentionné explicitement dans la Constitution, relevait du droit à la vie privée (“right to privacy”) réaffirmé par le quatorzième amendement à la Constitution dans sa section 1.

Ainsi cette clause (“Due process clause”) spécifie notamment qu’”Aucun État ne peut adopter ou appliquer une loi qui abrégera les privilèges ou immunités des citoyens des États-Unis; aucun État ne peut non plus priver une personne de la vie, de la liberté ou des biens, sans procédure régulière; ni refuser à quiconque relevant de sa juridiction l’égale protection des lois“. Ce quatorzième amendement a été voté en juillet 1868.

Dans le contexte de la fin de la guerre civile américaine et de l’abolition de l’esclavage, il garantissait dans la Constitution l’égalité des droits de tout citoyen, quelle que soit sa race ou son statut (ancien esclave ou pas).

D’après l’arrêt Roe vs Wade, les Etats pouvaient avoir un intérêt à réguler l’accès à l’avortement en considération de la santé des femmes et de la vie prénatale du fœtus, s’ils respectaient de strictes conditions (“strict scrutiny”) déclinées en trois concepts ou tests :

  1. La charge de la preuve (“burden of proof”) de l’intérêt d’apporter une restriction revient à l’Etat,
  2. L’Etat doit poursuivre un intérêt impérieux (“compelling interest”),
  3. De la façon la plus étroite possible (“pursued in the narrowest possible way”).

Le droit de recourir à l’avortement étant considéré comme un droit fondamental, les lois l’encadrant devaient être évaluées à l’aune de ces critères stricts.

Dans la pratique, l’arrêt établissait une distinction par trimestre de grossesse pour juger du bienfondé de législation d’un Etat. Lors du premier trimestre, aucune restriction n’était possible. Dans le courant du second trimestre, une régulation par des Etats était possible. Lors du dernier trimestre de grossesse, des restrictions étaient possibles sous réserve de question de santé et d’urgence médicale pour les femmes.

L’introduction du critère de viabilité, arrêt Planned parenthood vs Casey.

En 1992, la Cour suprême a rendu un nouvel arrêt sur le sujet de l’avortement. Elle affirme ce qu’elle déclare être les trois principales conclusions de l’arrêt de 1973, à savoir :

  1. Le droit des femmes de choisir d’arrêter leur grossesse sans que l’Etat puisse interférer de façon indue,
  2. Le droit d’un Etat de restreindre l’avortement quand le fœtus est viable (“fœtal viability”)
  3. L’intérêt légitime d’un Etat dès le début de la grossesse à protéger la santé des femmes et la vie du fœtus.

Le respect du précédent (“stare decisis”), c’est-à-dire le fait de ne pas renverser une décision précédente de la Cour suprême, était un des arguments également invoqué pour ne pas revenir sur l’arrêt Roe vs Wade.

La distinction par trimestre pour analyser les législations des Etats est remplacée dans cet arrêt par un critère de viabilité du fœtus (“viability analysis”), ouvrant la possibilité que les connaissances médicales modifient l’évaluation de la date de cette viabilité.

Par ailleurs, cet arrêt modifie également un point important : l’analyse des législations des Etats sur l’avortement par le critère des strictes conditions est remplacé par un critère de “fardeau indû” (“undue burden”). En conséquence, l’arrêt avait validé une législation de Pennsylvanie demandant le consentement informé au moins 24 heures avant l’acte d’avortement par la femme enceinte, un consentement parental pour les mineures, mais avait invalidé la nécessité pour une femme d’informer son mari de la procédure.

Plusieurs arrêts de la Cour suprême ont ensuite affiné la notion de fardeau indû. En 2020, un arrêt de la Cour Suprême  June Medical Services llc vs Russo, a ainsi réaffirmé que “les nombreuses restrictions qui n’imposaient pas d’obstacle important étaient constitutionnelles, tandis que la restriction qui imposait un obstacle important était inconstitutionnelle”.

 

Conclusion

Ces différentes interventions de la Cour suprême montrent que les législations des Etats américains sur l’avortement ont fait l’objet de nombreuses évolutions après l’arrêt Roe vs Wade. La législation du Mississipi, objet de l’arrêt, ainsi que celle votée au Texas en septembre 2021, en sont des exemples. En tout état de cause, la comparaison de la situation américaine avec celle de la France est hasardeuse.

Les systèmes juridiques des deux pays sont très différents. Par ailleurs, le débat sur ce sujet est toujours resté vif outre-Atlantique, divisant l’Amérique et séparant les politiques en deux camps. En France, un tel débat est difficile et plus déséquilibré, poussant à toujours plus d’extension de l’IVG. Les prises de position de l’OMS, décryptées récemment sur le site d’Alliance VITA, sont dans cette lignée. L’urgence est de s’interroger sur une véritable politique de prévention d’un acte qui n’a rien d’anodin, et que beaucoup de femmes voudraient éviter.

 

Pour Alliance VITA tout avortement étant un drame et un échec, le renversement de l’arrêt Roe vs Wade doit inciter les Etats à développer des politiques d’alternative à l’avortement et de soutien aux femmes enceintes en difficulté.

 

avortement : la cour suprême abroge l’arrêt roe vs wade

Suivez-nous sur les réseaux sociaux :

[CP] – Anne-Charlotte Rimaud élue présidente d’Alliance VITA

[CP] – Anne-Charlotte Rimaud élue présidente d’Alliance VITA

COMMUNIQUE DE PRESSE –  22 juin 2022
Anne-Charlotte Rimaud élue présidente d’Alliance VITA

Le Conseil d’Alliance VITA a élu sa nouvelle présidente, Anne-Charlotte Rimaud. Elle succède à François-Xavier Pérès qui présidait VITA depuis 2014.

Anne-Charlotte Rimaud a rejoint Alliance VITA en 2004 à Poitiers d’abord en tant que membre d’équipe. Ses déménagements successifs de Chartres à Angers, en passant par Bourges et Orléans, l’ont conduite à créer une équipe, tenir successivement les rôles de responsable d’équipe, de déléguée départementale, de référente région et désormais de présidente.

L’expérience d’Anne-Charlotte et sa fidélité à VITA depuis 18 ans incarnent concrètement l’enracinement de l’association partout en France. L’engagement de son réseau de membres permet à VITA de rayonner sur l’ensemble du territoire pour sensibiliser à la protection de la dignité humaine. Solidaires des plus fragiles, des membres se consacrent à l’écoute dans les services d’aide dédiés aux difficultés en début et en fin de vie.

Consultante en évolution professionnelle et formatrice, Anne-Charlotte aide professionnels et étudiants à prendre conscience de leurs talents au service d’une vocation et d’un projet de vie. Au sein de VITA, elle a cette même volonté d’agir pour défendre les plus fragiles en s’appuyant sur l’écoute, la sensibilisation et la formation afin de toucher un large public sur les sujets bioéthiques.

A l’aube du quinquennat qui s’ouvre, Anne Charlotte Rimaud souhaite s’inscrire dans la continuité de ses prédécesseurs pour que la priorité soit donnée à l’humanité : « En cette année d’élections, VITA a porté ses propositions sous la forme de 20 urgences pour replacer l’humanité au cœur de toutes les politiques publiques. Nous continuerons en particulier, à défendre les soins palliatifs contre l’euthanasie, à nous mobiliser pour l’abolition mondiale de la GPA, à œuvrer en faveur d’une famille durable. Grâce à nos membres présents sur le terrain et ancrés dans la réalité locale, nous voulons prendre notre place pour une bioéthique respectueuse de l’écologie humaine. »

Dépistage néonatal : progrès et enjeux

Dépistage néonatal : progrès et enjeux

Les amyotrophies spinales sont un groupe de maladies neuromusculaires rares d’origines génétiques. Elles se caractérisent par une dégénérescence et une perte de motoneurones, conduisant à une faiblesse musculaire. Evolutives et invalidantes, elles font partie des maladies neuromusculaires rares dont la cause génétique est parfaitement identifiée, contrairement à d’autres. Lorsque des symptômes évocateurs sont relevés, le diagnostic de la maladie se pose par une analyse d’ADN sur une prise de sang. La prévalence est estimée à environ 1 à 3 sur 30 000. Leur gravité et leur évolution sont variables d’une forme à l’autre et d’une personne à l’autre. Quatre formes ont été décrites selon l’âge d’apparition et la sévérité de la maladie : le type I, forme la plus sévère, débute avant l’âge de 6 mois ; le type II débute entre l’âge de 6 et 18 mois ; le type III débute dans l’enfance ou l’adolescence ; le type IV, forme la moins sévère, débute à l’âge adulte. Les formes les plus graves sont celles qui touchent le très jeune enfant, elles peuvent engager le pronostic vital en quelques années. Plus le dépistage est précoce, plus les chances de survie et d’amélioration des conditions de vie sont grandes. L’idéal, en termes de stratégie thérapeutique, étant de pouvoir agir avant l’apparition des premiers symptômes.

Cette maladie ne fait pas partie du dépistage néonatal généralisé en France. Actuellement, six maladies comme la phénylcétonurie, hypothyroïdie congénitale, hyperplasie congénitale des surrénales, mucoviscidose, drépanocytose… font l’objet d’un dépistage chez les nouveau-nés. Il consiste à prélever une goutte de sang pour chercher s’il contient des éléments inhabituels, évocateurs d’une de ces maladies. En cas de doute, la confirmation sera recherchée par un test génétique en tant que tel, à savoir l’analyse de l’ADN pour y détecter la présence d’un gène ou d’une mutation. Actuellement, la recherche explicite d’une maladie génétique chez un nouveau-né n’est possible que dans des cas particuliers, lorsqu’il y a par exemple suspicion d’une maladie héréditaire.

Une étude pilote nommée Depisma va déployer un dépistage génétique systématique de l’amyotrophie spinale dans deux régions, le Grand Est et la Nouvelle-Aquitaine, pendant deux ans. « On va tester des centaines de milliers de bébés et, d’après nos estimations, en détecter 32 atteints d’amyotrophie spinale », précise Vincent Laugel, neuropédiatre au CHU de Strasbourg. Ces enfants pourront alors bénéficier d’un traitement précoce pour espérer réduire considérablement l’impact de la maladie.

Généraliser le dépistage génétique d’une maladie aux nouveau-nés est une nouveauté rendue possible par un amendement de la loi de bioéthique, adoptée en août 2021. Un nouvel article précise que les modalités d’organisation du dépistage néonatal (incluant les examens des caractéristiques génétiques) et la liste des maladies sur lesquelles il porte sont fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis de la Haute Autorité de santé et de l’Agence de la biomédecine. Il s’agit d’une évolution notable qui n’est pas sans soulever des questions éthiques si le dépistage allait de plus en plus loin et pour tous. Dans le cas présent, la recherche portera seulement sur les mutations d’un gène précis. Et la maladie concernée dispose de traitements existants. Il s’agit donc d’un progrès thérapeutique concret qui accompagne un progrès des connaissances et techniques génétiques.

Mais dans le futur, pourquoi ne pas élargir de plus en plus l’enquête, et surtout au fur et à mesure de l’avancée des connaissances, à d’autres gènes ou mutations ? Que faire si on détecte une anomalie en l’absence de tout traitement ? Comment accueillir l’annonce d’une prédisposition génétique à telle ou telle maladie, survenant plus tard. Y a-t-il un « droit de ne pas savoir » ?

Les progrès en diagnostics génétiques ne peuvent faire l’économie de réflexions éthiques approfondies, autour de l’annonce, de la protection des données médicales mais aussi et surtout pour se prémunir de toute dérive eugénique et éviter de tomber dans des décisions qui ne seraient pas un progrès contre les maladies, mais une victoire de la sélection. Un risque d’euthanasie s’ajoute à celui de l’eugénisme. Certains de ses plus fervents promoteurs comme l’ancien député Jean-Louis Touraine a toujours assumé vouloir « procéder par étapes, d’abord questionner les adultes en capacité de donner un avis, puis envisager ultérieurement le cas des grands prématurés, par exemple. »

Pour aller plus loin :

Le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) vient de publier son avis 138 intitulé « l’eugénisme : de quoi parle-t-on ? » ce 16 février 2022.
La médecine prédictive – Dr Xavier Mirabel, Université de la vie 2015 – Le corps, de la vie à la mort.
L’eugénisme, aujourd’hui – Blanche Streb, Université de la vie 2019 – La vie, à quel prix ?

Belgique : les professionnels de soins palliatifs alertent sur la difficulté d’accès

Belgique : les professionnels de soins palliatifs alertent sur la difficulté d’accès

A l’occasion de la célébration des 20 ans de loi sur les soins palliatifs, les Fédérations professionnelles wallonne, bruxelloise et flamande se sont unies le 14 juin 2022 pour informer sur ce que sont réellement les soins palliatifs et alerter sur le manque d’accès.

« Les soins palliatifs… il s’agit surtout de vie ! ». Avec ce slogan, les professionnels souhaitent dénoncer les idées reçues et la mauvaise image associée à ces soins en Belgique, alors qu’ils visent justement à accompagner et soulager au plus près des besoins des patients.  

Dans un communiqué commun les trois Fédérations de soins palliatifs rappellent qu’ «  une approche palliative pourrait être envisagée pour près de 100.000 patients par an, mais nombre d’entre eux n’y ont pas accès. » Le manque d’accès avait été souligné par le rapport d’étude de la cellule d’évaluation des soins palliatifs publié en 2020. « Le nombre de lits en unités de soins palliatifs doit être rapidement augmenté en fonction des besoins, de la situation géographique et de l’accessibilité. » Le rapport précise également le besoin de financement « pour couvrir les coûts effectifs des membres du personnel et le remboursement des prestations proposées. » La commission d’évaluation préconisait également de financer des postes de psychologues dans les unités de soins palliatifs.

Les professionnels regrettent que ne soit pas assez mise en avant la possibilité de soins précoces qui permet pourtant d’améliorer considérablement la qualité de vie des patients et de leurs proches.

Alors que le “forfait palliatif” va faire l’objet d’une étude qui sera publiée en 2023 par le Centre Fédéral d’expertise des soins de santé en Belgique, certains acteurs comme l’End Of Life Care Research Group demandent d’ores et déjà que l’accès à cette aide financière soit élargi aux patients avec une espérance de vie supérieure à 3 ans. En effet à l’heure actuelle cette aide supplémentaire pour les médicaments, le matériel de soins et les dispositifs médicaux que les patients palliatifs à domicile doivent eux-mêmes financer, est octroyée sous conditions :

  • avoir une maladie incurable ;
  • être dans une situation physique ou psychique en sévère dégradation ;
  • être dans un état qu’aucune thérapie ne peut améliorer;
  • avoir une espérance de vie inférieure à 3 mois ;
  • des besoins physiques, sociaux et spirituels nécessitant la mise en place de moyens très soutenus en termes d’engagement ;
  • exprimer son souhait de mourir à domicile ;
  • et satisfaire aux conditions présentes dans le formulaire de demande, dit “Avis médical”.

L’élargissement au-delà des trois mois serait bénéfique pour la qualité de vie du patient et pour celle de son entourage, et contribuerait donc à améliorer l’état actuel des soins palliatifs proposés.

« Souvent les hôpitaux transfèrent les patients en unité de soins palliatifs quand ils ne peuvent plus rien faire sur le plan curatif, parce qu’ils considèrent l’euthanasie comme une option des soins palliatifs, alors que c’est tout à fait antinomique, à mon sens. » témoignait un soignant dans le livre Euthanasie, l’envers du décor, éd Mols, paru en 2019.

Il serait intéressant d’évaluer auprès du public belge et des soignants comment la légalisation de l’euthanasie impacte l’image des soins palliatifs et peut induire de la confusion.