Inquiétude et opposition face au projet de loi fin de vie

Inquiétude et opposition face au projet de loi fin de vie

Inquiétude et opposants au projet de loi fin de vie

Dimanche 10 mars, le président de la République dévoilait les contours du projet de loi fin de vie et l’ouverture d’une aide à mourir, vaine euphémisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Nombreuses sont les voix qui se sont fait entendre pour marquer leur inquiétude et leur opposition face à un tel projet.

Plusieurs personnalités ont immédiatement partagé leurs craintes comme la psychologue Marie de Hennezel qui dans une adresse au président de la République dans Ouest France se fait la porte-parole « Des personnes de 80 à 100 ans, fragilisées bien que souvent encore autonomes, qui perçoivent le danger d’une loi qui établira un continuum entre les soins de fin de vie et l’euthanasie. »

Elle rappelle l’urgence « de couvrir le territoire de structures de soins palliatifs, maintenant et pas d’ici dix ans » et s’interroge « Qui fera désormais confiance à son médecin ? Comment ferez-vous pour restaurer cette confiance, pour protéger les plus vulnérables de notre société ? » D’autres encore ont pointé le basculement qu’entraine la levée de l’interdit de tuer comme le philosophe Pierre Manent, ou encore l’inéluctabilité des dérives comme le sociologue Jean-Pierre Le Goff.

Les soignants réunis au sein du collectif sur la fin de vie ont exprimé leur consternation et leur colère dans un communiqué de presse. Alors qu’ils seraient en première ligne pour appliquer la loi si elle était votée, ils déplorent n’avoir jamais été associés à l’élaboration du texte. Ils pointent également le caractère « ultra-permissif » du modèle envisagé : « le dispositif décrit emprunte à toutes les dérives constatées à travers le monde. Aucun pays n’envisage l’administration de la substance létale par un proche. »

Très inquiets de la confusion sur le sens du soin, ils le sont aussi des annonces dérisoires sur l’accompagnement de la fin de vie et en particulier s’agissant du budget affecté aux soins palliatifs. Pour eux, ce projet « va à l’encontre des valeurs du soin et du modèle de non abandon qui fondent [notre] modèle français d’accompagnement de la fin de vie ».

Les représentants des religions ont aussi exprimé leur inquiétude face au projet de loi. Au micro de France Inter, l’évêque de Nanterre Matthieu Rougé a rejeté une réforme qui promeut à la fois l’euthanasie et le suicide assisté, indiquant qu’« on ne peut pas parler de fraternité quand on répond à la souffrance par la mort ».

Pour le président de la Conférence des évêques de France, Monseigneur de Moulins-Beaufort, « Appeler “loi de fraternité” un texte qui ouvre le suicide assisté et l’euthanasie est une tromperie ». Pour lui, « Ce qui est annoncé ne conduit pas notre pays vers plus de vie, mais vers la mort comme solution à la vie. […] les Français n’envisageraient pas de la même manière la fin de vie si les soins palliatifs étaient chez nous une réalité pour tous partout, comme le voulait la loi dès 1999. Ces derniers temps, non seulement rien n’a été fait pour apporter des soins palliatifs là où il n’y en a pas, mais les moyens de plusieurs services existants ont été réduits encore. C’est cela la vérité. »

Le recteur de la Grande Mosquée de Paris Chems-eddine Hafiz a pour sa part, jugé qu’ « une aide à mourir ne peut pas être “une loi de la fraternité”, quelles que soient les conditions et les circonstances». Et pour Sadek Beloucif, membre du Forum de l’islam de France (Forif), ce projet marque « un véritable changement de paradigme ». Idem pour le président de l’Union bouddhiste de France, Antony Boussemart, qui a regretté auprès de l’AFP que « la boîte de Pandore (soit) ouverte »

Pour le président de la Fédération protestante de France (FPF), Christian Krieger, si « L’aide à mourir n’est ni une euthanasie ni un suicide assisté, car la demande de la personne n’est pas automatiquement satisfaite. », il regrette en revanche l’inversion de l’ordre des priorités entre « la possibilité du don de la mort » [qui] apparaît comme première ; le développement d’une culture palliative comme seconde, voire secondaire !»

Seul le grand rabbin de France, Haïm Korsia, s’est dit rassuré, estimant que ce projet de loi « n’ouvrira pas de nouveau droit ».

Le flou sémantique entretenu par le président autour de l’ « aide à mourir » qui selon lui ne serait ni euthanasie ni suicide assisté, a été largement critiqué aussi bien par ceux qui s’opposent à un tel projet que par ceux qui le réclament. Le professeur Régis Aubry, membre du Comité consultatif national d’éthique et co-initiateur de la « stratégie décennale » qui a inspiré le chapitre du projet de loi consacré à ces soins et favorable à une évolution du cadre légal, considère « que la formule n’est pas claire et qu’il s’agit d’un euphémisme. »

Sur France Culture, le 11 mars, l’ancien député et co-auteur de la loi Claeys-Leonetti de 2016, Jean Leonetti, juge que les termes de cette future loi sont « flous », car Emmanuel Macron « dit que ce n’est ni l’euthanasie, ni le suicide assisté, mais un peu des deux ». « Quand on est flou, il y a une difficulté à l’application des lois qui ne sont pas extrêmement claires », a-t-il aussi soutenu. Dans un entretien au magazine Valeurs actuelles, François Braun, ancien ministre de la Santé, regrette l’euphémisation : « Je crois qu’on ne peut effectivement pas se cacher derrière la sémantique. On parle de mort. Quelles que soient les circonvolutions, à la fin, il s’agira de donner ou non la mort. »

Enfin il n’est pas inutile de se pencher sur les critiques formulées par les partisans de l’évolution du cadre législatif et de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Certains remettent déjà en cause un cadre jugé trop strict. Martine Lombard, professeure de droit public à l’université Panthéon-Assas, considère que le texte ne va pas assez loin notamment en ce qui concerne le critère de pronostic vital engagé à moyen terme : « Les médecins auront du mal à attester précisément d’une espérance de vie. Le risque, c’est que seuls les malades de cancer en phase terminale soient concernés. »

L’ADMD (association pour le droit de mourir dans la dignité) par la voix de son président, partage sa crainte et brandit l’argument de l’exil à l’étranger pour ceux dont l’état ne correspondrait pas au cadre. L’association déplore aussi que les personnes atteintes de « maladies dégénératives, de type Alzheimer » soit exclues des critères et que les personnes éligibles n’aient pas la « liberté de choix absolue » sur la manière de mettre fin à leurs jours.

Certains regrettent encore que les mineurs soient exclus de l’ « aide à mourir ». Pour la cardiologue Véronique Fournier, présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPV) de 2016 à 2020, « il faut pouvoir faire entrer tous les gens qui ont le même niveau de souffrance et qui ne peuvent pas trouver un apaisement d’une autre façon. Il y a un moment où nous voudrions pouvoir choisir de partir parce qu’il est temps. »

Où l’on voit que les verrous fixés par le président de la République ne tarderont guère à sauter. La boite de Pandore est ouverte.

 

Retrouvez nos articles sur les débats sur la fin de vie en France.

 
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[CP] – Projet fin de vie : la fraternité abandonnée

[CP] – Projet fin de vie : la fraternité abandonnée

COMMUNIQUE DE PRESSE – 11 mars 2024

Projet fin de vie : la fraternité abandonnée

À l’heure où le système de santé français connaît de graves difficultés, annoncer l’accès à une prétendue “aide à mourir”, paravent de l’euthanasie et du suicide assisté, en invoquant la fraternité est aussi indécent que préoccupant.

Au fond, soins palliatifs et euthanasie ou suicide assisté sont incompatibles car leurs logiques sont radicalement différentes. Les exemples des pays qui ont légalisé ces pratiques nous montrent qu’il n’est pas possible de tenir un tout éthique et effectif pour les patients en conjuguant deux approches diamétralement opposées. Au Canada, seulement 30 à 50% des Canadiens ont accès à une forme de soins palliatifs de qualité, et très peu, seulement environ 15%, ont accès à des soins palliatifs spécialisés pour traiter des problèmes plus complexes.

Quant aux critères d’éligibilité à cette « aide à mourir », ils sont déjà contestés et nul doute qu’ils seraient balayés devant les revendications de ceux qui s’estimeront discriminés et qui demanderont leur élargissement. Une fois encore partout où l’interdit de tuer a été levé, le cadre initialement fixé à titre exceptionnel a dérivé.

Pour Alliance VITA, la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté derrière l’expression hypocrite d’« aide à mourir » signerait l’abandon des plus fragiles et le renoncement à l’une des valeurs fondatrices de notre société, la fraternité. C’est pourquoi l’association, forte de son réseau de volontaires présents sur tout le territoire, mènera des actions de sensibilisation locales et nationales pour promouvoir des soins palliatifs de qualité pour tous ceux qui en ont besoin et un engagement contre la « mort sociale » par abandon de nos concitoyens fragilisés par la maladie, le grand âge ou le handicap. C’est la seule option vraiment consensuelle ; c’est la seule digne de l’humanité.

 

projet fin de vie : la fraternité abandonnée

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Où en est-on dans la législation bioéthique en France ?

Où en est-on dans la législation bioéthique en France ?

Où en est-on dans la législation bioéthique en France ?

La dernière loi de bioéthique a été votée le 02 août 2021. Elle s’inscrit dans une chronologie législative remontant à 1994, date de la première loi de bioéthique. La loi de 2021 comporte 7 grands chapitres (des « Titres »), que l’on peut regrouper en 5 grands axes :

I. L’ASSISTANCE MÉDICALE A LA PROCRÉATION (AMP) :

Les débats autour de l’accès à l’AMP dénommé couramment PMA (Procréation Médicalement Assistée) pour les femmes seules ou des femmes vivant ensemble ont été l’angle le plus médiatique. Autour de la PMA, la loi a abordé aussi les questions de filiation, la question de la conservation des gamètes et des embryons et du droit d’accès aux origines pour les enfants issus de cette technique.

loi de bioéthique 2021 : l’assistance médicale à la procréation (amp)

II. LA RECHERCHE SUR L’EMBRYON HUMAIN : 

La loi comporte de nombreuses disposition pour la recherche sur l’embryon humain et les cellules souches.

recherche sur l'embryons loi bioéthique 2021

III. LA GÉNÉTIQUE :

La loi traite de l’information génétique, des tests, des diagnostics et de la recherche génomique.

génétique loi bioéthique 2021

IV. LE DON D’ORGANE, DE TISSUS, DE CELLULE HUMAINE.

don d'organes loi bioéthique 2021

V. DIVERSES DISPOSITIONS : 

Cette loi aborde aussi les traitements des enfants « présentant une variation du développement génital ». Enfin, d’autres dispositions ont modifié l’IMG (Interruption Médicale de Grossesse) et le périmètre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE).

loi bioéthique 2021

 

Avant de rentrer dans les détails de chaque partie, 4 remarques peuvent éclairer l’état d’esprit qui gouverne ce texte

1. Cette loi votée en 2021 accentue la priorité donnée à la technique au service de désirs individuels : par exemple ceux des chercheurs désirant conduire des expériences sur des embryons humains, ou ceux des personnes désirant un enfant. Avoir un enfant dans ces conditions est davantage considéré comme un “droit reproductif” attaché à une personne à titre individuel. C’est une rupture notable alors que la procréation a été depuis les origines humaines, pour des raisons biologiques évidentes et non culturelles, une capacité inhérente aux seuls couples femme-homme.

Cette dégradation continue du droit de la bioéthique formalise davantage un “droit à l’enfant” ou un “droit à la rechercheau détriment d’une approche centrée sur le respect de la vie humaine dès son commencement, et sur le refus de la réification (c’est-à-dire le fait de traiter l’humain comme une chose).

2. Si les désirs et les revendications individuels sont un motif de changer la loi, quel peut être le facteur modérateur à des demandes potentiellement infinies ? En réalité, les limites sont variables. Les lois de bioéthique s’adaptent en fonction du consensus social ou de groupes de pression et d’un équilibre précaire entre différentes demandes ou opinions. Une norme sociale, changeante, sert de garde-fou, conduisant à douter d’une réelle capacité du législateur à tenir un cadre protecteur pour l’humain.

3. Le texte voté inscrit toujours plus la loi de bioéthique dans une logique d’adaptation aux nouvelles et vertigineuses capacités techniques. Cette logique se formule comme une « loi » dite « de Gabor », un physicien hongrois Prix Nobel en 1971 : ce qui est techniquement possible sera nécessairement réalisé. Le mot « loi » se comprend ici comme une forme de fatalité : il ne serait pas possible de faire autrement que de s’adapter aux avancées technologiques et d’accepter pour la société toutes formes de techniques dès qu’elles sont opérationnelles.

4. Cette acceptation de toute technique peut aller de pair avec l’opinion, voire la croyance, que toute découverte, toute technique est un progrès, au sens d’une avancée positive souhaitable pour la société.

Chronologie de la législation bioéthique en France

La loi de 2021 fait suite à d’autres textes traitant des sujets bioéthiques. Le mot « bioéthique » lui-même a une histoire. Apparu au début des années 1970, il est contemporain des progrès médicaux et de l’essor de la technique sur le vivant (bio-technologies) appliquée à l’humain. Une série d’étapes marquantes est disponible sur un site public ici.

  • Février 1983 : Création du CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé).
  • 1994 : Première loi de bioéthique.
  • 2004 : Deuxième loi incluant un mécanisme de révision.
  • 2011 : Troisième loi de bioéthique qui prévoit que tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevées par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux. Elle prévoit aussi un nouvel examen d’ensemble par le Parlement dans un délai maximal de 7 ans après son entrée en vigueur.
  • 2013 : Modification majeure de la loi concernant le cadre de la recherche sur l’embryon est déjà intervenue, par le biais d’une niche parlementaire, en l’absence d’états généraux et des prérequis obligatoires pour une révision de cet ordre.
  • 2018 : Les états généraux sont organisés en vue de la révision aboutissant à la loi de 2021.
  • 2021 : Dernière loi de bioéthique.

1er épisode : L’assistance médicale à la procréation (AMP)

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I. La technique de PMA disponible sans indication médicale

L’abandon de l’indication médicale d’infertilité constatée pour l’utilisation des techniques de procréation médicale est une modification majeure de la loi. Le recours à l’AMP est simplement conditionné à l’existence d’un « projet parental ».

Médiatisée comme la “PMA pour toutes”, la loi autorise et organise un accès aux techniques de procréation médicale aux femmes, seules ou en couple. L’article L2141-2 du code de santé publique stipule désormais que « L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation ».

Dans cette rédaction, l’accent est mis sur le « projet parental », mettant la volonté individuelle ou du couple au cœur du processus. La rédaction en vigueur depuis 2011 et qui a donc été abrogée stipulait que : « L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué ».

L’extension de la PMA avec tiers donneur pour des femmes seules ou à deux a pour effet indéniable la suppression du père et de la lignée paternelle.

Un décret paru en septembre 2021 fixe les conditions d’âge pour cet accès :

  • Le prélèvement d’ovocytes peut être réalisé chez la femme jusqu’à son quarante-troisième anniversaire ;
  • Le recueil de spermatozoïdes peut être réalisé chez l’homme jusqu’à son soixantième anniversaire

Dans le cas d’une PMA pour un couple, la loi maintient le consentement préalable de chaque membre du couple avant le recours aux techniques de procréation. « Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l’insémination artificielle ou au transfert des embryons ».

La loi a également supprimé l’interdiction d’une PMA avec double don de gamètes, quand un couple bénéficie à la fois d’un don d’ovocytes et de spermatozoïdes. Dans la version précédente de la loi, un couple ne pouvait avoir recours à ce double don. Il s’agissait de maintenir autant que possible un lien génétique entre l’enfant et au moins un de ses parents. En cas de double infertilité, le couple pouvait demander à bénéficier d’un don d’embryon.

 

II. L’autoconservation des gamètes sans indication médicale est également instituée.

Selon l’Agence de Biomédecine (ABM) dans sa brochure sur le sujet, « L’objectif de l’autoconservation des gamètes est de les avoir à disposition si, plus tard, un projet d’enfant devait nécessiter une AMP (Assistance Médicale à la Procréation) ». L’ABM souligne également le rôle de la volonté individuelle : « L’indication n’est pas d’ordre médical mais résulte d’un choix de la personne. C’est la nouveauté introduite par la loi de bioéthique de 2021 ».

Le même décret de septembre 2021 a fixé des conditions d’âge pour cette autoconservation :

  • Le prélèvement d’ovocytes peut être réalisé chez la femme à compter du vingt-neuvième jusqu’à son trente-septième anniversaire ;
  • Le recueil de spermatozoïdes peut être réalisé chez l’homme à compter du vingt-neuvième jusqu’à son quarante-cinquième anniversaire

Les gamètes recueillis sont conservés dans des centres autorisés pour cette activité.

La loi prévoit que chaque année, la personne qui a procédé à cette conservation doit indiquer si elle souhaite :

  • Les conserver,
  • Les utiliser en vue d’une AMP,
  • En faire don à des personnes en attente d’un don de gamètes,
  • En faire don à la recherche scientifique,
  • Mettre fin à leur conservation.

Il est important de noter que pour une autoconservation de spermatozoïdes, l’homme peut consentir à ce qu’une partie des spermatozoïdes recueillis soit donné. En l’absence de réponse aux relances pendant 10 ans consécutifs, les gamètes sont détruits. En cas de décès, la conservation est arrêtée, sauf consentement du vivant de la personne au don ou à la recherche. Si les actes liés au recueil ou au prélèvement des gamètes sont pris en charge par l’Assurance Maladie, l’autoconservation est facturée 40.5 euros par an.

L’importation et l’exportation de gamètes ou de tissus germinaux issus du corps humain sont soumises à une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine. Elles sont exclusivement destinées à permettre la poursuite « d’un projet parental » par la voie d’une assistance médicale à l’exclusion de toute finalité commerciale.

La question de l’exportation, jointe à celle de la destruction en cas de décès, a soulevé des cas complexes de jurisprudence récemment.

 

III. L’impact sur la filiation

Avant la loi de 2021, les techniques d’assistance médicale à la procréation tendaient à imiter la procréation naturelle, afin de garantir à l’enfant que sa filiation soit cohérente au regard des exigences de la biologie pour la procréation (une mère et un père). Pour accéder à une PMA avec donneur, le couple demandeur devait produire leur consentement devant le juge ou le notaire. Cette démarche de consentement souligne la difficulté de ce type d’engendrement pour s’assurer que l’enfant ainsi conçu sera accueilli et élevé par un père et une mère pour pallier le manque existentiel d’un des parents biologiques.

L’accès ouvert aux femmes seules ou vivant en couple impacte nécessairement ce modèle. La filiation devient principalement basée sur la volonté, consacrée par l’existence d’un « projet parental », et non plus un lien ou une réalité biologique.

  1. Dans le cadre d’un couple femme-homme, les règles relatives à l’établissement de la filiation ne sont pas modifiées. La filiation maternelle est établie à l’égard de la femme qui a accouché de l’enfant. S’ils sont mariés, la filiation paternelle s’établit par la présomption de paternité. S’ils ne sont pas mariés, elle s’établit par la reconnaissance volontaire.
  2. Dans le cas d’une femme seule, le recours à l’AMP implique un tiers donneur de sperme. La filiation de l’enfant est établie à l’égard de la femme qui accouche et qui est reconnue comme la mère. Si la femme seule se marie ultérieurement avec un homme, celui-ci pourra procéder à une demande d’adoption de l’enfant. Idem si elle se marie avec une femme.
  3. Dans le cas de deux femmes, mariées, pacsées ou non : le recours à l’AMP implique un tiers donneur de sperme. La filiation établit automatiquement comme mère la femme qui accouche. Une reconnaissance conjointe anticipée notariée pour l’autre femme permet d’établir la filiation.

En cas de non-remise de la reconnaissance conjointe anticipée notariée lors de la déclaration de naissance, la seconde femme ne sera mentionnée comme mère à l’état civil qu’à la demande du procureur de la République, et seule la femme qui a accouché aura l’autorité parentale sur l’enfant. L’Assemblée nationale n’a pas retenu la proposition du Sénat d’une reconnaissance par la voie déjà disponible de l’adoption. Aujourd’hui, des actes de naissance mentionnent donc deux femmes comme étant mères d’un enfant.

 

IV. L’anonymat du donneur et la question des origines

La loi comporte également un volet concernant l’accès aux origines pour les enfants conçus à partir d’un don de gamètes. Elle met fin à l’anonymat du donneur, principe consacré dans la première loi de bioéthique de 1994 et inscrit à l’article 16-8 du code civil. Cet anonymat portait sur l’identité et des données dites « non identifiantes ». Celles-ci sont définies dans le code de Santé publique :

  1. Leur âge au moment du don
  2. Leur état général tel qu’ils le décrivent au moment du don, dans ses dimensions d’état général perçu, d’état psychologique et d’activité physique ;
  3. Leurs caractéristiques physiques, comprenant uniquement la taille et le poids au moment du don, la coloration cutanée, l’aspect naturel des cheveux et des yeux ;
  4. Leur situation familiale et professionnelle, comprenant uniquement le statut marital, le nombre d’enfants, le niveau d’études et la catégorie socio-professionnelle ;
  5. Leur pays de naissance ;
  6. Les motivations de leur don, rédigées par leurs soins.

Cet anonymat était requis à l’époque comme un corollaire de la gratuité du don, et considéré comme une condition pour le développement des techniques de PMA. A l’épreuve du temps, cet anonymat n’a pas résisté à la recherche des origines par des enfants conçus par ces techniques, une fois qu’ils sont devenus adultes. Cette recherche met au jour un paradoxe intrinsèque à la PMA.

D’un côté, les liens biologique et génétique sont passés sous silence dans la « fiction juridique » (un terme employé par les juristes) de la filiation de l’enfant conçu par une PMA. D’un autre côté, l’importance pour l’enfant de connaître ses origines, l’importance de l’hérédité biologique ne peut être niée, au-delà des questions médicales. Une lignée génétique, c’est également une histoire familiale.

Par ailleurs, le droit à connaître ses origines « dans la mesure du possible » est reconnu à l’enfant par l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations-Unies, une convention ratifiée par la France.

Comme le précise le site du ministère de la Santé : « À partir du 1er septembre 2022, les personnes qui souhaitent procéder à un don de gamètes ou proposer leurs embryons devront consentir expressément à la communication de leur identité et de leurs données non-identifiantes. En cas de refus, ces personnes ne pourront procéder au don. Le consentement sera recueilli par le médecin du centre de dons et conservé par ce centre. Dès l’utilisation du don, il ne sera plus révocable.

Pour les personnes majeures nées de dons effectués avant le 1er septembre 2022, le droit d’accès dépendra du consentement du donneur à la communication de son identité et de ses données non-identifiantes, qui n’était pas une condition préalable au don jusqu’à présent.

 

V. La filiation des enfants nés par Gestation Par Autrui à l’étranger

La Gestation Par Autrui (GPA) reste interdite dans son principe en France, par une loi de 1994 relative au respect du corps humain. Un article du code civil établit que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». La loi sur la bioéthique de 2021 et les débats qui l’ont accompagnée n’ont pas remis en cause cette interdiction.

Des Français choisissent malgré tout d’avoir recours à cette pratique – qui instrumentalise le corps des femmes et fait de l’enfant un objet de contrat, séparé à la naissance de celle en qui sa vie a pris corps – à l’étranger, dans certains pays où cette pratique est tolérée. C’est ainsi que des demandes de transcription d’actes de naissance sont arrivées sur notre sol. Ces commanditaires de GPA ont contraint le droit français à évoluer ces dernières années.

La Cour de cassation en était venue à autoriser la transcription intégrale de l’acte de naissance d’un enfant issu d’une GPA réalisée à l’étranger dès lors que les faits déclarés dans l’acte étaient conformes au droit étranger. C’est-à-dire : à déclarer comme mère la femme commanditaire de la GPA, qui n’a pas porté et accouché de l’enfant, et à effacer de l’acte de naissance la mère qui a réellement porté et accouché de l’enfant en question.

Les revendications des commanditaires sont allées jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme. Celle-ci avait condamné la France qui n’avait pas fait appel, signant là une absence de volonté politique de lutter réellement contre la GPA.

Mais lors de la dernière révision de la loi bioéthique, ce sujet a fait l’objet d’un amendement qui est venu casser et unifier la jurisprudence. Le code civil est complété pour préciser que la reconnaissance de la filiation à l’étranger soit “appréciée au regard de la loi française”, qui interdit toujours les conventions de mère porteuse (Code civil 16-7) et qui, hormis les exceptions qu’elle détermine, attache la filiation maternelle à l’accouchement et ne permet pas, en dehors de l’adoption, l’établissement d’une double filiation paternelle.

 

VI. Techniques restées interdites

Malgré des demandes et des amendements proposés pendant l’examen de la loi, certaines techniques sont restées interdites :

  • La PMA post-mortem (après le décès de l’un ou des deux membres du couple, pour lesquels des gamètes ou des embryons sont cryoconservés),
  • La méthode dite ROPA (« Réception de l’ovocyte par le partenaire ») où un ovocyte de l’une est prélevé, fécondé in vitro par un tiers donneur avant d’être implanté dans l’utérus de l’autre femme.

2e épisode : La recherche sur l’embryon humain

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La question de la recherche sur l’embryon humain a commencé à émerger principalement pour des raisons liées à l’existence d’un stock d’embryons dit « surnuméraires ». Ces embryons surnuméraires ont été conçus dans le cadre de protocoles d’assistance médicale à la procréation (PMA), et (aban)donnés par les couples dont ils sont issus.

Nous parlons ici d’une recherche bien particulière, puisqu’elle implique un être humain au commencement de sa vie. Considérer l’embryon humain comme un matériau de recherche comme un autre pose ainsi de graves questions éthiques.

 

I. Chronologie des lois encadrant la recherche sur l’embryon

Le droit encadrant cette recherche n’a cessé d’évoluer à chaque révision de la loi bioéthique.

  • 1994 : Interdiction totale de la recherche sur l’embryon
  • 2004 : Interdiction avec dérogations pour 5 ans et sous conditions
  • 2011 : Interdiction avec dérogations sans limite de temps et sous conditions
  • 2013 : Suppression du principe d’interdiction
  • 2021 : Assouplissement de nombreux critères

Les premières lois de bioéthique de 1994 avaient logiquement introduit l’interdiction de toute recherche sur l’embryon humain. Cette règle avait été affirmée pour tirer toutes les conséquences de l’article 16 du Code civil qui dispose que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».

Au fond, cette interdiction consacrait la reconnaissance de l’embryon comme appartenant à l’humanité, ce qui commande déjà de ne pas le considérer comme un matériau d’expérimentation mais également de lui reconnaitre une destinée humaine. Et donc, d’être appelé à vivre et à mourir comme le sont tous les êtres humains. C’est ce qui a conduit le législateur à prévoir que les embryons ne puissent être conçus in vitro que dans l’optique d’être implantés dans l’utérus maternel (dans le cadre de parcours de PMA).

Le devenir de l’embryon issu d’un couple qui ne souhaitait plus l’accueillir se résumait donc à deux options : vivre (être donné à un autre couple) et à défaut d’accueil, à mourir (sa conservation était arrêtée).

C’est aussi la raison pour laquelle il est interdit de créer des embryons pour la recherche.

L’humanité de l’embryon a été réaffirmée par le législateur dans les lois bioéthiques de 2004 et 2011 même si l’interdiction de la recherche souffrait déjà d’exceptions à titre dérogatoire et temporaire. Depuis 2013, ce principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon a été supprimé. Enfin, en 2021, la loi bioéthique a considérablement réduit la protection due à l’embryon humain en facilitant sa mise à disposition et son instrumentalisation.

Actuellement en France, environ 80 équipes de chercheurs sont autorisées à mener ces recherches. Une vingtaine de recherches déclarées sont menées sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh), et 8 recherches ont été autorisées sur l’embryon humain. (Parmi ces 8, seules 2 seraient postérieures à la loi de 2021.)

 

II. Définitions et différents types de recherches

On peut donc aujourd’hui distinguer dans ce cadre juridique plusieurs types de recherches :

  • La recherche sur l’embryon humain lui-même
  • La recherche sur les cellules souches embryonnaires, issues de l’embryon
  • Et la recherche sur les cellules souches « induites » dites IPS.

Précisons ces différentes catégories :

  • L’EMBRYON HUMAIN est toujours issu d’un cycle de PMA. Les embryons peuvent être mis à disposition de la recherche dans 2 cas : soit parce qu’ils ne font plus l’objet d’un « projet parental », selon la formule consacrée, soit parce qu’à l’issue d’un tri embryonnaire (après un diagnostic préimplantatoire), il a été décidé de ne pas les implanter.
  • LES CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES HUMAINES (CSEh). Ce sont des cellules directement issues de l’embryon et prélevées à un stade très précoce de son développement. Ces cellules suscitent l’intérêt des chercheurs et des industriels car elles sont dotées de la capacité de se multiplier à l’infini et également de se spécialiser en la plupart des types de cellules de l’organisme (c’est ce qu’on appelle la pluripotence).

Lorsqu’un embryon humain est l’objet de recherche ou de prélèvement de cellules dans le cadre de la recherche, il est obligatoirement détruit.

  • LES CELLULES IPS : CELLULES SOUCHES PLURIPOTENTES INDUITES. Ce sont des cellules souches induites artificiellement à partir de cellules adultes différenciées, dans lesquelles sont introduites quatre gènes de pluripotence. Cette manipulation – on parle de « reprogrammation » – leur redonne l’habilité à se différencier en n’importe quel type de cellules et à se multiplier indéfiniment. Toutes les cellules adultes qui prolifèrent peuvent être utilisées pour générer des cellules iPS. Sont particulièrement utilisées les cellules du sang, de peau.

 

III. Cadre spécifique de la recherche sur l’embryon humain

A. La recherche est soumise à une autorisation de l’Agence de la biomédecine.
B. Conditions dites « scientifiques » :
  • Loi 2021 : « la pertinence scientifique doit être établie ». Ce critère est peu précis, et régulièrement assoupli. Sans être scientifiquement nécessaires, les recherches ne doivent pas être fantaisistes.
  • Loi 2021 : exigence d’une « Finalité médicale ou vise à l’amélioration de la connaissance de la biologique humaine ».

Ce critère n’a eu de cesse d’être assoupli au fil des ans.

En 2004, la recherche devait permettre des « progrès thérapeutiques majeurs ». (Ne pouvant être atteints par des méthodes alternatives) ; en 2011, la loi demandait seulement à la recherche de permettre des « progrès médicaux majeurs » (assouplissement pour faciliter la recherche fondamentale).

En 2013, la recherche sur l’embryon devait avoir une simple « finalité médicale ». Désormais, cela peut être simplement le fait de viser l’amélioration de la connaissance de la biologie humaine, ce qui est extrêmement vaste et ne permet pas de garantir le respect de critères éthiques.

  • 2021 : la loi demande simplement qu’« en l’état des connaissances scientifiques, la recherche ne peut être menée sans recourir à des embryons ».

Lorsque le régime dérogatoire a ouvert la recherche sur l’embryon, elle était conditionnée à la démonstration de l’absence de méthode alternative d’efficacité comparable. Ce critère a été depuis assoupli. Déjà en 2013, la loi avait supprimé la fin de la faveur pour les méthodes alternatives.

C. Dispositions particulières :
  • Il est mis fin à leur développement in vitro au plus tard le quatorzième jour de développement.
  • La conception d’embryons n’est possible que dans le cadre d’une AMP (assistance médicale à la procréation ou PMA). Il n’est pas autorisé de concevoir des embryons dans l’unique objectif de les donner à la recherche.
  • Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation. Ils sont détruits.
  • Gratuité : les embryons sont cédés sans contrepartie financière. L’obtention d’embryons à titre onéreux est interdite.
  • Consentement (du couple, membre survivant ou femme).

Il doit être réitéré dans les 3 mois et est révocable tant qu’aucune recherche n’a eu lieu. Depuis la loi 2021 : l’information sur les autres possibilités ouvertes par la loi ne sont plus obligatoires (don à un couple, arrêt de la conservation…)

  • Anonymat : aucune information susceptible de permettre l’identification du couple à l’origine des embryons ne peut être communiquée au responsable de la recherche.
  • L’article précisant que « La création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite » a été supprimé par la loi de 2021.

Pour les embryons transgéniques (génétiquement modifiés), cet article a été remplacé par : « La conception in vitro d’embryon humain par fusion de gamètes ou la constitution par clonage d’embryon humain à des fins de recherche est interdite ». (L.2151-2 et Art.18 convention d’Oviedo). La rédaction a donc changé. Les mots « par fusion de gamètes » (ce qui correspond tout simplement au phénomène naturel de fécondation, entre un ovocyte et un spermatozoïde) ont été introduits.

Dès lors, les « embryons » créés par d’autres voies ne sont pas concernés par cet interdit. Cette ouverture vise notamment à ne pas empêcher la recherche sur les « modèles embryonnaires ».

Pour les « chimères » (mélange d’embryons humains et d’autres espèces). La loi de 2021 énonce que : « La modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces est interdite ». L’inverse n’est donc plus interdit : il est possible d’intégrer des cellules humaines (notamment embryonnaires, mais aussi IPS) à des embryons d’autres espèces.

 

IV. Cadre spécifique de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh)

La recherche est soumise à une déclaration à l’Agence de la biomédecine.

Le directeur général de l’ABM peut s’opposer à cette déclaration.

A. Dispositions particulières
  • Les CSEh doivent dériver d’embryons issus d’un protocole de recherche autorisé ou de CSEh ayant fait l’objet d’autorisation d’importation.
  • Les gamètes obtenus par CSEh (c’est-à-dire, transformation de la CSEh en ovocytes ou en spermatozoïde) ne peuvent en aucun cas servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou recueilli par don.
  • Cas particulier. Si le protocole demandé a pour objet la différentiation de CSEh en gamètes, l’obtention de modèles de développement embryonnaire ou encore l’insertion de CSEh dans un embryon animal dans le but d’un transfert chez l’animal, le directeur général de l’ABM peut s’y opposer, après avis public du Conseil d’orientation de l’ABM. A défaut d’opposition du directeur général de l’agence, la réalisation du protocole de recherche peut débuter.
B. Conditions dites « scientifiques »
  • La « pertinence scientifique doit être établie »
  • La recherche doit s’inscrire dans une « Finalité médicale ou amélioration de la connaissance de la biologie humaine ». Ce critère extrêmement vaste n’est donc pas très restrictif.

 

Clause de conscience :

Que cela concerne la recherche ou l’exploitation de l’embryon ou des cellules embryonnaires : « Aucun chercheur, aucun ingénieur, technicien ou auxiliaire de recherche quel qu’il soit, aucun médecin ou auxiliaire médical n’est tenu de participer à quelque titre que ce soit aux recherches sur des embryons humains ou sur des cellules souches embryonnaires autorisées en application de l’article L2151-5 ».

 

V. Cadre spécifique de la recherche sur les cellules IPS Cellules pluripotentes induites

Si le protocole demandé a pour objet la différentiation en gamètes, l’obtention de modèles de développement embryonnaire ou l’insertion dans un embryon animal dans le but d’un transfert chez l’animal, ces recherches spécifiques sont soumises à déclaration auprès de l’ABM.

Les cellules IPS, qui n’impliquent pas de sacrifier des embryons humains pour être mises au point, ont souvent été présentées comme une alternative possible à l’utilisation des cellules embryonnaires. En réalité, ces deux types de cellules ne sont pas identiques, en particulier car les cellules IPS gardent une « trace » des changements intervenus pendant la reprogrammation. Ainsi, lorsque des protocoles sont engagés avec des cellules IPS, bien souvent ces protocoles induisent l’utilisation de CSEh, celles-ci étant reconnues comme étant la « norme » à laquelle comparer les résultats.

Les chercheurs parlent des CSEh comme de « gold standard ». Parmi les enjeux éthiques inhérentes aux cellules IPS, il y a celle du consentement de la personne dont sont issues ces cellules, en particulier sur les usages futurs qui pourraient être attribuées à ces cellules particulières, attendu que leur différentiation en gamètes ou leur insertion dans un embryon animal (chimères) n’ont pas été interdit par la loi bioéthique.

 

VI. Que deviennent les embryons dits « surnuméraires » ?

Les deux membres du couple ou la femme non mariée dont des embryons sont conservés sont consultés chaque année pour savoir s’ils maintiennent leur “projet parental”. S’ils confirment par écrit le maintien de leur projet parental, la conservation de leurs embryons est poursuivie. S’ils n’ont plus de “projet parental”, les deux membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir (délai de réflexion de trois mois) :

  • A ce que le ou les embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme ;
  • A ce que le ou les embryons fassent l’objet d’une recherche ;
  • A ce que les cellules dérivées à partir de ces embryons entrent dans une préparation de thérapie cellulaire ou un médicament de thérapie innovante à des fins exclusivement thérapeutiques ;
  • A ce qu’il soit mis fin à leur développement in vitro, (fin de la cryoconservation) ce qui conduit à leur destruction.

L’absence de révocation du consentement dans ce délai de 3 mois vaut confirmation. Pour la recherche ou la dérivation de cellules en préparation de thérapie cellulaire, le consentement est révocable tant qu’il n’y a pas eu d’intervention sur l’embryon. Il est mis fin à leur développement in vitro et donc à leur destruction :

  • En l’absence de réponse depuis au moins cinq ans, à compter du jour où ce consentement a été confirmé ;
  • En cas de désaccord des membres du couple ;
  • En cas de décès de l’un ou des deux membres du couple, en l’absence des consentements pour qu’ils soient accueillis par d’autres ou donnés à la recherche.
où en est-on dans la législation bioéthique en france ?

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Loi de bioéthique 2021 : L’assistance médicale à la procréation (AMP)

Loi de bioéthique 2021 : L’assistance médicale à la procréation (AMP)

Loi de bioéthique 2021 :

Épisode 1 : L’assistance médicale à la procréation (AMP)

I. La technique de PMA disponible sans indication médicale

L’abandon de l’indication médicale d’infertilité constatée pour l’utilisation des techniques de procréation médicale est une modification majeure de la loi. Le recours à l’AMP est simplement conditionné à l’existence d’un « projet parental ».

Médiatisée comme la “PMA pour toutes“, la loi autorise et organise un accès aux techniques de procréation médicale aux femmes, seules ou en couple. L’article L2141-2 du code de santé publique stipule désormais que « L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation ».

Dans cette rédaction, l’accent est mis sur le « projet parental », mettant la volonté individuelle ou du couple au cœur du processus. La rédaction en vigueur depuis 2011 et qui a donc été abrogée stipulait que : « L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué ».

L’extension de la PMA avec tiers donneur pour des femmes seules ou à deux a pour effet indéniable la suppression du père et de la lignée paternelle.

Un décret paru en septembre 2021 fixe les conditions d’âge pour cet accès :

  • Le prélèvement d’ovocytes peut être réalisé chez la femme jusqu’à son quarante-troisième anniversaire ;
  • Le recueil de spermatozoïdes peut être réalisé chez l’homme jusqu’à son soixantième anniversaire

Dans le cas d’une PMA pour un couple, la loi maintient le consentement préalable de chaque membre du couple avant le recours aux techniques de procréation. « Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l’insémination artificielle ou au transfert des embryons ».

La loi a également supprimé l’interdiction d’une PMA avec double don de gamètes, quand un couple bénéficie à la fois d’un don d’ovocytes et de spermatozoïdes. Dans la version précédente de la loi, un couple ne pouvait avoir recours à ce double don. Il s’agissait de maintenir autant que possible un lien génétique entre l’enfant et au moins un de ses parents. En cas de double infertilité, le couple pouvait demander à bénéficier d’un don d’embryon.

II. L’autoconservation des gamètes sans indication médicale est également instituée

autoconservation des ovocytes : la réalité en faceSelon l’Agence de Biomédecine (ABM) dans sa brochure sur le sujet, « L’objectif de l’autoconservation des gamètes est de les avoir à disposition si, plus tard, un projet d’enfant devait nécessiter une AMP (Assistance Médicale à la Procréation) ». L’ABM souligne également le rôle de la volonté individuelle : « L’indication n’est pas d’ordre médical mais résulte d’un choix de la personne. C’est la nouveauté introduite par la loi de bioéthique de 2021 ».

Le même décret de septembre 2021 a fixé des conditions d’âge pour cette autoconservation :

  • Le prélèvement d’ovocytes peut être réalisé chez la femme à compter du vingt-neuvième jusqu’à son trente-septième anniversaire ;
  • Le recueil de spermatozoïdes peut être réalisé chez l’homme à compter du vingt-neuvième jusqu’à son quarante-cinquième anniversaire

Les gamètes recueillis sont conservés dans des centres autorisés pour cette activité.

La loi prévoit que chaque année, la personne qui a procédé à cette conservation doit indiquer si elle souhaite :

  • Les conserver,
  • Les utiliser en vue d’une AMP,
  • En faire don à des personnes en attente d’un don de gamètes,
  • En faire don à la recherche scientifique,
  • Mettre fin à leur conservation.

Il est important de noter que pour une autoconservation de spermatozoïdes, l’homme peut consentir à ce qu’une partie des spermatozoïdes recueillis soit donné. En l’absence de réponse aux relances pendant 10 ans consécutifs, les gamètes sont détruits. En cas de décès, la conservation est arrêtée, sauf consentement du vivant de la personne au don ou à la recherche. Si les actes liés au recueil ou au prélèvement des gamètes sont pris en charge par l’Assurance Maladie, l’autoconservation est facturée 40.5 euros par an.

L’importation et l’exportation de gamètes ou de tissus germinaux issus du corps humain sont soumises à une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine. Elles sont exclusivement destinées à permettre la poursuite « d’un projet parental » par la voie d’une assistance médicale à l’exclusion de toute finalité commerciale.

La question de l’exportation, jointe à celle de la destruction en cas de décès, a soulevé des cas complexes de jurisprudence récemment.

III. L’impact sur la filiation

filiation.jpgAvant la loi de 2021, les techniques d’assistance médicale à la procréation tendaient à imiter la procréation naturelle, afin de garantir à l’enfant que sa filiation soit cohérente au regard des exigences de la biologie pour la procréation (une mère et un père). Pour accéder à une PMA avec donneur, le couple demandeur devait produire leur consentement devant le juge ou le notaire. Cette démarche de consentement souligne la difficulté de ce type d’engendrement pour s’assurer que l’enfant ainsi conçu sera accueilli et élevé par un père et une mère pour pallier le manque existentiel d’un des parents biologiques.

L’accès ouvert aux femmes seules ou vivant en couple impacte nécessairement ce modèle. La filiation devient principalement basée sur la volonté, consacrée par l’existence d’un « projet parental », et non plus un lien ou une réalité biologique.

  1. Dans le cadre d’un couple femme-homme, les règles relatives à l’établissement de la filiation ne sont pas modifiées. La filiation maternelle est établie à l’égard de la femme qui a accouché de l’enfant. S’ils sont mariés, la filiation paternelle s’établit par la présomption de paternité. S’ils ne sont pas mariés, elle s’établit par la reconnaissance volontaire.
  2. Dans le cas d’une femme seule, le recours à l’AMP implique un tiers donneur de sperme. La filiation de l’enfant est établie à l’égard de la femme qui accouche et qui est reconnue comme la mère. Si la femme seule se marie ultérieurement avec un homme, celui-ci pourra procéder à une demande d’adoption de l’enfant. Idem si elle se marie avec une femme.
  3. Dans le cas de deux femmes, mariées, pacsées ou non : le recours à l’AMP implique un tiers donneur de sperme. La filiation établit automatiquement comme mère la femme qui accouche. Une reconnaissance conjointe anticipée notariée pour l’autre femme permet d’établir la filiation.

En cas de non-remise de la reconnaissance conjointe anticipée notariée lors de la déclaration de naissance, la seconde femme ne sera mentionnée comme mère à l’état civil qu’à la demande du procureur de la République, et seule la femme qui a accouché aura l’autorité parentale sur l’enfant. L’Assemblée nationale n’a pas retenu la proposition du Sénat d’une reconnaissance par la voie déjà disponible de l’adoption. Aujourd’hui, des actes de naissance mentionnent donc deux femmes comme étant mères d’un enfant.

IV. L’anonymat du donneur et la question des origines

pma : réserve du conseil constitutionnel sur les informations du tiers donneurLa loi comporte également un volet concernant l’accès aux origines pour les enfants conçus à partir d’un don de gamètes. Elle met fin à l’anonymat du donneur, principe consacré dans la première loi de bioéthique de 1994 et inscrit à l’article 16-8 du code civil. Cet anonymat portait sur l’identité et des données dites « non identifiantes ». Celles-ci sont définies dans le code de Santé publique :

  1. Leur âge au moment du don
  2. Leur état général tel qu’ils le décrivent au moment du don, dans ses dimensions d’état général perçu, d’état psychologique et d’activité physique ;
  3. Leurs caractéristiques physiques, comprenant uniquement la taille et le poids au moment du don, la coloration cutanée, l’aspect naturel des cheveux et des yeux ;
  4. Leur situation familiale et professionnelle, comprenant uniquement le statut marital, le nombre d’enfants, le niveau d’études et la catégorie socio-professionnelle ;
  5. Leur pays de naissance ;
  6. Les motivations de leur don, rédigées par leurs soins.

Cet anonymat était requis à l’époque comme un corollaire de la gratuité du don, et considéré comme une condition pour le développement des techniques de PMA. A l’épreuve du temps, cet anonymat n’a pas résisté à la recherche des origines par des enfants conçus par ces techniques, une fois qu’ils sont devenus adultes. Cette recherche met au jour un paradoxe intrinsèque à la PMA.

D’un côté, les liens biologique et génétique sont passés sous silence dans la « fiction juridique » (un terme employé par les juristes) de la filiation de l’enfant conçu par une PMA. D’un autre côté, l’importance pour l’enfant de connaître ses origines, l’importance de l’hérédité biologique ne peut être niée, au-delà des questions médicales. Une lignée génétique, c’est également une histoire familiale.

Par ailleurs, le droit à connaître ses origines « dans la mesure du possible » est reconnu à l’enfant par l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations-Unies, une convention ratifiée par la France.

Comme le précise le site du ministère de la Santé : « À partir du 1er septembre 2022, les personnes qui souhaitent procéder à un don de gamètes ou proposer leurs embryons devront consentir expressément à la communication de leur identité et de leurs données non-identifiantes. En cas de refus, ces personnes ne pourront procéder au don. Le consentement sera recueilli par le médecin du centre de dons et conservé par ce centre. Dès l’utilisation du don, il ne sera plus révocable.

Pour les personnes majeures nées de dons effectués avant le 1er septembre 2022, le droit d’accès dépendra du consentement du donneur à la communication de son identité et de ses données non-identifiantes, qui n’était pas une condition préalable au don jusqu’à présent.

V. La filiation des enfants nés par Gestation Par Autrui à l’étranger

gpa

La Gestation Par Autrui (GPA) reste interdite dans son principe en France, par une loi de 1994 relative au respect du corps humain. Un article du code civil établit que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». La loi sur la bioéthique de 2021 et les débats qui l’ont accompagnée n’ont pas remis en cause cette interdiction.

Des Français choisissent malgré tout d’avoir recours à cette pratique – qui instrumentalise le corps des femmes et fait de l’enfant un objet de contrat, séparé à la naissance de celle en qui sa vie a pris corps – à l’étranger, dans certains pays où cette pratique est tolérée. C’est ainsi que des demandes de transcription d’actes de naissance sont arrivées sur notre sol. Ces commanditaires de GPA ont contraint le droit français à évoluer ces dernières années.

La Cour de cassation en était venue à autoriser la transcription intégrale de l’acte de naissance d’un enfant issu d’une GPA réalisée à l’étranger dès lors que les faits déclarés dans l’acte étaient conformes au droit étranger. C’est-à-dire : à déclarer comme mère la femme commanditaire de la GPA, qui n’a pas porté et accouché de l’enfant, et à effacer de l’acte de naissance la mère qui a réellement porté et accouché de l’enfant en question.

Les revendications des commanditaires sont allées jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme. Celle-ci avait condamné la France qui n’avait pas fait appel, signant là une absence de volonté politique de lutter réellement contre la GPA.

Mais lors de la dernière révision de la loi bioéthique, ce sujet a fait l’objet d’un amendement qui est venu casser et unifier la jurisprudence. Le code civil est complété pour préciser que la reconnaissance de la filiation à l’étranger soit “appréciée au regard de la loi française”, qui interdit toujours les conventions de mère porteuse (Code civil 16-7) et qui, hormis les exceptions qu’elle détermine, attache la filiation maternelle à l’accouchement et ne permet pas, en dehors de l’adoption, l’établissement d’une double filiation paternelle.

VI. Techniques restées interdites

 

Malgré des demandes et des amendements proposés pendant l’examen de la loi, certaines techniques sont restées interdites :

  • la PMA post-mortem (après le décès de l’un ou des deux membres du couple, pour lesquels des gamètes ou des embryons sont cryoconservés),
  • la méthode dite ROPA (« Réception de l’ovocyte par le partenaire ») où un ovocyte de l’une est prélevé, fécondé in vitro par un tiers donneur avant d’être implanté dans l’utérus de l’autre femme.
loi de bioéthique 2021 : l’assistance médicale à la procréation (amp)

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Recommandations pour accompagner les femmes enceintes vulnérables

Recommandations pour accompagner les femmes enceintes vulnérables

Recommandations pour accompagner les femmes enceintes vulnérables

La Haute Autorité de Santé (HAS) vient de publier des recommandations de bonnes pratiques pour repérer et accompagner les femmes enceintes vulnérables pendant et après leur grossesse.

Ce travail a été effectué dans le cadre de la politique des 1000 premiers jours pour mieux accompagner le moment de la grossesse et de l’accouchement ainsi que le suivi dans la durée de la santé de l’enfant et de sa mère.

Au terme d’un rapport approfondi, la HAS publie six fiches pratiques pour favoriser une bonne coordination des professionnels médicaux et sociaux dans le cas de 6 situations particulières :

 

Dans un communiqué, la HAS explicite le rôle de ces fiches qui ont pour but de développer « les modalités du dépistage et de l’organisation du parcours de soins en fonction de chacune de ces situations ».

Un bémol cependant sur l’accompagnement des mineures enceintes : parmi les propositions, la fiche prescrit d’informer la mineure sur le droit à l’IVG et la possibilité d’accoucher sous le secret, alors que ce n’est pas le cas pour les autres situations. Il faudrait veiller à ce que cela ne se traduise pas en une incitation si la jeune souhaite malgré les difficultés poursuivre sa grossesse.

Focus sur les femmes victimes de violences conjugales

 

En France sur les 201 000 femmes victimes de violences domestiques chaque année, 40% de ces violences démarrent dès la première grossesse. Ces situations peuvent conduire à l’avortement alors que des femmes souhaiteraient l’éviter. Dans sa fiche dédiée, la HAS souligne que « Les femmes victimes de violence ont un risque plus élevé de grossesses non désirées et d’IVG répétées ». Une étude avait montré en 2013 que peu de médecins posaient la question des violences lors des consultations d’avortement.

La HAS propose de faire un repérage systématique pour toutes les femmes en consultation pré et post natale pour les orienter vers un parcours de soins adapté pendant leur grossesse qui leur assure une sécurité physique, une protection juridique et une prise en charge coordonnée vers des unités de soins dédiées aux femmes victimes de violence et des professionnels experts (psychologues, assistantes sociales etc. ).

 

Pour Alliance VITA qui accompagne des femmes enceintes confrontées à des situations de précarité et de solitude, cette attention particulière des pouvoirs publics est bienvenue en espérant que les moyens soient à la hauteur des ambitions. La Haute autorité insiste « sur l’importance de mobiliser les moyens organisationnels, humains et financiers nécessaires au déploiement de ces recommandations » dans un contexte de tension du système de santé.

recommandations pour accompagner les femmes enceintes vulnérables
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[CP] – IVG dans la Constitution : un déni d’humanité

[CP] – IVG dans la Constitution : un déni d’humanité

COMMUNIQUE DE PRESSE – 04 mars 2024

IVG dans la Constitution : un déni d’humanité

En constitutionalisant l’avortement comme une liberté garantie, sans aucun garde-fou et sans prendre en considération les situations qui pourraient être évitées, le gouvernement et les parlementaires font preuve d’une absence totale d’humanité. Comment penser que le « pays des droits de l’homme » s’honore en passant sous silence que notre humanité commence au tout début de l’existence ?

Malgré l’instrumentalisation politicienne indécente de cette question douloureuse, malgré les questions persistantes autour de la clause de conscience spécifique des soignants et autour de l’avènement d’un droit opposable à l’avortement, l’Assemblée nationale et le Sénat ont fait le choix de graver l’IVG dans le marbre de la Constitution.

Près de 50 ans se sont écoulés depuis la loi de dépénalisation de l’avortement en 1975, 50 ans au cours desquels toutes les dispositions prévues initialement pour accompagner et informer les femmes ont été progressivement supprimées.  Au fil des années, on est passé de la possibilité de l’IVG, « pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme », à un droit à l’avortement, revendiqué « sans contrainte ».  L’inscription de la liberté d’avorter dans la Constitution marque une étape supplémentaire et hautement symbolique vers la banalisation d’un acte qui met la vie humaine en jeu.

 

Une réalité invisibilisée

En 2022, 234 300 avortements ont été réalisés avec un taux de recours à un niveau jamais atteint auparavant de 16,9 pour mille femmes en âge de procréer. En 2020, une étude de la Drees révélait que c’étaient les femmes aux revenus les plus faibles qui avaient davantage recours à l’IVG. On sait aussi que 85% des grossesses imprévues pendant les études se terminent par une IVG et que les 20-29 ans concentrent les plus forts taux d’IVG (26,9 ‰ parmi les 20-24 ans et 28,6 ‰ parmi les 25-29 ans). En outre des études récentes montrent des liens entre les violences conjugales et les interruptions volontaires de grossesse à répétition.

En France, le lien entre IVG et violences demeure cependant peu exploré : très peu de médecins posent systématiquement la question des violences aux femmes réalisant une IVG [1]. Or, on sait que pour 40 % des 201 000 femmes concernées chaque année par les violences du conjoint, celles-ci ont débuté à la première grossesse.

 

Une liberté sous pressions

Confirmant ces données, Alliance VITA, qui accompagne des femmes depuis plus de 20 ans, constate que nombre de femmes confrontées à des grossesses inattendues se tournent vers l’IVG à contrecœur, très souvent sous les pressions masculines, mais aussi de l’entourage ou pour des raisons économiques. Notre expérience montre que toutes les femmes n’avortent pas « librement et par choix » mais par défaut d’alternative et de sécurité. Face à ces réalités qui ne semblent guère émouvoir les pouvoirs publics, la constitutionnalisation d’une liberté d’avorter parait bien déconnectée.

Même constitutionnalisé, l’avortement, jamais anodin, ne devrait pas s’imposer comme une fatalité.

Nous demandons depuis des années une étude approfondie sur les causes et les conséquences de l’avortement. Proposer une politique de prévention est plus que jamais nécessaire.

Face au déni du politique, et afin de libérer la parole des femmes, nous préparons une campagne de sensibilisation sur les liens entre l’IVG et les pressions, violences et discriminations faites aux femmes au début de la grossesse.

 

Tous nos communiqués de presse.

 

ivg dans la constitution un déni d'humanité congrès de versailles

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[CP] – Rencontre internationale fin de vie – Euthanasie et suicide assisté à l’étranger

[CP] – Rencontre internationale fin de vie – Euthanasie et suicide assisté à l’étranger

COMMUNIQUE DE PRESSE – 1er mars 2024

Rencontre internationale sur la fin de vie : Euthanasie et suicide assisté à l’étranger

 

La légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté s’est effectuée dans chacun de ces pays à partir d’une triple promesse, dont la rencontre internationale a permis d’évaluer la crédibilité :

  • l’euthanasie et le suicide assisté ne seront autorisés qu’à titre exceptionnel,
  • l’accompagnement des personnes vulnérables et ou en fin de vie ne sera pas affecté,
  • ce « nouveau droit » individuel, qui n’enlèvera rien à personne, sera sans conséquence sur les autres.

Pour le Belge Léopold Vanbellingen, docteur en droit, chargé de recherche à l’Institut européen de bioéthique, « la logique de subjectivité et de non-discrimination, à l’origine de la légalisation de l’euthanasie, a très rapidement conduit à son extension à des cas qui auraient été inimaginables au moment du vote de la loi ».

Le Canadien Trudo Lemmens, professeur de droit et politique de la santé, rappelle que dans son pays, « l’ouverture d’une aide médicale à mourir (AMM) à des cas exceptionnels en fin de vie a glissé vers une thérapie quasi-universelle pour les souffrances parfois vagues liées à la maladie et au handicap ».

Aux Pays-Bas, le nombre d’euthanasies a été multiplié par cinq depuis 2002 et au moins 20 pour cent des maladies invoquées pour recourir à l’euthanasie concernent aujourd’hui des patients qui ne sont pas en phase terminale : démence, psychiatrie, polypathologies liées au vieillissement, handicaps, etc.

Même tendance en Suisse où les conditions d’admission au suicide assisté se sont progressivement élargies, si bien que le taux de suicide en général a doublé en quelques années.

Johannes Irsiegler, psychiatre et psychothérapeute, rapporte qu’en Suisse la personne en détresse qui estime que sa propre vie ne vaut plus la peine d’être vécue rencontre tout un réseau lui permettant d’aller jusqu’au suicide.

Catherine Dopchie, médecin en soins palliatifs en Belgique, constate, témoignages à l’appui, que dans les maisons de repos, l’euthanasie devient un « droit » pour le résident et un devoir qui s’impose au médecin.

En Belgique, l’euthanasie est devenue une proposition parmi d’autres dans la planification des soins.

Au Canada, seulement 30 à 50% des Canadiens ont accès à une forme de soins palliatifs de qualité, et très peu, seulement environ 15%, ont accès à des soins palliatifs spécialisés pour traiter des problèmes plus complexes, explique Leonie Herx, médecin en soins palliatifs.

Enfin loin de constituer seulement un nouveau droit qui n’enlève rien à personne, les pratiques de l’euthanasie et du suicide assisté changent la société en profondeur. Stève Bobillier, docteur en philosophie et sciences sociales et éthicien suisse rappelle que le suicide n’est pas un acte individuel, mais qu’il a un impact conséquent sur les proches, les soignants et la société en général. Et par effet de suicide mimétique (phénomène documenté par des chercheurs depuis des décennies), la législation relative au suicide assisté mène à une banalisation dangereuse au détriment de sa prévention.

Pour Theo Boer, professeur d’éthique de la santé aux Pays-Bas, qui a cru à la loi de son pays avant de déchanter : « L’euthanasie a un impact bien plus important que sur les 6 % de Néerlandais qui meurent après avoir été euthanasiés. Le regard que nous portons tous sur le vieillissement, la fragilité, la dépendance aux soins et la notion même d’humanité a changé. Même les personnes qui meurent de mort naturelle se posent la question du choix de l’euthanasie en raison de la possibilité d’y avoir recours.»

Il a conclu la rencontre sur ces mots :

« Quand la mort accélérée des personnes dépendantes, malades ou âgées est présentée comme une solution, un bien, une forme de désespérance devant la vulnérabilité s’insinue inexorablement dans les esprits. Et les premières victimes de cette désespérance, ce sont les personnes les plus fragiles, menacées par le suicide – sous toutes ses formes – et l’euthanasie. »

rencontre internationale fin de vie euthanasie et suicide assisté à l’étranger

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[CP] – IVG dans la Constitution : le débat enterré

[CP] – IVG dans la Constitution : le débat enterré

COMMUNIQUE DE PRESSE – 29 février 2024

IVG dans la Constitution : le débat enterré

 

En votant le projet de loi constitutionnelle pour inscrire l’avortement dans la Constitution, les sénateurs ont cédé aux pressions et enterré tout débat démocratique. En inscrivant la « liberté garantie » de la femme de recourir à l’IVG, le Sénat détourne à son tour la Constitution de son objet pour créer un droit opposable à l’avortement.

 

Par ce vote, le Sénat a renoncé à sa mission spécifique de défense des libertés et droits fondamentaux, comme la liberté de conscience des professionnels de santé, fragilisée par ce projet de loi.  En constitutionnalisant une « liberté garantie » dont on ignore précisément la portée, qui peut garantir qu’on n’aboutira pas à terme à des avortements sans délai ou selon le sexe du fœtus ?

Pourtant, la question de l’avortement mérite mieux. Rappelons que ce sont les femmes aux revenus les plus faibles qui y ont davantage recours selon la Drees. Rappelons que l’avortement peut être aussi parfois la conséquence de violences faites aux femmes. Pour 40 % des 201 000 femmes concernées chaque année par des violences conjugales, ces dernières ont commencé lors de la première grossesse.

 

En se faisant la chambre d’enregistrement du gouvernement et de l’Assemblée nationale, le Sénat est passé complètement à côté de la réalité et des difficultés qui poussent les femmes à l’avortement.

Pour Alliance VITA qui accompagne des femmes en difficulté depuis plus de 20 ans, inscrire l’IVG dans la Constitution est non seulement injustifié et dangereux mais aussi totalement déconnecté de l’urgence sociale. Avec cette révision constitutionnelle, le gouvernement entrave toute politique de prévention de l’IVG alors que les chiffres du recours à l’avortement n’ont jamais été aussi élevés.

Alliance VITA demande que soit conduite une enquête sur les causes et les conséquences de l’IVG et la mise en place d’une véritable politique de prévention.

 

Tous nos communiqués de presse.

ivg dans la constitution : le débat enterré

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La loi sur le grand âge verra-t-elle le jour ?

La loi sur le grand âge verra-t-elle le jour ?

La loi grand âge verra-t-elle le jour ?

Cette annonce répondait à une demande forte des professionnels du secteur dans un contexte de vieillissement démographique. D’après un rapport de la Drees, « en 2050les plus de 60 ans seront 25 millions, dont 4 millions en perte d’autonomie. ». A cette évolution démographique s’ajoutent des pénuries de personnel et des difficultés financières.

Le 5 octobre 2023, une enquête réalisée par la Fédération Nationale des Associations de Directeurs d’Établissements et Services pour Personnes Agées (FNADEPA) auprès de ses adhérents a révélé que 78 % des établissements et services manquaient de personnel et que 92,3 % d’entre eux estimaient être déficitaires en 2023.

Ainsi, par un amendement, le gouvernement avait inscrit dans la proposition de loi « pour bâtir la société du bien vieillir », l’adoption d’une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge avant la fin de l’année 2024.

Pourtant, lors de son discours de politique générale, le 30 janvier 2024, le nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, n’a fait aucune référence à cette loi grand âge. Le sujet a été évoqué en une phrase : « Nous continuerons à bâtir une société où chacun peut vieillir dignement et comme il l’entend, en facilitant le maintien à domicile de ceux qui le souhaitent et en améliorant le quotidien en EHPAD ». Sans doute faisait-il référence à la proposition de loi Bien vieillir”, qui contient quelques mesures pour lutter contre la maltraitance, notamment en EHPAD, et pour favoriser le maintien à domicile.

Interrogée par la députée socialiste Christine Pirès Beaune à ce sujet lors des questions au gouvernement le 14 février, la nouvelle ministre des Personnes âgées et des Personnes handicapées, Fadila Khattabi, n’a même pas pris la peine de répondre à la question.

Ce silence du gouvernement laisse penser que ce projet a été abandonné, une nouvelle fois. La raison est sans aucun doute d’origine financière, puisque le ministre de l’Économie, Bruno Lemaire, vient d’annoncer une coupe de 10 milliards d’euros dans le budget de l’Etat.

Sur un autre sujet, c’est sans doute aussi pour cette raison que le gouvernement ne donne aucune nouvelle de la stratégie décennale pour les soins palliatifs qui devait être dévoilée en janvier, et qui aurait aussi dû être une priorité, puisque la Cour des comptes estime que l’offre actuelle de soins palliatifs ne couvre que la moitié des besoins.

Fait emblématique, l’unique unité de soins palliatifs des Yvelines, située à Houdan, ferme ses portes ce vendredi 23 février à la suite du départ de la cheffe de service.

 
loi grand âge et autonomie

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Séparation des parents : quels impacts pour les enfants ?

Séparation des parents : quels impacts pour les enfants ?

Séparation des parents : quels impacts pour les enfants ?

 

France Stratégie, organisme rattaché au Premier Ministre, a publié un récent rapport étudiant l’impact de la séparation des parents sur le niveau de vie de leurs enfants . 

Qui est concerné par la séparation des parents ?

Quelques chiffres clés sont rappelés dans cette étude. Une publication de l’INSEE datant de 2020 estime que 4 millions d’enfants mineurs ont des parents séparés. Il y a environ 14.7 millions d’enfants mineurs en France. La proportion est donc de 27% d’enfants mineurs ayant des parents séparés. L’étude donne également quelques éléments sur la taille des familles. Les familles avec 1 enfant mineur représentent 45% des familles, celles avec 2 enfants mineurs sont 38%.

Les enfants mineurs vivant dans des familles de 4 enfants ou plus forment 4% de cette population. Enfin, quand la séparation survient, 86% des enfants restent avec leur mère, 11.5% sont en garde alternée selon les données de 2020.

L’étude apporte des détails sur les probabilités de séparation des parents. En évolution, le risque de séparation a légèrement augmenté entre 2012 et 2019. La probabilité pour un enfant de voir ses parents se séparer est la plus forte vers l’âge de 7 ans (2.8%) et elle décroît jusqu’à l’âge de 11 ans (2.1%) pour rester ensuite stable. Les couples plus pauvres se séparent davantage que les couples aux revenus plus élevés. Enfin, « Les enfants de parents mariés ou pacsés font face à une probabilité de rupture bien moindre (1,8 %) que les enfants dont les parents sont en union libre (4,4 %) ».

Comment évolue le niveau de vie des enfants après la séparation des parents ?

Le rapport souligne que l’impact de la séparation a été souvent étudié sous l’angle des parents. Le but de l’étude est de se centrer sur les enfants mineurs par « le projet de création d’une base de données ad hoc permettant de suivre la trajectoire de niveau de vie et les conditions de vie des enfants et d’étudier l’impact de la séparation du point de vue de l’enfant ». Un panel d’environ 36 000 enfants ayant vécu une séparation de leurs parents a été constitué, panel suivi sur plusieurs années.

Un groupe dit « de contrôle » constitué de 93 000 enfants dont les parents sont restés ensemble permet de comparer l’évolution des situations.

Les auteurs constatent un impact important de la séparation : « les enfants dont les parents se séparent vivent l’année de la séparation dans un ménage dont le niveau de vie est en moyenne 19 % inférieur à celui précédant la séparation ». De plus cet impact n’est pas ponctuel : « Cette baisse de niveau de vie est durable : cinq ans après la séparation, le niveau de vie des enfants dont les parents se sont séparés est toujours inférieur d’environ 12 % en moyenne à leur niveau de vie avant la séparation ».

Cette moyenne cache une disparité : l’impact est plus fort lorsque les enfants résident avec leur mère, le cas le plus fréquent de loin. L‘étude ne fait pas apparaître de grandes différences en fonction de la taille de la fratrie.

Si l’impact sur le niveau de vie s’atténue, voire disparaît dans le temps lorsque le parent gardien se remet en couple, cette situation n’est pas majoritaire. Selon les auteurs, « la remise en couple du parent gardien ne concerne qu’une proportion minoritaire des enfants, qui croît de manière régulière mais lentement : 5 % d’entre eux sont concernés l’année suivant la séparation, près de 20 % trois ans après, et près de 30 % six ans après. Ainsi, six ans après la séparation, 70 % des enfants vivent encore avec le parent gardien seul ».

Quand on compare la situation avec les enfants du même âge dont les parents restent ensemble, le contraste est plus fort : « la différence de niveau de vie après la séparation est encore plus marquée, de l’ordre de 27 % l’année de la séparation, et toujours 22 % au bout de cinq ans ».

L’impact de la séparation des parents sur les conditions de logement.

L’étude se penche aussi sur l’évolution des conditions de logement de ces enfants. La séparation des parents implique souvent un changement de logement : « L’année de la séparation, 38 % des enfants quittent le logement occupé l’année précédente, 18 % un an après la séparation puis 15 % deux ans après ». Pour la plupart, le déménagement se fait dans la même commune ou le même département. Le logement social joue un rôle important d’amortisseur du « choc économique » de la séparation.

« Trois ans avant la séparation, 15 % des enfants résident en logement social quand ils vivent avec leurs deux parents. Cette proportion fait plus que doubler après une séparation pour les enfants vivant chez leur mère. » Une étude de 2013 montrait déjà que les familles monoparentales sont les plus demandeuses de ces logements.

En conclusion, les auteurs appellent aussi à croiser ces premières données de « trajectoire » des enfants mineurs avec des données du ministère de l’Education nationale « pour connaître l’impact des séparations sur la réussite scolaire ». Une étude ancienne de l’INED (2002) concluait que « quel que soit le milieu social, la rupture du couple parental est associée à une réussite scolaire plus faible chez l’enfant ».

Ces données constituent une incitation supplémentaire à des politiques de soutien pour les familles et les couples afin de favoriser « un éco-système pour la famille durable » comme Alliance VITA le demandait dans ses « priorités à l’humanité » en 2022.

 

impacts sur les enfants de la séparation des parents

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