Euthanasie au Portugal : vers un passage en force ?

Euthanasie au Portugal : vers un passage en force ?

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Le Parlement portugais a adopté, le jeudi 20 février 2020, cinq propositions de loi sur l’euthanasie émanant de plusieurs partis de gauche. Elles ont été adoptées en première lecture et devraient être réunies en un seul texte pour continuer l’examen.

Ces cinq textes, avec des variantes, ont été déposés par le parti Socialiste, le Bloc de Gauche (extrême gauche), le parti animalier PAN, les Verts et le parti Iniciative Liberale.

Une tentative semblable avait échoué en mai 2018. Un sondage publié quelques jours avant le vote révélait qu’une minorité de la population portugaise était favorable à l’euthanasie (seulement 7%). 89% des personnes interrogées affichent une préférence pour les soins palliatifs et l’accompagnement en cas de maladie grave.

La composition du Parlement a été modifiée à la suite des élections législatives d’octobre 2019 pour lesquelles le taux d’abstention a connu des records (51,43%). La majorité parlementaire est actuellement à gauche et le parti socialiste a été renforcé : le PS a mis cette question à nouveau à l’ordre du jour.

Des groupes de la société civile opposés à la loi ont manifesté devant le parlement pour dénoncer ce passage en force. C’est en effet la première mesure législative de ce parlement, alors que le parti socialiste, vainqueur des élections, n’avait pas mis l’euthanasie dans son programme, ce qui aurait pu modifier le résultat des dernières élections, tant les acteurs de la société y sont opposés.

Ce débat intervient alors que le système de santé portugais s’est dégradé ces dernières années et que les soins palliatifs sont peu développés. Plusieurs instances s’opposent à cette loi et plaident pour un meilleur accompagnement en fin de vie et une véritable politique de développement des soins palliatifs: le Conseil national de l’éthique pour les sciences de la vie avait donné un avis négatif à la dépénalisation de l’euthanasie. Les ordres des médecins et des infirmiers, des psychologues et des juristes y sont également opposés. Ces derniers jours, les plus grands hôpitaux privés, ainsi que les « Misericordies » – la plus grande institution de réseaux de soins continus (soins de proximité pour des personnes dépendantes) – ont déclaré refuser de pratiquer l’euthanasie.

Plan national de soins palliatifs : l’IGAS fait un bilan critique du plan 2015-2018

Plan national de soins palliatifs : l’IGAS fait un bilan critique du plan 2015-2018

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Le rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) d’évaluation du « plan national 2015-2018 pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement en fin de vie » a été rendu public le mercredi 12 février 2020. L’IGAS dresse un bilan mitigé de ce quatrième plan national des soins palliatifs et met en avant un impact « modeste » notamment dû à sa « construction imparfaite ».

Alors qu’il est daté de juillet 2019, le retard de sa publication interroge : « Pourquoi a-t-on perdu tant de temps ? Le prochain plan va démarrer avec au moins deux ans de retard, faute de moyens ou de volonté politique. Quel gâchis ! » a réagi le Dr Anne de la Tour, ancienne présidente de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs.

Pour rappel, ce plan évalué par l’IGAS avait été lancé en décembre 2015, sous la présidence de François Hollande. Destiné à être appliqué de 2016 à 2018, il disposait d’un budget de 190 millions d’euros. Ce plan a été mis en place tardivement, trois ans après le plan 2008-2012 qui avait permis une progression notable. Ce retard, ainsi que la forte disparité régionale de l’accès aux soins palliatifs, avaient été dénoncés dans un rapport de la Cour des comptes en février 2015.

Quatre principaux axes d’action avaient été définis :

  • informer le patient sur ses droits et le placer au cœur des décisions qui le concernent,
  • accroître les compétences des professionnels et des acteurs concernés,
  • développer les prises en charge au domicile,
  • et réduire les inégalités d’accès aux soins palliatifs.

Le bilan réalisé au terme de l’évaluation menée par l’IGAS est très critique. Mis à part le deuxième axe concernant la recherche en soins palliatifs, qui a été mis en place de façon satisfaisante, les trois autres axes n’ont été mis en œuvre que partiellement. « L’impact concret et spécifique du plan pour les acteurs de terrain et les bénéficiaires apparaît modeste » soulignent les rapporteurs. L’offre de soins palliatifs n’a que peu progressé. Entre 2015 et 2018, le nombre de lits en unités de soins palliatifs est passé de 1562 à 1776, le nombre de lits identifiés soins palliatifs est passé de 5072 à 5479 et le nombre d’équipes mobiles en soins palliatifs est passé de 379 à 385. Autre élément inquiétant soulevé : « le déficit en personnels spécialisés en soins palliatifs persiste, voire s’aggrave. »

Par ailleurs, « le Centre national [des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV)] n’est pas parvenu à ce jour à s’imposer comme un acteur de référence ; il connaît des problèmes récurrents de gouvernance et, malgré des réalisations notables, il a rempli ses missions statutaires de manière inégale. » Un rapport de ce centre sur l’application de la loi fin de vie de 2016 daté de novembre 2018 a fait l’objet de vives controverses, tant son approche était biaisée.

En conséquence, l’IGAS recommande trois préconisations principales. D’abord, la mise en place d’un nouveau plan triennal pour la période 2020-2022, qu’il aurait voulu voir prendre effet dès janvier 2020. Ensuite, le lancement d’une nouvelle réflexion de fond stratégique pour repenser les futurs plans : « la mise en œuvre de plusieurs orientations clés des quatre plans successifs […] semble avoir buté sur des obstacles structurels et récurrents qui appellent des solutions renouvelées. » Enfin, le renouvellement du CNSPFV, et notamment de sa gouvernance.

Les rapporteurs mettent en avant quatre objectifs que le nouveau plan triennal devra remplir :

  • changer la perception de la période de fin de vie et de la mort en France,
  • améliorer la qualité des soins palliatifs et de la fin de vie,
  • soutenir l’innovation organisationnelle,
  • et faire progresser la culture palliative.

Plus concrètement, le nouveau plan devrait permettre d’ « atteindre la cible d’au moins un lit d’unité de soins palliatifs (USP) pour 100 000 habitants et d’au moins une USP par département en 2022, créer des dispositifs de permanence territoriale téléphonique en soins palliatifs, conventionner les établissements sociaux et médico-sociaux avec des structures de soins palliatifs, développer des lieux de répit, et poursuivre le développement de projets de télémédecine dans le champ des soins palliatifs. »

Pour Alliance VITA, ce rapport met en lumière des dysfonctionnements et le manque de volonté politique observé ces dernières années. Il est urgent de mettre en place un nouveau plan afin que l’offre de soins palliatifs progresse véritablement et qu’ils soient mieux insérés dans l’organisation globale des soins.

Midazolam et fin de vie à domicile : sortir de la confusion

Midazolam et fin de vie à domicile : sortir de la confusion

medicament

Midazolam et fin de vie à domicile : sortir de la confusion

 

L’annonce de la disponibilité prochaine du Midazolam dans les pharmacies de ville en même temps que la publication par la Haute autorité de santé (HAS) d’une mise à jour de la pratique de la sédation profonde et continue jusqu’au décès induit une grave confusion sur les indications de ce produit et sur l’accompagnement des personnes en fin de vie à domicile.

La démarche de la HAS

Elle s’inscrit dans la continuité du travail entrepris à la suite du vote de la loi Claeys Leonetti de 2016, pour préciser l’encadrement des stratégies de prise en charge de la douleur, dont la pratique exceptionnelle de la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Ce travail a abouti à la publication en 2018 du guide parcours de soins « Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ? », proposant des outils pour aider à la décision et à la mise en œuvre de cette sédation.

Le texte vient d’être mis à jour pour préciser les modalités d’utilisation des médicaments, y compris hors AMM*, pour accompagner les patients en fin de vie par une sédation, et « qu’elle soit proportionnée, profonde, transitoire ou maintenue jusqu’au décès”

En réalité la HAS décrit donc les médicaments de la sédation et leurs modalités d’utilisation et élabore des recommandations sur l’« antalgie des douleurs rebelles et [les] pratiques sédatives chez l’adulte : prise en charge médicamenteuse en situations palliatives jusqu’en fin de vie » du fait qu’aucune molécule n’a actuellement d’AMM dans ces indications de pratiques sédatives.

Le Midazolam, actuellement disponible uniquement en milieu hospitalier, est le médicament recommandé en première intention pour la sédation.

Dans son communiqué du 10 février 2020, la HAS demande aux pouvoirs publics, sur la base de ces recommandations, de permettre la dispensation effective de ces médicaments aux médecins généralistes libéraux qui prennent en charge des patients en fin de vie à leur domicile.

*L’AMM (Autorisation de mise sur le marché) concerne les caractéristiques attribuées à un médicament et à son utilisation. Elle est accompagnée : du Résumé des Caractéristiques du Produit  (RCP) et de la notice pour le patient.

Qu’est-ce que le Midazolam ?

Le Midazolam, plus connu sous l’ancien nom commercial d’Hypnovel® est la seule benzodiazépine actuellement sur le marché avec un temps d’action extrêmement court. Les benzodiazépines sont des molécules utilisées en psychiatrie, contre l’anxiété essentiellement, en neurologie pour le traitement des épilepsies, en anesthésie-réanimation pour la sédation, en addictologie pour aider au sevrage de l’alcool…

Dans cette classe des benzodiazépines, les molécules comme le Lexomil®, Xanax®, Valium®, Rivotril®… sont bien connues.  Une des problématiques de ces molécules est leur durée d’élimination avec des demi-vies qui peuvent aller jusqu’à presque 7 voire 10 jours. L’intérêt du midazolam est d’être éliminé rapidement avec une demi-vie de l’ordre de deux heures, ce qui évite des risque d’accumulation et est un atout essentiel dans l’équilibre des traitements, particulièrement chez les sujets âgés, ou chez tout sujet présentant des décompensations organiques (cardiaques, respiratoires, hépathiques, rhénales…) que l’on peut voir en fin de vie. Il est donc pertinent d’utiliser le Midazolam.

Cela a même pu être recommandé, en fin de vie ou non, dans le cadre de réalisation de soins anxiogènes ou simplement pour lutter contre une anxiété souvent présente. Sur un plan pharmacologique, il est donc nécessaire de donner aux médecins généralistes l’accès au Midazolam. Cette molécule existait d’ailleurs en vente en officine sous la forme du Versed® jusqu’au 30 avril 2013.

L’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé)  recommande le Midazolam hors AMM en cas de réalisation de soins douloureux en complément d’un traitement antalgique, en raison de l’anxiolyse qu’il entraîne et de son effet amnésiant (accord professionnel).

Actuellement ce produit a reçu une AMM dans un contexte d’anesthésie. Le ministère de la santé a annoncé modifier l’AMM du Midazolam pour intégrer la sédation, ce qui provoque un amalgame entre ce produit et la sédation profonde et continue jusqu’au décès.

La sédation profonde et continue jusqu’au décès, une pratique exceptionnelle

La « sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès » est un traitement très exceptionnel qui était pratiqué par les professionnels, avant le vote de la loi fin de vie de 2016, en cas de souffrances réfractaires intolérables ne pouvant être soulagées par aucun autre moyen et lorsque le pronostic vital était engagé à court terme. Dans son principe, la sédation conduit à altérer la conscience du patient et le coupe de toute relation.

Les doses de sédatifs peuvent être proportionnelles à l’intensité des symptômes et réversibles. Les professionnels privilégient au maximum l’utilisation d’analgésiques permettant aux patients de garder leur conscience. A l’inverse, endormir un patient dont on sait qu’il ne se réveillera pas est difficile à vivre pour les proches comme pour les soignants. Le texte de la HAS, le précise très justement et prévoit un accompagnement spécifique des différents acteurs pour que ces situations, qui doivent demeurer exceptionnelles, ne soient pas banalisées.

La loi a prévu que le patient puisse avoir l’initiative de la demande de sédation. Couplée à l’arrêt ou la limitation de traitements ou de soins, dont la nutrition et l’hydratation, cette pratique comporte des risques de dérives euthanasiques dans son application. Alliance VITA les a dénoncées lors des débats sur la révision de la loi avec le mouvement Soulager mais pas tuer dont elle fait partie et qui rassemble également des professionnels de santé. Si les recommandations de la HAS tentent de lever les ambiguïtés, certaines persistent.

Ce que dit la loi

A la suite des recommandations de la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005 diligentée après l’affaire Chantal Sébire (2008), qui avait amené à une mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005, le code de déontologie avait été modifié et préconisait dans le §III de son article 37 : « (…), le médecin, même si la souffrance du patient ne peut pas être évaluée du fait de son état cérébral, met en œuvre les traitements, notamment antalgiques et sédatifs, permettant d’accompagner la personne (…). Il veille également à ce que l’entourage du patient soit informé de la situation et reçoive le soutien nécessaire. »

Le principe du maintien d’une sédation et cet article du Code de déontologie n’étaient pas explicitement repris dans la loi du 22 avril 2005.

La loi du 2 février 2016 a introduit la notion de  sédation profonde continue et maintenue jusqu’au décès dans des conditions très précises : à la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable. 

L’obstination déraisonnable est définie par la loi : elle correspond à des actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de soins qui ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. Deux ans après la promulgation de la loi, la HAS a publié en février 2018 un texte définissant les modalités de la sédation profonde continue maintenue jusqu’au décès.

Le temps nécessaire à la rédaction des recommandations de la HAS témoigne des difficultés d’appréciation des modalités concrètes d’une mise en oeuvre qui doit rester exceptionnelle et ne peut être banalisée.

 D’où vient la confusion ?

1/ Dans sa lettre au Syndicat des Médecins Libéraux, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn assimile le Midazolam à la sédation profonde et continue. Cela risque d’occulter sa réelle utilité pour l’orienter vers une pratique « banalisée », alors que ce type de sédation doit rester exceptionnel. 

Donner l’accès aujourd’hui au Midazolam après avoir voté la loi Claeys-Leonetti en février 2016 augmente le risque d’un glissement vers davantage d’euthanasies masquées.

2/ Par ailleurs, un médecin généraliste de Seine-Maritime a été accusé en décembre dernier par la justice d’avoir involontairement causé la mort de cinq personnes âgées en leur prescrivant du Midazolam, présenté comme un puissant sédatif réservé à un usage hospitalier.

Il s’était procuré illicitement ce produit auprès de sa femme, anesthésiste. La procédure étant en cours, il est difficile de se prononcer. Ce médecin a expliqué avoir utilisé ce produit anxiolytique pour soulager ses patients, pas pour les faire mourir : « En utilisant ce médicament, il ne s’agissait ni d’accélérer la mort, ni de prolonger inutilement le patient. Il s’agissait vraiment, au sens strict, d’un accompagnement qui permet au patient de rester chez lui et aussi à sa famille de pouvoir vivre le plus paisiblement possible ces moments qui sont toujours difficiles. »

La mise à disposition pour les médecins généralistes libéraux du Midazolam peut-elle entraîner une augmentation du nombre d’euthanasies masquées ?

Il ne devrait pas y avoir de relation de cause à effet. Sauf à réduire l’accompagnement de fin de vie à pratiquer une sédation jusqu’au décès. Grâce à la bonne utilisation de cette molécule, la qualité du soin devrait être améliorée. En l’occurrence, dans les cas de douleurs amplifiées par une anxiété majeure, l’emploi approprié du Midazolam peut permettre de réduire ce type de demandes « d’en finir », au demeurant très rares, souvent en lien avec une insuffisance de soins.

Le défi est davantage celui de la formation des médecins à l’utilisation de ce produit, des conditions d’une réelle collégialité en cas de son utilisation sédative. C’est le contexte de la loi Claeys-Leonetti qui entretient une certaine confusion.

 

 

Bioéthique : principales modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

Bioéthique : principales modifications adoptées par le Sénat en 1ère lecture

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Le Sénat a adopté la loi bioéthique à quelques voix près (153 voix pour, 143 contre) le 4 février 2020.

Entre tentatives d’améliorations qui peuvent être saluées et aggravations, l’économie du texte ne change pas fondamentalement.

Les sénateurs ont multiplié les votes contradictoires. A l’arrivée, ce texte demeure inacceptable, en raison des graves injustices qu’il fait peser sur les générations à venir en cédant à l’individualisme et au scientisme. Jamais un texte bioéthique n’a été aussi éloigné de l’éthique, qui se doit d’être garante des droits humains, de la protection de la vie, de son intégrité et de la dignité humaine.

Toutes ces nouvelles dispositions pourront être remises en cause par les députés en seconde lecture. Le texte modifié a été transmis à l’Assemblée nationale : la date de l’examen en seconde lecture n’est pas encore connue, sans doute courant avril 2020.

Maintien de la “PMA sans père”, sans remboursement

L’article 1 qui étend l’assistance médicale à la procréation (aussi couramment dénommée PMA) avec donneur aux femmes seules ou à deux, sans partenaire masculin, a été l’objet d’une longue discussion pour être finalement adopté avec des modifications notables déjà votées en commission spéciale pour certaines : le critère d’infertilité médicale a, en effet, été réintroduit en commission spéciale pour les couples composés d’un homme et d’une femme, assorti de la prise en charge par l’assurance maladie. En revanche, les sénateurs ont supprimé le remboursement de la PMA avec donneur pour les femmes seules ou en couple. La mention « nul n’a le droit à l’enfant » ajoutée à juste titre en amont de ce même article perd de son effectivité, avec l’adoption de la « PMA sans père ».

Dans ce contexte évolutif de la pratique de la PMA, des sénateurs ont plaidé en vain pour qu’une clause de conscience soit instaurée pour les médecins et personnels de santé qui ne souhaitent pas participer à sa pratique, quelles qu’en soient les raisons d’y recourir. De plus, la commission spéciale a supprimé la mesure d’instauration d’un plan national infertilité, introduite par les députés pour favoriser les recherches sur les causes de l’infertilité et leur prévention, au prétexte que cela ne relevait pas de la loi. L’infertilité étant un enjeu sanitaire majeur, cette focalisation sur les seules techniques de procréation artificielle, contraignantes physiquement et psychologiquement, pour la femme et le couple ne peut qu’interroger, alors que la moitié des couples qui y ont recours n’auront pas d’enfants.

Les sénateurs sont, par contre, revenus en séance sur le double-don de gamètes pour l’interdire. De même, les sénateurs ont adopté un amendement du gouvernement, pour que seuls les centres à but non lucratif soient autorisés à accueillir, stocker et congeler les embryons. Cette mention avait été supprimée en commission spéciale, porte ouverte à la mise en place progressive du marché de la procréation.

Suppression de l’autoconservation des gamètes

L’article 2 ouvrant l’autoconservation des ovocytes pour les femmes, sans raison médicale, pour procréer plus tard par fécondation in vitro a été rejeté.

Remise en cause de la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes

La levée de l’anonymat du don de gamètes, autre mesure phare de ce texte, a, par contre, été fortement remise en cause par le Sénat. Le texte de loi initial, voté en 1ere lecture par l’Assemblée nationale, prévoyait que le donneur devait consentir à lever son identité à la majorité de l’enfant s’il en fait la demande. Les sénateurs ont modifié cet article pour faire primer la volonté du donneur qui pourrait décider ou non de divulguer son identité au moment où l’enfant en ferait la demande. Cette modification majeure vide en partie l’effectivité de cette levée. Cela constitue une véritable bombe à retardement au détriment des enfants et une terrible hypocrisie.

Suppression de deux filiations maternelles

Concernant les règles d’établissement de la filiation dans le cadre de PMA réalisées par des couples de femmes, le texte de loi a été également largement modifié. Les sénateurs ont réécrit presque intégralement l’article. Le texte prévoyait originellement l’établissement d’une filiation par reconnaissance anticipée de deux « femmes ». Désormais, l’établissement de deux filiations maternelles ou paternelles à l’égard du même enfant est rendu impossible. Une distinction est opérée entre la femme qui accouche (automatiquement considérée comme mère de l’enfant) et l’autre femme (qui doit adopter l’enfant). Par ailleurs, les couples pacsés ou en concubinage peuvent désormais adopter, et la procédure d’adoption pour le deuxième conjoint serait facilitée.

Interdiction de retranscription à l’état civil – Gestation par Autrui (GPA)

La question de la Gestation par Autrui (GPA), qui avait été introduite en Commission spéciale, a été de nouveau évoquée. Si l’interdiction de la retranscription à l’état civil français des enfants nés de GPA à l’étranger a bien été maintenue (après avoir été adoptée par la Commission), un amendement de la rapporteur, Muriel Jourda, autorise en revanche la retranscription des jugements d’adoption, sans mention de l’injustice que constitue cette pratique. Pour rappel, une jurisprudence de la Cour de cassation avait récemment autorisé la retranscription automatique de ces actes de naissance, alors que la GPA constitue une fraude à la loi.

Les articles 5, 6 et 7, portant respectivement sur la greffe, le don de cellules souches hématopoïétiques et le consentement des personnes sous mesure de protection, ont été adoptés.

Principe de précaution bioéthique rejeté

En début de discussion, un amendement demandant d’inscrire un principe de précaution dans la loi a été rejeté. L’argumentation de la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, est révélatrice « le principe de précaution est à la fois un système d’évaluation et la mise en place de mesures proportionnées et provisoires en cas d’atteinte grave et irréversible. Or en matière de bioéthique je pense que nous nous interrogerions à l’infini sur ce qui est une atteinte grave et irréversible, nous aurions ici une difficulté. » C’est justement ce qui mobilise tous ceux qui alertent sur ce texte et c’est aussi ce qui justifie notre opposition.

Suppression des tests génétiques « récréatifs » et de dépistage pré-conceptionnel

Le Sénat a également voté la suppression des articles 10bis et 10ter, qui avaient été adoptés en Commission spéciale. L’article 10bis, à l’initiative du sénateur et rapporteur Olivier Henno (Groupe Union Centriste) ouvrait la possibilité d’avoir recours à des tests génétiques récréatifs. Le même sénateur avait déposé un amendement créant un article 10ter, pour permettre à des couples d’avoir recours à un dépistage préconceptionnel « à titre expérimental », c’est-à-dire une analyse des caractéristiques génétiques des deux membres d’un couple, sans raisons médicales préalables, afin de savoir s’ils sont « compatibles » ou s’il y a un risque potentiel de transmission d’une maladie génétique connue à leurs futurs enfants. Dans la loi actuelle, le dépistage préconceptionnel est très rarement pratiqué, seulement lorsqu’il existe des maladies génétiques héréditaires dans la famille. Défendant la suppression de cet article, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a déclaré : « Tout le monde se sentira obligé un jour de faire ce genre de test. […] cela donne l’image d’une société où le génome contrôle tout, où l’humain contrôle sa descendance, le mythe de générations futures indemnes. »

Suppression de création d’embryons transgéniques et chimères

Moins évoquée dans les médias, la recherche sur les embryons humains est pourtant un enjeu de taille du projet de loi. Les sénateurs ont finalement voté la suppression de l’article 17, qui autorisait la création d’embryons chimères et transgéniques. Alliance VITA a été lanceur d’alerte pour dénoncer la création de chimères, dans l’ignorance générale, alors que leurs promoteurs tentaient de dissimuler ce basculement derrière des changements de vocabulaire, tels que : l’introduction de cellules embryonnaires humaines ou de cellules souches pluripotentes induites (IPS) dans des embryons d’animaux..

D’autre part, le projet de loi entend autoriser la recherche sur les gamètes artificiels. Au Sénat, un amendement est venu préciser que les gamètes artificiels (créés à partir de cellules humaines reprogrammées, dites IPS, ou à partir de cellules souches embryonnaires humaines) ne peuvent pas être fécondés pour constituer un embryon.

Allongement du délai à 21 jours pour la recherche sur l’embryon

En revanche, toutes les demandes pour que soient limitées et davantage encadrées les recherches sur les cellules souches embryonnaires ou les embryons humains ont été rejetées. La recherche sur les cellules souches embryonnaires ne sera plus soumise qu’à déclaration, et non pas à demande d’autorisation préalable, comme si la provenance de ces cellules, un être humain au commencement de sa vie, n’avait plus d’importance. Quant aux pré-requis pour obtenir une autorisation de recherche sur l’embryon, ils n’ont de cesse d’être fragilisés à chaque révision de la loi. Le Sénat propose que ce qui « vise à améliorer la connaissance de la biologie humaine » devienne une raison suffisante ; nous sommes loin de l’exigence des progrès thérapeutiques majeurs exigés lors des premières autorisations accordées par la loi de 2004. Le Sénat propose que la recherche sur l’embryon humain soit autorisée jusqu’au 21ème jour, un stade de développement très avancé, d’un point de vue de la mise en place du système nerveux notamment. Les députés avaient voté 14 jours. La pratique actuelle est de 7 jours maximum, date symbolique majeure où l’embryon est implanté dans l’utérus maternel dans les conditions naturelles.

Rejet de l’extension du Diagnostic préimplantatoire (DPI)

Le DPI-HLA (aussi appelé « bébé médicament »), qui avait été réintroduit en commission spéciale après avoir été supprimé par l’Assemblée nationale, a été confirmé par les sénateurs, qui ont refusé la demande de suppression. Cette pratique hautement controversée éthiquement n’est plus pratiquée depuis 2014. Elle consiste à effectuer une double sélection d’embryons obtenus par fécondation in vitro : d’une part pour sélectionner les embryons indemnes de la maladie d’un membre d’une fratrie et d’autre part choisir parmi ceux-ci les embryons génétiquement compatibles avec lui, afin de greffer les cellules souches de cordon ombilical prélevées sur le nouveau-né à son ainé malade. La constitution de stock de cellules de sang de cordon, offrant une grande variété de typage, décidée lors de la dernière loi de bioéthique avait comme objectif notamment d’éviter cette pratique.

Par contre, le Sénat a voté la suppression de l’article 19ter, introduit par la Commission spéciale, qui rendait possible le DPI-A (le diagnostic préimplantatoire pour la recherche d’aneuploïdies, c’est-à-dire la recherches d’anomalies chromosomiques sur des embryons issus de Fécondation in vitro, dont la trisomie). Cette question est centrale, puisque cela aboutirait à multiplier le recours à cette pratique (moins de 200 enfants naissent chaque année après DPI) et à accroire l’eugénisme : la sélection d’embryons s’élargirait à des critères non héréditaires, et donc imprévisibles.

Clause de conscience revue, pour les médecins en cas d’Interruption médicale de grossesse (IMG)

Le Sénat en commission spéciale a supprimé la clause de conscience spécifique à l’IMG des personnels de santé dans la mesure où elle est assurée pour tout type d’interruption de grossesse (art. par l’art L2212-8 du code de la santé publique : « Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse pour motif médical. »). Concernant les médecins, la commission a retenu cependant la mesure contenue dans le texte du gouvernement, c’est à dire l’alignement sur la clause de conscience concernant l’IVG qui oblige à référer la patiente à un autre praticien. « Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption de grossesse pour motif médical mais il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention. ». Les sénateurs ont confirmé également la suppression de l’autorisation parentale pour les mineures et la suppression de la proposition d’un délai d’une semaine de réflexion, mesures contenues dans le projet de loi initial présenté par le gouvernement.

Supprimer la proposition d’un délai de réflexion d’une semaine pour avoir recours à une IMG, et ne plus exiger le consentement des parents pour les mineures, conduit à banaliser davantage un acte qui a de lourdes conséquences humaines et psychologiques, au détriment des alternatives que constituent l’accueil et la prise en charge des nouveau-nés malades ou handicapés et de leurs familles.

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Pour aller plus loin :

Réaction d’Alliance VITA au vote du PJL en 1ère lecture au Sénat

 

Décryptage du PJL voté en 1ère lecture à l’Assemblée nationale

 

GPA : décès d’une mère porteuse aux Etats-Unis

GPA : décès d’une mère porteuse aux Etats-Unis

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Michelle Reaves, une jeune femme américaine, est tragiquement décédée des suites de son accouchement, après une gestation effectuée pour un couple. C’était la deuxième fois que cette femme, mariée et mère de deux enfants, était engagée comme mère porteuse par le couple en question.

L’annonce de sa mort a été relayée grâce à la cagnotte en ligne lancée par une de ses amies, pour venir en aide à son mari veuf et ses enfants désormais orphelins de mère, et pour payer les frais des obsèques.

Ce cas rappelle ceux emblématiques de Premila Vaghela, une femme indienne également mariée et mère de deux enfants, décédée des suites de son accouchement après avoir servi de mère porteuse à une femme américaine, et de Brooke Browns, une américaine décédée suite à des complications de grossesse lors d’une GPA effectuée par un couple d’espagnols.

Rappelons que malgré l’interdiction de la GPA en France, la Cour de cassation a ordonné en décembre dernier la retranscription à l’état civil français des actes de naissance d’enfants nés à l’étranger par PMA avec tiers donneurs et par GPA.

Université de la vie 2020 : 4ème soirée “Prendre sa place”

Université de la vie 2020 : 4ème soirée “Prendre sa place”

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À l’occasion de la quatrième et dernière soirée de l’Université de la Vie organisée par Alliance VITA, les 8 500 participants à cette édition inédite se sont retrouvés dans près de 200 villes pour réfléchir au thème « Prendre sa place ».

Tugdual Derville a offert le premier enseignement de la soirée en évoquant Le sens de l’humanité. Pour le délégué général d’Alliance VITA, le monde moderne de l’individualisme intégral est en train de passer.  « A nous de construire le monde qui vient, en luttant contre l’idéologie par le retour au réel » car l’homme est un acteur de la société, un embellisseur, un réparateur du tissu social, appelé à faire preuve d’humanité.

François-Xavier Pérès, a ensuite proposé une réflexion sur la place de chacun, de manière à la fois très personnelle et collective. « Prendre sa place n’est pas simplement choisir le rouage qu’on souhaite être dans la grande machine de l’Histoire ou du monde. C’est bien plus riche que ça. C’est accomplir sa vie, dans toutes ses dimensions ». Pour le Président d’Alliance VITA, il faut joyeusement « tenir son poste en considérant comme une aventure, un devoir et un honneur d’être associé à la marche du monde ».

Caroline Roux a proposé un décodeur bioéthique sur la manière dont Alliance VITA prend sa place, en conjuguant trois appels : une action humanitaire à l’écoute des personnes confrontées aux épreuves de la vie, une expertise bioéthique et un engagement citoyen en solidarité avec les plus fragiles. Pour la déléguée générale adjointe d’Alliance VITA, « Pour prendre notre place, trois attitudes sont essentielles : s’enraciner dans le réel, agir dans la durée sans se décourager, se relier et avoir de l’audace. »

Les grands témoins de la soirée, Thierry et Frédérique Veyron la Croix, ont parlé de leur engagement au sein de l’association « Maison des familles » qu’ils ont fondée. Ils ont suivi leur appel et leur intuition à offrir un lieu incarné pour éduquer à la vie affective et relationnelle, à tous les âges de la vie. Cette association propose un accompagnement des familles, des couples, mais aussi des enfants et des jeunes, et propose des formations à la communication, à l’estime de soi, à la gestion des conflits. Devenue désormais fédération, de nombreuses maisons des familles ouvrent en France. Par leur exemple simple, incarné et engagé, Ils ont encouragé les participants : « Prenez le soin de ralentir, de creuser en vous, de savoir là où vous vous sentez appelés »

Pour la dernière intervention de la soirée, Blanche Streb a proposé six clés pour prendre sa place. Pour la directrice de la formation et de la recherche d’Alliance VITA, « l’enjeu n’est pas tant de créer ou d’inventer de toutes pièces notre mission, mais de laisser la place, en nous, pour se laisser révéler notre mission ». L’auteur de “Eclats de vie” (Emmanuel, 2019) a conclu ce cycle de formation par cet envoi : « Ce que nous apportons à la vie, c’est cela qui donne du sens à notre vie. Peut-être que nous ne comprendrons jamais pleinement quel est le sens de la vie, ou de notre vie. Mais si c’était la Vie, le sens ? »

Au terme de quatre belles soirées d’enseignement et de témoignages autour du thème du sens de la vie, les participants sont invités à partager une cinquième soirée, facultative, pour rencontrer les équipes locales du réseau d’Alliance VITA.

Certaines des interventions de cette Université de la vie « QUEL SENS A LA VIE » sont disponibles dans la médiathèque du site et sur la page YouTube d’Alliance VITA.

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© Benjamin Rémon

[CP] PJL Bioéthique: Alliance VITA dénonce le vote transgressif du Sénat

[CP] PJL Bioéthique: Alliance VITA dénonce le vote transgressif du Sénat

senat

 

Ce 4 février 2020, le Sénat a voté en séance plénière le projet de loi bioéthique. Néanmoins, ce texte ne mérite pas d’être appelé bioéthique. Il remet en cause les droits des plus fragiles de notre société, en ignorant des principes fondamentaux d’écologie humaine.

Alliance VITA avait pourtant explicité les contradictions et injustices de ce texte :

Comment affirmer que « nul n’a droit à l’enfant », et à l’article suivant étendre la PMA avec donneur à toute femme sans partenaire masculin, instituant de facto une « PMA sans père » tout en contenant son recours pour les couples homme/femme, uniquement pour des raisons médicales ? Il n’y a plus aucune logique, et les couples confrontés à l’infertilité sont paradoxalement les plus discriminés. Pire, l’instauration d’un plan national infertilité, introduit à l’Assemblée nationale pour la recherche des causes et la prévention de l’infertilité, a été supprimé.

Comment prétendre à la levée de l’anonymat du don de gamètes et faire dépendre du bon vouloir du donneur la divulgation de son identité quand l’enfant le demandera à sa majorité ? C’est une véritable bombe à retardement au détriment des enfants et une terrible hypocrisie.

Comment concilier le respect dû au traitement de l’embryon humain avec, à juste titre, l’interdiction de la levée de l’interdit de la création d’embryons transgéniques et chimériques, tout en allongeant la durée de recherche sur l’embryon humain à 21 jours ?
Enfin, si les sénateurs ont rejeté la mesure ultra eugénique de DPI-A, ils ont réintroduit le DPI-HLA, ou bébé médicament, qui avait été supprimé à juste titre par les députés. Ce refus de supprimer une mesure antérieure signe l’incapacité d’évaluer la loi et de revenir sur des choix particulièrement contraires à l’éthique.

 

Pour Caroline Roux, déléguée générale adjointe d’Alliance VITA :

“Les débats au Sénat ont enfin fait la lumière sur les enjeux de ce projet de loi et sur ses dangers. A plus grande distance du parti présidentiel, de nombreux experts de multiples sensibilités politiques, ont dénoncé les graves entorses à l’éthique du projet de loi. Les sénateurs ont multiplié les votes contradictoires, prouvant si c’était encore nécessaire que le relativisme en matière bioéthique tend à dissoudre l’éthique. A l’arrivée, ce texte est inacceptable en raison des graves injustices qu’il fait peser sur les générations à venir en cédant à l’individualisme et au scientisme. Nous nous battrons pour que le processus parlementaire, qui n’est pas achevé, n’aboutisse pas à ce résultat. Les équipes d’Alliance VITA seront présentes sur tout le territoire national pour poursuivre leur travail d’information, d’alerte et de mobilisation.”

Belgique : l’euthanasie en procès

Belgique : l’euthanasie en procès

proces belgique

 

Dans la nuit du 30 au 31 janvier, a été prononcé le verdict du procès de trois médecins belges, qui avaient euthanasié la jeune Tine Nys en 2010 alors qu’elle endurait des souffrances psychiques : ils sont tous les trois acquittés.

Ce procès, que la presse belge nomme « le procès de l’euthanasie » a été le premier du genre depuis sa légalisation en Belgique en 2002. Il s’était ouvert le 17 janvier à la Cour d’assises de Gand.

Tine Nys souffrait d’une dépression à la suite d’une rupture sentimentale qui avait entraîné chez elle un comportement suicidaire ; elle avait alors demandé l’euthanasie à son médecin, la Belgique étant l’un des rares pays au monde qui autorisent l’euthanasie dans les cas de souffrances psychiques.

Selon la loi belge, l’intervention requiert l’accord de trois médecins qui doivent certifier que la demande du patient est claire, volontaire et réfléchie ; la personne qui demande l’euthanasie doit se trouver dans « une situation médicale sans issue et un état de souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable ».

A la suite de l’euthanasie de Tine Nys, sa famille s’était constituée partie civile, tandis que le ministère public estimait également que les conditions de la loi sur l’euthanasie n’avaient pas été respectées. L’’indépendance des médecins, entre autres, était remise en cause. La famille reprochait aux médecins d’avoir pris une décision hâtive et précipitée, d’autant plus qu’un diagnostic d’autisme venait tout juste d’être rendu en ce qui concernait Tine Nys, deux mois avant son euthanasie, alors qu’elle n’avait même pas été traitée pour cette maladie.

Certains témoignages entendus pendant le procès tendent à remettre en question les parties de la loi belge qui permettent l’euthanasie dans le cas de maladies psychiatriques. « On ne peut jamais être sûr que la situation d’un patient psychiatrique est sans espoir » a déclaré le neuropsychiatre, Ivo Uyttendaele, ex-président de l’Ordre des médecins.

Ariane Bazan, professeur de psychologie clinique à l’Université libre de Bruxelles, qui a témoigné au procès en faveur des familles, considère que le devoir d’informer le patient de son droit à l’euthanasie, qui incombe au personnel médical, nuit souvent aux traitements psychologiques. « Dans ce domaine, il n’est jamais possible de dire à un patient qu’aucun traitement n’est plus possible. Il y a toujours un traitement possible. La possibilité de l’euthanasie sabote même notre capacité de traiter les patients les plus fragiles. Car elle les incite à en finir plutôt qu’à persévérer. Or, la clé d’un traitement, c’est de garder espoir ».

Alors que de nombreuses initiatives fleurissent un peu partout dans le monde pour prévenir le suicide, telles que des journées ou des semaines de prévention du suicide, la société belge se trouve en porte-à-faux : quel message est envoyé aux personnes suicidaires lorsqu’elle propose l’euthanasie aux personnes souffrant de troubles psychiques ?

Selon Carine Brochier de l’Institut européen de bioéthique, « la loi est devenue incontrôlable. On a commencé par les patients en phase terminale. On l’a ensuite élargie aux personnes âgées souffrant de plusieurs pathologies. Ensuite aux personnes menacées de démence, puisqu’une fois la démence en place, l’application de la loi n’est plus possible. Enfin, à la détresse psychologique. On ne s’est pas rendu compte de ce qu’on faisait ».

[CP] PJL Bioéthique au Sénat : Alliance VITA prévoit de nouvelles mobilisations

[CP] PJL Bioéthique au Sénat : Alliance VITA prévoit de nouvelles mobilisations

bioethique

 

L’examen, par le Sénat, des articles de la loi bioéthique, qui vient de se terminer, démontre que cette loi est impossible à amender correctement.

Le projet de loi doit être voté solennellement le 4 février prochain. Jamais un texte bioéthique n’a été aussi éloigné de l’éthique, qui se doit d’être garante des droits humains, de la protection de la vie et de la dignité humaine.

Pour Caroline Roux, déléguée générale adjointe d’Alliance VITA :

Les sénateurs aboutissent à un texte contradictoire qui consacre une éthique à géométrie variable. Si des tentatives peuvent être saluées pour amender le texte, les sénateurs ne sont pas parvenus à revoir l’économie globale de cette loi : elle produit de nouvelles injustices et discriminations.

Pour Alliance VITA, cette loi est incohérente.

 

  • Comment affirmer que « nul n’a droit à l’enfant », et à l’article suivant étendre la PMA avec donneur à toute femme sans partenaire masculin, instituant de facto une « PMA sans père » tout en contenant son recours pour les couples homme/femme, uniquement pour des raisons médicales ? Il n’y a plus aucune logique, et les couples confrontés à l’infertilité sont paradoxalement les plus discriminés. Pire, l’instauration d’un plan national infertilité, introduit à l’Assemblée nationale pour la recherche des causes et la prévention de l’infertilité, a été supprimé.
  • Comment prétendre à la levée de l’anonymat du don de gamètes et faire dépendre du bon vouloir du donneur la divulgation de son identité quand l’enfant le demandera à sa majorité ? C’est une véritable bombe à retardement au détriment des enfants et une terrible hypocrisie.
  • Comment concilier le respect dû au traitement de l’embryon humain avec, à juste titre, l’interdiction de la levée de l’interdit de la création d’embryons transgéniques et chimériques, tout en allongeant la durée de recherche sur l’embryon humain à 21 jours ?
  • Enfin, si les sénateurs ont rejeté la mesure ultra eugénique de DPI-A, ils ont réintroduit le DPI-HLA, ou bébé médicament, qui avait été supprimé à juste titre par les députés. Ce refus de supprimer une mesure antérieure signe l’incapacité d’évaluer la loi et de revenir sur des choix particulièrement contraires à l’éthique.

Pour Tugdual Derville, délégué général de l’association :

Ce résultat confirme les alertes que nous avons lancées dès le début du processus de cette révision et qui sont désormais largement reconnues après avoir été ignorées. A ce stade, la loi reste profondément régressive. Les sénateurs, habituellement présentés pour leur sagesse, ont une grave responsabilité devant les générations futures. S’ils votent ce texte en l’état, nous demanderons à l’Assemblée nationale de l’améliorer en seconde lecture ou au gouvernement de le retirer. Nous poursuivrons, sous de multiples formes notre mobilisation, au nom des générations futures.

 

Université de la vie 2020 : 3ème soirée sur le thème “Progresser”

Université de la vie 2020 : 3ème soirée sur le thème “Progresser”

udv2020 3eseance

 

Les 8 300 participants de l’Université de la vie d’Alliance VITA se sont retrouvés dans plus de 200 villes en France et à l’étranger pour la troisième soirée du cycle de formation, sur le thème « Progresser ».

Jean-Noël Dumont, philosophe et enseignant, a ouvert la soirée en parlant du progrès personnel, du progrès collectif et du progressisme. « Le progrès fait passer du subi au voulu ; la naissance et la mort deviennent pour nous des choix possibles, maintenant placés du côté de la puissance. Mais garderai-je le souvenir du plus faible ? » a-t-il interrogé.

Blanche Streb, directrice de la formation et de la recherche d’Alliance VITA, et auteur du livre Bébés sur mesure – Le Monde des meilleurs (Artège, 2018) a ensuite questionné le sens du progrès en bioéthique. « Les découvertes scientifiques utilisées à bon escient constituent au contraire une occasion de croissance pour tous. Progresser : c’est notre vocation personnelle et collective. Mais l’immense progrès technologique ne s’accompagne pas suffisamment du progrès de l’être humain en responsabilité, en valeurs et en conscience ».

Valérie Boulanger, responsable du service d’information et d’écoute SOS Bébé, a proposé un décodeur sur la dynamique des réseaux qui permettent la mise en commun et le partage de compétences, pour trouver des solutions ajustées. « Il est bon de voir des personnes faire progresser le champ des possibles. La culture de vie passe par cette mise en réseaux. Nous pouvons en être les relais et les faciliter. »

Le docteur Laure Lallemand, médecin, logothérapeute et formée aux NaProTechnologies était le grand témoin de la soirée. Elle a parlé de la logothérapie comme méthode d’accompagnement qui regarde l’homme dans toutes ses dimensions et lui permet de se dépasser et de faire des choix. Il faut passer de « qu’est-ce que j’attends de la vie » à « qu’est-ce que la vie attend de moi » ?

Caroline Roux, déléguée générale adjointe d’Alliance VITA, a conclu la soirée en offrant des « clés pour progresser. » Face à la vitesse des progrès technologiques, Caroline Roux a appelé à « revenir au réel » ainsi qu’à « cultiver l’intériorité. »

Rendez-vous le 3 février pour la dernière soirée « Prendre sa place. »

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© Benjamin Rémon